Récit de la course : Trail de la Vallée de Chevreuse - Aventure - 55 km 2010, par Rag'

L'auteur : Rag'

La course : Trail de la Vallée de Chevreuse - Aventure - 55 km

Date : 4/4/2010

Lieu : Le Perray En Yvelines (Yvelines)

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Distance : 55km

Objectif : Pas d'objectif

20 commentaires

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Des bosses et des creux

PROLOGUE

Il y a un peu plus de trois ans, alors que je n’étais qu’un apprenti-coureur, qu’un Kikoureur qui trottine, qu’un Padawan de l’ « Esprit Trail », j’avais lu quelques CRs et parcouru quelques sujets sur le forum Kikouroù, forum alors en effervescence à l’approche du Trail de la vallée de Chevreuse. « TéVéCé » pour les initiés, les chevaliers Leki. J’avais conclu (pas sur un malentendu si cher à J.C Duss…) – et je ne m’étais pas trompé – que cette épreuve faisait partie des « classiques », des courses dont tout coureur en milieu naturel (j’aime pas les anglicismes, OK ? Ça me stresse too much !) a entendu parler. C’est à travers quelques récits bien torchés et d’autres plus merdiques (ne cherchez pas, ce n’est qu’une figure de style) que l’envie de m’aligner au départ de ce TVC germa.

En 2009, alors que ma condition physique ainsi que mon expérience, limitée certes mais frétillante, m’avaient décidé à cocher sur mon calendrier des P&T le premier dimanche d’avril, l’épreuve n’eut pas lieu. Un mal pour un bien étant donné que, à la recherche d’une manifestation d’un format équivalent (50 bornes et 2000 D+), je m’étais inscrit à La Bouillonnante, aventure forte et expérience inoubliable que je retenterai sans aucun doute ! D’ailleurs, n’hésitez pas à compulser ce CR dantesque.

Me voilà donc à deux jours du TVC, moral au beau fixe même si Monsieur Genou gauche a manifesté du mécontentement suite aux 6 Heures de La Gorgue. Mes entraînements de l’hiver sous la houlette de Philippe P.(je lui en suis extrêmement reconnaissant) m’ont permis d’aborder cette course dans les meilleures conditions : une VMA en progression, trois records explosés en trois semaines et une assurance certaine quant à mes capacités à réaliser mes objectifs 2010. J’ai la patate, la frite, « je vais tous les éclater »  comme qui dirait Coco !

Ce week-end est aussi et surtout l’occasion pour toute ma famille de passer quelques jours à Dassault City, Corbeil-Essonnes chez la Shunga Family. C’est génial, on pourra somatiser ensemble ! Comparer nos blessures virtuelles, réelles ou en devenir… Tout un programme !

JOUR J

Après une nuit hachée et un sommeil agité (les trois kilos de spaghettis bolognaises ingurgités y sont vaguement pour quelque chose), Shunga et moi nous embarquons pour Le Perray en Yvelines. La tension est présente, la peur d’oublier quelque chose pour moi, néanmoins le trajet est l’occasion de bavarder, déconner, dédramatiser. Il est 5 h du mat’, Paris s’éveille et la 306 file à toute allure vers la Vallée de Chevreuse. Sans problème, nous arrivons dans la mythique zone industrielle du Perray ! C’est magnifique ! Le temps est à l’avenant : du vent et de la flotte, une poignée de degrés au-dessus de zéro. Génial, j’adore ça. L’on reste quelques instants au chaud, j’enfile mon pantalon de survêt’ et un pull car, dehors, ça caille des meules. J’en profite pour pisser. [A savoir que Le Rag’ est doté d’une vessie de hamster, ce qui nécessite des arrêts intempestifs afin de soulager l’énergumène d’une envie pressante.] C’est là que je croise le regard d’un « Famous » Kikoureur, Ouster. Ouster is not in the kitchen and my taylor is not rich but Ouster me reconnait. Nous devions nous croiser afin que je récupère des écussons K. On se serre la paluche, échange quelques politesses, toujours sympa de croiser quelqu’un en « vrai » d’autant plus qu’il n’a pas fait semblant de ne pas me voir, tout à son honneur ! Ce qui ne sera pas souvent le cas au cours de cette journée…

Avant d’entrer dans la salle, je n’oublie pas ma panoplie Kikouroù : buff autour du cou, casquette récemment achetée sur la boutique. Pause pipi oblige (encore une…), nous nous écartons de la salle pour vidanger. Beaucoup ont eu la même idée, même pour « poser une pêche » comme dirait l’ineffable Benos, charmant spectacle…

Dans la salle, c’est l’effervescence. Je cherche du regard la liste des partants puis me dirige vers la remise des dossards où nous attend Taz, quelle douce surprise ! « Salut –bisous bisous- comment ça va ?, etc. », je ne sais plus trop ce que j’ai pu déblatérer comme banalités mais ça ne vaut pas la peine que je vous en fasse un roman. D’ailleurs, je suis persuadé que Taz ne gardera pas un souvenir impérissable de cette rencontre. A moins que…

Je tente d’apercevoir une ou deux casquettes K, je n’ai pas mis la mienne car je me découvre toujours dans un bâtiment. Si si. Je suis bien élevé. Mais j’ai le buff autour du cou ! Impossible de ne pas le voir. Pas de bol, j’ai une tête qui revient pas ! Entre celui qui fait semblant de pas te voir et celle qui détourne le regard, j’ai vite rangé le chiffon rouge. No comment.

Durant le speech de l’organisation, je salue Alex Forest. Simple, gentil, poli, accessible, un exemple pour tous. Non content de faire le TVC en « sortie longue », il ira accompagner le Chtigrincheux le jeudi suivant lors de la première étape de son Paris-Roubaix Historique puis s’alignera au départ du Marathon de Paris le dimanche suivant. Ça me laisse rêveur…

Avec tout ça, j’ai rien écouté des dernières recommandations et informations à part que la distance est rallongée de quelques kilomètres ce qui nous amène à 57 bornes et une centaine de bosses pour 2150 D+. Pendant ces quelques minutes d’inattention, je fais joujou avec mes bâtons, les serre, les desserre avec comme objectif de rendre facile leur déploiement une fois que leur utilité se fera sentir, je ne veux pas revivre ce grand moment de solitude et de ridicule que j’ai dû endurer l’an dernier lors de La Bouillonnante… Question solitude ET ridicule, bah….. j’ai pas dû attendre trop longtemps car, ayant desserré (un chouilla) plus que de raison, je perds, par deux fois, le tiers inférieur des dits bâtons devant une foule de concurrents moqueurs et pas du tout compatissants. D’autant plus que les fameux ustensiles ne sont pas à la pointe de la technologie – genre « en bronze avec poignée en bakélite et dragonnes en cuir »- et dans le monde impitoyable du « trèl », il est bien connu que « Qui n’a pas ses Leki n’est pas tréleur-eur ! ». C’est décidé ! Quand je serai grand, j’aurai des Leki !

Le départ va être donné, nous sortons de la salle et nous retrouvons en face de l’arche Moïse –euh non – l’arche Salomon. Deuxième bonne surprise : Jérôme alias Jeje77 vient nous saluer avec un de ses potes (s’il veut bien se signaler, je m’engage à le citer et à réparer cette erreur ! Mea culpa, maxima culpa). Content de faire sa connaissance, je me dis que je risque fort de faire un bout du parcours avec lui, nous avons à peu près les mêmes estimations chronométriques.

PAN ! T’es mort ! Mais en fait, on fait comme si je revivais encore et que j’étais pas mort… Le départ est lancé alors que le soleil ne s’est pas encore levé. Ça part à toute berzingue devant, on salue Le Bagnard qui fait la circulation. Les premiers kilomètres sont « bitumeux », dirons-nous. Je suis impatient de découvrir le parcours, affronter ces fameuses bosses dont l’enchaînement est souvent redouté. Shunga est à mes côtés pendant les 2-3 premiers kilomètres, je décide quand même de rentrer dans « ma » course et d’adopter un rythme qui ne fera pas couiner mes articulations : je lui donne rendez-vous à l’arrivée en n’oubliant pas de faire référence au Saint-Esprit Trail qui reconnaitra les siens au moment de l’Ultra Apocalypse. Si la ferveur à l’Esprit trail se jaugeait à l’aune du « J’en-chie-des-ronds-de-chapeau-mètre », sûr que Shunga serait nommé Cardinal. Voire Pape. C’est tout à son honneur.

Après ce passage roulant, cette mise-en-bouche en faux-plat, nous rentrons dans le vif du sujet. C’est sûr, on est de suite dans le bain… de boue. Beaucoup, moi y compris, jouent les danseuses du Bolchoï, à savoir sauter, sautiller, exécuter de multiples figures plus moins vaguement artistiques pour éviter la gadoue, ne pas salir les pompes, ni mouiller les petons. Bon, faut dire que j’étrennais mes nouvelles grolles, NB875, d’un orange flashy « que même la DDE à côté t’as l’impression qu’ils sont habillés en gris » alors j’ai eu un peu mal au cœur quand j’ai glissé dans la première ornière. Le pied droit était baptisé, et pour ne pas faire de jaloux, j’ai tiré tout droit dans les bourbiers suivants ! Ça, c’était fait !

Question grimpette, j’ai également été mis au parfum. Première côte où je salue le célèbre Karlieb (c’était marqué sur la casquette !), je le suis quelques minutes puis, dès que cela devient plus roulant, mon rythme étant légèrement plus élevé, je lui dis au revoir. Les côtes succèdent aux descentes, les descentes aux côtes. Je regarde le GPS et me dis : « tiens, ça n’avance pas vite… T’en chies mais ça défile pas comme sur un marathon, gros malin ! »

Une petite clairière et j’en profite pour vidanger (souvenez-vous : vessie-hamster-pipi). Pour tester également mon genou qui se rappelle à mon souvenir : ça tire à l’intérieur, je comprends pas. Encore un coup du « cerveau du genou » ou du « genou du cerveau » ! Faudra bien que je gère ça pour finir mais j’avais pas prévu que Monsieur Genou Gauche se serait manifesté dès la première heure… Tant pis, on verra.

Je n’ai pas de souvenirs précis de cette première partie à part le fait que je ne me sentais pas vraiment au mieux, un peu fatigué, laborieux en montée, emprunté en descente. J’essaie de gérer, de ne pas me mettre dans le rouge. Je profite des paysages, quelques arbres majestueux saluent notre passage, des champs de fougères roussies par l’hiver apportent cette teinte rousse qui sied si bien à la forêt à peine verdoyante. Je ne suis pas déçu d’être venu, c’est déjà ça ! Et d’avoir pris les bâtons ! [Aparté : me font bien rire les donneurs de conseils qui se foutent de ta gueule quand tu dis embarquer l’attirail de montagne pour les « petites bosses » de la vallée de Chevreuse ! Z’ont de grosses cuisses ? Et ben, pas moi ! J’en suis pas fier mais j’assume ! Leki Powa ! Golite 4ever !]

J’arrive au premier ravito en 2h40, je prends un verre d’eau à l’aide du gobelet Salomon donné au départ et me rends compte qu’il me reste plus d’un litre de boisson dans ma poche, suffisant pour rejoindre le second ravito. Je décide de ne pas perdre trop de temps et relance la machine. Je fais un petit bout de route avec Jeje77, nous échangeons nos avis sur la première partie. Je l’ai trouvée particulièrement éreintante et j’espère à ce moment-là que le reste sera plus roulant. Naïf que je suis…

Je reçois un SMS d’Epitaphe, ça fait du bien. J’y réponds illico. Dans la foulée, Grandware m’appelle mais la communication est vite coupée, le réseau ne passe pas. Je crois que j’ai dû parler au moins trente secondes dans le vide. Autre moment de solitude. Mais je suis le seul à le savoir… Il m’envoie un SMS d’encouragement et c’est ragaillardi par ces petites attentions que je reprends la course. J’ai une pensée pour Shunga car la barrière horaire était, me semble-t-il, de 3 heures pour le premier ravito, j’espère qu’il n’aura pas eu de pépin et hésite à lui envoyer un SMS. Ça cogite là-haut : je me dis qu’envoyer un message disant « je suis déjà arrivé là. » n’est peut-être pas du plus grand réconfort s’il en chie dans les bosses. Ne pas donner de nouvelles n’est pas top non plus. 35 minutes plus tard, je reçois un SMS où il annonce qu’il redémarre du premier ravito. Je suis soulagé, tout va bien pour lui ! Je lui réponds dans la foulée. Durant cette épisode de maniement de portable, de tapotage de SMS, je n’ai pas trébuché ni chu. Balèze, non ?

Il y 13 bornes pour rejoindre le deuxième ravito, c’est sur ce tronçon plus « roulant » que je prends le plus de plaisir. C’est aussi là que je me suis un peu « chié » dessus. Explication : les dieux du ciel étant cléments, je décide d’ôter ma veste. A cet effet, j’enlève mon GPS de poignet, puis mon sac et enfin la dite- veste. Je bidouille une ou deux minutes pour ranger tout ça et repars doucement. 150 mètres plus loin, le doute m’habite (comme Satan) : quelque chose cloche. Il me manque un truc. Au poignet. Putain, mon GPS ! La prunelle de mes yeux, mon gadget préféré, mon doudou à moi ! Dans l’empressement à me changer, j’ai laissé choir la montre. Je fais demi-tour, le palpitant au taquet. Les pires scenarii se créent dans mon esprit ! Quelqu’un marche dessus, on me le pique, un sanglier le bouffe… Fort heureusement, Garmin m’attendait bien sagement sur un lit de feuilles mortes. Je l’embrasse, le réconforte : « papa t’a pas trop manqué ? Ne tremble plus, Papa est là. Plus jamais je t’abandonnerai. Jamais ! » D’un « bip », Garmin traduit son soulagement. Quelle frayeur pour lui et moi ! Passé ce coup de sang, je me concentre à nouveau sur l’objectif du jour : finir le TVC sans trop en baver. Comme je l’ai dit précédemment – si vous suivez – cette portion était la plus roulante. Moins de montagnes russes, on pouvait courir de longues minutes sans devoir grimper des bosses de la mort. Je garderai en mémoire ces vingt minutes à suivre Viv, un Kikoureur, du pur bonheur ! Pas de le suivre évidemment, - je suis un hétéro invétéré -, mais pouvoir zigzaguer sur cette monotrace sans avoir à sortir les bâtons fut un délice. Des arbres, un petit ruisseau en contrebas, des spectateurs nous encourageant, le pied ! Malheureusement toutes les bonnes choses ont une fin… Non pas que la suite ne fut pas bonne mais jamais les expressions « plus c’est long, plus c’est bon » et « si ça fait mal, c’est qu’ça fait du bien » n’ont au autant de signification. C’était vachement bon…

Durant ce tronçon, j’ai eu la chance d’admirer ce que Dame Nature peut offrir de plus beau. Alors que les habitants de la forêt, biches et faons, laies et marcassins, renardes et renardeaux, blairelles et blaireautins fuyaient notre présence et se réfugiaient dans les fourrées et les terriers, un couple de bêtes sauvages m’est apparu au détour d’un chemin. Quelle beauté, quelle sérénité ! Un couple de pneus (un mâle et une femelle) était planté au bord de la piste observant le curieux bipède aux couleurs chamarrées que je suis. Leur progéniture, le pneutiteau ne devait pas se trouver bien loin, tapi sous les fougères ou lové au pied d’un arbre. Ils n’ont pas fui (ou roulé) ne décelant aucun danger. L’Homme et la bête sauvage, face à face. J’ai passé mon chemin pour ne pas abuser de cet enchantement. « Adieu Maman Pneu et Papa Pneu, prenez soin de Bébé pneu (un boyau certainement) ! » C’est pour ces moments-là que j’aime les courses Nature…

Arrivée sur le deuxième ravito : le hasard faisant bien les choses, je prends ma dernière gorgée de boisson isotonique alors que je suis à 50 mètres du ravito. J’aurais voulu faire exprès, j’aurais pas pu ! Je me rue sur le buffet, me goinfre de pains d’épices, de chocolat, quatre ou cinq rondelles de banane. Apparemment je ne me suis pas bien sustenté auparavant. Je m’en doutais un peu. Je bois un verre de coca et sors la poche à eau de mon sac. D’un geste maladroit, j’extirpe du fond du sac un tube de comprimés Isomachin, je l’ouvre et verse le contenu dans la poche. Résultat, j’en fous partout ! y’a de la poudre de cocaïne sur mes bras, dans le sac et par terre, les comprimés n’ont pas aimé être soumis au chahut dans le sac. Bien heureusement, une charmante bénévole m’aide et finit le remplissage. Mille mercis ! C’est alors qu’un GROS CON d’Appelation d’Origine Contrôlée, Premier choix, Médaille d’Or au Salon de la connerie, de la bêtise humaine et des disques de Sardou et Barbelivien réunis lancent : « ah ben, ce ravito, c’est déjà mieux que le premier. Dire qu’on paye pour ça ! ». Primo : le premier ravito était annoncé avec seulement de l’eau. Secundo : Si t’es pas content, t’as qu’à pas venir. Tertio : Je t’emmerde. La charmante bénévole s’offusque et poliment lui répond : « ah, faut pas râler comme ça ! ». J’vous dis, y’a des coups de boule qui se perdent ! Si ça ne tenait qu’à moi, il n’y aurait que de l’eau au ravito. et vas-y que « le coca, il a pas la bonne marque… » et que « le chocolat, c’est pas du au lait » et que « ceci » et que « cela ». On peut toujours faire mieux mais c’était pas mal. À quand un buffet de chez Hédiard pour contenter les grincheux ?

Je repars rapidement non sans avoir demandé des informations sur la distance à parcourir jusqu’au prochain ravito. On m’annonce 11 kms pour faire une boucle et revenir à ce même point. C’est bon, je ne me charge pas trop en boisson. C’est reparti.

J’aperçois à 100 mètres devant moi Ouster et TomTrail Runner, j’accroche le wagon et ferai 6 bons kilomètres en leur compagnie. Ouster ne réalise pas que c’est moi qui le suis ; pas la peine de claironner ma présence, on a déjà assez à faire avec ce parcours exigeant ! Les montagnes russes sont de retour. Pas souvent l’occasion de trottiner. Sur un passage relativement plat, je leur fausse compagnie, il faut que je reste dans ma bulle et ne pas calquer ma course sur celle des autres. J’en suis à 5h30 de course et je suis bien, aucune douleur, aucune gêne. Je grimpe sereinement et relance très facilement. D’ailleurs je double du monde depuis le 20ème km, c’est bon signe ! Soit je gère mieux ma course que certains, soit j’en ai encore sous la chaussette.

Les traceurs nous ont réservé une petite surprise : remonter un petit ruisseau. Vraiment plaisant ce côté baroudeur affrontant les éléments ! Certains n’aiment pas avoir les pieds dans l’eau, moi j’adore. Ça me lave les chaussures et surtout me rafraîchit les pieds ! Plusieurs fois durant la course, j’ai trempé mes pieds dans l’eau claire, lors du passage dans le lavoir notamment. [et je ne me suis pas planté de chemin, hein !?]

Arrivé au 10ème kilomètre, je me rends compte que l’eau va bientôt me manquer. Pas de panique, dans un petit kilomètre je serai au ravito… Grave erreur ! Il est de notoriété publique qu’il ne faut JAMAIS Ô GRAND JAMAIS écouter les estimations kilométriques des bénévoles ! Les kilomètres s’étirent, se multiplient, ne font plus 1000 mètres ! Les 11 kilomètres annoncés en font 14, 5. Je ne suis pas plus étonné que ça néanmoins j’ai soif et cela risque de me causer d’autres soucis. Quelques kilomètres plus tard, je rejoins le ravito. Je n’ai pas trop soif mais le tendon d’Achille droit tire un peu dans les montées, mauvaise hydratation sans doute. Durant cet arrêt, je change de chaussettes car la première paire chaussée me gêne. De la terre s’infiltre entre le pied et le tissu, cela provoque des échauffements qui dénaturent ma foulée. Je perds 5 bonnes minutes mais je suis satisfait d’avoir fait preuve de raison ! Il fut un temps où j’aurais préféré courir 50 bornes avec un caillou dans la chaussure plutôt que de perdre de précieuses minutes. Ce temps est révolu. Enfin, je l’espère.

Une nouvelle fois, j’ai pu admirer la faune caractéristique de la vallée : parée de ces plus beaux atours, couleurs chatoyantes et plumage lustré, une Renault 6 picorait insoucieusement. Elle ne s’est pas envolée à mon passage. Quelle chance, une nouvelle fois !

Il ne reste que 12 bornes avant l’arrivée, ça sent l’écurie. La fatigue se fait sentir, j’ai un peu de mal dans les montées, mon rythme ne faiblit pas trop mais, plusieurs fois, je me prends à dire « ENCOOOORE ?! ». Je remarque très rapidement que nous empruntons le même parcours qu’entre le premier et le deuxième ravito. Etant donné que je n’ai pas écouté les recommandations d’avant-course, je commence à douter. Je me retourne et demande à un concurrent si c’est le bon chemin, il me répond qu’ « on n’est pas les seuls donc ça doit être ça… ». Ça ne me rassure pas beaucoup car si tout le monde se dit ça, on risque de finir comme les moutons de Panurge : au fond d’un gouffre, les membres désarticulés, à la merci des bêtes sauvages et sanguinaires de la forêt. Il me faut une bonne heure pour être enfin rassuré, je reconnais la partie roulante du départ : faux plat descendant pour sortir des bois puis faux plat montant en zone urbanisée. Je cours à 10,5-11 km/h sans problème, je profite de ses sensations de relative facilité. La centaine de bosses m’a fusillé les cuisses mais j’arrive à courir sans que cela soit laborieux. Je double des concurrents qui marchent, saluent quelques Kikoureurs à casquette (certains me répondent, d’autres non..) et rejoins la zone industrielle du Perray.

La ligne d’arrivée est à moins d’un kilomètre. Je suis très heureux, fier d’en avoir fini. Je visualise l’arche dans mon esprit, je m’imagine franchir la ligne le poing droit serré sur les bâtons, la larme à l’œil. Je sais également que je ponctue chaque arrivée d’un cri rageur, évacuant toute la tension accumulée au fil des kilomètres. Quel bonheur, j’attends ce moment avec impatience, l’apothéose. Du cinéma certes mais j’aime ça, la mise en scène ! J’aperçois l’entrée de la salle, j’accélère sur les 100 derniers mètres, je prépare la conclusion de cette aventure : poing serré, bâtons, sprint, larme. Me-voi-là !

????? Tiens, pas d’arche ? Bizarre… Pas grave ! L’arrivée est dans la salle. La foule m’attend. Le speaker est sous-tension. Il annoncera mon numéro, mon prénom et me félicitera. Les spectateurs m’acclameront lorsque, à bout de souffle, je tomberai à genoux, la ligne franchie. Tête ballante, le poing levé, les bâtons à bout de bras, Braveheart Style ! J’y suis ! Je pousse la porte de la salle. ??? Tiens, ils pourraient l’ouvrir quand même ! ME VOILÀÀÀÀÀÀÀÀ !!!!!!

???

???

Gné ?

Rien.

Suis allé chercher mon sandwich-merguez.

Le poing serré, la larme à l’œil, j’ai brandi mon sandwich à la merguez avec moutarde et j’ai hurlé : « AAAAHHHHHHH, PUTAIN DE BORDEL DE MERDE ! C’est quoi ce bazar ???? ». Bon, ça s’est pas passé comme ça mais presque (sauf pour le sandwich-merguez). Je reprends la narration au moment où j’entre dans la salle.

Personne pour m’accueillir ? La foule s’affaire à ces occupations. Je cherche du regard un truc qui ressemble vaguement à une ligne d’arrivée. Rien. En désespoir de cause, je demande à un quidam où se situe la fameuse ligne – parce que j’ai un spectacle à donner : sprint, poing, bâtons, cris et larmes – et le chrono tourne. Il me répond qu’il fallait passer devant la voiture blanche qu’il désigne du doigt. Effectivement, il y a une bagnole blanche à l’endroit où trônait l’arche de départ ce matin à 7h15. Un individu est chargé de noter le numéro des dossards à l’arrivée. Je réponds au brave gars qui m’a renseigné par un « Ah bon ? » et arrête tout penaud mon chrono. C’est fini.

Il va sans dire que je suis un peu frustré. Le franchissement de ligne a quelque chose d’important pour moi. C’est le point final. Tout un symbole. En comparaison, le retour chez moi après un footing ressemble à l’arrivée du tour de France sur les Champs-Elysées !

Les heures qui vont suivre vont me permettre de discuter avec Jeje77 qui a dû s’arrêter au dernier ravito. La déception est forte pour lui et il est difficile de trouver les mots pour le réconforter. Pas facile. Je parle avec Taz et Domi de retour d’une CO de nuit en Normandie. Je retrouve Ouster et Le Bagnard qui m’offrira une petite bière. Purée, ce que c’était bon ! J’essaie aussi de prendre des nouvelles de Shunga. Personne n’a été arrêté à la dernière barrière horaire, il finira. Super ! Durant la dernière heure de course, nous sommes quelques coureurs à applaudir les derniers arrivés, la joie se lit sur leur visage et ils sont accueillis bruyamment dans la salle. Voilà ce que j’aime. Cela me rappelle les haies d’honneur des matchs de rugby, chacun salue, applaudit ceux qui se sont battus.

Je décide d’aller à la rencontre de Shunga et c’est à 800 mètres de la salle que je le rejoins. J’ai commencé le TVC en sa compagnie, je l’accompagne sur la fin. Il rentre dans la salle sous les applaudissements des quelques personnes qui sont encore présentes. Bizarre, l’Esprit-trail s’est cassé aussi… Tant pis, il profite du sandwich-merguez et de la bière du Bagnard.

Voilà, c’est la fin. Je garderai beaucoup de souvenirs de ce TVC. Du positif surtout ! Quelques points à améliorer néanmoins. Les bénévoles étaient au top ! Bravo et merci à eux !

ÉPILOGUE

1-    je décerne l’Oscar du slogan le plus pompeux à Oxsitis. Je connais pas le gars qui a trouvé ça mais c’est pas la modestie qui l’étouffe.

« L'ingénierie en hydratation intelligente » que c’était marqué sur le stand ! Sans commentaire. Ça frise le ridicule. Masturbation intellectuelle de haut-vol ! Même si leur système n’est pas mal !

2-    la Ligue de défense des Glands va déposer plainte contre les organisateurs car des milliers de glands (des chênes en devenir !) ont été sauvagement piétinés dans l’indifférence la plus totale ! Quelle honte ! Un massacre. Un génocide. Les glands gisaient à nos pieds, fendus en deux par la sauvagerie humaine, le germe pointé vers le ciel qu’ils n’atteindront jamais…

 

Leki Powa ! Golite 4ever !

20 commentaires

Commentaire de shunga posté le 13-04-2010 à 13:52:00

Purée, ça te fait du bien les vacances.
Un grand moment de lecture.
Merci pour tout ;)
Tu as eu des nouvelles de la famille pneu ? Je suis un peu inquiet...

Commentaire de Hellebore posté le 13-04-2010 à 15:06:00

Bravo,
Tu en passes du temps à rédiger tes CR, mais ça vaut le coup, c'est toujours un moment de bonheur de te lire...
Merci

Commentaire de Jay posté le 13-04-2010 à 15:11:00

bravo pour cette coursette bien gérée et merci pour ton récit des plus distrayant.

La récup doit déjà etre faite , alors bonne continuation dans tes aventures de trèleuuur !
et au plaisir de te saluer aux 20 km de Maroilles.

Txo, Jay

Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 13-04-2010 à 15:14:00

Un CR ragondinesque comme je les aime avec humour mais sans concession. Ça grince et ça souffre... ça vit, quoi !

Commentaire de fanfan59 posté le 13-04-2010 à 15:48:00

Grand fou tu es, grand fou tu resteras je l'espère, pour notre plus grand plaisir. BRAVO pour cette performance. La lecture de ton CR m'a fait comprendre bien des choses et surtout pourquoi tu es arrivé dimanche dernier au "Paris Roubaix en courant" avec les bras levés et la banane jusqu'aux oreilles. Promis Yannick ! Le jour où je suivrai une de tes compétitions, je serai à l'arrivée et ferai un vacarme d'enfer pour t'acclamer. Paroles de Fanfan.

Commentaire de Epytafe posté le 13-04-2010 à 19:08:00

Bon, depuis maintenant, c'est une course hebdomadaire minimum !!!

Quelles courses ? On s'en fout, tant qu'il y a des CR !!!

Commentaire de Elcap posté le 13-04-2010 à 20:43:00

Purée mais c'est trop atroce ce CR !!!!!!!

J'en ai encore le coeur tout serré.

Aller. C'est décidé. Pour ta prochaine course, passe prendre mes Leki... j'peux pas te laisser continuer avec tes batons de berger...

;)

Commentaire de le_kéké posté le 13-04-2010 à 20:52:00

Très très bon l'animal !!!
Un esprit mordant qui fait du trail comme je les aime. Dommage que tu viennes pas souvent trainer tes NB oranges dans mes montagnes où les leki servent à qq chose ;-), j'aimerai bien rencontrer en vrai L'Rag, même si c'est quand même louche que presque tout le monde cherche à l'éviter, t'avais pas un T-shirt en coton quand même ???

Commentaire de taz28 posté le 13-04-2010 à 21:14:00

J'aimerais trouver assez d'originalité pour commenter ton récit, encore une fois hilarant et tellement réaliste à la fois !!
Je me suis même demandée si tu allais adopter cette jolie famille de pneus !!
Je suis une fan inconditionnelle de tes lignes, et c'est un vrai régal à chacune de mes lectures...

Je suis heureuse de t'avoir vu à ce TVC, c'est vrai que l'arrivée manquait sérieusement de fun...Et occupée derrière ma table de ravito, je ne t'ai même pas vu terminer !!!

En tous cas, bravo à toi pour cette course difficile et ce récit !!!

Gros bisous

Taz

Commentaire de brague spirit posté le 13-04-2010 à 21:54:00

Un CR bien agréable à lire."Qu'importe le flacon,pourvu qu'on ait l'ivresse".Avec,ou sans,Lesquoi?

Commentaire de caro.s91 posté le 13-04-2010 à 22:54:00

Bon, on l'a attendu, mais ca valait la peine d'attendre ce CR bien vu :-) Bravo à toi!

Caro

Commentaire de grandware posté le 13-04-2010 à 23:12:00

t'aimes pas Sardou ? t'es sur ?

Commentaire de Mustang posté le 13-04-2010 à 23:19:00

humm ça sent le vécu!!!!

Commentaire de Francois dArras posté le 14-04-2010 à 22:38:00

Deux excellent CR en une semaine : tu devrais être plus souvent en vacances !
Du style, du rythme, des rires, des larmes, de la gadoue... tout y est.
Et au final si on fait le bilan de ce que t'as apporté ton buff estampillé KKR ça fait quand même plus de rencontres positives que de snobages.

Commentaire de Francois dArras posté le 14-04-2010 à 22:38:00

Deux excellent CR en une semaine : tu devrais être plus souvent en vacances !
Du style, du rythme, des rires, des larmes, de la gadoue... tout y est.
Et au final si on fait le bilan de ce que t'as apporté ton buff estampillé KKR ça fait quand même plus de rencontres positives que de snobages.

Commentaire de chtigrincheux posté le 16-04-2010 à 19:34:00

Alex c'est un vrai de vrai qui ne se prend pas la tête .... Punaise qu'est que tu tartine ,t'es drôlement productif en cette période.C'est l'ovulation certainement.Vivement "notre" trail made in Belgium.

Commentaire de Land Kikour posté le 22-04-2010 à 08:42:00

Bon voila, je me pose pour lire un cr de grande qualité qui en dit long sur l'homme qui se cache derrière L'Rag...
A bientôt Maroilles !!

Commentaire de Bikoon posté le 23-04-2010 à 16:50:00

J'adore !! Un pur moment de bonheur ;o)
Merci pour ce truculent récit d'une course si bien documentée.

Commentaire de idec59 posté le 04-05-2010 à 23:39:00

Merci !

Commentaire de a_nne posté le 17-12-2010 à 14:33:00

Je viens de découvrir ton récit, et j'adore !
Très chouette. Bravo !
Je vais parcourir tes autres récits du coup...

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