Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2009, par Stéphanos

L'auteur : Stéphanos

La course : Ultra Trail du Mont Blanc

Date : 28/8/2009

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 2296 vues

Distance : 166km

Objectif : Se défoncer

11 commentaires

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UTMB 2009 La claque…

UTMB 2009 La claque…

  

Deux mois sont passés…et je me décide enfin à écrire ce compte- rendu !

Ma préparation consista à gravir la moindre butte dés que cela fut possible, pour atteindre 55000 m de dénivelé fin  Août, rien d’exceptionnel en soit ! En mars je courrai  le Vulcain, Avril le trail de Mirmande, ainsi que le défi  Dieulefitois et les 100kms de Crest en Mai. Toutes ces courses furent riches en enseignements. Le mois de Juin, incontestablement le plus chargé avec le trail du Pic de St. Michel,  un petit tour à Turin pour un 24h par équipe suivi du trail des Aravis qui regroupe 3 trails dans le week-end dont un semi nocturne, ce fut assez hard. Et pour finir ce mois en beauté le week-end à Chamonix à l’occasion du marathon du Mont-Blanc fait en amoureux avec  Séverine ! Ces six premiers mois passèrent très vite et globalement très bien. Au mois de Juillet, je calmai le jeu, poursuivant ma préparation sans dossard avec une excursion en Chartreuse où je fis 24 h. de rando-course, afin de passer une nuit dehors. Et pour finir, un superbe  week-end dans le Vercors lors du off d’Alain (khanardo). A un mois  de l’échéance, je suis super bien, fin prêt, j’ai hâte d’en découdre ! Mais un gros grain de sable va venir perturber tout ce travail : en effet, ma maman hospitalisée depuis mi-juillet, avec des nouvelles angoissantes, peu rassurantes vont me miner et me torturer l’esprit. Je n’y suis plus du tout, au point que je m’interroge sur ma participation. Après réflexion, je me ravise, me disant que cela ne changerai strictement rien au problème et que ça faisait plus de six mois que je bassinai mon entourage avec cette coursette, donc pas le moment de se dégonfler !

Vendredi 28 Aout, Séverine ayant un stage professionnel, je me rends seul à Chamonix. A cinq heures du départ, le retrait du dossard s’effectue sans problème,  je suis dans un état de décontraction déconcertant. C’est très inhabituel pour ce genre d’évènement ! Une petite anecdote au passage: fin prêt en me rendant sur la ligne de départ, ma poche à eau remplie d’eau gazeuse explose ! (c’est le tuyau qui s’est défait, surement mal remis) ben même çà ! Cela n’a pas suffit à m’énerver ! Je fis demi-tour, réinstalla le tuyau, le plein et reparti vers le départ mes affaires trempées ! Je rencontre quelques kikous (pio, françoise84, la souris) juste le temps de prendre une photo et le départ est donné.

Chamonix-Les Chapieux

Tout se passe pour le mieux, je suis bien rentré dans la course,  encouragé dans ces premiers kilomètres par Jérôme I, la rapace family, p’tit jean, le castor ect…  Un magnifique couché de soleil m’attend en haut de cette première montée à  La  Charme (15e km),  j’apprécie !

Descente sur St Gervais, 2h37 de course,  pointé en 418e position pour 21 km et 930m de d+, c’est un départ correct. Je poursuis d’un bon rythme et heureux d’y être ! Dix kilomètres plus loin, Les Contamines  (381e, 4h04 de course) c’est une petite rampe de lancement qui nous prépare à la première grosse difficulté : l’ascension  du col du Bonhomme à prés de 2500m d’altitude ! C’est un passage délicat car il fait froid, dans un brouillard assez dense, j’essaie de ne pas rester seul en ouvrant le chemin, je croise des bénévoles  qui  me guident et accentuent le balisage. Cette partie est bien négociée, je suis pointé au refuge en 6h55 de course pour 44km et 2780m de d+, 279e. C’est tout à fait satisfaisant !

 Le brouillard est de plus en plus dense, dans la descente vers Les Chapieux,  je sors du sentier et me retrouve dans des herbes assez hautes, ne discernant plus le relief je suis perdu dans un ravin. J’appelle, crie pour essayer de me guider à la voie, aucune réponse ! Petit moment de frayeur qui ne durera pas trop longtemps ; dans une partie plus claire, j’aperçois des lucioles bien plus haut ; je remonte dans le pentu, escaladant des rochers pour regagner le chemin.  45 minutes tout de même pour ces 5 kilomètres de descente, mais cela a du être difficile pour tout le monde, n’ayant perdu qu’une dizaine de places.

Les Chapieux-Courmayeur

Voila dix minutes d’arrêt et c’est reparti, mais dans la longue montée au col de Seigne, énorme coup de bambou que je n’ai pas du tout senti venir! Frappé d’une très grosse envie de dormir, je ne comprends pas ce qu’il m’arrive ! Il n’est que deux heure et demi  dans la première nuit et je tiens à peine debout ! Je lutte et ferme les yeux en marchant dans cette monté bitumée. Omenibulé à ne pas perdre de temps, j’insiste en me disant que cela va revenir… mais chose incroyable je ne pense pas à prendre de la vitamine C  que j’ai pourtant à portée de main, ce n’est que bien plus tard que j’y songerai ! Tel un zombie je parviens au col, j’aurai mis tout de même deux heures  et quart pour ces dix bornes avec 1000m de d+, ce n’est pas catastrophique mais  mon état de fatigue m’inquiète ! N’étant pas dans un grand jour, j’abandonne toute perspective de chrono, et décide de stopper mon effort et de progresser exclusivement en rando-active, plus question de trottiner  sur le plat et les descentes afin de me préserver et d’aller au bout. Malgré l’absence de plaisir depuis les Chapieux, le moral et la motivation sont plus que présent ! Je veux aller au bout à tout prix, ne serai ce que pour ma maman qui me suit de son lit d’hôpital  et qui reçoit mes pointages par s.m.s! Somnolent, je descends donc en rando, au lac de Combal à 4-5 km/h et je me persuade que je peux parvenir à Chamonix comme cela. Un froid humide me cueille dans cette partie de plaine. La montée qui suit est terrible je lutte, je lutte ! N’en pouvant plus, je m’arrête pour la première fois,  pour tenter une micro sieste d’un p’tit quart d’heure, allongé sur un rocher. Malheureusement, je ne parviens pas à trouver ce sommeil si bénéfique. La longue traversée du désert commence vraiment ! J’arriverai tant bien que mal à Courmayeur. Je récupère mon sac, croise un kikou,  Morpheus,  un avion que j’ai rencontré lors du weekend  de l’aravistrail, qui me parle de rendre son dossard, je lui dis de ne pas faire le con qu’il est bien trop tôt. Même  moi qui suis à la rue depuis plus de six heures, je ne l’envisage pas une seule seconde…Durant cette demi heure d’arrêt, je me retape un peu, me repommade, change de slip, chaussettes et même de chaussures car elles sont neuves et pas suffisamment « cassées » et ont tendance à me faire mal aux malléoles tout en sachant que s’il n’y avait que ça comme soucis, ce serait merveilleux ! Avant de repartir je salue Virginie (la souris) en pleine forme après avoir bouclé Le Mercantour, La montagn’hard, le Défi de l’Oisans, elle est là  toute fringante !

Courmayeur-La Fouly

Je continuerai  ma progression à 4-5 km/h jusqu’à  Armuva dans le même état de fatigue, malgré deux à trois pauses de 10 à 15 minutes où j’essaierai de trouver un sommeil réparateur,  en vain ! Le pire est à venir : le Grand Col Ferret ! On entend souvent parler de cette partie décisive comme  juge de paix ! J’attaque donc cette  « grimpette » d’un pas ferme et décidé. Mais je vais vite déchanter, même pas 200 mètres  d’ascension et  je suis rincé, obligé de couper mon effort tous les 20 mètres, pour finir assis, puis couché dans la pente herbeuse. Une multitude de coureurs me demandent si  ça va… Virginie (Souris) s’arrête un instant pour me réconforter,  malheureusement ses encouragements ne me permettent pas de repartir avec elle ! Je l’encourage à mon tour à poursuivre son chemin, tout en sachant que je ne la reverrai pas ! J’essaie de fermer les yeux, de dormir, en vain… Je ressaierai un peu  plus haut,  un peu à l’écart du chemin pour ne pas être dérangé. Mais je ne parviendrai pas à trouver ce fichu sommeil qui me ferait  pourtant énormément de bien ! Je grimpe laborieusement, me faisant dépasser allègrement. C’est vraiment le début de la fin ! Des douleurs à la poitrine apparaissent lorsque je respire un peu fort, et je commence à m’inquiéter sérieusement pour ma santé ! C’est vraiment la première fois que je me retrouve dans cette situation en course. Je parviens enfin au col, il fait froid avec un vent de corniaud, les secouristes m’expliquent qu’ils ne peuvent rien pour moi et qu’il ne faut pas s’arrêter ici ! Bref tu es debout, tu marches, tu descends au prochain poste de secours où il y a tout ce qui faut: à La Fouly ! 10 kms plus loin.

A la vitesse où je vais, je ne suis pas rendu au bout de mes peines, car même en descente, je suis essoufflé. Dans cette interminable descente, j’envisage sérieusement pour la première fois de jeter l’éponge. Je calcule, réfléchi, tourne le problème dans tous les sens et ne voit vraiment pas comment m’en sortir. Un peu avant la Fouly, j’arrive à joindre séverine et les enfants qui essaient bien par tous les moyens de me réconforter et m’encouragent à poursuivre. Mais c’est les larmes aux yeux que je leur explique toute ma détresse. Je décide de faire le point à la Fouly. Ce qui est sûr, c’est qu’il est impossible de continuer dans cet état. Il reste trois gros morceaux, un bon tiers du parcours et même avec plus de six heures d’avance sur les barrières horaires, à ce rythme d’escargot, ce n’est pas certain que cela passe ! De plus arriver dimanche en fin d’après midi à Chamonix : c’est une chose que je n’avais pas envisagé une seule seconde ! Arrivé à la Fouly, j’aurai mis deux heures et demie pour ces dix Kms de descente et plus de cinq heures d’Arnuva (15 kms).   Je mange et me trouve un endroit pour me reposer. Les bénévoles s’inquiétants de mon état, m’invitent à aller voir les secouristes.  A ce moment, je sais éperdument que je ne repartirai pas, surtout si je vois les médecins. Mais inquiet de cette longue défaillance, je me résous à aller les consulter.  Je leur explique mes déboires. Ils me confirment que mon calvaire s’arrête ici. Ils m’envoyent passer des radios pulmonaires aux urgences à Sallanches : elles s’avèreront rassurantes …

Enorme tristesse d’avoir raté cette épreuve. Dimanche matin, après une petite nuit de repos, je file à l’arrivée.  Je croise Jean-François (p’tit jean) qui m’a attendu vainement à Champeix et m’annonce que Virginie est sur le point d’arriver. Quelle joie de fêter son arrivée triomphante ! Plus tard, j’assisterai à l’arrivée d’Eric (érickikouroux) Je resterai la matinée à Chamonix pour profiter de la fête, malgré ma terrible déconvenue. Cela m’a fait du bien.   Quelle joie de voir tous ces coureurs épuisés mais heureux ! Cela donne vraiment envie de vivre de tels moments. C’est pourquoi, c’est sûr, je reviendrai pour la finir, cette grande boucle ! C’est un truc qu’il faut faire au moins une fois dans sa vie !

Bilan

Plusieurs facteurs cumulés peuvent expliquer cette défaillance :

-adaptation à l’altitude. Je suis arrivé à Chamonix cinq heures avant le départ  (+2200 m en moins de 12H)   

-Très gros soucis personnel un mois avant le départ où j’ai laissé beaucoup d’énergie.

-un relâchement de l’entraînement et de l’attention portée à l’alimentation  trop important dans le dernier mois.

-pour finir, ne pas avoir envisagé la possibilité d’une défaillance en course. J’aurai dû prendre mon lundi de repos pour ne pas se soucier du lendemain. Ca m’aurai peut-être permis de poursuivre l’aventure au moins jusqu’à Champeix.

Une chose est certaine, dans la situation où j’étais, je ne regrette pas d’avoir abandonné.  Ce fut très dur mais mûrement réfléchi !

Un seul point positif et encore il faut vraiment le chercher…Première fois que je reste en course pendant 24H… peut-être un signe!

 

voici mes photos:

http://picasaweb.google.fr/stephsev.leroux/Utmb2009#

11 commentaires

Commentaire de Jerome_I posté le 20-11-2009 à 22:23:00

Tu as bien fait d'écrire ce récit, il te servira pendant la préparation de l'UTMB 20XX, ou tout trail long...

Jérome

Commentaire de Astro(phytum) posté le 20-11-2009 à 22:28:00


Stéphane , merci pour ton récit .
Tu l'avais vraiment préparé ce grand tour , fin juillet tu m'as impressionné par ta motivation .
Tu reviendras plus fort encore .

A bientôt peut-être en mai dans la Drôme.

Dominique

Commentaire de akunamatata posté le 21-11-2009 à 12:52:00

Oh ben Stephane,
je commençais le recit en me disant quand est ce qu'il va reprendre du poil de la bete ?
(j'étais persuadé que tu l'avais boucle en 35h )
mais au fil du recit jeme demandais c'est pas possible rien qui s'ameliore...
tu as tout tenté, rien a regretter alors "shoot again".

Commentaire de Eric Kikour Roux posté le 21-11-2009 à 13:05:00

Vraiment très heureux d'avoir pu passer quelques instants avec toi, ça reste des moments magiques, peut-être encore plus pendant la course qu'à l'arrivée ... Il est certain que si tu avais pu conserver la forme du début (ascension après les Houches), tu aurais surement terminé en moins de 35 heures: ça te laisse l'occasion de le faire plus tard.
Merci encore et bravo pour ce récit qui te permettra d'exorciser ce tout relatif échec. Comme le Phœnix, renais donc de tes cendres!

Eric

Commentaire de Xavhië posté le 21-11-2009 à 22:57:00

Dur de revivre tout ça en l'écrivant. J'espère que le moral s'améliore...
Merci pour ton récit, et donc rendez-vous à Chamonix fin août 2010!

Commentaire de BENIBENI posté le 22-11-2009 à 12:29:00

Ce n'est que partie remise puis tu t'es bien rattrappé avec ta formidable perf à Aulnat !

Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 23-11-2009 à 08:13:00

Belle leçon. Il faut du courage pour raconter un échec en l'analysant. C'est le chemin vers la réussite...

Commentaire de Françoise 84 posté le 24-11-2009 à 18:01:00

Allez, ça repart avec Aulnat!! Merci d'avoir pris le temps de ce récit, pas facile à faire... En 2010, tu le boucles, ce tour!

Commentaire de phildeval posté le 26-11-2009 à 09:06:00

Grosse déception à l'UTMB, grande joie à Aulnat, ainsi va la vie de traileur...
A bientôt

Commentaire de Boni posté le 15-05-2010 à 11:47:00

c'est super émouvant cette histoire et tellement instructif !!! merci m'sieur !!!

Commentaire de TomTrailRunner posté le 20-05-2010 à 23:01:00

Respect et humilité : un récit très riche d'enseignement pour toi mais aussi pour les autres.
Merci
A très bientôt

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