L'auteur : Epytafe
La course : Marathon de Paris
Date : 6/4/2008
Lieu : Paris 16 (Paris)
Affichage : 2025 vues
Distance : 42.195km
Objectif : Pas d'objectif
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Voilà, nous y sommes! Le réveil, inutile, sonne et me force à me lever. J'ai peu dormi, deux heures au maximum. Stressé ? Oui, probablement. Bien que cette nuit bizarre ne ressemble pas vraiment à une nuit de stress, j'ai eu l'étrange impression d'être zen, paisible, malgré le sommeil qui me fuyait. Pas besoin de lecture ou de lumière, juste une longue nuit à attendre dans le noir, les yeux ouverts.
Je p'tit déjeune et me recouche un moment. Toujours inutile. Khanardô avait raison, il y un avant et un après marathon. Il a peut-être omis de m'expliquer qu'il y a des avants marathons. Les avant confiants et les avant déconfits, les avant confiants et les avants angoissés, les avant euphoriques et les avants qui font mal. Pleins d'avants-marathons. Plus le temps qui me rapproche de la ligne de départ approche plus le nombre d'avants de multiplie.
Je finis par m'extraire du canapé-lit où je gamberge et m'équipe, doucement, lentement. Ne rien oublier. Sophie, qui m'héberge à Paris, apparaît. Elle qui hait tant le réveil-matin est déjà debout, prête à m'accompagner sur le ligne de départ, de même que ma compagne, qui a supporté tant de mes avants. Je suis le dernier, je traîne, recule l'échéance.
Finalement, on se retrouve dans le métro. Est-ce là, en accrochant mon dossard que j'ai fait ma première erreur ? Je ne me rappelle plus. Dans tout les cas, je me suis débrouillé pour perdre mon cardio. Catastrophe, moi qui ne court jamais sans! Gros coup de stress ! Comment est-il possible de m'aligner sur un marathon sans cardio alors que je le mets pour la moindre sortie, que je vis presque avec ? La conclusion s'impose d'elle-même, il va falloir improviser ou ne pas y aller. Improvisons donc! Ça me rappellera mon premier saut en parachute sans altimètres.
Mon seul objectif est de terminer. Je le sais et l'affirme haut et fort depuis janvier. Mon dossard 04h00 est une erreur, une erreur due à mon optimisme de septembre, lorsque j'ai acheté ce dossard, le 3 septembre, jour de la mise en vente. Depuis, mon frère a pris un dossard aussi, même sas. Je n'ai donc pas cherché à changer de sas, ce sera l'occasion de faire le départ entre frangins. Le problème, c'est que pas de cardio = pas de montre. Difficile donc de se focaliser à une allure, ce sera donc un marathon sensations. Départ lent, ne pas se griller, tenter de voir l'heure au moment du franchissement de la ligne, puis à chaque horloge croisée, calculer une pseudo-moyenne, pour être sûr de ne pas se griller. C'est mon premier après tout, et vu mon passé lointain et proche pas très sportif, et mon approche de la quarantaine, le finir sera déjà bien.
C'est donc un peu plus calme que j'arrive au rendez-vous Kikourou. Belle occasion de croiser Taz, et ses men in black, magnifiques dans leurs costards, Moumie, Astra, Coli et plein d'autres. Mon frère arrive en même temps. L'angoisse est là, bien présente. L'animation assurée par Chtigrincheux ne suffit pas à me détendre et je crois que je passe à côté de l'occasion de rencontrer plein de kikous, qui sont là pourtant, juste à côté. Je n'ai, par exemple, absolument pas vu Nono l'escargot, dommage, nul même. Rétrospectivement, je m'en veux un peu, un peu beaucoup même.
Nous nous déplaçons vers les sas, abandonnant Sophie et ma chère et tendre. Nous voici lâché à nous même. Dans le sas, je me rend compte que mon frangin est aussi inquiet que moi. L'inévitable Vangelis retenti alors que nous nous posons de plus en plus de questions sur nos santés mentales respectives. L'attente que je craignais longue passe très vite. Un petit MMS envoyé, un gros éclat de rire devant un mec qui réalise qu'il a mis son short à l'envers (tiens, nous ne sommes pas les seuls angoissés) et qui tente d'étirer son poncho pour pouvoir le retourner discrètement. Nous le verrons avancer lors du départ, son short à la main, un peu mal pris...
Nous voilà parti, ça bouchonne jusqu'à la ligne. Dix minutes nous sont nécessaires avant d'entendre le fameux bip du départ réel. La vue est magnifique, les Champs-Elysées sont noires de monde, des milliers de marathoniens nous précèdent, l'émotion est forte, très forte. Nous partons lentement, peur de nous griller, peur de cet inconnu qui nous apparaît encore comme un abîme angoissant plutôt que comme une grande aventure ou une fête. Le premier kilomètre passe inaperçu, tant mieux, je n'ai pas de montre pour caler mon rythme. Mon frère m'accompagne, nous papotons tranquillement, profitons de la Concorde, un peu détendu par l'action, un peu stressé par la nécessité porche de se soulager, nous avons en effet trop bu dans le sas. Rivoli, l'hôtel de ville, je profite de montrer un peu la capitale à mon frère. Une ruelle vide attire mon regard nous nous y engouffrons pour nous soulager contre une porte cochère. Désolé M. Delanoé pour ce manque de civisme. Promis, la prochaine fois nous prendrons d'autres précautions.
Bastille, premier ravitaillement. Nous marchons 50 mètres, nous ferons de même à chaque ravitaillement, jusqu'au 30ème kilomètre, où mon frangin me lâchera et en profitera pour me mettre 20 minutes. En 12 kilomètres... Salaud ! Il fera même un negative split...
Lentement, les kilomètres s'accumulent, le semi passera en 2 heures et quelques 20 minutes. Le 25ème passe sans encombre, nous profitons de la belle vue que nous offrent les quais sur l'île St-Louis. Doucement, ça devient dur, très dur. Les montées tirent, je ralentis, le 30ème me semble tellement loin, et j'essaye d'oublier qu'après il reste encore 12 bornes. Le 28ème signifie que les 2 tiers sont derrières, bonne nouvelle. Mon frère me prévient, au 30ème il met l'Ipod, je pensais faire de même, j'ai besoin d'être boosté, tout mon corps me fait mal, mes muscles tirent et me supplient, à l'aide d'influx nerveux autant variés que nombreux, de m'arrêter. J'ai besoin de mon mental et mon mental passe par la musique, cette musique qui m'accompagne dans toutes les étapes de ma vie, cette musique qui m'a toujours ramassé quand la vie me semblait trop dure.
30 ème kilomètre. Nous nous ravitaillons. Un type glisse sur une orange, il s'étale devant moi. Nous sommes 4 ou 5 à le regarder, stupidement, trop endoloris pour envisager l'effort de relever ce gars. Finalement je me baisse, le ramasse. Un autre coureur arrive, derrière, affolé, me pousse en m'invectivant, il veut passer alors que je suis plié en deux à relever l'autre. L'état de fatigue est général, dur !
Mon frère part seul, je m'isole. La voix rocailleuse de Tom Barman (dEUS) me traverse, m'électrifie. Je repars, remonté à bloc. En fait, les 12 derniers kilomètres seront un véritable calvaire. Je m'arrêterai tout les 2 kilomètres pour marcher quelques minutes, usé, souffrant de partout. Le plus dur sera entre les 30ème et 37ème kils. Si c'est ça le mur, il est long, très long. Une dame à vélo me tient compagnie un instant, papote avec moi, étonnée qu'on puisse venir de Suisse pour courir à Paris, puis elle repart. Le 38ème kilomètres, ce sera le ravitaillement breton, un verre de cidre me remonte définitivement, c'est là que je sais enfin que je terminerai.
Entre les 41ème et 42ème kilomètres, un mec est par terre, couché, les pompiers l'examine, il a l'air d'être en proie à une énorme crampe, il est dégoutté, si proche de l'avenue Foch, le pauvre. Je remet mon Ipod, Bad Timing de dEUS, j'augmente le volume et me laisse porter. Tom me demande régulièrement - do you realize ? Oui, je suis porté, je réalise bien que je vois enfin l'arc de triomphe, que je vois enfin ce panneau 42ème kilomètres, suivi de la bannière arrivée. Je sais même que l'arc de triomphe a été bâti juste pour moi, juste pour ces moments uniques au monde. Je vole, je cours, tout se brise en moi, mon corps tremble de partout, je tangue, je suis ivre, totalement ivre de fatigue accumulée, de joie de terminer. Je savoure chaque mètre, sachant bien que je me fabrique des souvenirs, que même si je fais encore 100 marathons, ce ne sera plus jamais pareil, que ces instants sont uniques dans ma vie.
Je passe la ligne sonné. Je tangue encore, des secouristes m'approchent, je leur fais signe, ça ira. Je met un moment à comprendre que je ne tends pas la bonne chaussure au bénévole, je suis vraiment sonné. Je remonte tout doucement vers la grille, j'ai besoin d'être seul un instant, d'encaisser ce que je viens de vivre, de cuver mes émotions, trop fortes, trop violentes, trop belles.
Plus tard, je rejoindrai mon frère, sa collègue, mon amie et Sophie, plus tard ? Quelques minutes plus tard, mais des minutes d'un autre temps, des minutes qui durent différemment. Je croiserai Loïc et Chrystelle également, heureux de faire leur connaissance. Par contre, je ne verrai personne au point K, dommage, je crois que j'ai été vraiment trop lent...
15 commentaires
Commentaire de idec59 posté le 09-04-2008 à 16:06:00
Bravo pour ta course.
belle expérience, souvenirs inoubliables et très bon choix musical.
Pascal
Commentaire de laurent05 posté le 09-04-2008 à 16:07:00
bravo pour ta course
sympa ton récit pour nous faire partager tes
émotions.
c'est vrai que je t'ai aperçu avant la course
mais je n'avais pas mis de nom sur ton visage
bonne recup
à bientôt
laurent
Commentaire de fanfan59 posté le 09-04-2008 à 18:14:00
Les souvenirs sont effectivement éternels et, à en croire les cr pour ce 6 avril 2008, vous serez, nous serons très nombreux à avoir les mêmes. Ravie de t'avoir rencontré.
Commentaire de chtigrincheux posté le 09-04-2008 à 18:31:00
Koi tu connais khanardo …. Alors c’est une seconde bonne raison de se revoir
Le froid nous engourdissait avant le départ… Sinon j’aurai eu la présence d’esprit d’inviter tout les KIKOUS à faire un tour de « l’arc » en trottinant au son de mon mégaphone….
Salut les bucherons, à une prochaine sans réserve.
Je me reconnais dans tes mots
Commentaire de taz28 posté le 09-04-2008 à 19:17:00
Week end mémorable où j'ai fait la bise au Suisse célèbre de Kikourou, ce fût un plaisir de te voir avant le départ !!
Merci pour ce récit et bravo pour ta course !!!
Taz
Commentaire de loicm posté le 09-04-2008 à 19:19:00
yesss, ça c'est du récit. Bravo .. toi qui avait des doutes après ton semi, tu l'as fait !! D'autant plus fort que tu y es allé tout aux sensations, sans repère, mais tu sais maintenant quoi demander au prochain Noel : un beau cardio tout neuf de MARATHONIEEEEEEEEEEEN !!
Tres heureuse surprise quand tu nous a appellé après l'arrivée, de pouvoir faire enfin ta connaissance.
A bientôt
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 09-04-2008 à 19:45:00
Je ne savais pas que les Suisses pissaient le long des portes cochères ! Au fait, es-tu bien Suisse ? D'après la photo, toi et ton frère, vous me faites plus penser à des Vikings ou alors à des Wisigoths.
Désolé de ne pas t'avoir trouvé ! Je cherchais un bonhomme vert.
Commentaire de Jipé posté le 09-04-2008 à 19:48:00
Bravo belle perf. pour une course au feeling. Perso, je ne sais pas comment j'aurai pu faire sans ma montre.
Commentaire de moumie posté le 09-04-2008 à 21:56:00
Salut,
Ca commencait mal avec la perte de la montre :-)
C'est vrai que c'est dommage que nous n'ayons pas eu le temps de nous parler, mais nous étions tous ailleurs ce dimanche matin
Tu as eu raison de savourer ces instants au moment de ton arrivée, car le premier marathon reste le plus mémorable et le plus fort.
Bravo à toi.
Moumie
Commentaire de astra wally posté le 10-04-2008 à 01:02:00
Un suisse qui perd une montre ! eh ben ça alors ! lol effectivement j'ai vu que tu avais l'air ailleurs lors du rdv d'avant le départ. Je comprends mieux. Dis donc le frangin m'a l'air sacrément balèze ! te mettre 20 min. dans les dents, ils en a gardé sous le pied ! je crois que les t-shirt Ramones sont aussi fabriqué par Speedo, donc à bannir sur les courses ! lol. Bravo pour ta course (avec dEUS c'est exactement ce qu'il faut pour finir les dernier km) et ravi de t'avoir rencontré. A peluche (copyright) Laurent
Commentaire de _azerty posté le 10-04-2008 à 08:19:00
JE viens d'un sport où il y avait aussi beaucoup d'avants (des grands, des gros, des costauds, ...) mais où les en-avants étaient interdits ...
Bravo Epitaphe pour ce marathon, et un suisse qui manque d'horloge : Waouh trop fort :-)
Domi
Commentaire de domdom g posté le 10-04-2008 à 08:35:00
salut epitaphe, bravo et felicitation pour ce marathon et egalement bravo au frere ,et merci de nous faire partager ton experience avec ce beau recit.
amicalement
domdom
Commentaire de cat2513 posté le 10-04-2008 à 14:18:00
super récit qui fait bien ressentir ta fatigue des 12 derniers kms et l'immense joie sur la ligne d'arrivée. tu as réussi, c'est ça l'important, tu es marathonien, le prochain se passera sûrement beaucoup mieux. Reste sur ton nuage le plus longtemps possible...
Commentaire de calimero posté le 10-04-2008 à 18:51:00
Bravo pour ce grand moment que tu as vécu et que tu m'a fait partager au travers de ce magnifique récit!
Bravo aussi pour ton courage et pour être toi aussi un ...Marathonien!!
Commentaire de Khanardô posté le 10-04-2008 à 21:28:00
Quand je lis des récits de cette qualité, je dois dire que je suis excessivement flatté d'y être cité !
Connais-tu les livres de Daniel de Roulet ? Il est Suisse, et a écrit des textes sur la CàP. Je pense qu'il ne renierait pas ton texte...
Bravo à toi pour ton courage et merci pour ce très très beau récit, très "inside man".
"Ça me rappellera mon premier saut en parachute sans altimètre." Caliente !!!
Et maintenant... profite bien de l'après ! ;-)
Khanardo_respect
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