Récit de la course : Trail de Vulcain - 72 km 2012, par ogo

L'auteur : ogo

La course : Trail de Vulcain - 72 km

Date : 4/3/2012

Lieu : Volvic (Puy-de-Dôme)

Affichage : 4400 vues

Distance : 72km

Objectif : Pas d'objectif

18 commentaires

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Une montée aux enfers

Plus la force, plus l’envie. Assis, hagard, sous une tente dressée à l’écart du ravitaillement, je ressasse cette idée sombre et, pourtant si séduisante, qui depuis plus de deux heures maintenant, s’insinue toujours plus fortement dans mes pensées. Parvenir jusqu’ici a été un calvaire, je veux céder au réconfort immédiat, en finir avec cette tourmente infernale qui agite mes intestins, rendre mon dossard, prendre une douche chaude, manger et dormir jusqu’au lendemain. A mes côtés, Elcap s’affaire à strapper sa cuisse douloureuse. Ponpon qui vient d’arriver est touché à l’aine et ne parvient plus à s’alimenter. La tente, petit à petit, se transforme en hôpital de campagne pour Kikous en perdition. Et pourtant, nos supportrices, Adeline et Nini, se plient en quatre pour nous redonner la volonté de repartir. Mais ma décision est prise. J’abandonne. Je fais part de mon intention à un secouriste qui m’observe, inquiet. Je dois être livide car celui-ci me conforte dans mon choix et me conseille de ne pas poursuivre dans pareil état. Adeline intervient et tente de m’arracher de la spirale négative dans laquelle je suis en train de sombrer. « Songe à tout ce que tu as déjà accompli ! Donne-toi une chance. Sur un ultra, la forme finit toujours par revenir ». Mais les 50 kilomètres qui nous séparent de l’arrivée se dressent devant moi comme un obstacle infranchissable. Je ne veux plus revivre les diarrhées intempestives, sentir l’énergie qui m’abandonne, ressentir cet effrayant sentiment de ne plus savoir courir. 

Quel contraste avec l’an passé ! A ce moment de la course, je pointais en 12e position. Aujourd’hui, j’ai parcouru une dizaine de kilomètres avec les 20 premiers avant de décrocher irrémédiablement. Le plateau est plus relevé, le parcours plus exigeant, mais surtout mon manque d’entraînement dû à une blessure au genou se fait ressentir. Puis, il y a ces problèmes gastriques devenus chez moi presque chroniques.

 

Elcap est reparti. Adeline n’en démord pas et me tire par la manche pour que je me remette debout. Je finis par céder sans conviction. Elle court à mes côtés et tente de m’emporter dans son élan. Je rechigne, je n’ai plus de force, j’ai les genoux endoloris. Je trottine encore cent mètres et quitte la route pour un chemin. « On se retrouve dans huit kilomètres », me lance Adeline. « Tu feras le point là-bas ». Me voilà de nouveau sur les rails. Il n’y a plus qu’à serrer les dents jusqu’à la prochaine étape. Sans soute, me suis-je arrêter près d’une demi-heure. J’ai abandonné toute prétention au classement. Je n’imagine même pas encore pouvoir être finisher.

 Adeline et Nini sur le Vénus

Le week-end avait pourtant commencé sous les meilleurs auspices. Hier, les filles ont brillé sur les 11 km du trail de Vénus. Bien préparée, Nini a bouclé le parcours en 1h16, soit un quart d’heure de moins que l’année dernière. Adeline, quant à elle, a amélioré son temps d’une minute, en 1h18. Nous avons fêté leur résultat au resto avant d’accueillir Petit Franck, arrivant en stop de Bretagne.
Le départ à la lampe frontale, à 6 heures du matin, lui aussi s’est bien déroulé. Nous avons croisé plusieurs Kikous et comme le veut la tradition nous nous sommes souhaité bonne course. Mais tout cela me semble très loin désormais.

Avec Ponpon et un camarade de galère au pied du Puy de Dôme 

Ponpon, lui aussi, est parvenu à échapper au piège du ravitaillement. Machinalement, je lui emboîte le pas et lui laisse imprimer le rythme. Nous voilà compagnons de galère pour quelques kilomètres. Nous sommes loin d’être fringants, mais nos discussions nous font oublier nos douleurs. A deux, il est plus facile de tromper son esprit et de renouveler son stock de pensées positives. Au hasard du chemin, nous ramassons un troisième larron, également à la dérive. Nous échangeons nos expériences, marquons une pause pour prendre des photos et retrouvons le sourire.
Mécaniquement, les jambes se mettent à tourner plus rapidement et à la faveur d’une descente, je prends un peu d’avance.

Comme promis, Adeline et Nini m’attendent au croisement de route suivant. J’ai retrouvé quelques couleurs et me fixe comme objectif de rejoindre le prochain ravitaillement où débute l’ascension du Puy de Dôme. Si j’atteins le sommet, j’aurai franchi une étape psychologique. Rejoindre l’arrivée sera alors tout à fait envisageable.

Un dernier raidillon et enfin me parvient la clameur du ravitaillement du col de Ceyssat. On m’annonce 147e. Peu importe. Adeline devance mes envies et m’apporte des tucs et du fromage. La grande forme n’est toujours pas là, mais je ne suis plus à l’agonie. Alors que j’entame les premiers lacets du sentier des Muletiers, je me promets de tout faire pour être finisher. Comme l’an passé, les coureurs qui descendent encouragent ceux qui montent. Cette ambiance conviviale m’ajoute encore du baume au cœur. Et il n’est pas de trop. En deux kilomètres, nous allons avaler environ 400 mètres de dénivelé pour atteindre le point culminant du circuit à 1465 mètres d’altitude. L’ascension me paraît deux fois plus longue que l’an dernier, mais le panorama qui s’offre à moi au sommet me fait oublier mes souffrances.

Au sommet du Puy de Dôme

Un seul regard suffit à embrasser la chaîne des Puys dont certains ont encore les épaules enneigées. Le chemin scénique qui fait le tour de la partie sommitale nous révèle également une vue époustouflante sur Clermont-Ferrand. Je me laisse redescendre et retrouve les filles et Elcap au col de Ceyssat. Sa cuisse continue de le faire souffrir et il ne peut plus courir dans les descentes. Je me ravitaille une nouvelle fois et repars seul. Il n’est plus question d’abandon désormais. J’ai parcouru plus de 40 km. Sans songer à remonter au classement, je cherche à être le plus efficace possible et trottine dès que le relief le permet. Je m’invite de groupe en groupe et discute un instant avant de poursuivre sur ma lancée. La récente fonte des neiges a rendu certains sentiers extrêmement boueux. Les descentes sont parfois piégeuses. Étrangement, mon genou droit blessé récemment ne me fait plus souffrir, mais le gauche a pris le relais. En alternant course et marche, je finis par rejoindre le ravito de Vulcania où ce matin, j’étais prêt à rendre mon dossard. Reste 22 kilomètres et plusieurs difficultés de taille à commencer par le puy des Gouttes. La déclivité est forte et je me hisse tant bien que mal au sommet. Je suis surpris de voir d’autres coureurs utiliser des branches comme bâtons de fortune. J’hésite même un instant à les imiter. Je remonte de plus en plus de coureurs du marathon. Après tout peut-être ne suis-je pas aussi lent que j’en ai l’impression. J’ai pourtant le sentiment d’être régulièrement à l’arrêt.

Depuis un petit moment, le ciel s’est couvert et la pluie se met à tomber alors qu’il me reste encore dix kilomètres. Heureusement, l’averse n’est pas forte. Je suis tout de même trempé quand j’attaque la dernière difficulté du jour. Cette année, le parcours rejoint le château de Tournoël avant de plonger sur Volvic. Ma poche à eau est vide et un groupe de bénévoles me dépanne généreusement d’une petite bouteille. L’ultime faux plat avant d’entamer la descente me semble interminable. Je n’ai plus les jambes pour courir. Dans le village, toutefois, la machine se remet en route. J’achève le dernier kilomètre à 12 km/h et rejoins le gymnase. Je franchis la ligne en 10h16, déçu par mon chrono mais énormément satisfait d’avoir trouvé les ressources pour poursuivre malgré mon état. Au classement, je suis 83e. J’attends Elcap qui arrive en 10h43, 115e puis file prendre une douche avant de profiter du repas d’après course.

 

Bilan : un parcours magnifique et exigeant, des ravitos copieux et des bénévoles aux petits soins, le tout pour une inscription à 30 euros. Un grand bravo à l’orga. En plus on repart avec une belle bouteille de rouge et un chouette t-shirt Raidlight.

 

Prochain objectif : avant tout soigner complètement mes genoux et reprendre un entraînement régulier. Et si tout va bien, j’irais bien faire un tour du côté de chez Antoine Guillon au mois de juin !   

 

Encore bravo à tous et à bientôt sur les sentiers.

 

 

 

18 commentaires

Commentaire de Elcap posté le 08-03-2012 à 10:46:56

Bravo à toi !
Une fois de plus t'es allé au bout. J'ai vraiment eu peur que tu ne repartes pas du 1er ravito... Et finalement t'es arrivé au bout !

Commentaire de marat 3h00 ? posté le 08-03-2012 à 10:47:19

comme toujours, de la belle littérature !

Commentaire de Jean-Phi posté le 08-03-2012 à 11:29:56

De la belle littérature et du beau mental tant tu sembles avoir souffert. Beau boulot tout de même et un chrono franchement pas aussi mauvais que tu l'entends. Même si, nous le savons tous, tu peux faire nettement mieux.
Je pense qu'il va falloir creuser un peu plus tes problèmes digestifs, trouver des réponses sinon les ultras vont te paraître de plus en plus difficiles.

Commentaire de a_nne posté le 08-03-2012 à 11:31:27

Bravo !! Et comme je disais à Elcap les supporters sont toujours d'une aide précieuse dans ces moments là...
Bravo d'avoir terminé, bonne récupération.

Commentaire de fulgurex posté le 08-03-2012 à 11:35:42

faire semblant d'abandonner pour créer un suspense insoutenable... pas mal! je retiens l'astuce pour mes CR ;o)
un seul mot: Bravo!
bravo pour l'effort, l'ultra en début d'année est toujours plus dur qu'en fin de saison... je le sais, je viens de faire 25km
bravo pour ta plume!

Commentaire de Nini posté le 08-03-2012 à 11:43:55

Bravo à toi. Bravo à Adeline qui a su trouver les mots pour te faire repartir. Et ta fin de course a été vraiment bien gérée ! La revanche sur le chrono, ce sera pour l'année prochaine :-)

Commentaire de fildar posté le 08-03-2012 à 14:01:06

Les années se suivent mais ne se ressemblent pas.
En revanche tes CR sont toujours aussi séduisants.

Commentaire de @lex_38 posté le 08-03-2012 à 15:41:12

J'ai cru que ce serait le récit d'un abandon vu comme ça commençait! Et finalement tu es allé au bout alors BRAVO!

Commentaire de jack91290 posté le 08-03-2012 à 17:17:24

bravo et respect d'avoir su trouver le courage pour pouvoir etre finisher

jack

Commentaire de sebmelalix posté le 08-03-2012 à 18:06:33

J'aurai voulu que tu prennes autant de plaisir à faire ta course que j'en ai eu à te lire, même si on souffre avec toi!!!
Bravo pour le mental et merci à Adeline d'avoir pu te remettre sur le "chemin" sans quoi, nous n'aurions pas pu nous régaler de ce magnifique récit!
Bravo, car ça reste une très belle performance...
Bonne récupération.
A très bientôt.

Commentaire de ptitguillaume86 posté le 08-03-2012 à 18:15:17

Bravo pour ton courage et ton récit. De temps en temps il faut savoir mettre le chrono de côté et avoir juste le plaisir d'être finisher et c'était déjà une énorme perf. J'ai sûrement dû te doubler sur la fin car je termine en 10h 04min.
A bientôt sur de nouveaux chemins montagneux.

Commentaire de tidgi posté le 08-03-2012 à 18:30:03

Ouaouh ! Du vrai Hitchcock ;-))
Merci pour ton récit, superbe !

Et bravo d'avoir tenu jusqu'au bout...
Ça ne fait que renforcer l'expérience, avec le recul...

Commentaire de Arclusaz posté le 08-03-2012 à 18:55:56

ben...oui quoi, c'est un beau CR (tu sais que je suis fan !).

Mais,je ne peux pas m'empêcher de penser que vous exagérez, que ça ne vaut pas le coup de se mettre dans des états pareils , qu'il faut que vous vous calmiez : BREF, VOUS ME FAITES PEUR (et pour un fois, je suis sérieux).

Commentaire de Ponpon posté le 08-03-2012 à 22:05:40

J'aime beaucoup ton récit. En y repensant, c'est grâce à toi si j'ai terminé. Je t'ai vu partir, ça m'a motivé, et courir ensemble puis avec le 3e larrons m'a fait du bien ! Quand je pense aux premiers kilomètres après le ravito, je m'arrêtais souvent en ronchonnant !!!!
Bravo pour ta persévérance et merci pour l'énergie positive...

Commentaire de ptitguillaume86 posté le 08-03-2012 à 22:06:31

Bravo pour ton courage et ton récit. De temps en temps il faut savoir mettre le chrono de côté et avoir juste le plaisir d'être finisher et c'était déjà une énorme perf. J'ai sûrement dû te doubler sur la fin car je termine en 10h 04min.
A bientôt sur de nouveaux chemins montagneux.

Commentaire de totoro posté le 09-03-2012 à 10:22:07

Quel courage vous avez tous eu ce we ! Les intestins, c'est quand même quelque chose quand ça veut pas ... la dernière phrase est révélatrice, tu t'es déjà projeté dans un autre projet, reste plus qu'à capitaliser ! Bravo et merci pour ce récit !

Commentaire de ogo posté le 09-03-2012 à 17:14:34

Un grand merci à tous pour vos com' ! Presque une semaine après la course, je ne regrette pas d'avoir tiré un peu sur la corde pour terminer. Les souvenirs des moments les plus durs s'émoussent et ne reste que l'énorme satisfaction d'avoir franchi la ligne et d'avoir passé, comme dirait Elcap, un week-end dur, mais heureux. Allez maintenant, on va faire redémarrer la machine en douceur.

Commentaire de bubulle posté le 11-03-2012 à 15:46:14

Allez, un commentaire un peu tardif : bravo pour le courage d'être reparti. Au vu de ce que tu dis au début du CR, il fallait en avoir, visiblement vu que, quand ça veut pas, ça veut pas. Mais, bon, on a quand même toujours la satisfaction du finisher même avec un temps pas terrible (je blague! Tes 10h13, je les achète tous les jours).

A espérer te recroiser un de ces quatre sur nos forêts franciliennes (remember le off Origole de décembre) ou dans vos contrées.

Et merci d'avoir traîné le Ponpon, hein...:)

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