L'auteur : c2
La course : Raid du Golfe du Morbihan - 178 km
Date : 27/6/2008
Lieu : Locmariaquer (Morbihan)
Affichage : 7612 vues
Distance : 178km
Matos : partir ensemble
courir ensemble
arriver ensemble
Objectif : Terminer
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Par la route, c’est disons 70 bornes et 1h si ça roule bien. Pour les raideurs ce sera 177km et 44h max en suivant globalement le GR et pour les semi-raideurs, la 2ième partie à partir de Vannes, 86km et 22h max.
J’voulais déjà venir en 2007, mais trois semaines après la Transaq, vraiment trop pour moi. Et pas de regret vu le temps pourri qu’il y avait eu, ce qui n’avait pas empêché Gérard de terminer en me faisant déjà entrer dans l’épreuve. 2008 serait donc la bonne, en prépa d’un nouvel UTMB. Mais peut-on encore parler de prépa avec une telle distance annoncée? Marie également partante, c’est tout naturellement que l’idée d’une nouvelle course commune germa dans nos têtes. Partir, courir et finir ensemble. Magique. Le pied.
On l’avait dit, on l’a fait comme prévu enfin presque car il y a toujours des surprises et il y en a eu sur ces 177 bornes, évidemment. Sinon ça serait pas marrant. On est tous d’accord ????
Notre objectif de base : partir le plus lentement possible, ralentir encore un peu et ensuite ramasser « les morts »
Certains autour de nous en avaient un peu marre. Soit disant on ne parlait plus que d’ça, ces derniers temps. Même pas vrai !! Vivement que ça se termine. Oui, enfin plutôt que ça commence !! Marie, telle une actrice qui révise son texte, mémorisait au mieux le parcours dans sa tête en potassant les cartes à fond. Ca peut aider. Après un ptit coucou à Tété et JP, notre base de vie, récup de Daniel à Auray-station puis pâtes à Saint Philibert avec Michelle et Anne-Marie qui allaient enquiller « le semi » 24h plus tard, et on est déjà sur le stade de Locmariaquer, après le contrôle du contenu des sacs, à bien positionner les 2 GPS (double dose car ces bêtes là ne vivent que 24h) dans le sac pour les suivis live sur internet. On n’est pas à 200g près dans le dos. Réglage de la puce à la cheville pour le départ et ensuite au poignet pour les contrôles officiels. Enfin l’anneau souple fixé sur le sac qui sera poinçonné lors de tous les contrôles sauvages.
Vendredi 17h, 468 inscrits, ça bouge sans bousculade. Petit vent, soleil radieux, 23°C, le plus long raid français, une des plus belles baies du monde. Impec tout ça.
20mn de chauffe plein sud déjà en bord de mer et là, face à nous, la provoc ultime, à portée de rames, le phare de Port-Navalo que l’on va contourner dans……170 bornes.
Demi-tour, toute. On oublie, on oublie vite, très vite. Un peu plus loin, je m’arrête, grosse discut avec Patrick alias Papy Turoom le grand manitou du Raid 28, un bail que l’on s’était vu. Ca fait rudement plaisir. Il m’avait repéré sur la liste des partants.Le Crach, contrôle 1, pile dans le timing programmé. On a seulement 15 traileurs dans le rétro et Marie est la dernière féminine. Aucune panique, pour nous on est dans le vrai et on n’en démord pas. Ca paiera plus tard, beaucoup plus tard, disons à partir de demain. On court dès que c’est roulant et on marche à la moindre cote un peu appuyée. C’est le terrain qui guide. Cette première partie nous fait rentrer dans les terres pour un bon moment jusqu’aux environs d’Auray. Petits chemins, sentiers boisés, morceaux de routes plus que secondaires. Pas encore dans l’ambiance golfe. On pourrait être n’importe où en France. On se plante une fois en ratant un angle droit. 200m de rab avec visite d’une ferme. Autant pour nous. De la pure distraction car le fléchage est nickel. Rubalise et marquage au sol. Pour les ravitos, là encore ça roule. Bien fournis, bon accueil, aucune faille. On vérifie aussi la conso perso avec ou sans rempotage des camels. Toujours désagréable de se retrouver à sec.
Auray, 26km, Saint-Goustant. 10mn tranquille au ravito à regarder l’ambiance sereine de ce petit port et quelques touristes attablés en terrasse.
Petit pont métallique qu’on traverse au Bono, 34km, version Eiffel selon un local. Ravito au fond de l’anse.
On a failli être en rupture de boisson à bulle au stand. Ouf un arrivage de dernière minute. Puis une des plus jolies parties assez technique que nous ferons de nuit. Sublime coucher de soleil à travers les arbres, les criques et autres végétations aquatiques luxuriantes de bord de golfe.
Rentrée dans une petite nuit de 6h. Nombreux chemins étroits, les jambes fendent la végétation. On passe souvent entre deux murs de verdure plus haut que nous. Les vents portants nous font entendre de temps à autre les voix de gens de la nuit sur une autre rive d’un des méandres de cette côte fractale. Des lucioles en limite terre-eau révèlent aussi la présence de coureurs. Sont-ils devant, derrière. A force et sans faire trop attention, on pourrait se tromper.
54km Larmor-baden. On s’attable avec Daniel qui mange depuis 10mn. 1h30 du mat. Check-in ok. Temps frais mais pas froid. Même pas de coupe-vent pour moi, le tee-shirt suffit.C’est quand le jour ? C’est toujours plus long que prévu. 10fois, 20fois, 30 fois Marie, en tête, fait connaissance de sa foulée rasante avec les pierres et les racines du parcours, et pourtant j’essaie de lui éclairer les pieds avec ma frontale. Les ongles apprécient. J’en doute pas. Souvent limite mais toujours contrôlé. C’est un métier. Une petite chasse à l’embout de son camel qui a giclé dans une de ces batailles. Facile, il est resté au beau milieu du chemin. Ouf. Je reconnais Port-Blanc face à l’ile aux Moines et après plus rien. Le jour pointe enfin. Ravito au sud d’Aradon. Un traileur assis sur un banc, emmitouflé avec capuche tremble de tout son être. Un bénévole le surveille de prêt et fini par trouver les mots justes. Il abdique et rend son dossard. L’arrivée sur Vannes est psychologiquement longue à venir. Aucune maison à l’horizon. Ca tourne, ca vire. Je n’ai pas du tout le parcours en tête. Visite de l’ile de Conleau. Enfin des maisons, bon signe annonciateur que cette fois ci, c’est la bonne.
Passage à côté du catamaran « Orange ». 16h de course. De près, les dimensions sont impressionnantes. La Rabine, bien long et puis ces travaux de parking. Bof. Vannes enfin, jolie ville, ses remparts, sa porte sud, son vieux quartier. Quelques rares encouragements. Ravito en sortie de ville. Une heure de dérive sur la théorie. Aucun souci. Je commence à manger tranquille et me sens « partir » doucement. J’abrège une conversation engagée avec un traileur qui a abandonné. Vite, s’allonger sous la couverture sur un bon lit de camp militaire et attendre que ca se passe. Ca revient gentiment en 15mn. Je m’en tire à bon compte. On complète les niveaux.
Vannes, lieu de tous les dangers. 94km de courus dans des lieux qui se ressemblent souvent. C’est le matin, on devrait être frais et l’idée qu’il faut pourtant en refaire encore presque autant en sape le moral de nombreux. Que d’abandons alors en ces lieux. Ne pas se poser de question, vite, vite debout et ouste. A l’assaut de cette 2ième partie après 1h de pose. Un peu plus de fait qu’à faire tout de même. La course commence vraiment. Le ciel se couvre sur les sentiers direction Séné. Des joggeurs et des vélos. Quelques gouttes et on en restera là avec les nuages. Plein ouest jusqu’à Port Anna avec un nouveau contrôle non annoncé, il y en aura 7 ou 8 sur le parcours, je ne sais plus.
Retour flanc sud de cette presqu’île jusqu’à l’école de voile, beaucoup moins roulant. Lieu bien choisi, il y a effectivement pas mal de vent, puis longue remontée nord, nombreux changement de direction, petits chemins et sentiers. A la porte est de Vannes puis plein sud de nouveau. Partie quelconque.
On en sauve deux qui partaient à gauche, à fond dans une discut, en voulant inconsciemment sûrement refuser le problème qui arrive. La partie la plus pénible du parcours, mais impossible de faire autrement. 2 kilo sur le bas côté gauche de la route et son flot incessant de véhicules. Bruit et chaleur. Vivement la campagne. Dans cette attaque de la presqu’ile de Rhuys.
Noyalo qui rime avec ravito. 124 bornes. C’est au tour de Marie de « partir » dans cette petite salle un peu surchauffée, 10-15mn à l’horizontale et ni vu ni connu. Elle se refait une petite santé. Soupe, fromage, riz au lait, bananes, ça passe. Les bénévoles sont au petit soin. On est peu nombreux. Ca va changer dans quelques heures avec l’arrivée des semi-raideurs. Départ dans la chaleur, soleil pur, pour 20 bornes bien isolées, chemins très larges. On coupe de nouveau l’axe routier poumon de cette presqu’île. Ouf, on s’en éloigne. S’en suit une longue partie nature, personne derrière ni devant durant plusieurs heures, étonnant !! On doit tous avancer au même rythme. Passage à hauteur du Hézo, de nouveau en bord de golfe, passage sur des mini écluses, le soleil baisse. Ile Tascon et sa route submersible sur la droite puis St Colombier. On a beau longer une réserve ornithologique, on ne voit pas grand-chose.
Un peu avant Sarzeau, on se fait taper par les 2 premiers du semi, gros écarts et fières allures. Plein de faux espoirs pour la localisation du ravito avec beaucoup de grimpettes. On y arrive enfin en même temps que Daniel qui revient sur nous. Nous étions devant sans le savoir depuis Larmor-Baden. C’est un complexe sportif. 144km dans les guiboles. Et surtout la dernière barrière éliminatoire à 5h du mat bien loin devant, ou derrière. C’est comme on veut. 21h40, on peut breaker. Il le faut de toute façon pour remplir un peu le réservoir à lucidité et attaquer de nuit le final technique. 45mn allongé. La salle dédiée est grande, spacieuse, assez calme.
Contrairement à Marie qui s’endort spontanément, j’ai l’impression de ne pas y arriver, mais ce n’est j’espère qu’une impression. La peur de ne pas entendre le réveil ? Ou l’abruti de service qui n’arrête pas de farfouiller ses sacs plastiques ? Retour en cuisine, pour manger des pâtes. La salle se remplie progressivement de semi-raideurs. Boum !!! juste dernière nous. Un coureur, s’est endormi sur place. Le boum c’était le bruit de sa tête sur le sol du gymnase. Grosse agitation des secours. Plus de peur que de mal, semble t il ! 23h20 Départ un peu poussif dans la nuit après 1h40 d’arrêt avec une couche chaude en plus. Quelques nocturnes à la terrasse d’un café, sinon grand calme en ville. Faut remettre en chauffe d’entrée avec une bonne descente technique dès la sortie de la ville. Plus que 33km, en 3 morceaux, 14, 9, 10. Ca va évidemment le faire. Mais quand ? Ca c’est une autre histoire !! Marie marche vite, très vite, trop vite pour moi. Je ne sais pas faire comme elle et pourtant j’ai de plus grandes jambes. Et elle relance la bougresse. On est loin de la version, visite de la galerie marchande. J’ai pas trop envie de courir. La lassitude. Je fais donc involontairement frein moteur.
Port Neze. Plus que 19. Je traine au bar. Mou, obligé de prendre un café, moi qui n’en bois jamais. On reste bien 15 mn. La partie la plus technique de ce final. On monte on descend sur la plage au fil des maisons particulières. Pointe de St Nicolas, pointe de Kerners, pointe de machin puis de truc. On enchaine les pointes comme en contournant les dents d’une fourchette. Escaliers, marches de pierre, bien costaux. Pas question de se viander là-dedans, ca serait trop bête. Ca n’avance pas.
Bernon, (arrivée – 10km), ultime pose, il fait encore nuit. Là encore, arrêt beaucoup plus long que vraiment nécessaire, mais bon, on n’est pas des machines. Plus trop envie de relancer. Le jour pointe bientôt, ça restimule l’attention. Quelques gouttes.
Enfin une des 7 merveilles de notre monde de traileur est bien visible : le phare………….…....................... de Port-Navalo.
La boucle est bouclée ou presque. C’est Locmariaquer qui est en face maintenant. On longe la borne 2, finalement peu vues ces bornes sur le parcours. Coucou à Robert qui remonte au devant de Michèle, Anne-Marie et Jean-François qui ne sont pas loin derrière et vont boucler leur « semi », Les premier mats. Port Crouesty. Terminus. Tout le monde s’arrête, raid, semi-raid, raide ou pas raide. 7h34, on reste entre nous. Peu de monde. 38h34 de course, enfin disons d’avancée, 232 et 233ième . Plus long que sur le papier mais ça on s’en doutait un peu. Aucun regret, que du bonheur. Question spectateurs un dimanche à cette heure là et hors saison, faut pas demander l’impossible. Peu importe. L’essentiel est ailleurs.
Cet ultramarin, bien belle épreuve qui se mérite. Faut vraiment aller la chercher. Pas facile à gérer quand on découvre le parcours pour la première fois. Une météo sympa, une organisation à la hauteur. Des bénévoles dans des endroits paumés pour sécuriser des passages. Un parcours cohérent qui a un sens. Une grande variété de paysages avec parfois de monstrueuses maisons. Du calme, du contact avec la nature, des couleurs, des ambiances, et l’immense plaisir de courir à deux. Que pourrait demander de plus le peuple. Pas grand chose ? Ah si : Le sublime tee-shirt légèrement plus grand, aux dires de certains même si le mien me va parfaitement et un meilleur taux d’arrivants mais là, la balle est dans le camp des coureurs.
Kenavo
7 commentaires
Commentaire de frankek posté le 07-07-2008 à 19:11:00
super réçit et avec de superbes photos ! vraiment chapeau pour votre raid ! c'est très fort !!!
Commentaire de L'Castor Junior posté le 07-07-2008 à 20:56:00
Superbe récit : bravo pour votre course à deux, et pour toutes ces photos que je n'ai pas prises après Auray.
A bientôt !
Commentaire de canard49 posté le 07-07-2008 à 23:43:00
Merci pour ce très beau récit,
Les photos complètent la belle collection disponible chez les kikoureurs et elles illustrent bien l'âme de l'ultra marin. Votre course à deux est un réel exploit quand on connait les difficultés de ce type d'effort et puis on ne ressent à aucun moment d'envie d'abandonner mais juste une lassitude maitrisée...
Votre Raison peut donner des idées à d'autres runners qui voudraient se lancer sur ce tour du golfe.
canard49
Commentaire de Zeb posté le 08-07-2008 à 10:54:00
Bonjour,
Voilà encore un récit qui va donner des idées à pas mal de candidats...avec de superbes photos.
Bravos à vous deux...
Commentaire de robin posté le 08-07-2008 à 13:33:00
Merci pour le CR ! Plein de souvenirs qui remontent !
Bonne récup à vous deux
Commentaire de BENIBENI posté le 10-07-2008 à 12:00:00
Merci pour ton Cr et bravo à vous 2 ! C'est que c'est beau et c'est vrai que c'est dure même si c'est pas la montagne !
Commentaire de tabuki posté le 10-07-2008 à 20:50:00
super recit. Ca donne envie et en même temps ça impressionne. Bravo à vous deux pour cette determination et ce bonheur dont vous nous faites part. Merci pour ces superbes photos.
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