Récit de la course : Signes Trail Salomon - 21 km 2008, par DJ Gombert

L'auteur : DJ Gombert

La course : Signes Trail Salomon - 21 km

Date : 27/4/2008

Lieu : Signes (Var)

Affichage : 7417 vues

Distance : 21km

Matos : Chaussures Lafuma sky race,
chaussettes diosaz 500,
cuissard et tee-shirt gore running wear, camelback lafuma active 5,
casquette blanche kikourou

Objectif : Terminer

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Sainte Vierge, priez pour nous, pauvres traileurs, ...

Me voilà, dimanche 27 avril 2008, présent pour ce Trail de Signes : finale du challenge des Trails Varois.

Un trail comme une autre me direz vous ?

Que nenni, car sans mon fidèle DJ les Pins, je sens le coté mystique de la Force poindre en moi. Pourquoi mystique ? me diriez vous ?

Et bien parce que pour mon cher DJ les Pins (ce matérialiste à tout crin) se plait à trouver en moi une étrange résonnance avec les lieux chargés d’Histoire, et là autant vous dire chers lecteurs, qu’avec le Trail de Signes nous touchons à du lourd, du très lourd, du monstrueusement lourd, à l’un des lieux les plus sacrés de la Provence, voire de la chrétienté.

En effet, le massif de la Sainte Baume abrite la grotte (Baume signifie en provençal : grotte), où, selon la légende Marie-Madeleine (celle de Jésus) serait venue se retirer durant les trente dernières années de sa vie dans la grotte sacrée.


Mais au delà de l’Histoire, ou du mythe, le massif de la Sainte Baume est l’un des endroits les plus déroutants de la Provence : imaginez cette Provence noyée de lumière, où seule la végétation de la garrigue survit péniblement à la sécheresse et aux rayons si ardents du Soleil.

 

Oui ! imaginez cette Provence avec un massif haut de plus de 1.100 m, une ligne de crête de 12 kms de long d'Est en Ouest, avec des falaises abruptes orientées plein Nord.


Protégée du soleil, à l’ombre de ces falaises si escarpées existe une forêt très, très ancienne composée d'arbres inconnus en Provence : des hêtres, des charmes, des érables, de plusieurs dizaines de mètres de haut.

Une sorte de Brocéliande provençale. Un havre fait d’ombres et de fraîcheur.

A mi-hauteur de cette falaise exposée plein Nord, au-dessus des cimes des arbres se situe

la Sainte Baume de Marie-Madeleine

gardée par une communauté de quatre moines dominicains, qui se sont installés en ce lieu retiré du Monde.

Ils veillent avec bienveillance à l’accueil des pèlerins, ou des simples visiteurs de passage.

La Sainte Baume est avant tout un lieu de prière, de recueillement et de contemplation.  

Un lieu de calme et de silence, où le dialogue est avant tout intérieur.

De la petite esplanade de la Grotte, la hauteur abrupte des falaises est si élevée qu'il n'est pas possible de voir le soleil, si ce n'est quelques courtes heures vers le solstice d'été...

... mais l'on peut poursuivre son chemin vers la ligne de crête et la Chapelle du Saint Pilon (où selon la tradition Sainte Marie-Madeleine était transportée plusieurs fois par jour par les anges qui l’entouraient de leurs chœurs célestes).

Se laisser gagner par la beauté majestueuse et apaisante, si ce n’est envoutante, des lieux ...

Chaque montée vers la Sainte Baume mérite sa peine, et la vue y est grandiose, tant vers l’extérieur, que vers soi, vers les autres. Et le silence en ce lieu, se fait alors murmures, puis échos ...

 

Que les lecteurs me pardonnent, mais j’aime flâner, musarder, comme une sorte de promenade dominicale vers les chemins intérieurs, du coté ombragé et caché, une sorte d’échauffement mental avant le long parcours du trail.

Pour ceux qui privilégient le coté apparent et l'immédiat, le récit de la course commence avec la photo des Oranges mécaniques autour de la fontaine de Signes.

Mais revenons, à ce dimanche matin, réveil à 6h30 (car le départ de course a lieu à 10h00), petit déjeuner. Et déjà comme un signe, lorsque je me rase, je vois dans le jardin deux grosses perdrix picorer, des perdrix rouges, celles de la Provence de Pagnol. Et même si certain ne verrait là qu’un pur hasard, j’aime à croire que cela est néanmoins un signe. D’ailleurs le trail part du village de Signes ! Si cela n’en est pas un aussi de signe .

Je m’habille lentement, j’aime ce moment de profond recueillement. C’est comme une sorte de liturgie, cela renvoi à mes racines Gardoises, et plus particulièrement Nîmoises. Je m’imagine tel le matador enfilant ses habits de lumières, son collant, se préparant religieusement dans pénombre de la chapelle, avant d’aller combattre dans le soleil de l'arène. De ce combat terrible entre l’homme et le taureau, la force et l’intelligence, la cruauté et la beauté, lorsque le temple (littéralement l’accord) de la faena sublimera la tragédie en cours, lorsque la suerte (littéralement le sort) désignera le vainqueur de ce combat. Hé oui ! je suis un aficionado, paix à mon âme. 

J’aime donc dans ces moments là de préparation, écouter la chanson de Francis Cabrel sur la corrida, même si mon ressenti est quasiment à l’opposé de ses paroles, le temple et l’émotion de la corrida y sont parfaitement retranscrit. Et pour qui a l’aficion, la plus belle des morts, est celle qui à lieu dans l’arène, comme une apothéose de notre parcours terrestre, que l’on soit taureau ou matador.

“Depuis le temps que je patiente dans cette chambre noire […]

Et j'ai plongé vers le grand jour
J'ai vu les fanfares, les barrières
Et les gens autour […]

Andalousie, je me souviens, les prairies bordées de cactus […]

Sentir le sable sous ma tête
C'est fou comme ça peut faire du bien
J'ai prié pour que tout s'arrête […]

Est-ce que ce monde est sérieux ?
Si, si hombre, hombre.”

Je monte dans ma voiture direction Signes : “Sainte Vierge, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres traileurs, maintenant et à l'heure de notre mort.”

 

Même si maintenant, se comprend aisément, avec ce que nous allons déguster sur le parcours.

Pourquoi l’heure de notre mort ? Parce que, comme pour le matador, celle-ci peut surgir à chaque combat, cela fait parti des risques. Et malheureusement ce dimanche 27 avril, elle viendra faucher l’un d’entre nous sur le marathon de Lyon .

 

Mais la mort aussi, car le trail et particulièrement les trails longs, sont comme une sorte de road-movie, une sorte d’épreuve initiatique, un mélodrame entre notre corps et notre esprit, avec des moments de doutes, des moments de souffrance, des moments de solitude, des moments de partages, des moments de découvertes, des moments d’émerveillements, des moments de grâce, si ce n'est de transcendance ...

 

A propos de voyage initiatique, sur le sens de la Vie et de la Mort, je recommande vivement le film culte Dead Man de Jim Jarmusch, et encore plus l’extraordinaire BO de Neil Young, que je suis en train d’écouter en voiture, comme une longue descente au plus profond de soi. Ce fameux échauffement mental, un besoin de sentir ses racines, la sourde palpitation de la Vie, sentir cette volonté inébranlable d’aller jusqu’au bout, de ne rien lâcher.

 

Justement un des dialogues du film Dead Man est ”Boys… The hunt is On” (Gars, … la chasse est ouverte).

Cela tombe bien, mon dossard est le 762 (7.62 mm calibre utilisé pour les armes militaires), encore une course où je fais sulfater grave .

Si cela n’est pas encore un signe ? Qu’on se le dise cela va poutrer à donf ! cela, sera une lutte sans pitié .


Me voilà arrivé à Cuges les Pins. N’est ce pas un nom magnifique qui fleure bon la Provence et la farigoulette ? Les oripeaux de brumes matinales s'étirent lentement, ... un nouveau signe ?  

 

Justement ais-je bien fait de courir prudemment que le 21 km ? n’aurais-je point dû m’aligner sur le 45 km ? puisqu’il est question de voyage initiatique ? C’est pas grave, comme Béatrice et mes deux filles vont me rejoindre pour pique-niquer sur le parcours, je devrais refaire une partie du chemin après l’arrivée et parcourir ainsi environ 30 km. 

Encore quelques kilomètres en voiture et j’arrive à Signes. Je me gare et je retrouve Nico73 et Francar11, quasiment à coté de ma voiture : un nouveau signe ? Si cela continue je fais finir rubalisé, tellement j’ai vu de signes . 

Je récupère mon fameux dossard 762, et part m’échauffer, et que vois-je un buff kikourou sur un colosse qui court sur la route, je m’approche de lui, et lui lance la fameuse sentence marseillaise :

“ Tu es qui toi ? “

Réponse : xav04, et là mon cerveau refait surface de sa profonde concentration : mais c’est un kikou du 45 km, qui repasse par le village, après la première boucle de 13 km. Il ne s’échauffe pas comme toi !!! il court pour de vrai depuis 8h du matin ...

 

Bon, DJ, c’est bien beau de se la jouer mystique, de faire dans le lyrique, mais là, cela va bientôt envoyer grave, fini la rêverie, sur ce qui fut, et le rêve de ce qui aurait pu être. Il va falloir s’arracher : objectif 21 km en 3h10, voire 3h00. Tout auréolé de ma perf sur la Ronde de Château Gombert, j’ai de l’ambition (profites bien petit, il fait encore frais, et tu es encore frais aussi). 

 

Cependant, avant de rejoindre le départ de la course sur la place du village, j’encourage quelques coureurs du 45 km, charmé par la douce mélopée de leur allure lente, et le cliquetis des bâtons sur le goudron, encore 5 à 7 heures de course pour la plupart d’entre eux : Courage ! The Hunt is On ! 

 

Les Oranges Mécaniques de la Ronde de Château Gombert sont de retour ...Nico73, Francar11, DJ Gombert

Du moins au départ.

Car à l'arrivée, elles étaient pressées, voire complètement essorées …

 

Samuel Bonaudo chauffe la foule des traileurs présents et nous entraîne dans plusieurs ola avec les bras : grosse, grosse ambiance, super décontractée.


Et c’est le départ en milieu de peloton (Hé oui ! je suis venu défendre, dans ces territoires aux confins de la Provence ma 79ieme place au Championnat de Provence de Course de Montagne) avec Francar11, petite discussion sur le Trail d’Orsan, pays de mon enfance, qui sera dans mon calendrier 2009.

 

Je laisse partir francar11, et suis rattrapé par Nico73, qui en profites pour me doubler et prendre quelques photos. Nous sortons du village sur la route goudronnée et nous arrivons rapidement sur les chemins qui vont nous amener vers le sommet de la Sainte Baume. Premier raidillon, et dans la descente première frayeur, ma cheville gauche part, pfffff !!!! légère foulure au bout de 20 mm. Autant vous dire que cela a refroidit sérieusement mon ardeur.

 

Je repars pas trop fier, et là qui vois-je papycoureur13 sur le coté laissant passer les coureurs du 21 km qui déboulent à fond les manettes. Je m’arrête petite discussion, mais je ne reste pas, je suis juste à peine chaud (20 mn de course). Je pense néanmoins, 1er guerrier du 45 km poutré . Ma conscience me dit que cela ne compte pas, car ils ont déjà 13 km dans les pattes. Et en toute mauvaise foi je me dis, certes, mais j’ai quand même doublé un guerrier du 45 km, et ça c’est factuel.

 

Un peu plus loin je rencontre mon coureur au nounours de la Ronde Château Gombert , je m’arrête :

“salut ça va ? ”, regard éberlué,

“tu me reconnais pas ? Nous étions ensemble à la Ronde de Château Gombert ? ”,

“heuuuu, ah ! oui,” avec un grand sourire, “salut, ça va ?”

Nous nous serrons la main, et je repars.

 

Maintenant petite montée, en plein cagnard, il y a un faux rythme et j’ai le cardio pourtant à 190. C’est élevé (trop élevé), pourtant je suis en marche rapide, est-ce dû à la chaleur ? Au somment nous basculons dans la descente et j’en profites pour doubler un peu. Nous descendons et nous atteignons un gué.

Puis un petit ruisseau sous les arbres. Enfin, du plat et en plus au frais, nous enjambons 2 ou 3 fois la rigole pour arriver jusqu’au Pont du Diable :

où le Diable lui-même, tout de rouge vêtu, observe les coureurs crapahuter. En voyant cela, je ne peux retenir un « vade retro satanas !», et le temps que je sorte l’appareil photo, le voilà qu’il prend la fuite au milieu des coureurs. Quel Malin ! ce Diable, on aurait vraiment dit Samuel Bonaudo … 

Après le franchissement, nous atteignons un peu plus loin, un lit de rivière asséché, avec plein de marmites de géant. Et là, Ouuuuuuuuuuille, cheville droite partie, p…. ça fait mal, concentrer tu devras être, finir tu le dois. Je fais moins le fier : 2 chevilles foulées en 50 mn, cela incline à l’humilité. Nous sortons du lit asséché de la rivière pour remonter le long de restanques couvertes de colza vers le premier ravitaillement.

 

A ce moment sur le chemin qui est large, une vétérane me dépasse, elle va légèrement plus vite que moi, j’accélère :

“Vous avez déjà fait le parcours ? ”

“Non c’est la première fois !”,

Nous discutons un peu, puis je lui dis : “Allez ! par galanterie, je vous laisse passer devant ”,

Elle me répond : “c’est vraiment par galanterie ? !!!! ”

“oui , oui !”, et je la laisse partir.

 

Mais …. c’est qu’elle s’est moquée de moi ? Elle a osé ! J’attends un peu, et je décide de la rattraper :

“Vous aviez raison, ce n’est pas par galanterie, mais vraiment parce que vous êtes meilleure que moi, j’ai le cardio à 210, … je ne peux pas tenir, ... bonne course” et je lui fais un grand sourire.

 

Je rejoins un vétéran qui a l’air de traverser un moment de fatigue, alors que le ravitaillement est en vue : 

« Courage , il y a du rosé au ravitaillement », sourire de mon vétéran.

Je rajoute « mais, il faut se dépêcher car il y en aura bientôt plus ».

Nous arrivons ensemble  au ravitaillement (Km 7) et pas de rosé (étonnant non ?). Je re-rempli mon camel back, j’ai déjà bu 1L (bon point pour l’hydratation). J’en profites pour me la jouer traileur longues distances, en mangeant du salé : 2 tranches de saucissons et 4 carrés de chocolat, et je repars.

 

Ce que je n’avais pas prévu c’est qu’il fait chaud, très chaud, et le chocolat fond dans mes doigts, j’en ai de partout, on dirait ma fille Lison. Tssst, Tssst, un vrai gamin ! Bon pour rattraper le coup, je me mets à sucer consciencieusement mes doigts en trottinant, je ne vais quand même pas m’essuyer sur le tee-shirt ?

 

Et c’est reparti pour l’ascension sur la Sainte Baume. Je me retrouve au niveau d’une jeune femme qui halète fortement :

« Vous avez déjà fait, ce trail ? »

« Non c’est la première fois, je viens de Lyon. »

« De Lyon ? Mais vous ne faites pas le marathon : le parc de la tête d’or, Gerland, les odeurs de la raffinerie de Feyzin  »

Tout autour de nous le romarin et le serpolet embaument l’air.

 

Nous continuons la discussion, en marchant tranquillement, surtout qua ma coureuse dénommée Gigi, court sans cardio, ce qui n’est guère prudent surtout sur un trail D+1200 en plein cagnard. Une fois qu’elle a retrouvé un rythme plus correct, je la laisse, et continue mon ascension, j’adore les montées. 

 

Nous nous élevons de plus en plus, la vue se dégage et devient magnifique. Je récupère ma vétérane si véloce d’avant le ravitaillement ; arrivé à sa hauteur, je prends la mine contrite et lui dit avec un grand sourire : « Je suis déçu, j’ai vraiment cru que vous étiez meilleure que moi, … a bientôt ».

 

Je double quelques coureurs dans la montée, notamment un guerrier, un vrai du 45 km, dreadlocks et tatouage au bras (et un guerrier supplémentaire du 45 km de poutré ).

 

Puis à un moment j’aperçois un buff kikou, LTDB ? Je me mets à respirer, très très fort, style dératé essoufflé et me mets à courir en pleine montée, les coureurs que je passe, doivent sérieusement se poser une question sur ma santé mental, voire même ma santé tout court, vu la pente. Je dépasse mon kikoux, en criant : « alors à la traîne chez kikourou ? » et je m’arrête quelques mètres plus loin pour faire connaissance. En fait c’est xav04, qui est un peu fatigué, j’en profites pour faire un bout de chemin avec lui, calmement, très calmement, ce qui est l’occasion de discuter ensemble, de faire redescendre mon cardio à 169, et de me refaire doubler par les coureurs que j’avais dépassé ... l'Histoire est un éternel recommencement ...

Avec xav04 nous arrivons ensemble au sommet de la Sainte Baume, où j’en profites pour demander à M. et Mme Rosé d’immortaliser cette rencontre (en fait mon vétéran, que j’avais remobilisé avec le rosé du premier ravitaillement, cours en couple avec sa femme, comme je ne connais pas leur noms, je les ai surnommés M. et Mme Rosé).

Je continue avec xav04 vers le point de séparation du 21 et du 45 km. Gigi nous a rejoint, et je lui décris le panorama qui s’étend devant nous : en bas le village de Plan d'Aups et au loin la Sainte Victoire dans toute sa majesté.

 

 

Le sommet de la Sainte Baume n’est pas en reste pour autant : un paysages quasi lunaire, où les coureurs sont autant de points multicolores sur la ligne des crête.  


Et maintenant partie de chat perché : nous devons courir sur des rochers qui affleurent, avec des arêtes verticales, impossible de poser l’ensemble du pied, c’est très particulier, et en plussss fatiguant.

Connaissant la sensibilité de mes chevilles, je fais cela cool.

Nous commençons à redescendre au milieu …. d’un troupeau de mouton, si cela n’est pas du trail authentique, avec cet air embaumé par le thym et le romarin. 

J’ai 1h45 au chrono, je suis confiant mon objectif de 3h10 devrait être facilement atteignable, puisque nous allons descendre de la Sainte Baume.

Justement en parlant de descente, exercice que j’apprécie peu, et qui me vaudra de monter mon compteur à 2 chevilles gauches et 2 chevilles droites supplémentaires de foulées. Je décide d’assurer. Je demeure imperturbable, lorsque je me fais dépasser par la tête de course du 45 km : hé oui DJ ! Eux ce sont de vrais traileurs, qui même après 30 km, vont plus vite que toi : « Boys … the hunt is On » ! A toi de devenir gibier … 

Mais revenons à des choses plus gaies : nous sommes dimanche et je croise lors de ma descente une vingtaine de groupe de randonneurs, qui à chaque fois (alerté par mon vrombissement en descente) s’écarte pour me laisser passer. Devant tant de courtoisie, j’en profite pour faire un petit peu de PPG  :

  • regard à gauche, pour repérer la composition du groupe de randonnée,
  • regard en bas, pour éviter les cailloux roulants,
  • main droite à la casquette blanche kikouresque, grande révérence, ponctuée de "Mes hommages du dimanche mesdames."


Justement nous croisons, un groupe en train de pique-niquer, bien installé dans l’herbe, qui lève leur verres à notre passage. « A la votre !».

Et pour moi, comme un début de fatigue, cela fait bientôt 3 heures que je cours, et j’ai quelques douleurs au ventre… étrange.  

Nous retrouvons notre ruisseau chantant du départ, et là, une barre au niveau du ventre. Je n’avais jamais ressenti cela avant, impossible de trottiner. Je suis obligé de m’arrêter quasiment, … presque plié en deux .

Que se passe-t-il ? Je n’ai presque rien mangé au ravitaillement, et j’ai pris 3 gels espacés : antioxydant à Départ -15', puis Départ +45', et Départ +1h50. Justement, j’allais en reprendre un. J’arrive juste à marcher, je pense à mon objectif de 3h / 3h10, et là, je me dis comme dans la fable de Pierrette : « adieu, veau, vache et cochon …». C’est pas grave, j’ai au moins pris des moutons en photos .

Je continue à marcher lentement, en essayant de savoir ce qui se passe réellement.

Je peux de nouveau trottiner, et je repars. Je n’ai vraiment pas envie de prendre un gel. De nouveau une barre au niveau du ventre, et mode marche. Je ne suis même pas mal, mais j’ai une barre au ventre qui m’empêche de trottiner. Je repars et cahin cahan, je parviens au 2ieme ravitaillement (Km17), j’en profite pour prendre 2 verres de Coca (pour les douleurs au ventre, si t’aventure cela …) et je mange du salé, je décontracte et repars.

Quoiqu’il arrive : j’y arriverai ! en plus Béa et les filles sont venues pour une fois. Allez jusqu’au bout ! 

Nous repartons, mais je ne reconnais pas le chemin initial, nous voilà dans un pré, et nous montons un petit, un tout petit chemin, mais costaud. Cela monte dur, très dur, nous sommes dans la forêt primaire toute d’ombres tapissée.

Pas un brin d’air, il fait chaud et moite, et nous montons, … lentement, à chaque rocher franchi, un nouveau resurgi derrière, à chaque arbre, un autre encore plus haut, lentement, très lentement, les feuillages s’éclaircissent et la lumière se fait plus forte, et nous continuons à monter, inexorablement, … lentement, les mains sur les cuisses, le nez dans le romarin.  

A un détour, je vois des fleurs bleues que je n’avais jamais vu auparavant, et cela continue de monter, encore et encore. Et là, comme une illumination, je repense à mes compères figatelli13 et chorizo13 : «à Signes, tu verras la descente finale, c’est quelque chose ». Mais oui ! mais avant de descendre, il faut monter ! et bien je dois vous avouer que cette montée, tout en virages, sur une monotrace, c’est encore plusss quelque chose. Pour une fois, je crois que j’en apprécierai presque la descente  

Mais nous continuons toujours à monter (après l’arrivée, en discutant avec des traileurs, j’ai appris que cette montée offrait un dénivelé de 170 m avec une pente moyenne de 14%). Je croise un secoureur, qui me demande si cela va : "Oui", à part mes douleurs au ventre de tout à l’heure. Je continue et je vois deux coureurs arrêtés, dont un, avec le bras qui saigne, je m’arrête à mon tour et leur dit que le secoureur est en train d’arriver. Celui qui est blessé, me fait un sourire, en me disant que cela va, « c’est juste le turbo qui est cassé ! ». Tu m’étonnes ! et toujours pas de descente.  

Je suis inquiet, car Béa et les filles m’attendent sur une partie du chemin initial. J’essaye de les appeler avec mon téléphone, mais tu m’étonnes ! perdu où nous sommes, aucun signal capté.

Allez ! bois et marche, et n’oublie pas ta Sportenine !  

Enfin, la descente, très agréable dans l’ombre d’une forêt de chênes verts. Descente pentue, mais pas trop technique, juste à s’accrocher aux branches pour se freiner. Et là ! panne sèche de camel back, je n’ai plus d’eau ... dans mon désarroi, j’ai oublié de faire le plein au deuxième ravito. Et il fait chaud, très chaud ...

Je reste concentré et vigilant, pas assez, pour que ma cheville gauche parte une nouvelle fois : cheville gauche : 3, cheville droite : 2 : Hé les chevilles si on arrêtait là le score ! 

Je continue et soudain surgit sur le bord du chemin, Béa et les filles en train de pique-niquer.

Les filles se précipitent vers moi « papa !  papa ! ». Florine me propose une chips. Je souris, c’est gentil (mais surtout je pense que j’ai soif). J’aimerai bien rester avec elle, je suis trop content. Mais mes filles me poussent : allez papa, ils (les autres traileurs) te doublent. Je leur indique, que je n’aurai pas la force de remonter, que les jambes sont lourdes, très lourdes et que donc je les attendrai au village. 

Et je repars, les jambes toujours aussi lourdes, mais le coeur léger, très léger, et l'humeur au grand beau fixe. Justement, me voilà derrière une vétérane. Et là, tout dans le bonheur d’avoir vu mes filles, le coté "Raving"  (NDLR : délirant en français) du CRAC Team, fait bruyamment surface : je me mets à hurler un :

GGGGRRRROUUUAAAAHHH !!!

à mi-chemin entre le cri du Yeti (cher au Lt Blueberry) et la bête du Gevaudan.

Surprise ma vétérane se retourne, et j’entreperçois, sa cheville rouler sur un cailloux, Noooooooooon pas ça ! c’était juste une plaisanterie.

Heureusement la pierre ne fait que rouler et la cheville continue sa route, ouf ! 

« Alors Madame, vous êtes bien émotive !

Vous savez, ces bois sont mal fréquenté » 

Allez ! je lézarde pas trop, surtout que je dois rattraper les autres traileurs.

J’assure sur la fin du chemin, et me prépare à arborer le buff kikourou, pour la partie bétonnée et la grande chevauchée. Surtout que hier avec Florine, nous avions regardé ensemble les différentes manières de porter le buff, et nous avions opté pour le port « à la lutin ». 

Ça y est le goudron, j’ôte ma casquette blanche, et je prends dans le camel-back, mon buff, qui est tout péguant des tubes de gels usagés que j’ai mis dans le camel-back. Tant pis ! que la Force soit avec moi, et l'effet magique du buff kikourou tu sentiras 

Justement, j’allonge la foulée, surtout que devant moi, j’aperçois mon coureur au turbo cassé et son compagnon. J’accélère : 190 au cardio, mais c’est qu’ils sont encore loin. Patience DJ, fais attention à ne pas couler une bielle... Allez, ça y est doublé ! Tiens, un traileur à la dérive, je le double (et de trois doublés), l’effet magique du buff kikourou tu sentiras 

Alors que nous rentrons dans le village, 2 coureurs sont proches devant. Cela doit être jouable, et là je pars comme dans un sprint et double un des coureurs (et de quatre) et franchi la ligne d’arrivée, …. heureux.

Je termine en 3h37 au delà de mon objectif (prétentieux) de 3h10. Il faut dire que les conditions climatiques ont été chaudes, et la dernière montée un mur. Je suis un peu inquiet pour le Trail du Grand Lubéron, que j’aborderai donc avec la plus grande humilité. 

Je me … traîne jusqu’au ravitaillement, où je me réhydrate (je n’avais plus d’eau) et mange du salé, les jambes sont dures. Et là, une envie irrépressible : la fontaine ! J'en ai rêvé, encore plus que la bière : de l’eau fraîche pour les jambes. Je repars sur la place du village, et en profites pour me délasser dans la fontaine, mais que l’eau est fraîche, très fraîche.

N’ayant rien prévu pour la douche, j’en profites pour me désaler le visage.

Mais que cette eau est froide, voire carrément glacée. Qui penserai que sous ces rochers gorgés de soleil, l’eau de source soit si froide ?   … réalité quand tu nous tiens, quand pour comprendre, il vous savoir dépasser l’apparence pour aller puiser dans les profondeurs, celles des avens par qui l’eau arrive … 

Puis, direction le centre culturel pour le repas, où je retrouve M. et Mme Rosé (lui à fait le GRR, il y a 10 ans), et nous dégustons enfin un rosé bien frais avec le couscous. Ils me chambrent sur kikourou, qu’ils appellent kirikou … tssst, tssst, petits insolents. 

Béa et les filles me rejoignent à la fin du repas.

Mes filles me racontent qu’elles ont couru pour venir

"Mais pourquoi, il faisait chaud ?"

"Pour s’amuser avec les coureurs"

"QUOI !! "

"Ben oui, on a fait la course avec les coureurs pour s’amuser ", rires de mes filles.

"Même qui y en a un, qui nous a dit que nous allions trop vite pour lui …"

Et là, comme un grand moment de stupeur me traverse. J’imagine les traileurs du 45 km, au bout de 7 h de course, les jambes raides, le regard vide, concentrés, focalisés sur l’arrivée, se faire dépasser par deux gamines de 9 et 6 ans, … que cela doit être dur mentalement … J’espère qu’ils étaient assez frais pour comprendre, que ce n’était qu’un jeu d’enfants … Au moins, la relève est assurée 

 

 

Ceci dit, mes filles fatiguées n’ont pas participée à la course enfant, ce qui a permis à Joy Junior (digne fils de Joy) de remporter le trophée. 

J’en profite pour flâner entre le ravitaillement, où je discute avec les bénévoles, et l’arrivée, où je discute avec Joy et Emilie, la copine de xav04.  

16h00, toujours pas de xav04, ni de papicoureur13. J’en profite pour me rendre au stand Compex : allongé, je regarde la façade de l’église qui se détache dans l’azur du ciel, alors que les cris des hirondelles résonnent, je commence à savourer ce repos, qu’il serait raisonnable de nommer de guerrier, tant ce trail a été exigeant physiquement.

Je regarde l’arrivée des derniers coureurs du 45 km, épuisés, … un finira complètement tétanisé et en larmes, c’est dur, très dur. En même temps, les doux glougloutis de la fontaine et les cris d'hirondelles de cette chaude fin d’après midi inspirent à la quiétude … 

Xav04 est arrivé en un peu plus de 8h de course ... et dire que le week-end prochain, il va faire l’Ardéchois … un roc, je vous dis ! Ce kikou est un roc ! 

16h30, papycoureur13 n’est toujours pas arrivé, … les petits écoliers que j’avais prévu pour son goûter ont fondu avec la chaleur ...

... la bière est devenue tiède … Il est malheureusement temps pour moi de rentrer.  

Mais avant cela, je voulais rendre hommage : 

1/ A Maître Akunamatata, dont les récits sur le trail de Signes m’ont fait rêver et donner l’envie de venir courir ce trail et … de finir dans la fontaine. 

2/ Aux bénévoles de cette course et la super organisation, qui a permis de mélanger astucieusement (départ décalé de 2 heures) les traileurs du 45km et du 21 km, de flâner dans le village de Signes, entre le centre culturel, le ravitaillement de l’arrivée, la place de la fontaine. C’est décidé pour moi l’an prochain ce sera le … 45 km, pour rejoindre dans la légende … tant de kikoux, les sympathiques coureurs du Club Sportif Martin-Maurel et surtout papycoureur13. 

3/ Last but not least, profond respect à papycoureur13, qui finira en presque 9h15. Et si le vrai courage était là ? De finir, d’aller jusqu’au bout ? N’est-il pas plus méritant de finir dans les derniers ? D’aller jusqu’au bout de son chemin ? Que d’être dans les premiers, qui sont forcément mieux entrainés et préparés ?

Comme une sorte de parabole, en conclusion de ce trail mystique …

   

«Ainsi les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers.» 
Evangile selon Saint Matthieu : Chapitre 20, verset 16.

 

 




11 commentaires

Commentaire de papicoureur posté le 30-05-2008 à 17:51:00

Arrête DJ Gombert!

Tu me fais venir la larme à l'oeil !!

Plus sérieusement c'est un plaisir de lire des CR tels que les tiens

Si j'ai bien suivi le prochain nous fera visiter le Lubéron?

Encore chapeau l'artiste

Commentaire de akunamatata posté le 30-05-2008 à 18:08:00

Bravo DJ Gombert pour ce récit tres varie (photo, culture et musique!)
Je vois que tu as bien transcris les dimensions du trail de Signes, en plus j'apprends des choses je ne connaissais pas deezer (lien vers la musique de son choix)
tu sa du passer du temps mais le résultat est probant.

Commentaire de riri51 posté le 30-05-2008 à 20:52:00

Merci DJ, superbe CR! tu viens de me convaincre "rendez vous l'année prochaine au départ du 45 km".

Commentaire de NICO73 posté le 30-05-2008 à 21:06:00

Vraiment Grandiose !

Ce Compte rendu est digne d'un écrivain. Tu prends ton temps, mais le résultats est parfait. Vivement le prochain !

Commentaire de Aiaccinu posté le 31-05-2008 à 08:28:00

Allez chiche , on s'inscrit tous sur le 43 l'année prochaine ?!

Commentaire de titifb posté le 31-05-2008 à 10:20:00

Excellent CR DJ Gombert ! Un vrai plaisir à lire...
A bientôt !

Commentaire de RogerRunner13 posté le 01-06-2008 à 17:24:00

Merci DJ Gombert de nous faire partager ce magnifique et mythique trail de Signes, bravo pour ce CR et à bientôt je l'espère.

Commentaire de xav04 posté le 02-06-2008 à 11:09:00

Un super, que dis-je un magnifique ou plutot un sublime Cr, en tous les cas merci pour ces belles photos et ce récit que l'on prend plaisir à lire. Le roc te remercie pour cette rencontre te je te dis à trés bientot pour un petit off dans les calanques!!

Commentaire de BOB MORANE posté le 03-06-2008 à 11:11:00

This narrative dedicates DJ GOMBERT as the boss of the trailer's writters of KIKOUROU in the WORLD.

Commentaire de LtBlueb posté le 11-06-2008 à 23:22:00

Grrrrrooooouahhhhh :)))

Tu as bien fait de me signaler ton récit : sinon j'aurais loupé un grand moment , ton cr, et un grand moment , le cri du Yéti cher à LtBlueberry !

Bravo et merci

L'Blueb

Commentaire de breizh alpini05 posté le 15-06-2008 à 20:37:00

Bravo pour ce récit, c'est vraiment un plaisir de relire et revivre toutes ces émotions qui traversent chacun de nous...en plus j'ai eu la surprise de me reconnaitre sur une des photos..(le mec en rouge sur la crete..pas tres chevelu..). au plaisir de te rencontrer et félicitation pour ta course..

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