Récit de la course : Spartathlon 2009, par hemerodrome

L'auteur : hemerodrome

La course : Spartathlon

Date : 25/9/2009

Lieu : Athènes (Grèce)

Affichage : 1584 vues

Distance : 246km

Objectif : Pas d'objectif

15 commentaires

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Le récit

Malgré la préparation physique, mentale, les diverses recherches sur internet, les échanges avec d' anciens participants, une question me revient sans cesse, je ne comprends pas pourquoi cette course est si difficile, pourquoi Corinthe devient systématiquement la cours des miracles ? Pourquoi ?

[Vidéo du départ->http://www.youtube.com/watch?v=Os5bzcTC6ik]
25 septembre 2009.

Serais-je à la hauteur, vais-je rejoindre Sparte, suis-je suffisamment armé pour affronter ce parcours ?
Autant de questions que je me suis posées juste avant le départ au pied de l’Acropole.
Le poids de l’histoire est là, je le sens, les photos, les embrassades, le « calme »…


Nous y sommes 1km tranquille et déjà nous devons faire face aux automobilistes Athéniens. Je m’enferme, il y a du monde mais je suis seul, je vois bien des têtes connues mais je suis seul.
Se ravitailler, faire attention, il y a encore pas mal de monde, ne pas se laisser griser par ce départ. Caro prend le bus de l’organisation qui va remonter la course, elle devrait me voir au moins au début.
Les kilomètres défilent et les CP aussi, tout va bien je suis peut-être légèrement trop vite. Je fais des pauses naturelles très souvent (trop souvent ? ? ?).

Le gros CP du 39ème kilomètres arrive, tout va bien je vois Caro, il y a Manu Conraux qui est là, nous sommes dans notre course. Le seul souci se situe au niveau de la ceinture porte bidon que je commence à ne plus supporter, d’ailleurs elle me provoque un mal de dos.
On verra à Corinthe, je continue à avancer en prenant garde de ne pas aller trop vite. Nous commençons à être souvent seul, cela me convient, de tout manière je ne suis pas là pour faire la conversation de salon.

Les montées se succèdent aux descentes au bord de la mer, le parcours n’est pas désagréable, en revanche les jambes ne répondent pas super, la route est encore longue, il me tarde d’arriver à Corinthe (dans ces cas là je ne dois plus être relâché et systématiquement je n’avance plus). Le soleil commence à bien taper, la route devient vraiment moins agréable (bande d’arrêt d’urgence), j’ai très mal aux cuisses, j’ai mal au dos, n’en jetez plus ! STOP.

J’ai compris, je sais pourquoi Corinthe est si difficile à passer, ce passage est très compliqué. Je pensais arriver à Corinthe « facile », je suis défoncé, mentalement il est difficile de se dire je repars, il me reste 165km à faire !

Caro m’attrape me dit de venir par là (merci à toi MERCI), je mange un bol de riz, je lui explique pour la ceinture, elle me l’enlève, me prépare mon porte bidon, me donne un verre de coca, et mentalement je me remets en route. Je me lève et je repars en marchant pour manger un maximum de riz (je sais que cela me servira tout à l’heure). L’arrêt n’a pas du être trop long quand même. Un de mes objectifs avant le départ était de faire le moins de pause possible (en tout cas s’asseoir le moins possible), je connais trop le temps que cela fait perdre.

Miracle je repars de Corinthe, alors que 10’ plus tôt je n’avais que des pensées négatives, je recours péniblement, en revanche mentalement je vais un peu mieux, je me persuade en me disant que j’ai quand même 2h heures d’avance sur la barrière horaire et que quoi qu’il arrive je n’ai pas le droit d’arrêter tant qu’elles ne me rattrapent pas…

Côté ravitaillement, je bois de l’eau et prend une barre toute les heures (pâte de fruit ou pâte d’amande). Je grignote de ci de là quelques biscuits apéritifs pour le sel.

Après Corinthe nous sommes sur une route beaucoup plus calme, Gérard m’avait dit si après Corinthe, tu peux courir correctement alors tu prendras de l’avance sur les barrières. Cette partie est déroutante, effectivement la route est plus calme et cela tranche énormément avec l’arrivée sur Corinthe. Je cours tant bien que mal (je ne vais pas très vite mais à priori suffisamment pour ne pas me faire rattraper). Curieusement je ne me souviens pas trop. Il faut assez chaud je trempe ma casquette à chaque point d’eau et m’hydrate régulièrement. Un seul objectif atteindre le 100ème kilomètre, mon cerveau divague, je suis dans ma bulle. Je me souviens juste qu’à un ravito je vais prendre de la pastèque (elle me faisait de l’œil)…

Je rattrape quelques coureurs et je crois que 1 ou 2 me dépassent, je ne cherche pas à rester avec quiconque. Peu avant Zevgolatio (102ème kilomètres) Caroline me dépasse dans une voiture, cela me fait du bien. J’arrive dans le village et réalise un ravitaillement express. Caroline me propose des cacahuètes que je refuse. Je repars aussitôt, les sensations ne sont pas mauvaises.

Depuis Corinthe je fonctionne par tranche de 20km, direction le 100ème km, c’est fait. Maintenant place au 124ème Néméa (mi-parcours). Le parcours devient très vallonné et je repense à tous les entraînements qui m’ont amenés ici, avec par exemple les sorties sur le Coiron ou les 20km de Privas (parcours très vallonnés). Allez, je suis dans mon jardin. Au ravito du 115ème je retrouve Albert Vallée qui n’a pas l’air au mieux, comme souvent je ne traîne pas au ravitaillement. Je repars seul, direction Néméa, le parcours est assez sympa, je continue à courir correctement, à Néméa j’ai déposé un sac avec mes affaires pour la nuit (lampe frontale, manchette, ravito perso), pas de veste je prends le risque ! Avant d’arrivée à Néméa j’ai quelques soucis (envie d’uriner très fréquemment), cela m’inquiète un peu. J’ai également prévu de manger du solide à Néméa avant d’attaquer la nuit.
Néméa 19h30’, Caro n’est pas là, je m’en doutais donc pas de soucis, je prends mon sac, demande un bol de riz (on voulait gentiment me servir des pâtes), un thé bien chaud. Je me prépare pour la nuit tout en mangeant mon riz tranquillement. Albert Vallée arrive, il repart plus rapidement que moi.

Je reprends la route qui s’élève à nouveau pendant 2-3kms, Je retrouve Albert à mi-pente qui a des crampes.
Je l’aide un peu et je file. Dans la descente un coureur me double (nous allons faire le yoyo au gré des montées et des descentes). Clairement je ne descends pas très vite en revanche je monte encore sur un bon rythme.
La nuit est là, j’aime la nuit néanmoins sur les petites routes avec des voitures, j’ai vraiment l’impression de ne pas être bien vu. Je redouble de prudence. Nous quittons bientôt la route pour une route/chemin qui n’arrête pas de monter. Une certaine lassitude s’installe, je n’arrive pas à trouver le bon rythme. Il faut vraiment que je fasse attention au ravito. Je reçois des messages d’encouragements, et même un appel de Domi, cela me fait du bien. J’ai également Caro au tph, je ne suis pas au mieux, mais je continue à avancer coûte que coûte. J’ai mon fils au téléphone, il ne comprend pas trop ou je suis…

Je me traîne jusqu’à Malandreni, je sens que ma vitesse a chuté. Je me ravitaille il y a pas mal de monde, le ravito se situe dans une auberge. J’essaye de ne pas trop rester là, je repars avec un polonais, nous échangerons un peu avant que je prenne mon portable pour appeler ma fée blonde lol.
En fait j’attends la montagne avec impatience, il y a encore du chemin, et comme toujours l’impatience m’empêche d’avancer correctement. Enfin j’arrive à Lyrkia. Je me ravitaille très vite et repart illico. Vite la montagne, nous entamons la longue montée sur la route, je vois des frontales au loin devant et aussi derrière, nous montons chacun à notre rythme. Je reconnais le passage décrit par Roland lors du briefing un grand merci à lui (9 fois finishers Bravo l’artiste). Gérard m’a décrit cette montée dans les pierres je ne suis donc pas surpris, en revanche je suis surpris de ne pas être plus à l’aise pour grimper, les jambes ne répondent pas bien, et d’ailleurs un coureur me dépose littéralement dans la montée.

J’arrive en haut et ne m’attarde pas, je n’ai pas de veste et le vent souffle assez fort. Je bascule et descend vraiment pas bien, bon à priori il n’y a pas plus de grands descendeurs à ce niveau là de la course, car je rattrape malgré tout des coureurs.

Au ravitaillement de Sangas, je retrouve des coureurs dont Eusebio Bochons, pas vraiment très frais. Je mange une soupe, fait le plein de mon bidon et repart.
La portion qui suit est assez « facile » et je retrouve des couleurs et courant à bon rythme. J’accompagne un peu Eusebio qui me confirme mon impression et me disant qu’il n’est pas au mieux. Je poursuis ma route en direction de Nestani. Je connais vaguement ma situation dans la course, mais en même temps je me dis que la route est encore longue.
En arrivant, à Nestani Manu Conraux est là. Ils (manu et Jean Agosta) repartent à deux, il me demande si c’est moi, je lui confirme, et je lui dis que je suis bien content de lles voir car je suis seul depuis un bon moment. Je zappe le ravito et repars avec eux.
En fait, ils ont fait une bonne pause pour manger, la remise en route est difficile, en revanche ensuite j’ai du mal à les suivre et n’insiste pas je vais rester quelques kilomètres à quelques mètres derrière, finalement je suis bien seul…
Manu nous a dit que les prochains 30 kilomètres ne sont pas difficile et que normalement on devrait pouvoir courir facilement.
Les CP s’enchaînent et j’arrive à Tégéa à 6h du matin, je suis vraiment content, je viens de pulvériser ma plus longue distance parcouru et je vais bientôt atteindre les 200kms. Le poste de Tégéa m’avait semblé être un poste plus important, il n’y a pas vraiment de solide. Je récupère mon sac, change de T-shirt, pose ma grosse lampe frontale et prend la pezl e-lite pour terminer la nuit. Je prends un thé ou une soupe je ne sais plus et hop c’est parti.

Après Tégéa, nous arrivons sur la nationale, une longue montée se présente à nous, la pluie nous accompagne, je suis avec un coureur japonais, nous baragouinons en anglais, que la parcours ne fait que monter. Nous sommes à un bon rythme et j’ai l’impression que les kilomètres défilent « vite ». Le jour arrive je dois passer aux alentours du 204ème kilomètres en 24h.
Je continue mes ravitaillements express, quelques secondes pour prendre un verre de coca, et remplissage de bidon uniquement lorsque je suis presque à sec.
Direction le 222ème kilomètres, tout va bien, je cours relativement facilement, je sais que le plus dur est derrière moi. Mentalement il faut rester concentré.
Le japonais décroche avant le CP du kilomètre 212. Je prends juste un verre de coca et repart. 300m plus loin il y a un carrefour sans marquage au sol, de la rubalise accroché sur des poteaux vers la gauche, je pars à gauche.
Je suis seul enfin je suis seul, je plaisante mais en fait je viens de bifurquer en dehors du circuit. Personne ne me voit puisque j’étais seul et non visible des bénévoles du ravito. Je cours un bon quart d’heure, me retourne pour voir si le japonais est là, personne !! je continue en commençant à me dire qu’il y avait quelque chose d’anormal. J’appelle Caro et lui fait part de mes doutes. Elle essaye de se renseigner, elle me confirme que tout va bien, je continue quelques minutes, et deux grecs arrivent en gesticulant et en parlant assez fort pour me dire que je fais fausse route. Ils veulent me ramener, je ne sais plus quoi faire. J’appelle Caro pour lui dire je suis en colère après moi et avec la fatigue je suis à la limite de craquer. Je refuse de me faire ramener en me souvenant du règlement qui nous interdit de monter dans une voiture autre que celle de l’organisation, il est hors de question que je me fasse disqualifier. Je reprends la route en sens inverse. Et retrouve le fameux carrefour. Une bonne heure de perdu, beaucoup d’énergie. Je suis à sec au niveau de mon bidon et je sais qu’il va me falloir encore une demi-heure pour rallier le CP suivant. Je croise une voiture de l’organisation et leur fait part de ma mésaventure, ils ne peuvent rien faire.
J’essaie de me remettre dans la course, mentalement ce n’est pas facile, j’ai l’impression d’avoir manqué une occasion. Je ne sais plus ou j’en suis…
Au CP suivant je croise Manu Conraux qui a mal et ne veut pas en ajouter, il me demande se qu’il s’est passé. Je lui explique brièvement il est dégouté pour moi, en revanche il m’encourage en me disant que je dois encore pourvoir faire moins de 30h.

Sparti sparti, je suis seul, un coureur revient derrière, je n’ai pas envie de me faire passer, j’essaye de courir partout y compris dans les montées assez raides qui se succèdent. Je reviens sur quelques coureurs qui ont du mal à finir, tout en sachant qu’ils verront la statue de Léonidas. Je continue sur mon rythme en pensant toujours à cette stupide erreur. Arrive enfin la descente vers spart’, je préviens Caro lorsque je suis en vu de Sparte. Je pense que les moins de 30h sont réalisables, alors je fais l’effort lorsque j’arrive dans Sparte, l’émotion me gagne, je vais maintenant être escorté jusqu’à l’arrivée, il tombe de l’eau je suis heureux, je vais bientôt être spartathlète…

Dernier virage, je sais la statue en haut de l’avenue, je regarde ma montre les moins de 30h c’est ok, je savoure, je profite, les copains sont là, ils sont heureux pour moi, Caro est là. Je marche les derniers mètres pour encore plus en profiter. Merci à vous tous. Merci à toi, sans toi je ne serai pas Spartathlète.

Le protocole d’arrivée, les photos, puis la tente médicale ou je vais rester quelques temps…

Bravo à tous les finishers et  participants, une pensée particulière pour Seb et Lapin (vous reviendrez encore plus fort). Cette semaine en Grèce fut l’occasion pour moi de mettre des visages sur des noms. Encore merci à Roland et tous les anciens de nous faire partager votre expérience.


Cette course est énorme et surtout  impitoyable pour reprendre les termes de M. Foden.

Merci à l'organisation, la cérémonie à Sparte et à Athènes sont vraiment très touchantes...

 

Avec les photos par là : http://www.trace-de-cime.fr/spip.php?article87

15 commentaires

Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 05-10-2009 à 22:54:00

Malgré la toute petite police dure à lire pour un vieux comme moi, j'ai lu ton récit jusqu'au bout, fasciné par l'effort. J'ai été saisi par ta fausse route, à ce niveau, tu pouvais exploser. Bravo d'avoir résisté.
Je suis admiratif, c'est pas peu dire !
Bises à Caro et bravo champion !

Commentaire de LtBlueb posté le 05-10-2009 à 23:36:00

J'ai bu ton récit comme on boit un grand cru ! Respect champion, tu es fort , mais il fallait être fort pour ne pas craquer à quelques heures de l'arrivée après cette erreur, et surtout garder cette ludicité que beaucoup n'aurait pas eu en se faisant ramener au carrefour en voiture !

Commentaire de akunamatata posté le 06-10-2009 à 07:25:00

Bravo Heme, faut du coco pour ne pas exploser apres ton erreur de parcours, amplement meritee cette arrivee. un vrai hemerodrome

Commentaire de taz28 posté le 06-10-2009 à 08:03:00

Spartathlète Hémérodrome...!!!

Un Bravo immense pour cet exploit où ton mental a fait une nouvelle fois fureur...Tu as la tête et les jambes, et ta jolie blonde pour agrémenter le tout...

Savoure, profite, nous sommes fiers de toi !!!

Bisous, et récupère bien !!!

Taz

Commentaire de Francois dArras posté le 06-10-2009 à 09:17:00

Bravo !
Ton palmarès te valais déjà d'être dans la légende, te voilà dans la mythologie.

Commentaire de CROCS-MAN posté le 06-10-2009 à 10:09:00

UN HEROS GREC, UN VRAI. BRAVO.

Commentaire de Fredy posté le 06-10-2009 à 14:56:00

Bravo pour ce récit, c'est un véritable exploit (pas le récit, la course bien sur ;) )
C'est vraiment incroyable cette course !

Commentaire de millénium posté le 06-10-2009 à 20:21:00

scotché ! Je suis scotché par ton récit et t'imagine , toi le champion , en lutte contre la fatigue et les coups au moral......
Bravo , chapeau , respect !
Bises à caro

Commentaire de martinev posté le 06-10-2009 à 20:55:00

Bravo Bertrand. Tu es allé au bout de ta souffrance et tu as vaincu ce spartathlon.

Toutes mes félicitations et respect pour ce que tu as fais avec Caro qui te fut d'un grand soutien.

Bisous à tous les deux

Commentaire de JLW posté le 06-10-2009 à 22:48:00

Bravo, quel mot banal pour te féliciter après une telle épreuve. Merci pour ton récit qui fait bien ressentir la difficulté de cette course et qui témoigne de ton mental hors norme.

Commentaire de Estive 73 posté le 10-10-2009 à 16:50:00

Merci Bertrand pour ce CR qui relate bien ce qu'on a vécu à distance !
Bravo !

Commentaire de Jerome_I posté le 14-10-2009 à 12:51:00

Salut Bertrand,

merci pour ce récit, qui me donne encore plus envie de cette course. Dommage pour cette "erreur" mais on apprend toujours sur l'ultra et la course à pied en général.

Tu es sparthatlète, et ca "Ca en jette".

A bientot

Jérome

Commentaire de hemerodrome posté le 19-10-2009 à 19:41:00

Salut à tous,
et merci pour vos commentaires,

je vous souhaite à tous de pouvoir vivre ce genre d'aventure.

Au plaisir
Bertrand

Commentaire de Land Kikour posté le 21-12-2009 à 00:47:00

Respect Bertrand pour avoir géré une épreuve si difficile et pour ce récit qui en dit long sur ta pugnacité.
Olivier.

Commentaire de HervéB posté le 20-09-2012 à 22:41:43

un très. eau récit qui me replonge bien dedans.
Dans une semaine j'y retourne pour la 3ème couronne, dommage qu'apparamment tu ne sois plus du voyage.

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