AldeBleau a écrit:Peu-être aussi parce que les "classiques", malgré leur indéniable exigence sur le plan purement physique, manquent de ce "supplément d'âme" et d'engagement intégral qu'exige l'ultra ou la course alpine, où adaptation du matériel, optimisation de l'hydratation, gestion de la fatigue, des conditions climatiques, des aléas musculaires ou digestifs, et surtout de la capacité de "distanciation" face à l'effort, de relance, bref, de force mentale, sont les attrait fondamentaux du "long et de l'ultra-long"...
Connais-tu l’athlétisme ? As-tu vu une compétition au bord d'une piste ? As-tu assisté à des séances d'entraînement de haut niveau ? As-tu couru toi même ?
L'une des séances d'entraînement 800 m de Pierre Ambroise Bosse : 300 m / 250 m / 200 m / 150 m. Les 300 m à allure moyenne 800 m record soit 12"75 au 100 m, donc 38"25 sur 300 m. Puis 250 m en 12"50 au 100 m soit 31"25. Puis 200 m en 12" au 100 m, soit 24". Et enfin 150 m en 11"75, soit 17"62. Il termine cette séance totalement détruit, il faut un énorme mental pour ne pas se laisser un peu aller sur les deux dernières séquences qui sont épouvantables. Les temps doivent être précis au 1/10 de seconde, c'est comme une partition, sinon le jour du concert (la compétition), ce sera la cacophonie. Pour rester dans la comparaison musicale, il y a beaucoup de gammes, mais aussi de la PPS et de la PPG bien sûr. Le jour de la course il faut une concentration de tous les instants pour bien se positionner, résister aux coups de coude et autres bousculades et ne pas se laisser enfermer. Voir la course des championnats du monde de 2017 par exemple. Et, selon le profil du coureur, entre 520 et 580 m, il faut mobiliser toutes ses ressources mentales pour ne pas laisser filer des dixièmes de secondes qui feront la différence à l'arrivée et résister à cet envahissement de lactates dans tout le corps, avec la sensation que le cœur va exploser et cette envie de vomir qui monte, qui monte, qui monte...
Un petit tour avec Mahiedine Mekhissi sur 3 000 m steeple ?
140 km hebdomadaires en moyenne, un peu plus à certaines périodes (160 km probablement), vers 120 km à d'autres moments.
Une séance qui fait mal mais qui fait du bien pour le résultat en course : 2000 m / 1600 m / 1200 m / 800 m / 400 m en 5’45" / 4’30" / 3’15" / 2’10" et 58" avec récupération sur un tour de piste en environ 1'45".
De la PPS spécifique pour les passage d'obstacles, à base de répétition de sauts pieds joints sur des modules de gymnastique culminant à 120 cm du sol et des passages de barrière en séances spécifiques de course à pied. Il en faut de la force mentale, de l'engagement et de l'abnégation lorsque les poumons sont en feu, le cœur en fusion et les jambes brûlantes, pour relancer sur les 5 passages de la rivière, seule barrière où il pose le pied.
Lorsque Kenenisa Bekele s'est lancé sur marathon (Paris en avril 2014), je lui avais demandé ce qu'il trouvait de différent de ses entraînements orientés 5 000 et 10 000 m. En résumé sa réponse était qu'il trouvait cela plus facile, certes il effectuait un kilométrage hebdomadaire supérieur, mais des allures moins intenses et c'était plus diversifié. Et sur un effort d'un peu plus de 2 heures, la nécessité d'être mentalement " en prise " durant la totalité de la course est moindre, il y a inévitablement des moments " d'évasion " (il ne faut pas que cela dure trop longtemps ou ne survienne trop tard dans la course), alors que même sur 10 000 mètres (moins de 30 minutes) il faut vraiment rester concentré et être au maximum de toutes ses ressources. Pour Bekele, le premier tiers d'un marathon (14 km) est assez facile par exemple (80 % de vma), alors que sur 5 000 ou 10 000 mètres c'est difficile dès le début et il n'y a aucun moment de répit, et cet aspect augmente à mesure que la distance diminue.
Clémence Calvin, médaille d'argent sur marathon au championnat d'Europe pour sa découverte de la distance (2h26'28") disait à peu près la même chose il y a quelques semaines, elle trouve que les allures d’entraînement marathon sont naturelles.
L'immense majorité des entraîneurs s'accorde pour considérer la distance de 800 mètres comme la plus difficile des épreuves de course d'athlétisme.
Bref, sur les épreuves d'athlétisme allant du demi-fond au fond (800 m au marathon), la mobilisation des capacités physiques, physiologiques et psychologiques est énorme et indispensable. Une faiblesse sur l'un de ces trois aspects et c'est la catastrophe, ou tout au moins une contre performance.