Lors du grand duc de chartreuse 2017, où j'ai fait un relais et pris beaucoup de plaisir, j'ai été en  admiration devant les participants en solo ! (les Kéké, Albacor et autres consorts ). Même si je ne me sentais pas capable de faire comme eux, une part de moi  avait envie de comprendre et de ressentir ce que vivaient ces athlètes hors du commun pour moi. Mon objectif de la saison étant le marathon Nice Cannes, participer à l’UTV était donc déraisonnable.

Pourtant, face à la beauté de nos massifs grenoblois, mon choix s’arrête… tant pis pour le marathon des alpes maritimes… L’appel de la montagne est trop fort.

L’envie a mûri lors de la course T’es pas cap, (toujours dans ce si beau Vercors ) où le coucher de soleil sur le col de la croix Perrin m’a bluffé. J’avais envie de vivre de nouveau de tel spectacle : et les organisateurs de l’utv ont bien su vendre leur course (Loiseau aussi d’ailleurs comme je le dirai plus loin...)… Vous aurez un lever de soleil sur les balcons et au pas de la Balme époustouflant, vous aurez des vues magnifiques, une fin de course inoubliable par le pic saint Michel…

Il n’en fallait pas moins pour me convaincre… et me donner envie d’essayer. Ce lever de soleil , je voulais le vivre au moins çà …

Donc Bye bye Nice… Welcome Villard !

Cette inscription fait beaucoup jaser autour de moi…

"T’es taré !" "Tu m’avais dis que tu ne dépasserais jamais la distance marathon"… Même mon cher Tekrunner s’y est mis : « Il est fou ce monsieur... »

Il y a  une part de vérité dans leur propos : mais pour paraphraser Paulo Coehlo

“Un peu de folie est nécessaire pour faire un pas de plus.”

Alors si la folie se compte au nombre de pas..

 

Vendredi 8 septembre, départ pour Villard.

Remise des dossards ;

Ravi de voir les kikous sur place et en vrai … (Coco , loiseau, ...Albacor bien sur !)

Briefing de sécurité, on nous met en garde contre le froid qu’il risque d’y avoir (si  si cela a été évoqué, brievement mais évoqué tout de même ), et contre les nombreux patoux… j’en avais d’ailleurs fait l’expérience lors de ma sortie de reco aux Moucherotte avec Tekrunner… Tekrunner dont j’ai le dossard .

Comme notre cher bouk se demandait si j’allais fumer tekrunner… en rigolant , je dis a Coco38,  j’ai son dossard, et si j'échangeais  les puces ?

Je dis au revoir au groupe et ne reste pas car la nuit sera courte, même si j’ai la chance de dormir sur place ce week end ;

Samedi 9 Septembre 3h30

Le reveil est difficile… le sommeil a été trop léger, j’avais trop peur que mon réveil ne sonne pas…

4h50 : Sur les conseils de Tekrunner, je range la veste dans le camelback. Il a raison, il fait 14°C et il vaut mieux garder une couche quand on en aura besoin… et nul doute que ce sera le cas.

Un jeune couple me demande de les prendre en photo, cela me fait perdre Tekrunner de vue mais c’est avec plaisir que je prends ce cliché.

Je rentre dans le sas à la fin du peloton afin de respecter la consigne de laisser devant, ceux qui veulent faire un temps et qui ont l’habitude...

1ère étape : Villard – Corrençon : 23 km : Un début tout en douceur avec de splendides paysages

5h le départ est donné sur fond de Game of thrones

Autant dire que la couleur est donnée : nous allons tous vivre des moments épiques ! Et cela commence fort, après un court passage en ville nous montons tout de suite en direction du col vert. Je suis surpris de la concentration de chacun, il y a un vrai silence autour de nous, nous n’entendons que le bruit des pas. Arrivé au pied du col vert, je suis épaté de voir que les premiers sont déjà en haut ! Dès le début, ils nous ont mis plus d’un quart d’heure dans la vue ! En tout cas, ce ballet de lampes frontales est beau à voir et permet de visualiser tous les lacets du col

Kilomètre 5,3 : On arrive au sommet , la vue sur la ville de Grenoble éclairée de nuit est une merveille.

On prend un sentier descendant qui permet d’accéder balcon est. Le problème c’est que ce sentier est long et étroit. Les dépassements ne sont pas possibles. Pourtant l’envie se courir se fait pressante, je regrette d’être parti si loin de la ligne de départ et de ne pas avoir assez dépassé de personne en ville.

Sur le plat, je tente un dépassement par le coté, je glisse et tombe, impossible de doubler, il faut patienter et ne pas se blesser. Lors de ma chute un gars sympa me dit en riant « C’est pas le moment de ramasser des champignons » ; On rigole ensemble et on repart ;

6h 30 les premières gouttes commencent à tomber mais cela reste acceptable et  ne durera pas trop . Je mets tout de suite ma veste pour garder mon t shirt sec le plus longtemps possible. Tekrunner me dira plus tard, que lui a trop tardé, et que cela lui aura été fatal par la suite.

Kilomètre 12,5  ; 7 h 15 Je craque et demande aux trois gars qui me bloquent le passage de se pousser et je file… je vole devrais -je dire car très vite je ne les vois plus à l’horizon. Je cours seul un petit quart d’heure accelère dans la descente et fini par rattraper un gruppetto vers le kilomètre 15,5 qui commence l’ascension vers le pas de la Balme.

Je reconnais Loiseau avec qui j’avais fait la connaissance la veille et nous allons rester ensemble un bon bout de temps ! Merci Loiseau pour ta gentillesse, j’ai adoré ce bout de chemin fait ensemble et les discussions que l’on a partagées toi le maître et moi, le néophyte en la matière. Tu ne le sais pas mais c’est toi qui m’a convaincu sur le forum de kikourou de m’inscrire.

 loiseau » 11 Juil 2017, 21:56

Je ne fais pas partie de l'orga comme Samontetro, donc j'ai le droit d'ajouter quelques arguments de 'vente' pour gangsoleil et coco  .
Je pense que l'UTV est idéal pour un premier Ultra : un vrai trail de montagne mais avec une distance et un dénivelé raisonnable (pas besoin de passer une nuit dehors), à taille humain (avec 400 solos et 300 relais mais qui partent bien après), avec des barrières horaires calées sur les relais donc très accessibles aux solos au moins jusqu'à Autrans voir St Nizier, et pour un prix d'inscription très abordable. En plus, c'est organisé par des passionnés dans un très beau massif  !!

 

Là tu as fait mouche, ma décision était prise , j’allais m’inscrire ! Je ne t’en remercierai jamais assez.

Revenons à la course… La montée en lacet vers le pas de la Balme est impressionnante. Les vues sont belles

kilomètre 18,3 ; 8h 15 : Ca y est le premier sommet est franchi, c’est bien venté mais  c’est normal. On aborde désormais la descente sur Corrençon.

Je me fais plaisir,  dis à tout à l’heure à loiseau :  c’est le moment pour moi d’en profiter un peu.

Dans la forêt avant Corrençon un gars barbu en bleu  fait devant moi un gamelle spectaculaire qui lui occasionne une belle crampe. Il se reprend et c’est avec lui que j’arriverai au premier ravitaillement. Il est 8 h 56. Je retrouve loiseau au ravito.

 

2ème étape : Corrençon – Autrans : 22 km : La fin d’un mythe…

9h 05 : Après avoir fait le plein je repars direction Autrans… Le temps tient.

Coté parcours, Bof, rien d’exceptionnel on a une partie plus ou moins roulante alternant entre bitume et forêt. L’envie d’accélérer est tentante mais je décide de tenir compte des conseils de samontetro qui nous invitait à nous préserver sur cette partie car la course doit commencer réellement à Autrans à ses dires.

Il a bien raison… Au 30ème kilomètre mon genou gauche commence à donner des signes de faiblesses…Ce n’est pas bon signe, il faut me préserver…

"Alors Vincent ça va ?"

C’est loiseau qui m’a rejoint. On alterne ensemble marche et course légère jusqu’à Méaudre. La pluie commence vraiment à tomber sérieusement durant le ravito… Loiseau repart, je ne le reverrai plus, je reste un peu plus longtemps pour attendre que la douleur au genou se calme et je repars. Il est 11 h 30 environ

Bon sang qu’est ce qu’il pleut ! ce sont de vraies trombes qui tombent ! C’est une vrai première pour moi ! Moi qui avait réussi à courir pendant 4 ans sans jamais recevoir une goutte de pluie ! Je commençais vraiment à croire en mon charisme de fils du soleil. C’est la fin d’un mythe… Mais bon il faut un début à tout ; et comme le dit très sagement le Kényan Blanc : Il faut savoir se mouiller dans la vie…

Sur le bord de la route je croise Myrtille et Ratatouille, deux ânes qu’on avait loués quinze jours auparavant pour faire une balade en famille. On passe par les mêmes chemins, quel contraste ! Sous la pluie , le charme n’est pas le même... Cela commence à devenir bien boueux.

Un gars (que j’appellerai Gérard car je ne connais pas son nom )… me dit en riant c’est bien humide par ici...

Kilomètre 40 : Les deux genoux commencent sévèrement à me faire mal… je marche de plus en plus même en descente… Cà ne sent pas bon pour moi. Je commence à me refroidir.

Kilomètre 46 : il est 12 h 30, j’arrive à Autrans, il pleut comme vache qui pisse… Je souffre, je commence sérieusement à douter... On recharge les batteries en nourriture et en eau et on repart … en marchant, de toute façon, je ne peux  plus courir désormais…

3ème étape : Autrans – Saint Nizier : 22 km : « Mon golgotha perso »

C’est difficilement que je repars d’Autrans, l’envie n’y est plus, à un collègue que j’ai rencontré sur place j’ai déjà annoncé la couleur : je vais certainement m’arrêter à Saint Nizier, j’ai trop mal aux genoux… courir devient un calvaire. Heureusement qu’à plat et en montée la marche rapide fonctionne encore… Je regagne même des places à chaque ascension.

Je redouble Gérard lors de la montée vers Plénouze et lui dit « c’est toujours aussi humide ici n’est ce pas ? » La marche rapide en montée me protège du froid, cela passe encore.

Mais une fois sur le plateau du Sornin, c’est l’horreur, le froid est glacial, le vent souffle et me frigorifie. Je n’arrive même plus à descendre en marchant c’est l’enfer, un véritable chemin de croix… Je me refroidis de plus en plus je tremble de partout ; si je ne fais rien c’est l’hypothermie assurée. Mais problème, je n’ai pas d’habits de rechange, pas de couches supplémentaires à mettre… Je me décide à manger, manger comme 4 pour faire le plein d’énergie et de calories… je pense avoir eu un bon reflex.

Mais cette fois c’est sûr, je rallie saint Nizier et j’arrête. Je suis déjà transi à 1500m d’altitude donc ce serait de l’inconscience d’aller au pic saint Michel qui est presque à 2000 m d’altitude ; Il doit y avoir de la neige là-bas… Pour moi cest NON! Je ne suis pas suffisamment équipé. Et de toute façon l’envie n’y est plus.

Dans la prairie je rencontre un jeune homme (Duncan) qui comme moi descend en canard et semble souffrir à chaque pas. Nous faisons connaissance, lui aussi a mal aux genoux, lui aussi est gelé, lui aussi veut arrêter mais à Engins. La descente est un calvaire : ce n’est plus un chemin,  c’est  de la boue …

Parfois dans les plats ce sont de véritables piscines qui se sont formées et il faut viser les monticules de boue qui sont sur les bords pour les franchir. Ca glisse.  Une chance de ne pas avoir fait un plongeon !

A ce moment Gérard me  double pour la dernière fois :  « Je dirais que c’est humide et boueux ! »

Le ton taquin employé m’a fait rire et cela m’a fait du bien ! Merci Gérard !

Il reste une descente de 6 kilomètres avant Engins et 3km de montée raide avant saint Nizier nous annonce une bénévole sympa. Mais attention la descente est glissante nous dit elle. Je lui répond que je n’en peux plus des descentes ! Elle m’encourage et rajoute avec humour : estimez vous heureux, il aurait pu pleuvoir ! Heureusement que tous ces bénévoles étaient là ! Leur gentillesse, leurs petits mots d’encouragement nous ont portés. On ne les remerciera jamais assez.

Kilomètre 63 : 16 h 30 environ, j’arrive à Engins. La pluie commence à s’arrêter ; Duncan rejoint son amie et me propose de me ramener à Villard.

Je le remercie et lui dit que comme en montée cela passe encore, je compte bien atteindre saint Nizier pour bénéficier des massages du staff médical. On se quitte et c’est donc  seul que je vais aborder cette dernière montée pour moi.

J’appelle ma femme pour la prévenir que j’arrête à Saint Nizier.

La montée est raide mais passe plutôt bien , j’avance avec un bon rythme et regagne quelques places : au moins je m’arrêterai sur une bonne impression.

4ème étape : Saint Nizier – Villard : 22 km : En route pour devenir un homme nouveau…

17h 05 : J’arrive à saint Nizier. Le temps s'est vraiment amélioré, et comme la montée m’a réchauffé, je me sens bien. Quand je parle d’abandonner un bénévole me dit que le parcours de repli a été activé, que le passage par le pic saint Michel a été supprimé, que l’on descend par une piste 4 x4 douce jusqu’à Villard et qu’il n’est pas prévu qu’il repleuve.

Je décide de tenter le coup et de terminer. J’appelle ma femme, l’informe de mon intention de repartir. Je sens bien qu’elle est inquiète… Paradoxalement moi j’y crois de plus en plus. Car le Moucherotte, je le connais bien, il ne me fait pas peur.

Au ravitaillement je croise mon ami Stéphane venu encourager son frère qui participe à un relais à 4,

Une photo de Stéphane, un coca et je repars…

 

Heureusement que j’avais des bâtons car dans la forêt, la montée boueuse est une vraie patinoire…

J’arrive à proximité du sommet, la vue est sur Voiron est splendide et celle sur Grenoble féérique, la pluie a chassé les particules fines la netteté est parfaite. Et que dire de Belledonne enneigée en arrière plan : une pure merveille. J’ai hâte de prendre une photo à l’observatoire. Mais ce ne sera pas possible. 3 bénévoles, nous informent qu’on ne monte pas jusqu’en haut car on a atteint la piste de 4 X4 : le plus dur est fait ! Il n’y a plus qu’à rallier Villard maintenant !

Je retrouve le couple que j’avais pris en photo avant le départ, on partage quelques mots. Je m’engage à leur faire une nouvelle photo à l’arrivée…

La bonne humeur est de mise, tout le monde est souriant ici et pour cause ! nous savons désormais que sauf imprévu nous serons tous finishers…

Il faudra seulement arriver avec le moins de nuit possible pour ne pas de nouveau souffrir du froid.

Je crois que c’est à ce moment que j’ai sortie LA phrase du jour ! A une nana qui se plaignait que c’était l’enfer au Sornin, je lui ai dit : il me semble qu’en enfer d’habitude , il fait chaud ! On a bien rit pendant 5 min…

Je croise vers le kilomètre 67 Petit Franck qui nous encourage. Il me dit qu’Albacor est déjà passé et que comme moi il souffrait des genoux. Cela arrive donc même aux plus grands ? A ce moment là je me suis senti très proche de lui : on a dû apparemment vivre une course assez similaire.

kilomètre 77 : il est 20 h, j’arrive au dernier ravito situé dans la salle hors sac de Lans. La soupe au vermicelle est une bénédiction ! La nuit est tombée , il reste 10 kilomètres… deux heures à mon rythme. Je remets la lampe frontale, il fait froid. Allez deux heures à tenir, j’essaye de courir pour rester chaud, ça passe, les douleurs sont parties. Je fais attention tout de même car ce serait trop bête de se blesser maintemant.

C’est avec Béatrice et deux autres gars que je vais parcourir ces 10 km jusqu’à Villard. On est déjà dans la relecture. On est heureux.

22h 10 : Je suis finisher ! Je l’ai fait ! Je n’en crois pas mes yeux !

Je retrouve loiseau qui semble surpris mais content de me revoir. Il m’apprend ce qui s’est passé pour les premiers (les accidents , l’arrêt des premiers...etc).

Je retrouve Stéphane qui a appris mon arrivée par le livetrack !

Je me sens un homme nouveau : j’ai changé de statut : de marathonien parmi tant d’autres (attention il n’y a rien de péjoratif dans ce propos!), j’accède à la cour des grands, au club plus restreint des finishers d’ultra trail ! Si on m’avait dit cela il y a quatre ans et demi quand j’ai commencé à courir…

Et puis c’est la chappe de plomb : j’apprends les multiples abandons et surtout celui de Tekrunner ! Non pas lui ! Il est bien meilleur que moi, si un seul de nous devait arriver, cela devait être lui… Cela a un peu gâché mon plaisir.

Ah je m'en souviendrai de ce premier ultra trail ! Que d'images dans ma tête ! J'adresse un immense merci à tous les bénévoles qui ont bravé le froid et la pluie pour nous apporter réconfort et chaleur  ! Félicitations à tous les coureurs  !

J'ai un pensée particuliaire pour Loiseau, Duncan, Béatrice avec qui j'ai le plus partagé le chemin. Sans vous rien n'aurait été pareil !

Bonne récup à tous !

Et désolé pour la longueur,  j'avais tant à dire...