De retour depuis 15 jours du Tor, je me permets de vous partager mon feed-back de cette épreuve hors norme.
Au départ, mon objectif était d’être juste finisher et de profiter de cette semaine en mode solo (pas d’assistance et pas de pote trailer avec qui partager le parcours). Ce que j’ai pu au final accomplir en 140h. Vous l’aurez compris ce feed-back ne s’adresse pas au plus compétiteur/rapide d’entre nous;)
Mon approche de cet événement est plutôt relax ou du moins c’est l’idée que je me fais d’une bonne gestion d’avant course (il sera toujours temps de réagir le moment venu)!
Arrivée à Courmayeur le samedi en fin de journée, j’ai pu en 30’ retirer mon dossard et satisfaire aux contrôles de matériel (j’avais lu sur le forum que cet horaire n’était pas prisé par l’ensemble des coureurs). La remise du sac d’assistance c’est faite le lendemain à 9h en 5’.
Ma préparation post-Tor ne fût pas spécifique : j’avais prévu deux longues courses en amont, un 80km (balcons d’azur) en avril et un 100km (beaufortain) fin juillet. Mes entraînements sont au final assez variés puisque je pratique de la boxe et des séances de circuit training en complément de 2 sorties courses/semaine. Ce qui me fait en moyenne une heure de sport/jour. Le dernier mois et demi (août), je n’ai presque rien fait hormis quelques sorties de 3h. Je voulais arriver avec l’envie de courir au Tor. Les trois dernières semaines avant le Tor, j’ai suivi vos conseils : à savoir emmagasiner un Max de sommeil et quasi pas de courses (2 footings de 45’/semaine avec ma femme). Ce qui faisait bien flipper tout mes potes trailers;)
Je pense que pour ma part ce dernier point est primordial : dédramatiser la course et arriver le jour J avec beaucoup d’envie.
Ma course en quelques chiffres : 140h, soit 6j/6nuit sur le tracé, dont une vingtaine d’heures de siestes, +ou-6h de footing par 24h (plat et descente), une centaine d’arrêts pour se changer (ajouter ou enlever une couche), un nombre hallucinants de stops pour se ravitailler (jamais autant manger sur une course et de très loin), 1 chamois et 1 loup aperçu à plus de 2000m;)
J’avais en amont beaucoup d’interrogation sur le fait de courir ou non lors de l’épreuve et au final, j’ai été surpris de pouvoir trottiner dès que la route le permettait. Je n’allais pas toujours très vite (7-8’/km) mais cela m’a très souvent permis de me rassurer et de me donner de la confiance pour la suite de la course.
Ma stratégie de course fût celle recommandée sur le forum; à savoir aborder le Tor, tronçon par tronçon.
J’avais d’ailleurs noté que les tronçons pairs étaient les plus durs et je confirme 1000x!!
C’est dans ces tronçons que ce joue la course : il faut y être patient, frais (ou du moins le plus possible) et courageux (si, si tellement ils peuvent être interminables et durs => ascension des cols Entrelor & Loson, descentes vers Niel et Oyace...).
Sur les tronçons impairs, on gagne facilement du temps sur les barrières horaires.
De mon côté, j’avais prévu de ne pas dormir à la première base vie car trop tôt dans la course. Mon premier dodo de 30’, c’est fait à la fin de la deuxième nuit. C’est tard mais avant il m’est apparu vain d’essayer de dormir (trop d’adrénaline et trop de monde).
À ce propos, les bases vie sont effectivement très importantes car elles marquent la fin d’un tronçon (très bon pour le moral) mais ne sont pas toujours bien situées pour le sommeil. En effet, si l’on on y arrive par exemple à midi, ce n’est pas forcément le bon moment pour faire un somme.
Personnellement, j’ai préféré, dans la mesure du possible, dormir en début et fin de nuit.
Vu que je ne visais aucun temps, j’ai même parfois abusé de certaines siestes (la plus longue fût à Oyace : 5h30). Cela m’a permis d’être souvent plus lucide et rapide que mes compères qui pour beaucoup ont une stratégie « arrêts minimum ». Cela m’a également permis de dormir dans des endroits étonnants et inattendus!
Un sénateur, Thierry, me disait pendant la course que nous allons beaucoup plus vite la journée que la nuit et je confirme : il fait moins froid, la vision est meilleure, le public davantage présent... bref, si on doit dormir, il faut le faire en priorité sur la partie nuit.
Je n’avais pas d’assistance sur la course. Je ne peux donc pas dire si l’encadrement est strict sur le règlement. Mais personnellement, je n’ai vu que des bénévoles souriants/accueillants. Sur ce point, je ne peux que confirmer vos écrits : à savoir que les valdôtains sont touchants et aux petits soins avec les coureurs. Pour l’anecdote, après 30 km de course, impossible de déplier l’un de mes bâtons : pas grave un bénévole croisé à un ravitaillement me propose de me prêter les siens pour le reste de la course!
Sur les nombreux ravitaillements tout y est fait pour que nous repartons revigorés (sourires, encouragements, mets originaux et de qualités...). Tout ces attentions permettent de se passer facilement d’assistance. Je ne pense pas que cela soit forcément un désavantage de ne pas en avoir : on perd certes du temps avec le sac de vie (le mien était plein de choses inutiles) mais on gagne en échange avec les bénévoles et autres coureurs. C’est personnel, mais je pense que le fait d’être seul m’a permis au final de « vivre » le Tor pleinement.
Même si les coups de fil à la famille (femme, enfants, frères, parents et amis) sont d’énormes boosts!!
Le matériel de course est également super important.
Cette année nous avons eu un super temps, ce qui m’a permis d’être en short et t-shirt light la journée (je précise que je suis pourtant frileux et pas épais)!
Pour les nuits, c’est une autre histoire : il fait froid et on peut vite refuser de sortir d’un refuge sous prétexte que dehors ça meule;) J’avais prévu pour le bas un collant mi-long et un pantalon type K-way. Pour le haut, un manche longue type micro fibre, un coupe vent et mon arme fatale : une doudoune ultra light décathlon avec capuche (40€)! Avec elle et en mouvement, je n’ai jamais eu froid. Je l’ai béni maintes et maintes fois lors de la course!!
En plus, j’avais prévu une cape de pluie (presque pas utilisé), des gants avec moufles intégrées (décathlon), un buff chaud, 2 frontales, le tout dans un 12L S-lab (sans poche à eau), juste 2 flasques 500Ml. Mes chaussures étaient des Hoka Mafate speed. Je pensais en changer pendant la course mais je n’ai pas eu besoin.
Si les chaussures et l’équipement étaient tops, on peut pas en dire autant de mes pieds. Faute de les avoir préparer sérieusement (tano, nok...), ils ont vite été au centre de mes préoccupations : multiples ampoules, craquelures de la peau... dès les 100 premiers km. Bref, j’ai du vite serrer les dents et promis je ne ferai plus cette erreur de débutant (heureusement les podologues sont tops et nombreux sur les bases vies. Ils ont un système de bandage que je n’avais jamais vu auparavant, super efficace).
Un autre de mes problèmes lors de la course fût les hallucinations. Après 3 nuits, elles ont débutées et j’ai dû apprendre à les gérer tant elles pouvaient devenir dangereuses. J’ai vu des centaines de poissons, de grenouilles, de vaches... tout au long des sentiers!!! Je connaissais déjà cette sensation mais pas à ce point. À 2 moments de la course, le sol c’est mis à bouger ce qui m’a obligé à m’allonger 15’ le temps d’une sieste réparatrice (pas idéal à plus de 2000m)! Heureusement, ces deux fois, il ne faisait pas trop froid car pas de vent. Désormais, je sais qu’il faut veiller à ne pas ce faire surprendre en anticipant ce point au risque de se retrouver en mauvaise posture.
Voilà, tout au long de la course je m’étais dit qu’il fallait partager mon expérience car au final le Tor c’est à faire!! Et les expériences de chacun sont enrichissantes et rassurantes!
Même si les deux premiers jours furent pour ma part extrêmement durs (en 90km, on monte plus de 9500D+ avec de gros % en fin d’ascension), je me suis surpris à trouver après ces 100 premiers km mon rythme et au final à profiter pleinement de ces 200 derniers km où je n’ai cessé de nouer des contacts chaleureux.
C’est d’ailleurs ce que je retiendrais le plus de cette course, tout ces bons moments d’échanges et de bienveillances entre coureurs et organisation. C’est selon moi ce qui fait de cette épreuve, une course unique et hors norme qu’il faut tenter ou re-tenter (sans pression)