L'auteur : Free Wheelin' Nat
La course : L'Ardéchois - 98 km
Date : 27/4/2013
Lieu : Desaignes (Ardèche)
Affichage : 2692 vues
Distance : 98km
Matos : Inov8 268
Black diamond carbon
Corsaire salomon
Veste Decat'
Mon bob
Objectif : Terminer
Partager : Tweet
Cet ultra là , je n’y croyais, pas mais j’ai eu les jours demandés et j’ai pu partir découvrir cette magnifique région qu’est l’Ardèche par les sentiers qui bordent Desaignes.
Préparation Ok, sauf que , en arrivant, ah ben j’ai oublié mes germibarres à la maison… ah tiens, les packs de glace pour garder ce que j’ai emmené au frais, aussi.
Pas grave, Heidi me souffle l’idée d’aller à la supérette du coin où je m’achète des sacs congélation qui accueilleront ce qui reste de la salade d’Anne et de ma salade de riz, en complément des fruits secs et gingembre confit.
Fallait bien ça pour compenser le fait que je ne me sois pas trompée d’autoroute.
Quoi que… !
Le réveille sonne sur les 2h et je me réveille en panique : je ne me rappelle pas avoir mis la frontale de zhom dans aucun des sacs ! Et cherche, et cherche…
En même temps je me dis que ce n’est pas rédhibitoire, faudra juste trouver la bonne personne a suivre, mais je constaterai plus tard que vu l’état des chemins, ça n’aurait pas suffi.
Mais je trouve, je l’ai bien emmenée ! (pfiouuuuuuu…).
Allez, petit rabiotage et vérification d’ongles de pieds !
Et puis non, finalement.
J’ai oublié ma trousse de toilette.
Enfilons les chaussettes.
C'est pas normal.
Soit il leur est arrivé un truc, soit j’ai rétréci des pieds , mais quand je les ai mises hier pour les « faire » au boulot , rien de particulier pourtant ??
Je regarde la pointure.
Ah, oui, effectivement, 42-45 c’est un peu grand…
Comment les deux paires de chaussettes se seront échangées restera un mystère, mais soit, je soupire, et placidement j’enfile la paire de « normales » de la veille .
Le départ s’annonce et, pas de changement depuis la nuit, il pleut !
Rien de gênant en ce qui me concerne, il fait doux mais je tique sur un gars en short , pas en corsaire, hein, en short court et pas bien couvert . No comment.
Je retrouverai Heidi juste au moment du départ, et on se yoyotera un bon bout de temps jusqu’à ce que je me plante de sentier. Je vois des gars remonter, et je comprends de suite, si j’avais un doute sur le fait que les rubalises s’étaient sérieusement raréfiées depuis peu, il est désormais levé.
Dommage... Heidi est sûrement partie loin devant, je la sens bien péchue sur ce coup là! Bonne route Miss !
Et la boue continue… les pieds ont déjà depuis un bon moment joyeusement plongé dans la gadoue liquide, ça glisse à droite, à gauche…
Oh non!! Pourquoi elle clignote ma frontale??
Ca recommence une fois ou deux puis ça s'éteint, poukram, je suis maudite!!
Heu non, oups... C'est juste l'interrupteur qui s'est mis tout seul sur "off" . Elle est con ta blague, mâme Stoots.
Aux ruines , je râle in petto que ça n’avance pas assez vite en descente , mais il faut reconnaître que le terrain est un chouia glissant .
La température descend mais je ne percute pas de suite, et c’est en arrivant au premier ravito du 22 à Saint Rean Roure que je m’aperçois que je suis un brin refroidie…
Surprise, il me semblait avoir peu bu ( le tuyau était coudé, je pensais boire plus d’air que d’eau…) mais la poche est vide ! Même pas 4 heures de course ! Bien !
Je fais vite à tout remplir (c’est bien de couper à l’avance les sticks , merci les clips à surgelés !), mais quand je repars, je suis gelée au point de rester un bon quart d’heure à ne plus sentir mes doigts et à rêver de vêtements secs.
Le froid est arrivé avec le jour on dirait…
Ouahhhhhh, je cours dans le fluo !! Le vert pétant de l’herbe s’ajoute au vert fluo des feuilles naissante des frênes ou je ne sais quoi! Génial, c’est le printemps !!
Et il pleut… je suis boue, je suis eau. … Je suis plus réchauffée mais c’est relatif, le vent par moment réveille la sensation de froid humide un peu partout.
Pas agréable, mais le moral est bon , même si je subodore que la suite ne sera pas marrante.
Pas rigolote, mais le coin me plaît vraiment.
Chouette ! Le second ravito !
Je jette le sac sur une chaise et en extrais le technique à manches longues et un tee shirt à manches courtes, je garde les manchons Kikourou et l’autre tee shirt et le corsaire sec pour le 64.
Pfff, froid… pas cool le chapiteau pas fermé, et le courant d’air frais sur la peau mouillée me gèle sur place(tant pis pour les spectateurs) et même le linge sec enfin sur la peau suffit à peine à me réconforter.
J’envie ceux dont madame est présente pour fournir sur place la serviette et le linge bien sec …
J’embête une pauvre bénévole à tenter de mettre un peu d’eau chaude ( mais pas trop, mais plus tard ce sera pas assez !), dans les poches, puis je me bois une bonne soupasse bien chaude et le réchauffe les mollets devant le réchaud à soupe. C’est mieux !
J’ai dû m’arrêter un quart d’heure en tout, j’ai l’impression d’être rouillée des genoux, mais tant que ça avance…
A partir de ce moment là, les coureurs que je vais cotoyer brièvement seront peu diserts , on est tous à la même enseigne ! lol
Chacun se replie sur soi . On va chercher loin en nous l’énergie pour ne pas laisser prise au vent et à la neige .
J’entends bien les bips de sms sur mon portable, ça me réconforte juste à les entendre ! Vous saurez pour la prochaine fois que vous n’aurez pas à vous fatiguer à écrire quoi que ce soit, envoyez juste du vierge, ça marche pareil !
Je suis programmée pour le 98, et le cœur y est bien que je réalise combien ce sera difficile, et que la marge entre le possible et l’impossible est plutôt restreinte.
J’y pense sereinement entre quelques coups de vents et l’abri relatif de la forêt où j’ai même la sensation d’arriver à sécher un peu !
Bizarre cette sensation d’avoir les genoux qui ont …froid, ils sont comme engourdis.
Le droit , celui qui me posait problème depuis quelques jours, se tient à peu près tranquille , j’en fais mon affaire !
Le gauche , lui, se charge d’ouvrir la brèche qui va faire céder le barrage.
J’ai connu ce type de douleur sur un autre trail et je me doute que d’ici un moment , je vais probablement ne plus pouvoir le plier .
Le sentier aux genêts va m’achever , ils sont gelés, me tapent les jambes et le froid me rentre littéralement dans les muscles.
Le sommet du pic est là et je reprends une vraie progression avec en bas la bifurcation 98/57 .
Et je m’arrête devant , et je bugge. Un bon moment même, au point que les secouriste garées devant sortent pour me demander si ça va.
Ben non, ça ne va pas , j’ai froid et j’ai mal au genou, et le fait d’hésiter sur la route à prendre veut tout dire.
Après quelques mots mouillés avec eux , je pars sur le 57.
Je n’ai pas envie de partir, c’est vraiment trop beau ici, la neige recouvre les prés, les arbres, c’est superbe !
Je sanglote à gros bouillons, et je lâche au vent mon inquiétude sur ce physique qui semble me lâcher depuis l’automne, ma peine, ma déception, ma rage, et ce froid qui cette fois ci me fait littéralement claquer des dents.
Le genou m’handicape vraiment à la course. Marche rapide aux bâtons, ça va.
Mince, j’aurais peut-être pu continuer… Mais non… Mais bon sang, ça rime à quoi ? Il est où le plaisir de continuer dans ces conditions ??
La tête n’y est plus , c’est fini, et je suis seule, j’ai de la route à faire , un boulot à assumer lundi, et je perçois clairement que ce serait me mettre en danger que de m’obstiner .
Entre deux points de contrôles sur un ultra, il peut s’en passer du temps, et je le sais.
Pas cool si je ne peux plus avancer…
Bref…
Nozières.
Bon, cette fois-ci je troque mes mitaines contre mes gants secs, qui sont dans le sac.
Je demande aux deux dames du camion de point d’eau de me sortir le ziploc, mais c’est long, trop long, entre le temps où j’arrive à enlever mes mitaines et celui ou j’ai les gants en mains.
Il reste 8km jusqu’à Desaignes, et là, cette fois, c’est plié pour de bon. Insurmontable.
Je me retrouve je ne sais plus trop comment dans une salle tempérée, fermée, avec deux bénévoles secouristes toutes navrées de ne pas me servir autre chose qu’un café tiède.
Heidi est sûrement loin devant., elle va le boucler, c'est sûr.
Fin de l’aventure.
Epilogue :
Beaucoup beaucoup de choses à tirer de cette expérience , ainsi que moult réflexions à initier!
Je n’aurais pas tant appris si je n’avais pas fait certaines erreurs, mésestimé la météo et pas « échoué » au final…
J’habite pourtant à 1500m d’altitude, mais j’en avais tellement marre de cette neige à la maison .. J’étais venue pour les jonquilles, moi…
Du coup j’ai littéralement ignoré les alertes au froid (j’ai regardé la météo trop tôt, elle n’annonçait que de l’eau et je n’ai même pas « entendu » les avertissements qui pourtant s’accumulaient…)
Et si j’ai correctement géré le change , il était trop léger.
Je n’ai pas pris un deuxième technique manches longues, et pas pris non plus mon collant hiver, ni de couche plus chaude… je ne concevais tout simplement pas avoir froid.
J’avais peur également de me geler encore plus avec un collant épais et mouillé. Fallait pas.
J’ai été littéralement sidérée par les conditions. Une vache dans un champ de cailloux.
Pas d’erreur concernant l’alimentation et l’hydratation, juste celle de prendre de l’eau en plus, ça ne servait à rien si ce n’est à rajouter du poids et du volume, je n’ai pas mis assez d’eau chaude au dernier ravito, ça n’a servi à rien.
Le bob ? Pas prête de le jeter , même mouillé il m’a bien tenu la tête au chaud sous la capuche.
Les gants ? . Vais tester des néoprène…
Les sacs congèle ? Génial comme berlingot.
Les pompes ? Inov un jour, Inov toujours. On grimpe aux murs avec ça, secs ou pas.
Ma prépa ? Physique, je n’en sais trop rien, mais pour le reste , la cata.
Je croyais tellement peu pouvoir partir (une collègue nous plante au dernier moment un congé maladie…) que je n’ai pas dû m’investir correctement non plus dans la prépa matériel .
Le genou ? Il ne me fait plus mal . Je récupère , prends RV chez la podo , et je verrai bien si j’envoie balader l’ostéo , les semelles et le reste.
J’ai un peu zappé que j’étais newbie en ultra. Je savais bien que la Montagn’Hard ne suffisait pas pour faire de moi quelqu’un d’expérimenté, mais j’étais loin de me douter du fossé qui existe entre deux épreuves lorsque la météo s’en mêle.
Et je ne savais pas non plus ce qu’était courir plusieurs heures sous la pluie ET dans le froid. Grande nouveauté !
Mais pour finir là dessus ce récit, je suis quand même fière d’une chose, j’ai vécu et assumé l’abandon qui me faisait si peur, je suis désormais une VRAIE traileuse, na.
Dont acte.
Heidi… Prépare toi à voir mes vibram lors de notre prochain ultra …
Résumé musical de ce voyage: http://www.youtube.com/watch?v=_yjlXKliYYA&feature=player_embedded
13 commentaires
Commentaire de brague spirit posté le 01-05-2013 à 06:50:50
Il n'y a rien de désonorant à l'abandon.Ce qui prouve que le corps n'est pas une machine.il faut savoir l'écouter.Tous les petits signes pré-départ,devaient en etre les alertes.
Sur le fil du trail,j'avais écrit que tu dirais"j'en ai mare de la neige",je ne me suis pas trompé.
Bonne récup,et à bientot sous le soleil.
Commentaire de lalan posté le 01-05-2013 à 07:10:34
Une fois quelques jours passée ,tout ira mieux. Des conditions comme ca ne pardonne pas les petites erreurs. Tu te rattraperas à la prochaine course !!!! Bonne récup, le prochain Cr sera dans la joie !!
Commentaire de Arclusaz posté le 01-05-2013 à 08:31:46
je crois avoir compris : ce sont les "Tirpouêêêt" de la Montagn'hard qui t'ont manqué !!!!
bravo pour ta course et d'avoir su écrire un CR aussi humain : l'ultra, c'est duuuuuuuuuuur !
Commentaire de la panthère posté le 01-05-2013 à 08:52:40
bravo pour ce récit, c'est vrai qu'elles étaient bine planquées les jonquilles!
bonne récup, les abandons font partie du trail, la prochaine fois tu auras les crocs!
Commentaire de KrysDaix posté le 01-05-2013 à 10:22:36
Salut Nat
Super recit,et je me retrouve dans beaucoup de tes passages c'est vrai que passer un certain temps seul dans le froid le vent la neige on s'isole dans sa bulle et les echanges entre nous etaient plutot assez limités!! Bon je te souhaite le prochain sous le soleil!!!
Commentaire de philkikou posté le 01-05-2013 à 11:29:16
A bientot en Ardèche.. sous le soleil.. et les jonquilles !!!
Belle analyse de cette course et sage décision pas facile à prendre
Commentaire de ptijean posté le 01-05-2013 à 14:10:52
Bonne décision que d'arrêter quand le plaisir n'est plus là. Une prochaine fois ça passera
Commentaire de ptijean posté le 01-05-2013 à 14:10:52
Bonne décision que d'arrêter quand le plaisir n'est plus là. Une prochaine fois ça passera
Commentaire de Japhy posté le 01-05-2013 à 16:33:41
Mais oui tu as bien fait, c'est un truc sérieux l'hypothermie, et comme tu dis, on apprend quelque chose sur chaque course.
Sans vouloir trop en rajouter, le bob c'est OK si tu peux mettre un bonnet dessous, sinon....On a souvent peu froid à la tête mais la chaleur s'échappe aussi par là. Quant aux gants en néoprène, je ne suis pas sûre que ce soit encore suffisant. Je suis passée aux gants de ski, carrément, et plus de problèmes depuis. Cela dit je suis ultra-frileuse et peut-être pas une référence.
Le soleil est revenu chez nous, t'as vu?
Commentaire de Byzance posté le 01-05-2013 à 19:36:14
Pour les préparatifs, je suis rassuré : il y a pire que moi !
Sinon, c'est vrai qu'à cette date, ces altitudes (qui restent modestes), on ne s'attend pas à ce genre de conditions. Comme quoi, l'équipement ...
Bravo quand même à toi ! (PS : orages hier et ce matin - grand beau et presque chaud cette après-midi).
Commentaire de Jean-Phi posté le 02-05-2013 à 20:40:44
Tu n'as pas échoué ! C'est une pierre de plus à ton édifice dans l'ultra, un peu plus de connaissance de ce milieu si particulier. Et puis que le 1er ultra trailer qui n'a jamais jeté l'éponge nous jette la première souche sur le sentier.
J'aime beaucoup cette phrase, "je réalise combien ce sera difficile, et que la marge entre le possible et l’impossible est plutôt restreinte", je la trouve très juste, tellement appropriée à ce sport.
Récupère bien !
Commentaire de remy64 posté le 08-05-2013 à 18:14:38
Je te rassure moi j'étais sur le 34 (finalement 37), les conditions était aussi dantesques! j'ai aussi tiqué sur les personnes en short et teeshirt... moi qui était habillé comme en hiver (veste triple couche etc...)
T'inquiet' l’échec forge le victoire!
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 09-05-2013 à 19:32:55
J'ai connu ça sur des distances pourtant plus courtes. Tu exprimes bien le ras le bol qui nous prend quand le mental ne suit plus. J'ai toujours beaucoup de respect pour ceux qui ont le courage de raconter leur abandon, ces textes sont souvent les plus humains des récits.
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.