par Pieromarseille » sa fiche K
» 19 Oct 2020, 16:58
Pour les amateurs de polémique : article de l'Obs, analyse effectuée grâce à l'outil MyCO2 de Carbone 4 :
COMBIEN TU POLLUES ? Conscient d'avoir abusé des voyages en avion, la star de l'ultratrail essaye de changer son comportement pour être plus en cohérence avec ses valeurs écolo et son amour des montagnes. Nous avons calculé son empreinte carbone.
« J'adore la montagne et je crois depuis mon plus jeune âge à l'importance de la préserver. Et pourtant, je suis l'un des plus grands destructeurs de l'environnement. ». Fin septembre, c'est par ces mots assez étonnants que Kilian Jornet a annoncé sur Instagram le lancement de sa propre fondation de protection des montagnes. « L'un des plus grands destructeurs de l'environnement » ? Curieux paradoxe, en effet, pour cet amoureux fou de la nature : sa carrière de haut niveau l'a poussé à d'incessants et polluants voyages à travers le monde. « Le sport de haut niveau repose sur un modèle qui n'est pas soutenable », confie-t-il à l'Obs.
« Ces dix dernières années, j'ai voyagé si frénétiquement en avion que mon mode de vie a été catastrophique pour l'environnement. »
Alors que la star de l'ultratrail a entrepris de bouleverser son mode de vie il y a quelques mois pour moins polluer - « je ne peux pas demander aux gens de changer sans changer moi-même » - il a accepté de nous détailler son quotidien afin que nous calculions son empreinte carbone.
Son parcours de vie
Kilian Jornet a grandi au milieu des montagnes, en Catalogne. Ses premiers pas, le futur champion les réalise dans les Pyrennées, au Cap del Rec, à 2 000 mètres d'altitude, où son père, guide de haute montagne, garde un refuge. Et très vite, il réalise ses premiers « exploits » : il gravit avec ses parents son premier sommet, le Tuc de Molières (3 010 m), à seulement 3 ans, après sept heures de marche. Puis à 6 ans, il atteint son premier « 4 000 », le Breithorn, situé en Suisse. Doté de capacités physiques exceptionnelles - 1,71 m pour 57 kg, un coeur qui pulse à moins de 40 battements par minute au repos - Kilian Jornet a empilé tout au long de sa carrière les victoires et les titres, que ce soit en ski-alpinisme ou en ultratrail. Parmi ses principaux faits d'armes, l'Ultra-Trail du Mont-Blanc, une course de 170 kilomètres et 10 000 mètres de dénivelé, qu'il a remporté à trois reprises, la première fois en 2008 alors qu'il avait seulement 20 ans.
Mais si le Catalan a si profondément marqué l'histoire du sport, c'est aussi pour être parvenu à brouiller les frontières entre la course à pied, le trail et l'alpinisme. En 2012, il lance le projet « Summits of my life ». Son objectif : gravir les plus hauts sommets du monde, des terrains de jeu d'ordinaire réservés aux alpinistes, simplement muni de chaussures de trail, sans crampons ni piolet, et sans apport d'oxygène. À son palmarès : l'ascension du Mont-Blanc - il réalise l'aller-retour entre Chamonix et le sommet en 4 heures, 57 minutes et 34 secondes - le Cervin (4 478 m), le Denali (6 190 m), l'Aconcagua (6 962 m)... Mais aussi l'Everest (8 848 m), qu'il grimpe à deux reprises et à seulement six jours d'intervalle. Ses performances lui valent la célébrité et un surnom : « l'ultraterrestre ». Mais aussi des critiques, le monde de l'alpinisme lui reprochant son obsession de la vitesse et des records, et son inconscience.
Son rapport à l'écologie
Après des années de voyages incessants - « certaines années, j'ai dû émettre pas loin de 20 tonnes de CO2 rien qu'avec l'avion » -, Kilian Jornet s'est fixé comme objectif de les réduire drastiquement, en se limitant désormais à un seul voyage annuel maximum, afin que ses émissions dues à l'avion n'excèdent pas les 3 tonnes de CO2. « Avant, quand on me proposait d'aller à l'autre bout du monde pour une course, j'y allais. Mais ce n'est plus acceptable. » « Dans ma vie, le voyage était la norme, j'essaye de faire en sorte qu'il devienne maintenant l'exception. » Le Catalan, aujourd'hui installé en Norvège, assure avoir toujours eu une sensibilité écologique, transmise par ses parents. Il a d'ailleurs collaboré avec plusieurs associations, et en janvier dernier, lui et son épouse, l'athlète Emelie Forsberg, ont accepté de poser pour le photographe Dom Daher au milieu d'une déchetterie, en haut d'une montagne de pneus, pour alerter sur la quantité de déchets que nous produisons. Mais il l'admet : la prise de conscience que son mode de vie était problématique a été très progressive. La naissance de sa fille, il y a un an et demi, a fortement contribué à ce qu'il donne plus d'importance à la question écologique. « La peur que je ressens pour elle et sa génération m'a fait comprendre que je devais changer. Nous sommes en train de les mettre directement en danger. »
La multiplication des effets du réchauffement climatique, de plus en plus perceptibles en montagne, a également fait office de déclic. « Il y a plein de signes, plus ou moins grands, que les choses changent : les glaciers qui fondent, bien sûr, mais il y a aussi les éboulements, la végétation qui se transforme... Quand on passe autant de temps en montagne que moi, c'est impossible de ne pas voir qu'il y a un problème. » Enfin, quelques documentaires ont aussi nourri sa réflexion, comme « Cowspiracy », consacré aux ravages de l'élevage industriel, ou « A Life on Our Planet », réalisé par le célèbre naturaliste et présentateur de la BBC Sir David Attenborough.
Son empreinte carbone : 14,8 t de CO2 par an
Malgré des efforts, et notamment bien moins de voyages qu'au plus fort de sa carrière, Kilian Jornet affiche encore une empreinte carbone conséquente, supérieure d'un peu plus de trois tonnes de CO2 à la moyenne française (11,2). La faute à ses déplacements, notamment en avion, qui demeurent responsables de 3/4 de ses émissions totales. Sur tous les autres postes en revanche - alimentation, consommation, logement - l'athlète catalan émet bien moins de CO2 qu'un Français moyen.
Alimentation : 500 kg de CO2 par an (2,1 t pour le Français moyen). Kilian Jornet est végétarien à 100 % depuis huit ans, mais il l'est en réalité presque depuis toujours. Par goût, avant tout. Fils d'une mère végétarienne, il n'a en effet jamais vraiment apprécié le goût de la viande. Il essaye de consommer majoritairement des produits de saison, biologiques et produits localement. Environ 70 % des légumes qu'il mange proviennent d'ailleurs de son propre jardin. Une production personnelle qu'il complète par quelques achats en supermarché, une fois par semaine. Il possède par ailleurs un compost, et est très proche du zéro déchet.
Biens de consommation : 1 t de CO2 par an (2,1 t pour le Français moyen). Hors son matériel de sportif, le Catalan n'est pas un grand dépensier. Concernant sa garde-robe, il assure ne posséder que trois pantalons, quatre pulls et quelques t-shirts. Pour sa maison, il n'a, depuis son installation en Norvège, acheté qu'un lit et un placard, en plus des meubles qu'il possédait déjà. Seule entorse à cette sobriété : le numérique. Il possède un iPhone 10 et un ordinateur portable. Mais il veille à ne pas en changer trop souvent.
Logement : 800 kg de CO2 par an (2,3 t pour le Français moyen). Kilian Jornet vit avec sa compagne et sa petite fille dans une maison de 80 m2, qu'il chauffe grâce à une pompe à chaleur et un poêle à bois. Il estime brûler pour se chauffer environ 7 à 8 kg de bois par an, et consommer environ 28 473 kW d'électricité, recharge de sa voiture électrique compris.
Transports : 11 t de CO2 par an (3,2 t pour le Français moyen) Pour ses déplacements quotidiens, il se déplace en Norvège en voiture électrique, une citadine Peugeot. Il parcourt avec entre 50 et 100 kilomètres par semaine en moyenne. Il possède également une camionnette Mercedes Vito Essence, qu'il utilise pour les trajets plus longs, à travers l'Europe. Il prévoit de la troquer contre une électrique bientôt. L'an passé, il a réalisé trois vols long-courriers : deux pour le Népal, et un pour Denver, dans le Colorado (Etats-Unis).
Services publics : 1,5 t de CO2 par an Une part « services publics » est ajoutée au bilan carbone, pour compter les émissions des services collectifs que nous utilisons tous. Il est difficile de ventiler ces émissions par individu, de façon plus précise.
(Posté par Loïc Giaccone)