Récit de la course : Marathon d'Albi 2016, par franck de Brignais

L'auteur : franck de Brignais

La course : Marathon d'Albi

Date : 24/4/2016

Lieu : Albi (Tarn)

Affichage : 1309 vues

Distance : 42.195km

Objectif : Battre un record

13 commentaires

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ça c'est fait !!...

 

Voilà quelques temps que je ne me suis pas lancé dans l’exercice du récit, le Marathon d’Albi était un objectif principal de l’année 2016, je me lance donc pour vous faire part de la petite expérience acquise sur cette course (la plus dure du monde du monde, cela va sans dire).

L’OBJECTIF

Ma précédente marque à 3h54 m’amenait naturellement à aller chercher un peu mieux, mais l’effort d’entraînement avait été tellement important à l’époque que je voyais difficilement comment  améliorer ce temps (comme les 5 fois précédentes !!…).

Comme à chaque fois j’ai donc fixé 3 objectifs : 1/ Aller chercher 3h53 qui, symboliquement,  veut dire que je suis super bon. 2/Tenter 3h50 qui, symboliquement, prouverait que je suis le meilleur coureur du monde. 3/Aller chercher 3h45 qui, symboliquement, me permet d’afficher haut et clair à 2 ou 3 personnes bien précises qui est le patron.

Après une bonne crise d’ego et un passage par la case « déballonnage de melon », qui consiste à échanger avec Denis sur son objectif de 2h53 (tiens !?... 1h00 de moins pile poil que moi… une paille…), je décide que, sur ces 3 objectifs, un restera secret et les 2 autres seront communiqués au gré de mon envie de montrer de la modestie, de la clairvoyance ou de la prétention !

LA PREPARATION 

Une bonne prépa, c’est un bon plan d’entraînement. Et son élaboration a été la plus sérieuse possible : j’ai fait appel au plus grand coach, le plus sérieux, le plus crédible, celui qui sait tout : Internet.

J’y ai trouvé à peu près tout et plus précisément n’importe quoi. Heureusement car je ne sais pas ce que j’aurais pu imaginer si je  l’avais fait par moi-même… probablement tout et n’importe quoi !

Voilà les grandes lignes de ce plan, que je dois garder secret (mais que je peux communiquer moyennant rétribution houblonesque) :

ð  4 sorties par semaine. Je peux pas en caser plus et puis de toutes façons je suis un gros faignant, ça va déjà être bien assez compliqué à tenir. 2 sorties en endurance fondamentale (ça fait devenir fondamentalement endurant), 1 sortie VMA, 1 sortie longue.

ð  Le plus de plat possible. Aucun intérêt de travailler en côtes à priori (mais j’ai trouvé aussi des articles qui disaient que c’était très efficace… dont acte…)

ð  Travailler uniquement sur la vitesse cible, pas au cardio. Sur ce point je m’arrête quelques secondes avant d’avoir une salve de commentaires qui tentent de me prouver le contraire. Pourquoi j’ai pris cette décision ? Parce que j’ai trouvé 201 articles (toujours sur Internet si vous suivez bien…) qui vantent les mérites de cette prépa… et je n’ai trouvé que 197 articles qui vantent les mérites de l’entraînement au cardio. Vous comprendrez donc aisément ma position sur ce point, et elle n’est pas discutable !!

ð  Vivre la vie d’un moine chartreux (ça fera plaisir à certains locaux ) pendant 3 mois. Mode de vie qui propose subtilement les principes suivants : pas de nourriture grasse, pas d’alcool (…), pas de sexe (…), pas de bavardages inutiles…mais laisse tout de même la possibilité d’ingurgiter une soupe de vermicelle le soir suivi d’une tisane à la camomille. (sans suppo…)

 

LA COURSE

ALBI c’est beau…mais c’est loin !! Après 5h30 de voiture qui nous auront tout de même permis de passer à Firminy, au Puy (…), de découvrir le plateau du Parc national des Cévennes, l’aire de repos de Severac le château, de traverser Chirac (…) , le tout sous une pluie battante, un vent violent et des températures qui fleurtent avec les 3 à 4 degrés, nous voilà arrivés à destination.

Caroline, mon épouse et Thomas, mon fils cadet, font preuve, une fois de plus, d’une dévotion sans faille et me supporteront au cours de l’épreuve. Denis fait partie du voyage et c’est le cœur léger, l’esprit libre et sous une pluie torrentielle que nous rejoignons le village Marathon. Enfin « village »…. « hameau » serait le terme plus approprié. Même si c’est ici que Christophe Lemaître a tombé de nombreux records de France en 100m et 200m, le Marathon est, lui, plus confidentiel nous serons 400 à prendre le départ de l’épreuve.(note pour plus tard, ne pas s’inscrire sur un Marathon avec aussi peu de monde, au début c’est génial on est tous ensemble… à la fin, c’est plus compliqué… il n’y a plus personne autour de soi !!). Mais le nombre de participants ne fait pas la course : l’orga est précise, les bénévoles sympathiques et le Tshirt… rose, très rose. Ma femme est ravie, elle vient de gagner un tshirt, de mon côté je regarde la médaille finisher en me projetant déjà dans l’effort de demain. Je connais le rythme à tenir, je l’ai beaucoup travaillé, mais il semblait déjà tellement dur à tenir sur quelques km, comment je vais pouvoir tenir cette allure sur 42 km ?

La technique que je veux appliquer est simple (accrochez vous, ça devient chiant) : l’allure cible (celle travaillée lors du plan) est  de 5’10/km, ceci est censé m’amener à l’arrivée en 3h40. Mais je sais pertinemment que cette allure va baisser au fur et à mesure de la course et c’est là qu’est l’inconnue : au mieux elle ne baisse pas trop et je termine en 3h45 au pire ceci m’emmènera entre 3h50 et 3h55… ou peut être plus…

Ca c’est pour la théorie, il est maintenant temps de passer à la pratique et aux choses sérieuses. Ce dimanche matin est sec, le ciel mitigé mais pas de pluie annoncée. Le fond de l’air est frais, ma Goretex « Handy bag » grise me tient chaud mais je suis beaucoup plus inquiet par le vent. Il est bien présent, comme annoncé, par rafale. Je n’arrive pas à déterminer si nous l’aurons de face à l’aller ou au retour. En effet le Marathon consiste en un aller retour dans la vallée du Tarn.

Le départ est donné, je me suis mis dans le 1er tiers du peloton. C’est un départ très rapide, on passe par le centre ville, la cathédrale Ste Cécile, puis les faubourgs. Le parcours n’est pas si roulant que ça sur le début, quelques montées, descentes, qui deviendront descentes et montées au retour. Le départ est rapide donc, et il est complqué de tenir une allure constante en centre ville. Les 5 premiers km sont tous passés en dessous de 5’00/km. C’est beaucoup trop rapide, mais je suis juste derrière le meneur des 3h45 qui ne semble pas vouloir ralentir… Je suis son rythme jusqu’au 10ème, mais je ralentis volontairement à partir de ce moment : on va beaucoup trop vite, on est sur une allure en 3h30 !!

Je suis bien, mais les jambes commencent déjà à se faire sentir, c’est un peu tôt, ça m’inquiète un peu (je suis un homme inquiet par nature, tout m'inquiète, le prix du pain, l'avenir de la loi El Khomri, bref...). J’arrive à caler mon allure un cran en dessous, mais j’ai encore du mal à rester régulier. Nous sommes sur les rives du Tarn, boisées, je ne sens plus d’air, nous devons être abrité du vent, tant mieux. Je me demande quand on va croiser les 1ers, je note mentalement de compter pour annoncer son classement à Denis, je serai utile à quelque chose et ça fera genre "je connais un des top de la course..."

Au 16ème, après le passage d’un premier tunnel, je vois Thomas qui m’attend, il m’accompagne quelques centaines de mètres, Caroline se joint à nous « Denis est passé il y a 25 min environ ». Je calcule rapidement, il est très en avance sur son objectif, il est partit très vite lui aussi (en effet il passe le semi en 1h24, soit une arrivée en 2h48, il finia en 2h55). La famille me laisse, je la reverrai au retour.

Km 17, je croise enfin les 1ers : un groupe de 4 Kenyans qui vont à une allure incroyable ! Puis derrière, rien… plus personne ! A se demander si ils n'ont pas changer le parcours derrière ce groupe de 4 ! On plaisante quelques secondes avec mon voisin du moment "Je crois qu'ils ont dynamité la concurrence" "Ouai, on fait pas le même sport..." Ce n’est qu’un km plus tard qu’enfin on se met à croiser un concurrent de temps en temps. Je me mets à compter. 3 féminines passent. Enfin Denis arrive, je me rapproche du centre de la route, on se tape dans la main. « 13ème garçon, allez tien bon !! ». Il ne me répond rien, je vois un visage tordu par l’effort, j’imagine bien ce qu’il peut vivre… je le vis…plus doucement...

La route est longue, putain qu’elle est longue !! on a passé le 21ème km depuis longtemps et toujours pas de demi tours en vue. J’ai passé le semi en 1h49. Mon allure varie entre 5’01 et 5’12. Ce n’est qu’au 22ème que l’on fait enfin demi-tour. Ca y est, enfin on rentre ! Ce demi-tour (un peu sauvage : il faut contourner un vieux bidon en métal au milieu de la route... c'est local...) est une délivrance, mes jambes sont franchement très dures, l’allure très dure à soutenir, mais je ne veux pas baisser le rythme. J’ai maintenant hâte d’arriver au 27ème pour recroiser la famille.

Je pensais que le vent avait disparu, il n’en est rien, en fait on l’avait dans le dos ! Il est là, bien présent ! Il est usant, il repousse, par rafales. Ca va sérieusement compliquer la donne !! Je n'ai plus le coeur à plaisanter avec mon entourage. Depuis le demi tour je suis au coude à coude avec un type habillé en noir. De temps en temps juste devant moi, parfois je prends le relais et je le sens s’accrocher derrière moi. Il m’aide à tenir le rythme. 5’06, 5’02, 5’13, les km s’enchaînent. J’ai gardé à la main une petite bouteille d’eau que j’avais préparée, de l’eau et du sirop. J’essaie d’en boire régulièrement, mais j’ai de moins en moins envie. Heureusement que je l’ai prise, les ravitos se font au gobelet et j’ai beaucoup de mal à boire en courant avec ces gobelets.

Km 27, je repère Caroline et Thomas, ils m’accompagnent sur 200 mètres « Comment je suis sur mes temps prévus ? ». « Bien, impec ! Denis avait l’air dans le dur ». Je le suis moi aussi. « J’ai les jambes dures depuis le début quasiment, ça va être compliqué de tenir ». « Allez tiens bon, on se retrouve à l’arrivée ! ». Et d’un coup, je me retrouve tout seul, maintenant il va falloir finir, seul ! Mon compère est toujours à mes côtés et le long tunnel se profile à l’horizon.

Le traverser à l’aller a été désagréable : chaud, humide, une impression de mal respirer. Au retour c’est encore plus compliqué : le vent se concentre dans ce tube et pousse en arrière de façon constante, mais bizarrement les jambes semblent revenir à ce moment-là. Je les teste, je pousse un tout petit peu plus. Je ne connais pas ma vitesse, mais l’effet est immédiat : mon compère tente de suivre, mais je sens qu’il décroche, son pas est de plus en plus loin, jusqu’à ne plus l’entendre. Il ne me rejoindra pas.

Sortie du tunnel, ma montre retrouve les satellites et m’annonce le temps : 5’35 sur ce dernier km. Pas question de baisser autant, je sens que je peux atteindre les 3h45, peut être 3h44, même si l’esprit est embrouillé, les calculs sont compliqués, mais il me semble que c’est faisable. Je serre les dents et lève encore un peu les genoux. 5’19, 5’19, 5’18. Je n’en reviens pas de pouvoir tenir cette allure à ce moment là. Mais qu’est ce que c’est dur !! Un effort énorme à chaque pas !

J’attends avec appréhension les 2 descentes de l’aller, donc les 2 montées au retour. Elles passeront finalement bien et me feront baisser le rythme à 5’45 et 5’55. Ce seront mes km les plus lents de la course.

Nous rentrons enfin dans les faubourgs de la ville. Je n’ai doublé et ne me suis fait doubler par personne depuis 6 km !! Les lignes droites sont interminables, le vent toujours aussi fort avec une sale impression qu’il se renforce. Km 40 passé en 5’24. Je vois Caro au loin, elle va m’accompagner sur les 2 derniers km. Je commence à lui faire part de mes impressions, je sais maintenant que l’objectif de 3h45 sera plus que rempli, J’ai perdu moins de 3 minutes sur le 2ème semi, je pourrai passer la ligne en 3h41 selon mes calculs. Enfin un peu de monde au bord de la route. Thomas vient de nous rejoindre (il papotait UTMB avec un bénévole… oui, oui…).

« Allez papa !! », « Allez Franck ». Que c’est bon d’avoir enfin quelqu’un à ses côtés. Nous tournons sur la dernière ligne droite, enfin je ne sens plus le vent. KM 42 en 5’24. Nous rentrons dans le stade, les 400 derniers mètres vont se faire sur la piste de tous les records, ça sera aussi le mien aujourd’hui. Je passe la ligne et arrête mon chrono : 3h41’02. Je souris intérieurement, à 2 secondes… mais le temps officiel me créditera finalement d’un superbe 3h40’59.

 Ce Marathon est organisé avec beaucoup de coeur, mais le tracé est exigeant, le vent l'a rendu usant. Il y a trop peu de monde pour mon petit niveau, j'ai besoin de voir du monde devant pour tenter de reprendre un peu de vitesse, là il y avait trop peu de monde à la fin. 


J’ai du mal à dire ce qui m’a permis d’atteindre cet objectif, honnêtement impensable le matin même du départ. Certainement l’entraînement sérieux (je n’ai pas manqué une seule séance) et certainement un jour avec aussi. En tous cas une chose est sûre, cette fois ci, ça va être compliqué de faire mieux l’année prochaine !! (…)


Franck

13 commentaires

Commentaire de Arclusaz posté le 05-05-2016 à 00:54:53

Mais si tu feras mieux l'année prochaine !!!! cette incroyable progression ne peut pas s'arrêter comme cela... Bon, c'est sur les minutes commencent à être chères, là !

Commentaire de Elendil posté le 05-05-2016 à 07:45:05

Super récit;-) Et félicitations pour le chrono !

Commentaire de marKeau posté le 05-05-2016 à 09:33:28

Merci pour la balade et un grand bravo pour le chrono ! Si le parcours avait été roulant, quel temps !

Commentaire de coco38 posté le 05-05-2016 à 10:27:57

Beau Récit ! et belle performance au bout d'un parcours difficile. Heureusement que je connaissais le résultat sinon en lisant j'ai bien cru que tu n'allais pas tenir la cadence :) Mais ça c'était avant quand tu faisais plus de 4h... un autre monde.
A Bientôt... de préférence en montagne...
JC

Commentaire de snail69 posté le 05-05-2016 à 12:31:35

Bon ça va...tu as quand même un peu serré les dents pour obtenir ce très beau temps. Tu aurais quand même pu amener Caro au restau à Firminy.

Commentaire de tidgi posté le 05-05-2016 à 14:01:19

Juste fais le : et tu as fait le job. Bravo !
Compliqué de faire mieux ? Peut-être, but you can do it... 3h30 ? Ca va causer là ;-)

Commentaire de Papakipik posté le 05-05-2016 à 20:42:24

Bravo Franck ! Récit sympa, merci. Les 3h30 dans le viseur maintenant, il ne faut pas t'arrêter sur ta lancée.

Commentaire de xian posté le 05-05-2016 à 21:55:07

pffffffffff ! c'est pas humain ton truc... chapeau
le plus marrant dans l'histoire c'est l'enchainement avec l'ultra des coursières 15 jours après... du grand n'importe nawak :-)
mais comme tu es un winner, ça va le faire !
(je vote pour 3h30 l'année prochaine, faut que tu te forces un peu)

Commentaire de Trixou posté le 06-05-2016 à 10:04:47

Bravo Franck !

Commentaire de Jean-Phi posté le 09-05-2016 à 11:30:32

Tu progresses, tu progresses !!! Je ne vais plus arriver à te suivre, j'ai intérêt à recommencer l'entraînement rapidement moi !
Bravo pour ton joli chrono, 3h40 ça cause déjà pas mal.

Commentaire de Spir posté le 09-05-2016 à 13:46:43

Le marathon est vraiment une science dis donc... Félicitations en tout cas, tu as trouvé un plan qui te correspond bien, tu l'as suivi avec sérieux et tu as su t'accrocher le jour J malgré des conditions météo pas les plus favorables. Les 3h40 étaient à ta portée ce jour là.
Merci pour ce chouette récit agréable à lire. Ta famille forme vraiment une équipe d'assistance de choc !
En plus, tu réussi à enchainer un très bel ultra des Coursières 15 jours plus tard. Impressionnant ! L'UTMB n'a plus qu'à bien se tenir maintenant !

Commentaire de Mamanpat posté le 10-05-2016 à 15:19:13

Mince, un seul essai et j'avais atteint ton RP, faut que je m'y recolle du coup sinon tu ne voudras plus courir avec moi !

Bravo et vas y Francky, 3h30 c'est bon ! :-)

Commentaire de sebmelalix posté le 10-05-2016 à 22:54:52

Chapeau bas Franck, Sacré pèrf que tu réalises, dans des conditions pas vraiment idiliques. C'est sûr, tu as encore du potentiel.
Et depuis tu as réitéré une pèrf aux Coursieres.... de très bon augure pour ton objectif estival.
A bientôt, Seb

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