Récit de la course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous 2007, par zorey974

L'auteur : zorey974

La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous

Date : 19/10/2007

Lieu : ST PHILIPPE (Réunion)

Affichage : 3693 vues

Distance : 150.1km

Matos : Chaussures XA Pro 3D
Corsaire
Tee Shirt de l'organisation
Chaussetes Kalenji
Vaseline sur les pieds pour éviter les ampoules: résultat parfait

Objectif : Terminer

19 commentaires

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Ma diagonale des fous 2007

Au départ de Saint-Leu 19h30 :

 

A 19h30 jeudi soir je rejoins en compagnie de ma petite famille le point de ralliement des raideurs qui prennent le bus pour rejoindre le départ à Cap Méchant devant l’hôtel de ville de Saint-Leu. Il me semble que l’on est beaucoup plus nombreux que l’année passée. Peut-être qu’une impression…Je retrouve Olivier l’administrateur du forum avec qui l’on discute de tout et de rien sans doute, je ne me souviens plus.

Je suis plutôt détendu.

Une demi heure plus tard le bus arrive enfin. Un petit au revoir à tout le monde et c’est parti pour 1h30 environ jusqu’au départ.

 

Arrivée à Cap méchant 9h15 :

 

File d’attente, bousculade pour le 1er pointage, dépose des sacs d’assistance dans les camions et c’est parti pour 2h30 d’attente avant le départ. Un petit café où je retrouve Sébastien un ancien collègue avec qui j’échange quelques instants et direction le stade où je m’assois tranquillement. Je scrute souvent le ciel : la pluie tant redoutée ne semble pas pour le moment devoir nous importuner.

Tiens un collègue de bureau, on discute ça fait passer le temps.

A une demi heure du départ, tels des moutons les raideurs se dirigent comme un seul homme vers la ligne de départ : on dirait qu’ils visent tous la victoire. Ils seront moins pressés dans quelques heures… Personnellement je reste toujours tranquillement assis, on sera suffisamment debout dans quelques minutes.

Le Président du Grand Raid appelle les favoris pour qu’ils se placent en première ligne : 1ère déception, j’en fais pas parti ! Tant pis je devrais me contenter de la queue du peloton.

 

Le départ à 00h00 :

 

5,4,3  partez, c’est original, enfin  on est pas à 2 secondes prêt. Le chemin est étroit pour sortir et sous la pression j’ai l’impression que mes pieds ne touchent plus par terre. Si tu tombes t’es mort, alors la première chose que tu souhaites c’est déjà de franchir la ligne…de départ !

Enfin ça se délie un peu. Fidèle à la tactique que je m’étais fixé je trottine les 4-5 1ers kilomètres pour sortir du gros de la troupe et après marche, marche et encore marche.

Le serpentement des frontales est impressionnant et pour tout dire magique. J’ai l’impression que je suis dernier tellement je vois de monde devant moi, je me retourne, ouf, il y a encore du monde derrière.

Les 15 1ers kilomètres se font sur un chemin forestier assez large pour permettre de marcher à son rythme. Un premier ravitaillement au bout de 5 km où je ne traîne pas trop, quelques raisins secs, un verre de coca, un peu d’eau et c’est reparti.

Tiens, un début de troubles gastriques (remarquez la sémantique !), il faut que je me trouve un petit coin dans la forêt, pas aussi aisé qu’il n’y parait. Il faut quand même que je résolve ce problème avant le départ du sentier vers le volcan, car à partir de là plus d’échappatoire avant longtemps. Juste avant l’arrivée au kiosque de Basse Vallée, je trouve enfin mon bonheur, il était temps ! Une petite inquiétude tout de même car il ne faudrait pas se déshydrater tout de suite. Je fais donc attention à boire régulièrement.

 

2h15 Kiosque de Basse Vallée Km 15

 

Arrivée au kiosque en 2h15 environ, fidèle à mon tableau de marche.

Au ravitaillement, je prends mon temps avant d’entamer la rude montée dans la boue : Eau, coca, bananes, raisins secs puis étirements 5-10 min et c’est reparti.

Pas de possibilité de s’enflammer car c’est à la queue leu leu que cette montée se fait. Le sentier est étroit et boueux, ça monte tranquillement ponctués de phases d’arrêt liées aux fréquents ralentissements. Quelques excités veulent malgré tout doubler pour gagner quelques précieuses ( !!!) minutes à l’arrivée sans doute. Un groupe de rastas manque de me faire chuter, je leur fait remarquer, ce à quoi je me vois répondre : « zot i tir tro au ki dan la monté la » (vous traînez trop, fainéants). On en reparlera un peu plus tard…. Les odeurs sont étonnantes dans cette forêt de Bois de couleurs, en tout cas pas celles dont on rêve…Moi mon estomac a décidé de me laisser tranquille et c’est tant mieux.

La longue montée continue tranquillement et avec beaucoup moins d’embouteillages que l’année passée ce qui est plutôt agréable. On discute et fort de ma connaissance du terrain je conseille les zoreys pour la suite des hostilités.

Au piton Rick (Km 21) je retrouve mes 3 rastas exténués en train de récupérer. Je ne fais pas de commentaires mais c’est pas l’envie qui m’en manque. Le jour se lève et il fait un peu frais.

 

6h30 : Foc Foc 23,7 Km

 

La dure montée s’achève enfin. Je suis bien et parfaitement dans les temps. Je me ravitaille correctement, me passe de la crème solaire car ça tape fort à ces altitudes (même à 6h30 du matin) et visse la casquette de l’organisation sur la tête et c’est reparti.

C’est relativement plat, le paysage volcanique impressionne les extérieurs et on se voit dire qu’on a de la chance d’habiter ici : c’est sûrement vrai…

 

7h17 : Plaine des Sables 30 km

 

1ers gros ravito. Direction les toilettes (ça fait quelques kilomètres que ça me triture) puis alimentation : soupe vermicelle, dynamalt, sandwichs jambons, bananes, coca, eau enfin tout ce que je trouve : faut pas se laisser abattre ça commence juste.

Un Corse nous fait une danse endiablée devant l’orchestre de cuivre qui assure l’ambiance. Il sera moins fringuant dans quelques kilomètres pense-je à ce moment là. En fait je le retrouverais assez souvent sur le parcours.

Je repars et c’est la Plaine des Sables (magnifique), la montée du rempart de basalte, superbe cette longue colonne de raideurs qui serpente sous un soleil magnifique, puis l’oratoire Sainte-Thérèse point culminant de la course et c’est parti pour  une quinzaine de kilomètres de descente jusqu’à Mare à boue. Entre temps un petit ravito au Piton Textor, des encouragements encore et toujours et on discute avec les collègues encore et toujours de la suite du parcours. Au Châlet des Pâtres une petite farine la pluie commence à tomber, je m’équipe de mon coupe vent mais rien de bien méchant pour le moment. On retrouve la route à cet endroit et  je me garde bien de courir contrairement à l’essentiel des raideurs qui me doublent : on se reverra j’en suis sûr !

 

10h41 : Mare à Boue Km 50

 

A ce point de ravitaillement stratégique, beaucoup de monde car très accessible en voiture. Beaucoup de raideurs sont bichonnés par leurs proches, moi je me contenterais du repas préparé par les militaires des Faszoi qui assurent à ce ravitaillement. De toute façon mon estomac est prêt à tout !

Une cuisse de poulet avec des coquillettes froides pas terrible et mon régime habituel, de la soupe au vermicelle, du coca, du dynamalt, des bananes tout ça assis sous une tente de militaire. Je change de tee shirt, de chaussettes et je repars.

Environ ½ heure d’arrêt.

J’entame doucement la longue montée de Kerveguen afin de bien digérer et surtout conscient de la longue distance restant à parcourir. Cette longue montée va en décourager plus d’un : « c’est quand que ça se termine ? p…tain ça finit quand ?... », on en entend de toutes les couleurs et c’est là qu’on s’aperçoit que la connaissance du terrain est un avantage incroyable.

De la boue, de la boue et encore de la boue, c’est pas de la thalasso mais y-aurait matière ! En revanche le temps est idéal, couvert, ni trop chaud ni trop froid et surtout pas de pluie.

 

Kerveguen : 14h04 59km

 

Arrivée au ravitaillement le plus dynamique de tout le grand raid (même si tous sont fantastiques). Une ambiance de folie, on a l’impression d’être fêté en vainqueur. Un petit séga de François Dals ça vous remet d’aplomb !

Régime habituel : bananes, coca, soupe, dynamalt… et ça repart pour le « petit » bout rajouté suite à un éboulement dans la descente de Kerveguen. Direction le gîte du Piton des neiges. Ça commence à devenir un peu plus dur ! Au bout d’une heure le gîte en vue et ça fait du bien au moral car Cilaos approche et là on peut remettre la mécanique à niveau. J’entame la descente lentement car je commence à avoir un coup de barre. Je discute avec un raideur qui est en train de faire des prévisions sur la suite par rapport à ses temps de passage actuels. Je lui explique que 17h à Cilaos, il faut compter 2X 17h après. Il ne me prends pas très au sérieux et me lâche en me prenant certainement pour un cinglé. La suite me prouvera que j’étais assez proche de la réalité. La descente se passe mal, j’ai sommeil et commence à me dire que finalement je vais peut-être m’arrêter dormir à Cilaos. Tiens, le téléphone sonne, c’est Didier un collègue qui m’encourage. Je lui indique que je commence à m’endormir et que je vais certainement m’arrêter dormir à Cilaos contrairement au programme prévu. Il me convainc que non et me remotive. Enfin, le bas de la descente plus que 2 km avant Cilaos. C’est de la route et la plupart des coureurs se mettent à… courir. Pas moi, je reste fidèle à ma tactique, je marche.

 

Cilaos : 17h09 69km

 

J’arrive à Cilaos et le bilan est plutôt bon. Mes temps de passage sont ceux prévus.

J’avais décidé de ne pas m’éterniser ici et c’est ce que je vais faire.

 Les voyants sont aux verts : pas de douleurs, pas d’ampoule, le coup de barre de la descente est oublié. Comme prévu je récupère mon sac de rechange, me lave les jambes uniquement (l’eau est glacée !!) et me change intégralement. Je me dirige vers les massages où je suis pris en charge par une charmante kiné qui me remet sur pied.

Je vais manger une cuisse de poulet avec des coquillettes. J’appelle ma compagne et mes enfants, ça bouste d’avoir la famille. Ma fille et mon fils insistent pour me dire que je vais dormir 3 nuits dehors et ensuite ils viennent me chercher. J’ai plus le choix il faut que j’aille au bout.

et c’est reparti tout frais tout beau !

A partir de là je n’ai plus de temps de course : trop aléatoire.

 

Là j’ai la pression. L’année passée c’est là que j’ai craqué dans ce « petit » morceau entre Cilaos et le départ du sentier du Taïbit : la fatigue, le froid, j’avais abandonné. Cette année il n’en sera rien qu’on se le dise !

Je descends seul dans la nuit vers la cascade Bras Rouge et je dois dire que ça n’est pas désagréable. La remontée vers le sentier du Taïbit se passe super bien, je prends mon temps et arrive au pied du col du Taïbit en bonne forme contrairement à l’année passée où j’avais abandonné. Pour chasser les démons je passe très rapidement ce ravitaillement sans avoir ingurgité une bonne soupe, du coca, des bananes… (comme d’hab !).

J’entame la longue et difficile montée lentement suivi par 5-6 coureurs. L’un d’entre eux lance « c’est lent mais ça ira ». De toute façon rien ne t’empêche de passer devant pense-je sans broncher. Je sais que le moment approche où le coup de bambou va me tomber dessus. Ilet Trois Salazes, ça y est je n’avance plus, je dors debout et je décide de m’arrêter. Seul, je m’enroule dans ma couverture de survie et m’allonge entre 2 rochers. Au bout de 10min transit de froid je décide de repartir. Si je reste ici on va me retrouver mort !

A partir de ce moment je change de braquet : c’est plus avec mes jambes que je marche, le mental prend le relais.

La montée seul est longue et difficile mais j’arriverais à Marla, il le faut…

De nombreux illuminés dorment enroulés dans leur couverture de survie sur le bord du sentier. C’est surréaliste ! Au lieu dit plateau de fraise, on doit être à 1800 m d’altitude, il doit faire 5ou 6 degrés et 15 bougs qui dorment empapillotés ! Ils sont fous. Ben oui comme moi d’ailleurs.

Je continue accompagnés d’autres égarés comme moi qui se lamentent : c’est long, c’est dur… eh oui c’est le grand Raid.

23h00 enfin le sommet du Taïbit, j’entame la descente aussitôt, trop pressé d’arriver à Marla que je vois comme ma délivrance à ce moment là.

 

23h34 Marla 82 Km

 

Soulagement d’être arrivé à Marla, soulagement qui ne va durer que quelques minutes, le froid est là, bien là, trop rude pour moi. Je m’alimente, devinez, de la soupe !

Je cherche un lieu pour dormir. Il y a des raideurs allongés partout, certains dans l’herbe sans couverture de survie, en tee shirt, mais comment font-ils ? d’autres sont autour du feu, plus de place. Je dégote une place sous la table où d’autres mangent. Au bout de 15 min je suis gelé et me relève, puis tente de m’approcher du feu où je resterais prostré pendant une heure trente sans bouger à penser mais qu’est ce que je fous là ?

Je perds mon temps ici et malgré l’épuisement je décide de repartir. Il doit être 1h30 environ. J’en oublie même de m’alimenter.

La descente vers Trois Roches une nouvelle fois seul se passe, en faite je n’ai plus beaucoup de souvenir de ce moment. J’ai juste retenu qu’il faisait nettement moins froid qu’à Marla et que si j’avais su…

A Trois roches je me ravitaille correctement pour compenser mon oubli de Marla. L’ambiance y est excellente ça redonne des forces. Allez on y va après 15 min direction roche Plate. Ce petit trajet va être interminable. Je suis épuisé et j’ai du plomb dans les chaussures. Dans une rude montée j’ai une alerte : mon genou droit devient douloureux, puis très douloureux, je suis inquiet et me demande si mon aventure ne va pas s’arrêter à Roche Plate. Je compense avec ma jambe gauche, je le paierais plus tard. Les descentes me rassurent toutefois, mon genou ne me fait mal qu’à la montée. Je tiendrais, j’en suis sûr.

 

05h06 J+1 Roche Plate 90 Km

 

Enfin l’école de Roche Plate, des coureurs partout qui dorment et attendent le jour pour s’engager dans la tant redoutée montée du Bronchard. Je bois… une soupe puis me dirige aussitôt voir le médecin. Il fait chaud et c’est très réconfortant. Une infirmière me fait un superbe strapping au genou et me propose de me reposer sur un lit de camp avec une couverture que 200 raideurs aussi frais que moi doivent avoir étrennés avant moi ; mais à ce moment là c’est du luxe ! Je lui demande de me réveiller à 7h00… si je dors. Et effectivement, je ne parviens toujours pas à m’endormir. Ça fait pourtant désormais 48h que je n’ai pas fermé l’œil et que je viens de parcourir 90 km. C’est incroyable ! Je ne savais même pas que physiologiquement c’était possible. Et la suite va prouver que ça peut même être pire !

Finalement je repars vers 6h30 reposé toutefois et fort mentalement : j’irais au bout.

Je m’alimente : une soupe, des petits pain pâté, des bananes, du coca, du dynamalt… ça à un goût de déjà vu. Mais pour le moment mon estomac est en béton, supporte ce régime parfaitement et c’est tant mieux. D’autres laissent quelques souvenirs sur les sentiers et c’est plus dur pour eux…

La descente du Bronchard est faite prudemment, quelques passages sont délicats. Sur l’autre face on aperçoit ceux qui remontent vers la Nouvelle la terrible et spectaculaire montée à flan de falaise. J’entame la montée en restant en dedans, je la connais bien, c’est long. Je garderais un rythme régulier jusqu’en haut. Le strapping que m’a posé l’infirmière remplie son rôle et la douleur ne s’aggrave pas. Au 2/3 de la pente, c’est le genou gauche épargné jusque là qui commence à se faire sentir : j’ai trop compensé.

Didier mon collègue me passe un coup de fil, ça remotive s’il en était besoin.

 

08h45 J+1 La Nouvelle 97 Km

 

Le soleil tape dur à mon arrivée à la Nouvelle, je suis accueilli par Expédit que je connais. Il est bénévole cette année car il ne participe pas. Il m’encourage ça fait du bien. Je mange (pareil) et décide de me faire poser un strapping préventif sur le genou gauche. Erreur ! la gentille bénévole au poste de secours s’y connaît en strapping comme moi en électronique. Je la laisse faire pour ne pas la vexer. Ils sont franchement sympathiques tous ces bénévoles.

Je repars après 15-20 min d’arrêt à ce poste. Le strapping m’empêche presque de marcher. Je fais quelques mètres et dès que la bénévole ne peut plus me voir, j’enlève tout et hop dans la poubelle. Ouf ça va mieux ! Et ça monte jusqu’au Col des Fourches et la chaleur devient étouffante. Je pense à boire beaucoup c’est important. Mon genou gauche me fait désormais souffrir tandis que le droit est stabilisé.

Arrivé au Col des Fourches, je me dis qu’il reste désormais plus de descentes que de montée et comme mes genoux ne me font mal qu’en montée ça me rassure.

La descente jusqu’au départ du sentier Scout est tranquille. On discute pas mal ça fait passer le temps.

 

11h46 J+1 Sentier Scout 105 Km

 

A peine arrivé à ce poste de ravitaillement je m’engouffre dans la tente où est inscrit « massages courts ». Il y fait bon, des lits vides avec des couvertures m’attendent. Je tire mes chaussures et m’allonge dans l’espoir une nouvelle fois de m’endormir. Peine perdue, une nouvelle fois l’échec. Je me suis malgré tout reposé. Mais non d’une pipe comment se fait-il que je ne m’endors pas alors que j’en ai plus qu’envie ? Bref on répondra à cette question plus tard. Il est temps de repartir après avoir quand même bénéficié du fameux massage court assuré par une sympathique bénévole.

Je passe au ravito, soupe, bananes, pomme (on varie un peu), coca et hop ça repart.

Le Corse qui dansait au ravitaillement du volcan est allongé là sur un lit en tee shirt alors qu’il fait un peu frais tout de même. Il semble dormir. C’est sans doute ça la fameuse sieste corse.

Tiens un bus de l’organisation qui descend des raideurs ayant abandonnés à ce poste. Je n’en serais pas !

J’entame la longue descente du sentier Scout jusqu’à La Plaque. Didier m’appelle à nouveau pour m’encourager. Tout va bien malgré les douleurs aux genoux. Le Corse me double dans la descente : l’avantage de la sieste, il court comme un lapin ! Les randonneurs qu’on croise nous encourage et ça fait toujours du bien.

Une courte et rude montée vers Aurère en pleine chaleur et ouf un peu de repos au ravitaillement de l’école d’Aurère.

 

15h36 J+1 Aurère 113Km

 

Je passe assez rapidement ce ravitaillement, je suis pressé d’arriver à Deux Bras où j’ai prévu de faire une remise à niveau : massages, sieste et repas consistant. Il fait une chaleur étouffante dans la descente, c’est insupportable. Heureusement le soleil ne tarde pas à se cacher derrière la montagne à mon plus grand soulagement. La descente se passe bien, c’est une descente que j’aime bien, je la connais par cœur. Arrivé à La porte il reste 2Km dans le lit de la Rivière.

 

17h30 J+1 Deux Bras 123Km

 

 Enfin on arrive à Deux Bras et là je crois halluciner : une piscine, un terrain de Volley, un écran géant, du sable. Je rêve, j’hallucine, suis-je arrivé mais où suis-je ? J’ai dû me planter en route. Ben non, ce sont les militaires des Faszoi qui nous ont concocté un camp de ravitaillement phénoménal. « Deux Bras Plage » qu’ils l’ont baptisé !

Je reprends rapidement mes esprits, récupère mon sac d’assistance et direction les kinés pour me strapper mon genou gauche devenu très douloureux.

Je change de tee shirt (j’en prends un à manches longues pour affronter le froid de la nouvelle nuit qui s’annonce), de chaussettes et je me dirige vers les mess où m’attendent une cuisse de poulet et des coquillettes. Après un copieux repas (ça passe toujours impeccablement au niveau estomac), je file vers les tentes afin de tenter une nouvelle fois de faire la sieste avant d’affronter la terrible montée de Dos D’Âne. Il doit être 18h30 et je demande au troufion de faction de me réveiller vers 20h. J’ai une tente pour moi tout seul, il fait chaud c’est confortable et pourtant je ne parviens toujours pas à dormir. Je décide donc d’abréger mon repos et de repartir vers 19h30. Je m’alimente, prend quelques victuailles (des bananes pour changer) et c’est parti. Malgré la douleur à mes genoux je n’ai pas de doute mais je sais que ces 30 derniers Km seront un calvaire.

1er obstacle, il faut franchir la rivière. Il fait noir, plusieurs raideurs cherchent le passage en vain. Je connais bien cet endroit mais de nuit les repères sont différents. Je m’engage toutefois et …plouf à la baille ! Mon pied gauche reste coincé sous un rocher. J’hurle à l’aide, j’ai les fesses dans l’eau et ne parvient pas à dégager mon pied. Personne ne bouge et au bout d’une éternité (15 secondes) je parviens à me dégager et à traverser le reste dans l’eau (je m’en fiche désormais je suis déjà trempé).

Quelle frayeur ! en plus j’ai aggravé ma blessure à mon genou gauche, je le sens.

J’entame la montée…seul (les autres sont encore en train de chercher le passage de la rivière !) très lentement. Tiens, un nouvel appel de Didier, décidément il est très présent. Il me propose même de venir à Dos D’Âne pour m’apporter ce dont j’aurais éventuellement besoin. Mais je n’ai plus besoin de rien.

C’est dur et la douleur au genou est désormais insupportable. Je monte en criant à chaque pas (vous voyez style Serena Williams) mais curieusement je ne doute pas. Je suis fort dans ma tête et à ce moment là il n’y a que ça qui compte. Je m’arrête souvent et de nombreux raideurs me doublent à ce moment là. Les mains courantes fréquentes me permettent de monter souvent à la seule force des bras tellement mes jambes me font mal.

Au bout d’un calvaire de 2h15 j’arrive enfin au niveau de l’église de Dos D’Âne où un petit ravitaillement inattendu nous attend.

Je discute avec la bénévole et lui fait part de mes douleurs.

« C’est vous qui avez appelé les pompiers alors » qu’elle me dit.

« Non pas du tout » lui réponds-je.

« Ben pourtant ça y ressemble, une douleur au genou, des cris à chaque pas, vous êtes sûrs que ce n’est pas vous ».

« Ah ça oui j’en suis sûr, je vais pas m’arrêter maintenant ». Elle n’a pas l’air convaincu.

Je prends la poudre d’escampette des fois qu’il lui prendrait l’envie de m’arrêter. Elle est pas bien celle là. Où elle  a vu que j’avais mal ? non mais de quoi elle se mêle ?

 

22h40 J+1 Dos d’Âne 130 Km

 

Au bout d’une demi heure j’arrive au stade de Dos D’Âne où un gros ravito nous attend. Je suis accueilli par une amie de… Didier, très enthousiaste qui assiste son mari. Ça fait une nouvelle fois du bien. Je mange un bol de soupe, bois du coca, mange des bananes et des pommes (les bananes commencent à me dégoûter) et me dirige vers le toubib  pour voir si on peut soulager ma douleur. Finalement je prends 2 dafalgans et c’est reparti. Je suis prêt à endurer un calvaire. C’est la dernière montée vers Piton Bâtard après ça descend (ou presque) jusqu’à la fin.

Curieusement le début de la montée, certes lent, se passe bien, les douleurs m’ont lâchées (est-ce l’effet du Dafalgan ?). Bientôt j’arrive sur la crête de Dos d’Âne : d’un côté le vide vers Mafate, de l’autre le vide vers Dos D’Âne. Le sentier doit faire un mètre de large, il faut être vigilent, le moindre faux pas et c’est…Tout à coup un tableau démentiel ! Un couple dans une position plutôt équivoque (l’un sur l’autre) dort emmitouflé dans une couverture de survie sur un rocher au bord du vide. Mais ils sont pas bien ces deux là ! Je continue ma montée tranquille. Je commence à m’endormir et lutte de plus en plus. Je m’assois plusieurs fois et je trouve que contrairement à la veille, il ne fait pas froid et ça pour le moral c’est génial. Enfin le sommet, ça va désormais descendre. Jusqu’au kiosque d’Affouche, ce n’est que raideurs allongés au bord du chemin, moi j’ai décidé d’arriver au kiosque pour dormir mais que c’est long…Je file un peu d’eau à un coureur qui n’en n’a plus, je le reverrais plus tard. On fera un bout de descente ensemble.

Vers 1h30 (J+2) j’arrive au kiosque d’Affouche. Ça sent la fin. Il y a une tente pour dormir et après m’être alimenté, je m’allonge. Et miracle pour la 1ère fois je trouve le sommeil. Oh pas longtemps, une trentaine de minutes mais ça devrait suffire pour terminer. Sans doute la certitude d’en finir explique ce petit somme.

Je me lève avale une soupe et…. Ça passe plus ! va falloir faire sans. L’estomac a rendu les armes. Mais l’énergie qui reste suffira. J’arrive encore à boire un peu d’eau très lentement. Je repars en marchant lentement pour m’économiser en compagnie de l’homme que j’avais dépanné en eau quelques heures auparavant.

Les montagnes russes jusqu’au Colorado passent correctement compte tenu de mon état de fatigue. Je n’ai plus mal nul part et j’apprécie ces derniers Km. Malgré ma lenteur pratiquement personne ne me double. Ils doivent tous être comme moi !

Juste avant le Colorado, je réveille ma petite famille afin qu’ils viennent m’accueillir et me récupérer à l’arrivée. Il est 5h00 et j’annonce mon arrivée entre 7h00 et 7h30.

 

05h34 J+2 Le Colorado 145 Km

L’arrivée au Colorado est totalement anonyme : il n’y a absolument personne. Mais enfin quels sont les fous qui traîneraient dans un endroit pareil à 5h30 du matin ? Ben moi !

Je passe rapidement le ravitaillement : de toute façon plus rien ne passe ! et c’est parti pour la descente finale. C’est gagné et ce n’est désormais plus que du plaisir. Je ne suis pas impatient et je n’en n’ai pas marre comme de nombreux raideurs le racontent pourtant. Il faut dire qu’il fait jour et que cette descente doit être beaucoup plus difficile de nuit.

A mi pente on voit enfin le stade de notre délivrance. Il reste 30 min.

15 min, 10 min, 5 min, ça y est j’aperçois Théo mon fils qui court à ma rencontre, il est fier, puis ma fille Maëlle émue dans mes bras, ma compagne Marie Claude qui tente de prendre des photos de mon arrivée avec mes enfants. On passe ensembles sous le pont et direction le stade main dans la main. Ce n’est plus que du plaisir. L’arrivée dans le stade, je ne cours pas, je franchis la ligne avec mes enfants. C’est gagné !!!!!! 55h11 min.

Une médaille et un tee shirt Finisher remis par le staff, c’en est fini.

 

152 Km / 9250 m de dénivelés positif et autant en négatif.

 

On peut désormais rentrer chez nous, fier du travail accompli après tous ces sacrifices.

 

Merci à tous en particulier les bénévoles fantastiques à tous les points de ravitaillement et à ma famille qui m’a soutenu malgré les contraintes de la préparation.

Merci Didier pour tes encouragements tout au long de mon aventure

 

Conclusion : le corps a des résistances que l’on ne soupçonne pas. Plus de 72 heures sans sommeil avec un tel effort ! C’est proprement incroyable !

19 commentaires

Commentaire de laurent05 posté le 24-10-2007 à 09:01:00

salut zorey
merci de nous faire revivre cette fabuleuse aventure
que d'émotions partagées tout ce week-end à vous suivre
bravo pour ta belle performance
bonne recup

laurent

Commentaire de Tortue géniale posté le 24-10-2007 à 10:01:00

Bravo à toi Zoreil, heureux de voir un CR sur le GRR, et ce ne sera pas le dernier !
Dire que tu peux être fier de toi c'est peu, mais c'est ça ! tu as vraiment fait un truc de fou !
Repose- toi bien désormais !
A très bientôt sur le GRR !

Commentaire de akunamatata posté le 24-10-2007 à 10:29:00

fabuleux Zorey, tu restitues bien la force de l'épreuve!

Commentaire de le_kéké posté le 24-10-2007 à 11:33:00

Magnifique compte rendu Zorey, un vrai plaisir de te lire. Bravo bravo et encore bravo pour avoir fini cette aventure extraordinaire.

Philippe

Commentaire de Le_lombric posté le 24-10-2007 à 11:37:00

Merci pour ce récit.
Tout au mental ca force le respect.

En tout cas, les p'tites difficultés quotidiennes paraissent bien simples finalement.

Encore bravo

Commentaire de phil77 posté le 24-10-2007 à 14:42:00

Zorey Merci pour ton superbe CR qui montre bien les difficultés de cette épreuve.

Encore Bravo, à toi et à tous les kikoureurs pour cette formidable aventure.

Philippe

Commentaire de phil77 posté le 24-10-2007 à 14:43:00

Zorey Merci pour ton superbe CR qui montre bien les difficultés de cette épreuve.

Encore Bravo, à toi et à tous les kikoureurs pour cette formidable aventure.

Philippe

Commentaire de moumie posté le 24-10-2007 à 18:54:00

salut,

Bravo pour cet performance, çà laisse rêveur.
Tu avais peut être un tout petit avantage en vivant là-bas, car tu connaissais certains repères, mais cela n'en restait pas moins difficile.

Toutes mes félicitations et bonne récup
Moumie

Commentaire de Olycos posté le 24-10-2007 à 19:08:00

Bravo pour ton CR...
Félicitation pour ta course...
Ca donne envie
Oly

Commentaire de Geronimo posté le 24-10-2007 à 19:57:00

Félicitations pour cette course pleine de sagesse mais néanmoins tellement difficile. Bravo pour ton courage !

Commentaire de Joe One posté le 25-10-2007 à 08:52:00

tout est dit supra mais encore bravo pour ton courage et ta réussite...
Je te souhaite une bonne récupération...

Commentaire de JCDUSS posté le 25-10-2007 à 10:26:00

Merci, ton CR nous éclairci bien sur la difficultée du GRR.
Félicitation pour ta course!

Commentaire de Olivier974 posté le 25-10-2007 à 13:11:00

Bravo Eric !

Tu l'as fait cette année malgré la difficulté !

A très bientôt, peut-être pour.......un entrainement GRR 2008?

Olivier

Commentaire de La Belle Lurette posté le 25-10-2007 à 21:31:00

Bravo !!!!
Et merci pour ce CR très détaillé : c'est une mine d'informations, et c'est passionnant à lire. Superbe.

Commentaire de martinev posté le 27-10-2007 à 09:09:00

Nous avons vécu la course (martine termine 7è féminine et moi j'accompagnais ). Mais ton récit nous bouleverse car il résume parfaitement le mental nécessaire pour venir à bout de cette épreuve. De même , les soutiens de la famille , des amis , des bénévoles , des spectateurs...sont indispensables.
Nous tenons à te féliciter et t'assurons que nos amis coureurs (anciens vainqueurs du GRR)avec lesquels nous avons passés quelques jours après la course ont conscience du courage inoui déployé par tous.Si les "ténors" souffrent , la souffrance immense de ceux qui luttent pour réaliser leur rêve est "hors normes".Ton mérite est immense. Repose toi bien , profite de ta famille.

Commentaire de stef73 posté le 28-10-2007 à 16:37:00

BRAVO pour ta perceveverance et motivation, je crois que je suis incapable de tenir 55 heures.
Bonne recup.
A propos, je trouve ton pseudo vraiment super

Commentaire de Gibus posté le 29-10-2007 à 21:51:00

Formidable
d'où sors tu cette nrj
vraiment chapeau d'avoir tenu le coup jusqu'au bout

ps : je préfère les cris de Sharapova à ceux de Williams

Repose toi bien les jambes.
Un ancien Z'oreille.

Commentaire de titiitalie posté le 17-11-2007 à 10:26:00

zorey chapeau bas pour ta volonté ton récit m'a fait replonger dans la course,j'ai terminé en 42h38 dossard 288 ,c'était ma 1ere participation,mais que c'est dur,encore bravo pour ton courage

Commentaire de lolo974 posté le 31-10-2016 à 08:10:20

Bravo pour ta course. En lisant ton récit ça m a rappelé ma course et cela me bouleverse même 9 ans après.
Laurent. Finisher 2007.

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