L'auteur : Mustang
La course : Trail d'Ecouves - 61 km
Date : 7/6/2009
Lieu : Radon (Orne)
Affichage : 2813 vues
Distance : 61km
Objectif : Pas d'objectif
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Moderato cantabile
Franck de mon club me l’a dit « tu n’es pas raisonnable, Phil, tu n’es pas raisonnable ! ». Effectivement, Ecouves est le quatrième ultra en 3 mois ! Mais voilà, des défis, des engagements, de la fidélité, des amitiés font plus que raison ! Ben, non, j’suis pas raisonnable !!
Cela fait des mois que je prépare ce rendez-vous pour les kikous ! La journée du samedi a été mémorable ! Ce dimanche matin, c’est Breizhman qui nous conduit, GGO et moi sur le terrain de la Saint-Jean. Déjà beaucoup de monde. Je suis équipé façon, euh façon… bref, ça impressionne. C’est que je veux, c’est avoir le max d’eau avec moi. De ce côté-là, je vais être servi ! Donc, j’ai pris ma plus grande poche à eau remplie avec de la boisson isotonique et sur ma sacoche avant, j’ai glissé une bouteille de St-Yorre, histoire d’avoir de l’eau salée afin de ne pas renouveler ma perf de la Drôme ! Hihi ! J’ai également accroché à côté de l’effigie de Séverine, une petite girafe en peluche !
Cool, chacun joue un peu les kékés. Ca sent l’excitation !!! Bon, de la bonne humeur avant le départ, c’est tout bon ! Gérard annonce plus de 160 concurrents au départ du 61. Le pari est gagné. Le soleil est là ! 8h30, c’est parti ; d’abord un tour d’honneur avant d’emprunter un petit chemin. Oh ! Ce tour me laisse perplexe !! Je ne suis pas du tout dedans ! Ça promet.
Bon, Toujours est-il que le peloton s’étire dans ce chemin inondé par les pluies de la veille. Allez zou, plein milieu sous les huées des autres qui râlent à cause des éclaboussures. S’ils savaient ce qui les attend ! Le raidillon en lacet se passe bien mais je m’aperçois que j’ai oublié des piles de rechange pour mon MP3 ! Un coup de fil à Mireille pour qu’elle me donne ça au prochain ravito. Zut, j’ai oublié également de lui dire de mettre une serviette dans mon sac de change. Re-coup de tel ! Ah, ce matin, je suis encore parti à l’arrache ! Un autre long raidillon et ma première impression se confirme. Pas de jus, mais rien de rien, vide de chez vide ! Mais ici, qui va me faire le plein ?Philippe, le pompier d’Ecouché m’incite à passer devant lui, me connaissant. Je lui dis que je comptais boucler le tour en 6h30 mais là, je me rajoute une heure ! Je ne suis pas dans la merde, moi ! Je dirais même que je suis très disappointed *! Pascal veut courir avec moi mais je lui dis de filer ! La Mouette me passe en trombe ! Aurait-il le Lutin aux trousses ??
Pour l’instant, je mets un pied devant l’autre en trottinant. La bouteille que j’ai sur le devant de mon sac, m’occasionne une gène en tapant contre mon ventre. J’ai ma musique dans les oreilles. Le soleil brille pour l’instant mais ce n’est pas le plaisir. Je ne sais pas trop comment gérer cette déconvenue. Certes, je ne suis pas dans l’état d’esprit de l’an dernier quand le crabe m’avait invité à sa table, mais j’aurais bien aimé être bien ici, cette année. Enfin, honnêtement, avec tout ce que j’ai déjà couru depuis le début de l’année, ce n’est pas surprenant. Je sens que ça va être dur. Je songe déjà, fataliste, à m’arrêter à la Verrerie. Pour l’instant, le paysage défile. Les coureurs aussi devant moi ! C’est l’arrivée au parc animalier après avoir franchi un profond fossé où coule un ruisseau. Notre passage ne dérange pas les animaux dans les enclos, même pas le chameau rasta. Tiens, Wihl n’est pas là pour les photos comme chaque année ! Ah, si ! Il s’est planqué à la sortie. Je lui fais un sourire de circonstance. Itou pour les signaleurs que je connais. Je me laisse guider par l’itinéraire balisé d’une manière remarquable même si je connais le parcours par coeur. Par endroit, c’est pas mal gadouilleux avec des ornières. A un croisement de route, je m’arrête pour faire la conversation avec Momo et Francky, respectivement président et secrétaire de mon club d’athlé, qui font ici les signaleurs ! Ah, le regard désapprobateur de Francky « Toi, filou, tu es encore en train de faire le couillon ! » doit-il penser !
Je repars et c’est à ce moment que Jean-Marie me passe, étonné de me voir là ! Ben voyons ! Il est entre deux ultras, la Drôme le mois dernier et le Mercantour dans 15 jours. Là, il est en rando !! Après le carrefour de la Branloire, je n’ai pas vraiment de plaisir à courir même en solitaire comme j’affectionne, je continue cependant. Badgone, ce n’est pas vrai, j’aime courir en compagnie !!!! Mais qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour un jeu de mots pourri ! Après une large sommière, le parcours vire à gauche dans la pente. Tranquillou, je marche. Je me retourne et aperçois un gnome rouge. Tiens, il est là, lui ! Je le croyais devant ! Par politesse, je le félicite sur son allure. Je vois bien qu’il se rengorge sous mes compliments. Tiens, pendant qu’il est là, je vais téléphoner à Béné38 qui est dans le Vercors au trail du Pic Saint-Michel. Je commence la conversation avec Béné et file ensuite le tel au Lutin. Je repends ensuite mon engin, enfin, je veux dire mon gsm ! Pendant que je le range dans ma pochette, l’autre se tire ! Ah, quelle mentalité ! Soudain, j’entends une cavalcade derrière moi, ce sont les premiers du 33 qui galopent.
hum, avec le soutien de Marioune, comment ne pas repartir?
Mine de rien, ça avance. Je suis en vue du premier ravito à la Verrerie du Gast. Au bas de la pelouse bien tondue, j’aperçois des figures familières. Mireille en compagnie de Marioune. A côté d’eux, Bernard le président de la FSGT surveille ses troupes ! Je sacrifie aux vœux de la photographe. Une photo avec Marioune. Je me souviens de notre première rencontre au premier étage de la tour Eiffel en mars dernier lors de l’arrivée de l’Ecotrail. Un grand souvenir ! Mais là, je ne suis pas arrivé ! Je prends un peu de temps mais il faut bien repartir. Tiens, au fait, oui, je repars. Ah, bon, qui c’est qui a décidé ça ??? Humm, pas trop démocratique ça ! Il aurait fallu voter ! Toujours est-il que je me retrouve à trotter à l’insu de mon plein gré dans le parc de la belle demeure. Un arrêt au stand pour me goinfrer d’abricots secs. Je contourne le grand pré. La vue est superbe. Je retrouve Wilh planqué derrière son appareil photo. Soudain, je me sens comme un coup de mieux. Ce ne sont quand même pas les chevaux qui galopent dans le pré qui m’ont donné un peu d’influx. Et bien, autant en profiter, si bien que je trottine dans la montée qui mène au plus haut des sommets de l’Ouest, Na ! Voilà, il y a 15 jours, je faisais le con sur la borne !
Voilà, voilou, la portion qui s’annonce est particulièrement pourrave avec la pluie et le débardage. Nous y sommes passés il y a deux semaines ! Tiens, voilà que j’aperçois Pascal. Il commence à avoir un coup de moins bien. Ça crapahute dur dans les ornières, le hors piste, le chemin inondé ! A la limite, je suis plus à l’aise là-dedans que sur du beau chemin. Les 33 nous quittent à ce moment et je file vers une sente à mi-pente d’un vallon. Pas la peine que je m’en fasse pour le parcours à venir, j’en connais le moindre mètre. Je l’ai fait même de nuit ! Il y a deux gars devant moi. Cela me faut toujours un point de repère ! C’est dans cet endroit familier, non loin de Pierre-Chien, que je me pose des questions existentielles ! C’est bien le moment ! Qu’est-ce qui me pousse à avancer ? Sûrement pas le corps, sûrement pas le corps ! L’esprit, c’est l’esprit. Mon corps refuse. Mais quoi ! L’esprit. La forêt aussi. Le soleil est revenu. C’est superbe, je suis seul. C’est dur, très dur ! J’avance, j’ai envie d’avancer. Pourquoi ? Pourquoi aussi s’arrêter ? La musique est superbe, je trottine, je suis au km 37. Bientôt au rocher d’escalade. Je suis bien là où je suis ! La musique est bonne. Le soleil. J’avance. Les oiseaux. La forêt. L’idée d’avancer. L’idée d’avancer. Voilà, j’avance. C’est ce qu’il y a de mieux, avancer ! Je grimpe maintenant. J’aime, j’aime cette sensation. J’aime cette sensation ! Maintenant, mon corps est d’accord, mon corps est d’accord. Les Doors dans les oreilles, ouais, on y va. C’est beau. Peu importe le temps, peu importe la place ! J’avance maintenant dans les herbes. Que c’est beau ! Quelle sensation étrange, enthousiasmante, exaltante ! Allez ! Le soleil revient ! J’avance. J’avance.
Après les herbes, ce sont les ronces de Pierre-Chien puis une belle descente vers un ruisseau qu’il faut franchir. Je m’arrête sur la route pour discuter un moment avec Claude le signaleur, toujours fidèle. Il ne court pratiquement plus, notre ancien facteur ! Mais il a toujours la passion ! Je l’impressionne avec mon harnachement ! J’aperçois rangée sur l’accotement la voiture familiale. Mireille doit être en haut de la cheminée à tirer le portrait des traileurs. Toujours à la frime, dans la montée, j’annonce mon arrivée par un grand cri ! Dommage qu’elle soit si courte cette cheminée ! Non loin de là, il y a une belle dalle rocheuse bien inclinée d’une soixante de mètres de long, ça serait sympa à gravir. Faudra que j’en parle à Gégé et à Claude ! Le ravito est là. Jean-François a ressorti sa cape-pluie ! Petit moment de causette avec tout le monde et je repars en marchant car ça grimpe encore un bon bout de temps. Puis ce sera une superbe longue descente. Il pleut des seaux ! Je m’arrête pour planquer mon appareil photo dans mon sac ! Mince, je n’ai pris aucune photo ! A la route de Fontenai-les-Louvets, malgré la pluie battante, arrêt pour tailler une bavette avec Yves, lui aussi à l’abri avec une cape-pluie. Le ciel prend le deuil. Je repars. Dans la longue descente vers les étangs, un éclair fulgurant… même pas le temps de compter, c’est pô juste ! Ça explose à quelques dizaines de mètres sur ma droite ! Y a suffisamment d’arbres autour de moi pour que la probabilité de faire foudroyer soit infime ! Ah les statistiques ! Mireille serait à mes côtés, j’aurais déjà ses dix ongles enfoncés dans mes bras ! En bas, un signaleur indique le parcours car le même abruti d’il y a deux ans à virer la rubalise. Peut-être le proprio des étangs qui n’aime pas que les coureurs viennent déranger ses canards ?
Je suis encore loin de l’arrivée, mais pour moi, quand je suis ici, hummm, ça sent le retour !!! C’est du tout bon !! Je trottine même dans la pente !! Enfin, un peu ! Faut pas exagérer. Le téléphone sonne, c’est un message de Béné mais je n’ai plus de réseau . Sur la sommière des Arcis, on tourne plus tôt que prévu ! Ah, une petite variante bien sympa. Il y en aura une autre tout à l’heure sur St-Nicolas-des-Bois. Ils nous font enfin prendre ce sympathique chemin en lisière ! J’aime bien ! Au Frou, le signaleur à l’abri sous son pépin m’indique qu’on fait un bien foutu métier ! Puis c’est la remontée vers Le Chêne-Verdier. Au ravito, chouette accueil des bénévoles trempés ! Il y en un qui me trouve même un bout d’abricot sous la bâche ! Et en cherchant bien, des morceaux de bananes ! Que demande le peuple ! Je repars gonflé à bloc ! Mais c’est vrai en plus ! Dans la descente vers le Vignage, je m’emballe et commence à doubler des concurrents. Héhé !! Vanité, tout n’est que vanité ! Peut-être mais ça marche aussi pour le moral et l’estime de soi. Se vautrer dans la boue comme un certain, ça vaut un moment mais quand on en sort, ce n’est pas plus mal. Sur la route de Médavy, là encore pas de surprise ! ce sont les mêmes signaleurs : le gars Claude de Multonne et sa Mireille à lui qui me donne la main pour me hisser sur la route ! Je continue avec le moral au beau fixe. C’est que maintenant je cours, même dans les côtes ! Il reste 5 km environ. Une descente puis une remontée dans la fange avant de tourner à droite dans un fourré. A son débouché, sur la sommière, non ! Non ! NON ! Sois humble ! Sois humble ! Sois humble ! Je me revois au trail de Grimbosq, il y a déjà quelques années quand j’étais à sa poursuite pour gagner la deuxième place du challenge des trails bas-normands. Mais là, il a l’air vraiment entamé ! Je le suis dans la descente, juste dans ses pas. A l’amorce de la remontée, il s’arrête pour marcher ! C’est le moment que je choisis pour l’empoigner et l’entraîner. Il est surpris ! Il me croyait mort ! Nous aurions été à une dizaine de km de l’arrivée, évidemment, je l’aurais déposé là comme un étron, mais, ici à deux-trois bornes ! C’est bien plus sympa de finir ensemble ! Mais j’ai du le mettre un peu en surchauffe. Moi, par contre, je suis en pleine forme ! Va comprendre ! Les dernières centaines de mètres ! Dans le chemin encore plus inondé que le matin, j’appelle Béné pour lui commenter notre arrivée mémorable. Mais je n’ai que son répondeur ! Tant pis, je lui raconte cette arrivée, assez ému même très ému car je n’arrive pas à finir ma phrase, les mots restant coincés dans le gosier ! Nous arrivons. Je crois que c’est une de mes plus belles arrivées. Tous les amis, TOUS les amis sont là ! Rideau !
* en français, déçu
15 commentaires
Commentaire de CROCS-MAN posté le 16-06-2009 à 06:57:00
La GRANDE CLASSE l'ami Mustang,BRAVO pour ta course, ta sportivité, et ton sens de la camaraderie.
Merci pour ce super récit.Il a de la chance le petit en rouge.
Commentaire de Françoise 84 posté le 16-06-2009 à 12:25:00
Et bien ça, c'est de la gestion de course!!! (même si ce n'était pas forcément volontaire!) Bravo, merci pour ce beau récit, et repose toi maintenant!!
Commentaire de c2 posté le 16-06-2009 à 20:31:00
Question arbres j'ai beaucoup appris en Ecouvie.
J'apprends grâce à toi aussi en géographie
Comme les futurs, fin août, sur "les traces des ducs de Savoie" passeront, peut-être sans le savoir,à côté du café de Lancebranlette avant le col du petit Saint-Bernard, je suis passé sur tes terres au carrefour de la Branloire comme tu le mentionnes si délicatement là aussi sans m'en rendre compte. Etonnant!!
Merci pour le CR et la bonne humeur générale.
Commentaire de zakkarri posté le 16-06-2009 à 20:40:00
Un mustang en grande forme bravo !!!
Commentaire de RogerRunner13 posté le 16-06-2009 à 21:21:00
Merci pour ce beau récit tout en nuances et belle gastion de course, bravo et bonne récupération.
Commentaire de LtBlueb posté le 16-06-2009 à 22:35:00
un récit comme je les aime . Merci à toi Mustang !
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 16-06-2009 à 23:35:00
Je l'aurai un jour, je l'aurai !!!
Commentaire de taz28 posté le 17-06-2009 à 08:22:00
Du grand Philippe dans la forme et dans l'expression !!
Merci pour ce récit qui décrit si bien ta course et ton bonheur ....
Bisous Mustang
Taz
Commentaire de Khanardô posté le 17-06-2009 à 10:46:00
Tu es un sacré bonhomme Philippe. Merci pour tout.
(Et bravo aussi quand-même)
Commentaire de domdom g posté le 17-06-2009 à 16:20:00
merci pour ce sympatique recit et bravo pour ta course.et encore merci pour ce super week end.
amicalement
dominique
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 17-06-2009 à 19:37:00
PFFFF ! Il a même un commentaire du Khanard ! Toujours tout pour les mêmes !
Je l'aurai un jour !!!
Commentaire de marioune posté le 17-06-2009 à 21:59:00
Mustang tu as fait un sacré retour!! Je te revois au 32, changeant tes piles d'un air presque démotivé. Mais je te "connaisé, comprends, ce regard en haut de le tour eiffel, une énergie folle....et ce gatosport au boudin te fournit ce deuxième souffle et hop tu t'envoles et sauve le lutin qui dépoutre... bisous
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 17-06-2009 à 23:03:00
Le Mustang, c'est le meilleur, c'est vrai, mais moi j'suis le plus méchant, na !
Commentaire de francois 91410 posté le 18-06-2009 à 19:44:00
bravo phil pour cette course, et merci pour ce bonheur partagé sur tes terres !
François
Commentaire de béné38 posté le 20-06-2009 à 00:05:00
Merci Philippe, et bravo.
C\'était très sympa ce duplex, à refaire.
Bises
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