Récit de la course : Madeira Island Ultra Trail - 85 km 2019, par bubulle

L'auteur : bubulle

La course : Madeira Island Ultra Trail - 85 km

Date : 27/4/2019

Lieu : Funchal (Portugal)

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Distance : 85km

Objectif : Pas d'objectif

21 commentaires

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Bin MIUT alors…

Après un début d’année plutôt consacré à du roulant de « parisien » (Raid 28, Maxi-Cross, Ecotrail, Trail des 2 Amants), voici arrivé le gros test pour mes articulations qui ont donné quelques alertes l’an dernier.

Car il faut bien dire qu’une fois passée l’énorme déception de la Montagn’hard et le sentiment que l’ultra de montagne, c’était fini pour moi, j’ai retrouvé fin 2018 une grosse motivation pour continuer à faire ce que j’aime : des trucs qui montent et qui descendent, des trucs longs où on court tout seul dans la nuit, des trucs éprouvants pour le physique et le mental…. bref, de l’ultra, quoi.

Mais de l’ultra de montagne ? Saurai-je dépasser à nouveau les 10-12 heures à crapahuter et à solliciter autant cette articulation bien « entamée » ? Telle était l’équation au départ de cet Ultra de Madère.

Après les Canaries l’an dernier, venir à Madère était quasiment une évidence, la réputation du MIUT en tant que « petite Diagonale des Fous » n’est plus à faire et la course m’attirait tout à fait naturellement, avec un terrain comme je les aime. Par contre, concession aux bonnes résolutions prises (et données) : pas question des 115km du MIUT, je me « contenterai » de la « course enfants » sur l’Ultra de 85 kilomètres. Ce sera un test largement suffisant pour évaluer comment le corps résiste et ne pas ajouter la difficulté de gestion de 2 nuits à celle du terrain qui est quand même tout ce qui m’est en théorie déconseillé (des marches à revendre, des descentes un peu acrobatiques, des Néanmoins, j’aborde cette course avec une confiance énorme : le début d’année a été quasi parfait avec un beau résultat au Raid 28 avec mes compères du Mordor, un maxi-cross bien géré, et deux trails enchaînés en marche nordique, pour travailler encore et encore ce mode de progression si utile sur les très longs ultras.

Sur la forme, le moral est donc au beau fixe. Sur le fond, nous sommes arrivés 3 jours avant la course (ne jamais prévoir « trop court » pour Madère en raison des aléas d’atterrissage à Funchal), les dossards ont été récupérés le jeudi, ce qui a permis de repérer le trajet de et vers Machico. Nous sommes logés à Calheta, sur la côte Sud-Ouest : un peu loin de l’arrivée (environ 50 minutes de route). Très bel endroit pas toujours idéal pour un séjour car les balades « classiques » demandent un peu de route. Loger près de Machico serait l’idéal. En pratique, je recommanderais bien Santo Antonio da Serra, au-dessus de Machico, demandez l’adresse à galette_saucisse sur Kikouroù !

Le jeudi nous permet donc du repérage sur la zone d’arrivée (utile pour Super Suiveuse) et quelques pintes avec les kikoureurs (galette_saucisse, Cheville de Miel, JuCB, Mazbert, catcityrunner).

 

 

Le vendredi nous verra aller à Sao Vicente, sur la côte Nord, départ de l’Ultra, ce qui permet également de repérer le secteur du Col d’Encumeada où nous passerons en début de course. Nous avons même poussé jusqu’à Porto Moniz dans l’après-midi qui précédait le départ du MIUT, ce qui permet par exemple d’aller voir quelques secteurs spécifiques du MIUT, au-dessus de Porto Moniz ou même la forêt de lauriers, au-dessus de Ribeira Seca (que le 115km passera en pleine nuit).

 

 

Départ et Ravito 1 (Ribeira Grande)

Avec un réveil à 4h30, un départ à 5h30, nous voilà vers 6h15 sur le secteur du départ. Il est facile de se garer à l’entrée du village, la zone de départ est simple (et à l’extérieur : attention en cas de mauvais temps), la zone de dépose des sacs d’allègement pour Curral Das Freiras est à côté du départ. Bref, un départ bien géré, sans gros problèmes. Il faut dire que nous ne sommes que 500 maximum sur la course, ce qui est bien moins que sur le 115km où il y a jusqu’à 1000 coureurs. Cela préjuge de bouchons très limités, voire inexistants, au départ. On verra ensuite, car nous rejoignons les coureurs du 115km, à notre km 11 (un peu avant le km 40 pour eux).

La météo est idéale : le ciel est dégagé, ce qui n’est pas toujours le cas sur la côte Nord. Il fait frais, mais le temps s’annonce superbe. C’est donc en tee-shirt avec les manchettes que je partirai. Aussi, un peu curieusement, avec à la fois les lunettes de soleil…. et la frontale sur la tête. Celle-ci est à peine nécessaire car avec un départ à 7h, la clarté va commencer à poindre tout de suite, mais il est normal de la mettre et pas seulement compter sur les autres.

 

Je me place assez tard dans le sas de départ et, malgré tout, je me retrouve environ au milieu du peloton, voire même proche du premier tiers. Pour quelqu’un qui a prévu un départ « assez » prudent, c’est un poil osé. Cela étant, le début de course est normalement plutôt à mon avantage avec l’essentiel du dénivelé concentré dans la première moitié de course, et une fin terriblement « roulante », quasiment sans aucune montée sur les 23 derniers kilomètres. Vu que je monte en général plutôt vite, il ne faut pas que je me trouve trop limité sur le départ.

 

Les derniers signes à Elisabeth, on se donne rendez-vous au premier ravito, peut-être (j’ai un doute sur son accessibilité) et certainement au deuxième, à Encumeada. J’ai aussi rendez-vous, à Encumeada, avec les amis mazbert, Cheville de Miel et catcityrunner, officiellement à 9h38. Malheureusement, pas de rendez-vous avec galette_saucisse car j’ai appris avant de partir son abandon sur entorse au km 6 du 115km. Quelle poisse pour lui !

La course part sur un bon rythme : comme toujours, c’est un peu le jeu de celui qui marche le dernier, sur les premières côtes. Celles-ci sont quasi immédiates : dès la sortie du village, on grimpe progressivement au-dessus des vignes. Je me rappelle de l’altitude maximale de cette première bosse : 537 mètres. Nous ne courons pas longtemps : les petites rues puis routes deviennent vite très pentues (jusqu’à 20%) et tout le monde passe à la marche, avec le cliquetis des bâtons, vite sortis. Environ 2/3, voire plus, des coureurs se servent de bâtons. Environ 1/10 s’en servent correctement, mais ça, c’est une autre histoire, c’est leur affaire….quand je vous dis que ça se travaille (à ce titre, je recommande ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=4nnvg2nIumA, vous y découvrirez des techniques classiques…..et moins classiques, à adapter en trail).

 

Comme on le voit, la frontale n’a pas été utile bien longtemps !

Petit coup de chaleur dans la montée, une espèce de zigoto ibérico-lusitanien se balade avec de la musique dans son sac à dos, dont il fait « profiter » le peloton. Une plaie totale. Evidemment, chafouin comme je suis, ça me saoule gravement et je place une mega accélération en ronchonnant bruyamment (et en français) contre ces débiles qui ne savent pas courir en silence (déjà les écouteurs et la musique en course, je n’aime pas, mais au moins c’est le problème du coureur et de lui seul) et ne savent qu’envahir la sphère privée des autres. Ce sera le seul événement de cette montée qui nous amène à un chemin en balcon plutôt roulant sur lequel il faut relancer…. et où je me fais évidemment dépasser par le bruyant débile….et pas mal d’autres coureurs (je vous ai déjà dit que je n’AIME PAS LE PLAT ?).

Pendant ce temps, le jour s’est levé sur les hauteurs et c’est superbe :

 

On voit plus haut le col de la Boca de Encumeada, à près de 1000m d’altitude, où nous allons monter (ça a un avantage de tout repérer à l’avance sur une carte):

 

Prenons notre mal en patience, on verra bien à la première descente… laquelle arrive assez vite. En gros, on doit reperdre les 2/3 de ce qu’on a monté, pour arriver au fond d’un vallon où…..on se met à longer une micro-levada (ces rigoles d’adduction d’eau dont Madère est truffée). C’est assez acrobatique, car très étroit et, bien que le terrain soit plat, il est à peine possible de courir.

Une dernière mini-descente nous amène ensuite au premier ravitaillement, Ribeira Grande. Elisabeth est bien là, elle a trouvé sans problème et donc, les quelques 10 ou 20 personnes présentes apprennent l’arrivée de « bubulle ».

 

Le ravito est assez petit, juste quelques tables, car nous sommes les seuls à y passer (nous rejoindrons les coureurs du 115km quelques kilomètres après), mais il est très bien fourni. J’attrape rapidement un morceau de banane, quelques morceaux de salé (fromages, TUC, jambon). Pas de remplissage de flasque, j’ai très peu bu (AHEM) : j’ai pris les deux flasques 500ml du sac Kalenji plus une réserve de 500ml dans la poche à eau du sac, pour la section la plus longue après Curral das Freiras.

Le sac est le tout nouveau Kalenji 15 litres, tout neuf…..eh oui, même pas peur de prendre un matériel non testé sur une course…il est largement dimensionné pour la course d’aujourd’hui, mais m’a permis de mettre sans problème le matériel obligatoire, très succinct et quand même un haut manches longues en plus de la veste de pluie obligatoire. Le sac est assez léger, probablement pas plus de 2,5kg avec l’eau.

Je repars donc très vite.

 

Ribeira Grande : roadbook 1h37 – réel 1h16 (arrêt 2 minutes) – 160ème/456 : 21 minutes d’avance…

Ribeira Grande – Encumeada

Je ne connais pas du tout mon avance. Comme toujours, je ne regarde jamais ma montre en course. Je me doute vaguement que je suis tout sauf en retard : Elisabeth me l’a d’ailleurs fait sentir même s’il me semble a posteriori qu’elle ne m’a rien dit à ce point là sur le timing. Elle me connaît si bien et sait que mes roadbooks, en apparence si précis, sont parfois sur tout pour moi une façon d’ « apprendre » la course avant de la faire.


Je repars donc…. à la queue-leu-leu. Nous sommes maintenant sur un single extrêmement étroit, très humide, dans un creux de vallon. La pente est très raide, avec parfois des marches en pierre, parfois des marches en bois…parfois rien du tout. A ce stade, la densité du peloton est encore élevée, il n’y a guère moyen que de suivre. Dépasser est très délicat et oblige à être assez rustre à chaque fois. Or, cela s’avérerait inutile et épuisant, vu qu’il y a tout le temps du monde. Je suis donc le rythme. Il est un peu plus lent que ce que j’adopterais moi-même : je suis notamment sur des longueurs de pas assez faibles, et il est difficile de déployer une bonne technique de marche. L’avantage c’est que le rythme cardiaque reste très bas (du moins c’est ce que je ressens) et donc qu’on peut anticiper que ce sera tout bonus pour la suite.

J’ai remarqué un très bon respect entre coureurs à ce point là : personne ne dépasse ou ne tente de le faire, personne ne râle plus ou moins fort sur les « bouchons », tout le monde est patient et appliqué. Et assez efficace, il faut bien le dire : nous allons monter 400 mètres en moins de 30 minutes.

Je suis tellement captivé par…. les mollets…..des deux coureuses qui me précèdent, que je ne remarque même pas qu’au cours de cette montée, des coureurs du 115km nous rejoignent. Ce ne sera que plus haut que je remarquerai tout à coup des dossards rouges au milieu des bleus. Là aussi, le placement dans le peloton est assez idéal pour moi : nous « tombons » à peu près entre le 350ème et le 400ème du 115km, donc sur une partie de peloton qui avance plutôt assez bien. Il n’y a donc pas de grosse gêne entre les deux courses, au moins pour mon niveau. C’est peut-être un peu plus délicat pour la tête de course du 85km qui va évidemment être un peu ralentie par des coureurs plus lents sur le 115.

La montée jusqu’à la Boca de Encumeada va se dérouler ainsi, sans histoire. Quelques petits dépassements quand le terrain le permet : je dois grapiller une dizaine de places.

En cours de route, Elisabeth m’a fugitivement aperçu lorsque nous traversons la route, mais trop tard pour que je la voie. Au col, un autre point de rencontre était possible, mais elle a filé directement au ravito qui est situé à peine 2km plus loin.

Excellente idée car il y a un monde fou à ce ravito d’Encumeada ! Nous y descendons par la route et une longue file de voitures sont garées au-dessus de l’hôtel qui héberge le ravito…..et c’est paraît-il pareil en dessous. Logique car ce point est le premier où les suiveurs du 115km peuvent retrouver leur coureur après la nuit.

Elisabeth m’attend à l’entrée, évidemment…. sa maîtrise d’une gestion de ravito est désormais totale :

 

Par contre, pas moyen de m’accompagner à l’intérieur. Les ravitos sont curieusement organisés, avec une zone d’ « assistance personnelle » séparée du ravito proprement dit, donc qui….ne sert pas à grand-chose. L’avantage certain est que le ravito lui-même n’est pas encombré de suiveurs en plus des coureurs. Mais, du coup, je ne vais presque pas voir Elisabeth, ici, juste à l’entrée et à la sortie.

Ravito très complet. Il faut dire que c’est le premier en vrai sortie de nuit pour le 115km, donc nombreux sont ceux de cette course qui y font un gros arrêt. Il y a visiblement des plats chauds, et une partie « solide » extrêmement bien fournie. Bien qu’on soit à un moment où la densité est élevée, pas de bousculades : il y a de la place, il est facile de s’approcher des tables, qui sont d’une propreté impeccable et constamment réapprovisionnées. La variété de ce qui est proposé est très élevée dans le sucré, le salé, et pour les boissons. Le seul micro bémol serait peut-être (je le verrai a posteriori) pour l’eau gazeuse peu salée. Ne pas hésiter à compléter dans les flasques avec des pastilles (Decathlon en fait d’excellentes sous la marque Aptonia, que je testais pour la première fois ici).

Je prends donc un peu plus mon temps, pour surtout bien manger (peu de chaque, mais très varié), remplir les flasques (j’ai bu 0,75l depuis le départ….oui, bof).

Encumeada (sortie) : roadbook 2h48 – réel 2h16 (arrêt 5 minutes) – 147ème/456 : 32 minutes d’avance (+12)

Encumeada – Curral das Freiras

Là je sais que j’ai une avance énorme. Elisabeth me l’a dit à mon arrivée et elle me confirme qu’évidemment aucun de mes amis kikoureurs du 115km n’est encore passé, à l’exception bien sûr de JuCB (qui va faire une course monstrueuse et terminer 90ème).

Je me sens toujours dans une forme parfaite. La montée a été une quasi formalité, tout va bien. Une coureuse demande, en repartant, comment est la suite (je suis toujours étonné du nombre de coureurs qui se lancent sur une course sans avoir la moindre idée du parcours). Je lui annonce donc « une descente raide, une montée hyper raide le long d’un tuyau, une longue traversée roulante, une montée assez progressive de 500D+ jusqu’à environ 1300m, puis une énorme descente technique de 700D-« . Le tout de tête… J. Je lui passe le décompte du nombre de cailloux et de marches afin qu’elle ne me prenne pas pour un timbré complet. Après ça va être son problème de s’en rappeler, mais ça m’a permis de réviser.

La descente qui suit le ravito n’est pas bien longue, mais bien raide. Je l’attaque prudemment : c’est la première vraie descente un peu technique et il faut voir ce que va dire le genou gauche. Bien évidemment, je me fais un peu dépasser sur ce terrain…mais la situation s’inverse vite une fois arrivé au fond du vallon, 200m plus bas que le ravito. J’essaie de la jouer tactique et dépasser tout ce que je peux dépasser dans la côte qui suit, avant d’arriver à l’énorme montée « du tuyau ». Celle-là, j’en ai entendu parler, nous l’avons même vue de loin la veille, c’est un sacré morceau : en gros, tout simplement, on remonte 250D+ tout droit le long d’une conduite forcée, avec des marches énormes, des cailloux partout, quelques zones humides. Bref, mon terrain !

J’ai assez bien visé et sur le premier tiers je suis « libre » avec au moins 50 mètres devant sans coureurs. Le problème c’est que ces 50 mètres sont comblés un peu vite et qu’ensuite….eh bien, il faut prendre son mal en patience ! Là, clairement je suis bien bouchonné : quelques coureurs du 115km sont en train de « prendre cher », mais également quelques dossards bleus peut-être trop présomptueux sur leur capacité ascensionnelle…le tout monte bien lentement. Au final, 270 mètres en 19 minutes…bon c’est quand même un honnête 800m/h !

 

 

 

La suite….mamma mia. 4 kilomètres sur un chemin……pas totalement plat, mais sans gros relief. Souvent roulant, roulant, roulant. Autant dire que JE N’AIME PAS. Le plat, ça devrait être interdit. Bref, je me fais dépasser pas mal, notamment à un endroit un peu étroit par une espèce de gros rustre jaune, modèle encore ibérico-lusitanien….le seul rustre rencontré, quasiment sur cette course (à part le guignol à musique) : le mec passe dans les buissons pendant qu’on fait un peu la queue sur un passage un peu plus délicat. Je ne me prive évidemment pas de dire ma façon de penser et même s’il ne comprend pas le français, je pense que « putain de connard de débile, tu peux pas attendre 30 secondes », ça doit se comprendre.


Il va me motiver pour la suite, le coco.

Ces 4kilomètres se terminent enfin. Bon, j’en ai profité pour regarder le paysage, sublime. La vallée en dessous de nous est bas….très bas…..et les sommets autour sont hauts, très hauts.

 



On attaque une montée assez régulière vers une crête qui nous fera basculer vers la vallée de Curral das Freiras. Montée en deux temps : d’abord 300 mètres dans des bruyères qui rendent les dépassements assez difficiles. Mais là, je me lance dans quelques-uns car ça ne va parfois pas bien vite, et je piaffe….et en plus, y’a l’autre asticot en jaune, là, une quinzaine de coureurs devant, faut que j’y fasse virtuellement sa fête. D’où dépassements souvent sur le même modèle : une ouverture sur le côté, je range les bâtons, j’annonce « gauche steu plait, esquerda por favor, izquierda por favor, left please, links bitte » selon ce qui est écrit sur le dossard (PENSEZ A METTRE VOS DOSSARDS VERS L’ARRIERE qu’on puisse vous causer la bonne langue) j’accélère, je pars dans l’herbe haute, 4-5 grands pas et c’est plié. Vu le taux de français sur cette course, c’est quand même le « steuplai, merci » qui marche le mieux.


 

 

On débouche ensuite dans une espèce de grand cirque où on aperçoit la crète de Relvinha tout au fond, le profil redevient plus roulant et, évidemment, pffff, je double moins. « Crétinao en jaune » est toujours un peu devant, zut.

 

 

Dans cet exercice, par contre, je « rencontre » un coureur français qui m’interpelle par mon pseudo : « ah, mais c’est bubulle…..ah zut, si je te vois maintenant, c’est pas bon signe ». Je sais pas trop comment je dois le prendre (je pense que ça veut dire qu’on s’attende à ce que je pacmanise, mais pas trop tôt), mais il va me tenir compagnie un bon moment. Sauf erreur (sur le coup je n’ai pas vu son dossard et donc pas son prénom), c’est Philippe. Il m’indiquera dans la descente qu’en fait, il me connaît par mes récits et il me rappelle plus particulièrement celui de l’Origole 2014 où j’en avais fait des caisses sur un groupe de coureurs qui, sur la première boucle, jouaient à s’interpeler dans la nuit : « NOUILLE ». Eh bien, Philippe était dans ces « nouilles » ! Il ne me tient pas rigueur de mes commentaires un peu acerbes du récit, en fait on rigole un peu de tout ça et ça va nous occuper un moment. Philippe terminera en 18h21 : dans cette descente il m’annonçait sa prochaine « explosion » et le fait est qu’il a pris un peu cher sur la fin, mais il a superbement fini, bravo au « Off’Argis » !

Dans l’affaire, j’ai d’ailleurs oublié « cretinao en jaune ». Merci, encore, Philippe, tu m’auras évité de commettre un meurtre dans la descente !

Dans tout ça, aussi, on a passé la crète de Relvinha.

Relvinha : roadbook 4h52 – réel 4h00 – 52 minutes d’avance (+20). Et toc.

Maintenant, place à LA descente de cette course. 700D- d’une seul traite :

 

Cette descente est un condensé de toutes les joyeusetés de Madère : marches en bois, en cailloux, partie dallées, passages avec racines en forêt (d’eucalyptus), et chaussée bétonnée en bas….sans oublier ces abominables fausses marches arrondies empierrées trop courtes pour aller de une en une….et trop irrégulières pour les sauter 2 à 2.

 

 

Bref, s’il doit y avoir un test du Bubulle en descente, c’est là et maintenant !

Et, pour tout dire, ça se passe plutôt bien. Oh, certes, je ne fais pas de miracles, je me fais passer de temps en temps, je gère au mieux les hautes marches (comme à l’EB, en en sautant 4 sur 5 du pied droit). Mais, globalement, cette descente se déroule sans encombre et je suis déjà très content d’arriver tranquillement au ravito au pied de la descente.

Que je crois.

On arrive effectivement tout en bas de la vallée, on remonte vite fait sur une route….on voit (je m’y attendais) les coureurs de devant qui repartent, eux de Curral, mais….

…j’ai juste oublié un truc. Il y a un méchant coup de cul de 100D+ pour *remonter* sur le village de Curral das Freiras. Celui-là, il a beau être sur mon roadbook, je ne l’avais pas mémorisé et avec ma manie de ne jamais regarder le roadbook en course….bin j’avais oublié. Combiné avec la chaleur lourde (il est près de midi), ça met un bon coup sur la cafetière et cette remontée très raide est bien pénible.

On en arrive pas moins au ravito, observé d’en haut par tous les suiveurs depuis une plateforme surplombant le vallon d’où nous arrivons. Je m’attends à des « vazy bubulle », mais nenni. En fait, Elisabeth est dans le gymnase qui sert de base vie.


La descente de 700D- s’est effectuée en 34 minutes : 1235m/h, c’est fort honorable.

La base vie est curieusement organisée : on commence par passer à un point où on peut refaire les pleins liquides, et boire…..mais où on ne voit pas nos suiveurs, puis, ensuite seulement, on entre dans le gymnase de la base vie et on peut récupérer le sac d’allègement et voir nos suiveurs. C’est également là qu’on a accès au ravitaillement solide….mais, apparemment, si on veut du liquide, il faut retourner dehors. Très bizarre.

Cela étant, la base vie n’est pas blindée et en pagaille, le ravitaillement est très accessible, il y a des tables, des chaises et on récupère très facilement son sac d’allègement. Donc, notamment pour ceux du 115km dont c’est LA grosse pause après 12 à 16 heures de course, c’est assez bien adapté. Je n’ai par contre pas vu s’il est possible de s’y allonger ou se faire soigner.


 

Je n’avais évidemment pas besoin de tout cela. J’avais fait un sac d’allègement car ça ne « coute rien ». En pratique, je change short, tee-shirt et chaussettes : c’est un confort supplémentaire à peu de frais et ça permet de prendre le temps de se poser sans se précipiter. Elisabeth est là, bien sûr et me donne des nouvelles des amis : elle a suivi JuCB et me confirme qu’il continue à avionner. Elle a vu mazbert à Encumeada où il était 30 minutes derrière moi. Elle n’a pas vu Cheville ni catcityrunner, par contre, mais elle me confirme que les 2 y ont pointé vers 10h30.

 

Pendant que j’absorbe toutes ces nouvelles, je veille à bien m’alimenter. Pas de plat chaud, je ne veux pas me plomber par cette chaleur. A posteriori, j’aurais peut-être dû prendre un bouillon ou une soupe car, même si j’ai pas trop mal bu (je remplis à nouveau les 2 flasques, donc 0,75l depuis Encumeada), la déshydratation doit être importante (et Elisabeth m’indique que j’ai des traces blanches sur les joues).

Globalement, je repars avec un bon moral, encore, même si je sais que la partie à venir va être du très costaud, pour monter au Pico Ruivo en plein cagnard.

Curral Das Freiras (sortie) : roadbook 5h54 – réel 5h12 (arrêt 22 minutes) – 141ème/436 : 42 minutes d’avance (-10), mais je n’avais pas initialement prévu que Curral soit la base vie, donc je n’y avais mis que 10 minutes

Curral das Freiras – Pico Ruivo

LE morceau d’ascension de la course. De 600 à 1750m d’altitude sans vrai répit. En pleine chaleur. Et le tout avant une section entre les Picos, qui sera très technique. Il est évident que la course va se jouer ici (sur le MIUT, FDH va y mettre 1/4h à Tim Tollefson…..).

Je repars donc avec la plus grande prudence. Déjà il faut avaler 2 kilomètres sur route avant Faja Dos Cardos….mais 2 kilomètres qui montent bien. Belle occasion de sortir une belle marche nordique bien pure….. et commencer un grand géant pacman.

La montée qui suit, dans les vignes, puis une forêt d’eucalyptus est un pur bonheur. Je me sens bien, je monte régulièrement et j’avale les coureurs un à un. Certes, ce sont surtout des coureurs du 115km, mais ¼ environ sont sur ma course. Donc, en résumé, on envoie du bois.

 


Seule une coureuse me passera, très impressionnante de facilité. Sophie Clémont, c’est son nom, finira 30 minutes devant moi et 18 ème féminine. Une belle facilité…..mais apparemment quelques années de moins… J

La forêt se termine et nous voici désormais dans un cirque d’altitude magnifique, avec tous les « Picos » au dessus de nos têtes :

 

Nous devons monter à près de 1500m, à la Boca das Torinhas, avant que la pente ne devient plus simple. La Boca, c’est le col là-haut :

 

Et tout en montant vers ce col, sur la droite, au fond, on voit de radôme du Pico do Areiro où nous serons…..dans 2 ou 3 heures :

 

Mais il faut d’abord arriver à ce col et là….. eh bien, la machine se grippe soudain.

C’est en fait tout simple : sur un pas du pied droit, je sens une petite crispation au mollet……puis quelques minutes après, sur une marche un peu plus haute du pied gauche, c’est une crispation plus nette dans la cuisse gauche.

Merde.

Des crampes.

Alors là, c’est pas malin, il faut agir vite. Encore une fois, j’ai été léger sur l’hydratation même si, depuis environ 900m d’altitude, j’avais adopté ma routine « 1 gorgée tous les 50 mètres ». Mais je pense que les dégâts dataient d’avant cela, notamment la chaleur dans la descente vers Curral, et les signes notés par Elisabeth.

Agir, donc. C’est simple. J’ai ma réserve d’eau d’un bon demi-litre dans la poche à eau. J’ai les flasques où j’ai dissous des pastilles de sels Aptonia à Curral. Il faut tout boire. Boire comme un trou, régulièrement. Et ralentir.

Jusqu’à la Boca, je vais ainsi me bagarrer avec ces crampes. Deux ou trois fois, elles se déclenchent et m’arrêtent net. Le pacman ne pacmanise plus personne….et se fait même pacmaniser. Mais, à force de patience (et d’avalage d’eau……chaude parfois car celle de la poche à eau voyage depuis le départ), j’arrive à contenir tout ça à un niveau décent.

Arrivé à la crête, même si je sais que ce n’est pas fini, il me reste « juste » à terminer sur un terrain plus roulant, sans ces hautes marches, en veillant à continuer à vider toutes mes réserves d’eau.

 

Sur cette crête on découvre aussi la « mer » de nuages de la côte Nord :

 

 

 

Et je finis enfin par arriver au Pico Ruivo…du moins à la Casa do Pico Ruivo, car on ne passe pas au sommet (cela obligerait à un aller-retour, il n’y a qu’un sentier). Au milieu des randonneurs de ce milieu de journée, il est d’ailleurs parfois un peu difficile de se frayer un chemin sur le sentier.


Objectif simple à ce Pico Ruivo : refaire le plein en remettant un bon litre dans la poche à eau, au cas où. Et boire autant que je peux, sans trop me lester. Et manger. Du salé, du salé, du salé. Jambon, fromage. Le ravito est toujours bien organisé bien que la Casa ne soit pas bien grande : heureusement, la densité de la course est désormais faible.

Pico Ruivo (sortie) : roadbook 8h37 – réel 7h51 (arrêt 8 minutes) – 135ème/427 : 46 minutes d’avance (+4). Eh oui, seulement 4 minutes de gagnées malgré le beau début de montée. Les crampes coutent cher.

Pico Ruivo – Pico do Areiro

La section mythique de la course. Un sentier totalement incroyable parfois à flanc d’une falaise, parfois en montée d’un « mur » avec des marches de 80cm de haut, ou en descente vertigineuse que des escaliers en fer, avec des tunnels (où il faut parfois allumer la frontale), avec des tas de randonneurs à dépasser ou croiser.

On va de 1754m d’altitude à 1841m avec….plus de 300m de dénivelé cumulé sur un peu moins de 6 kilomètres. Mais que veulent dire les kilomètres sur un terrain pareil ? Nous referons une partie de ce parcours 2 jours plus tard avec Elisabeth et je me demande encore comment j’ai pu faire pour en courir une bonne moitié, moi qui suis aussi sujet au vertige.

On commence déjà par descendre, descendre, descendre….jusqu’à 1550m, sur un chemin relativement roulant (mais avec le vide bien présent à gauche), puis une très violente remontée, et une plongée complète dans une succession de goulets, de marches, de 4 ou 5 échelles métalliques.

Là, plus question de dépasser ou jouer au pacman. Surtout que je continue à gérer ces crampes qui pointent toujours ponctuellement.

 

Comme on le voit, d’ailleurs, nous sommes désormais très espacés, donc en gros, on suit le type loin devant en courottant quand on le peut (pas souvent, sauf la descente initiale), en marchouillant pas mal, en ahanant dans les quelques énormes coup de cul….et en serrant les fesses à quelques endroits pour ceux qui sont incapables de ne pas imaginer basculer dans le vide dès qu’il y a plus de 5 mètres de trou sur le côté (je suis champion toutes catégories dans le domaine).

Et le tout dans un barouf d’enfer car j’ai rempli la poche à eau….mais pas refait le vide dedans. FLOC FLOC FLOC FLOC, on dirait que je fais mon premier trail….

Bref, allons-y pour la visite touristique du bazar :

 

 

 

Après un ultime passage avec « bonjour le vide à droite et à gauche » que je passe en fixant obstinément les cailloux 2 mètres devant mes pieds, une ultime remontée d’une centaine de mètres me permet de faire illusion pour les spectateurs postés au sommet : c’est moi qui monte le plus vite, nananère (heureusement qu’ils n’ont pas vu ma vitesse dans les passages un peu olé-olé). Certes, je ne fais jamais que rattraper les 5-6 coureurs qui m’ont dépassé avant, mais ça le fait bien.

Surtout qu’évidemment, qui je vois en haut, à votre avis, hmmmmm ?

La pauvre, ça fait 2 heures qu’elle s’y gèle à ce Pico do Areiro (il fait grand beau mais il y a toujours du vent là haut) : elle a même vu passer JuCB, c’est dire.


M’enfin, le guerrier rassure sa dulcinée : ça continue à bien aller. J’explique quand même les crampes, mais aussi qu’elles ont l’air d’être derrière. De façon assez amusante, Elisabeth ne me dit strictement rien de ma position, de mon éventuelle avance, même si tout semble indiquer que je n’arrête pas de l’augmenter.

Et moi, un poil superstitieux, j’ai décrété que je ne regarderai JAMAIS ni la montre, ni le roadbook. Tout au feeling. Lequel feeling continue pour l’instant à dire « écoute mon gars, si tu fais attention à toi, si tu penses bien à boire et à t’alimenter, tu vas faire un truc pas trop mal, on dirait ».

Elisabeth me confirme que Mazbert est passé à Curral « environ 45 minutes » après moi. Cela me confirme que j’ai bien géré jusque là-bas, car Bertrand est un bien meilleur descendeur que moi. Je suis content pour lui, il a l’air de bien tourner. J’ai donc aussi les nouvelles de JuCB et du fait qu’il continue à avionner….et même la mention que Cheville a aussi pointé à Curral. Par contre, les nouvelles ne sont pas bonnes pour catcityrunner dont la dernière position est toujours Encumeada. J’en suis vraiment désolé pour Gilles qu’il soit encore confronté à ce « mur » qu’il rencontre sur les ultras, lui qui est un si brillant coureur.

Pico do Areiro : roadbook 9h54 – réel 9h03 – 136ème/420 : 51 minutes d’avance (+5)

Eh oui, même sur cette section où je n’ai pas vraiment l’impression d’avoir volé, j’ai gagné un peu de temps. Décidément.

Pico do Areiro – Chao de Lagoa

Section rarement décrite dans les récits. Sur le profil, cela est un peu descendant (300m en 3km). En pratique, on descend assez fortement les 150 premiers mètres sur un chemin madérin classique avec des marches en bois. Rien de très difficile toutefois : ça se déroule dans une grande lande de bruyères et genêts….je descends tout cela en suivant un coureur à une dizaine de mètres, à la même vitesse tous les deux : pas très élevée, mais bien suffisante pour se ménager car à partir de là, le profil est très majoritairement descendant, à part une dernière grosse montée avant Poiso.

Me revient à l’esprit le récit d’Emilie Dalibert. Si vous ne l’avez jamais lu, lisez-le : il suffit de googliser « Dans les Yeux d’Emilie » avec « trail » pour tomber sur ses récits qui sont tous de beaux moments d’écriture. Pour Madère, Emilie écrivait à ce moment-là s’être motivée à fond pour ne pas céder à la tentation de marcher quand tout ton corps ne demande que cela, sur le plat. Courir, courir, courir, sera donc mon leitmotiv largement respecté, jusqu’à Chao de Lagoa, qu’on atteint après une section faiblement descendante entrecoupée de plusieurs plats, voire petites remontées, le tout dans cette lande d’altitude.

 

 

Le seul défaut de cette tactique est que cela m’essouffle pas mal et je crains de tirer un peu trop sur la corde….et surtout de risquer à nouveau la déshydratation et les crampes. Je m’autorise donc quelques passages en marche nordique, voire même avec la technique « nordique couru » que l’on voit dans le lien que j’ai donné plus haut.

Bref, Chao de Lagoa arrive vite. Je guette Elisabeth, mais elle n’est pas là : le ravito est à l’écart de la route, il est difficile à trouver et mes indications étaient imprécises.

Je me fais ici un devoir : m’alimenter sérieusement et ne pas seulement picorer. On est en fin de journée, il est important de regonfler la machine pour la soirée et le début de nuit…et de le faire avant que je n’aie plus envie de manger mais seulement terminer.

Encore une fois, ce ravito est excellemment achalandé : il y a de tout. Et je ne me prive pas. Je commence par faire un sort à l’équivalent de 2 ou 3 oranges. Cela me prend souvent, sur les courses, une boulimie de quartier d’oranges. Je passe rapidement au salé avec du fromage, du jambon et surtout deux grandes portions d’un potage…. bien chargé en riz et en poulet. Le tout sans oublier de boire en un peu plus grande quantité qu’en course.

Et, bien sûr, l’incontournable morceau de banane, spéciale dédicace à Magali.

Chao de Lagoa (sortie) : roadbook 10h25 – réel 9h53 (arrêt 12 minutes) – 136ème/413 : 32 minutes d’avance (-19).

Très curieux. Je en comprends pas bien comment j’ai perdu autant de temps sur le roadbook alors que j’ai avancé tout à fait normalement sur cette section. J’ai certes passé du temps au ravito, probablement 6-7 minutes de plus que prévu, mais quand même.

Mais tout cela n’a aucune importance vu que je ne le sais absolument pas !

Chao de Lagoa – Ribeiro Frio

Et on passe donc à la section suivante dans le découpage mental de la course. Celle-ci, dans ma tête, c’est « ça va commencer à descendre progressivement sur ce plateau, puis à un moment on va plonger vers Ribeiro Frio ». Je crois me rappeler qu’on descend jusque vers 850 mètres mais je ne suis plus très sûr. Pour l’instant, l’altimètre me donne 1470. Ma montre n’affiche toujours QUE l’altitude dans les courses de montagne, cela me semble être la seule donnée utile.

Sur le début de cette section, les vues sont encore superbes. Face à nous, une mer de nuages, fréquente sur la côté Nord. Nous progressons longuement sur une crête qui fait plus ou moins face au Pico de Areiro :

 

 

C’est toujours totalement splendide. Bon, cela dit, je suis quand même un peu impatient qu’on descende vraiment car le chemin dans les genêts est assez roulant et remonte même parfois et courir devient de plus en plus difficile. Je me fais pas mal dépasser, d’ailleurs, sur cette partie, car le mantra d’Emilie (courir, courir, courir) devient plus difficile à appliquer.


La « vraie » descente est donc bienvenue. Elle commence quand nous arrivons dans les nuages

 

Le chemin devient à nouveau un sentier madérin classique : cailloux, marches, pentes très fortes. Je préfère quand même largement cela et, surtout, mon genou ne proteste pas du tout, je peux donc dévaler assez vite. C’est sur cette section que je vais commencer à faire le yoyo avec Yves, un belge que je vais croiser plusieurs fois pendant un bon moment.

La descente est suffisamment technique pour que je suive difficilement l’altitude et c’est presque par surprise que nous débouchons sur la route qui annonce le lieu dit « Ribeiro Frio ». C’est usuellement assez touristique, mais nous sommes maintenant en fin de journée et l’ambiance est très calme, d’autant plus que nous sommes dans les nuages. Elisabeth a eu du mal à trouver l’endroit (qui n’est qu’un simple point de passage, sans ravito) et je ne la verrai pas ici. En fait, on croise simplement les deux bénévoles qui pointent les coureurs (nous sommes régulièrement pointés aux ravitos, mais aussi parfois entre deux points de passage annoncés, probablement pour limiter toute tentation de tricherie).

Ribeiro Frio : roadbook 11h21 – réel 10h50 – 129ème/399 : 31 minutes d’avance (-1). Eh oui, encore du temps perdu sur le roadbook, cette longue section roulante en haut ne m’a guère été favorable.

Ribeiro Frio – Poiso

Taïaut ! C’est la dernière section montante : environ 500 mètres en 4 kilomètres. Pas une pente énorme, mais sur certains récits, c’est souvent devenu un chemin de croix.

Je vais la démarrer avec un couple en point de mire, 100 mètres devant moi, sur la route. Mais, sinon, la solitude est désormais très grande. Mon belge est une centaine de mètres derrière et c’est tout. Après 200 mètres de route, on attaque une section assez irrégulière en forêt avec des coups de cul brutaux suivis de quasi-replats. J’ai décidé de tout donner sur cette montée, c’est le dernier moment où je peux être sur mon terrain, il faut en profiter. Il me faudra malgré tout un bon moment avant de dépasser le couple aperçu devant, puis deux autres coureurs rattrapés plus vite.

On finit par sortir de la forêt, autour de 1000m d’altitude, pour atteindre une crête, dans le brouillard. Le chemin très large sur une espèce de lande monte très moyennement, c’est le moment pour sortir la meilleure technique de marche et essayer de reprendre un à un les quelques fantômes que j’aperçois devant. Cette partie est très longue car on croit être plus ou moins arrivé….ce qui est une erreur.

Il reste en effet une assez terrible section, une fois la route retraversée, avec plus d’un kilomètre à 12% sur un chemin totalement empierré. Là encore, j’envoie tout ce que j’ai, c’est le terrain idéal pour la marche nordique. 1 kilomètres en 12 minutes, je tiens du 5km/h sur une pente à 12% au bout de 60 kilomètres. Ce sera probablement mon chant du cygne, mais je trouve que j’ai bien chanté.

Pas de photo de cette partie, par contre, je n’avais pas le temps !

Et voilà que se profile le ravito de Poiso, à un carrefour routier, avec pas mal de suiveurs qui s’y tiennent compagnie, y compris bien sûr ma Super Suiveuse. Les applaudissements que tous déclenchent à l’arrivée de chaque coureur (arrivées très espacées) font bien plaisir. Il fait, paraît-il, vraiment froid mais pour ma part, j’arrive ici en sueur.


A nouveau, Elisabeth n’a pas le droit de rentrer dans la partie « ravito ». Cela m’ennuie car j’aurais bien papoté quelques minutes. Du coup, je grappille quelques munitions (assez peu : j’ai bien fait de mieux manger à Chao car je n’ai plus trop envie de manger, là), je sors et nous allons nous asseoir ensemble sur un caillou à l’extérieur.

Précieux moments que ces quelques petites minutes. Je sais que je vais désormais démarrer mon pensum avec la descente sur Portela, que le combat sera de retarder le moment où il faudra passer en mode nuit et donc qu’il va falloir courir, courir, courir….. à un moment où le corps en a beaucoup moins envie.

 

« Mazbert était 1h30 derrière toi à Areiro, par contre je ne sais pas pour Cheville ». C’est toujours bon d’avoir des nouvelles des copains. Je ne me fais pas de souci pour notre Cheville de Béton, la suite me prouvera que j’avais raison, même s’il aura un long calvaire pour terminer.

Pour ma part : Poiso (sortie) : roadbook 12h30 – réel 11h51 (arrêt 7 minutes) – 132ème/397 : 39 minutes d’avance (+8). Curieux : je perds 3 places alors que je sais pertinemment ne pas avoir été dépassé dans la montée (500m/h pour la petite histoire, cette montée)

Poiso – Portela

Bon, quand faut y aller, faut y aller. Poiso-Portela, c’est pas compliqué : 9 kilomètres et 780 mètres à descendre. Pas un seul moment de montée. A peine quelques replats au début….et 1,5km de levada presque à la fin.

La tactique reste la même : courir tant que la machine veut encore le faire.

Le haut de cette partie est un single plutôt agréable sur le plateau, dans les genêts et les bruyères arborescentes. Si on a du gaz à ce moment on se fait sûrement bien plaisir.

J’ai retrouvé mon Yves belge et je vais le suivre un moment ainsi qu’une coureuse française :

 

La deuxième partie de descente est un long passage sur un chemin de 4x4 forestier avec une pente très marquée. Le genre de truc où on débranche tout et où on déroule sans réfléchir. Cela se passe plutôt bien, mais c’est usant à la longue et j’ai le souffle assez court.


Un petit intermède de levada juste avant Portela (panneau « Portela 1,7km » : on n’imagine pas comment c’est long 1,7km quand c’est difficile de courir sur le plat), ce n’est pas trop de mon goût mais il faut bien faire avec.

Et enfin, une dernière plongée avec un single technique nous amène, dans une lumière faiblissante, sur le carrefour de Portela où m’attend Elisabeth et où j’arrive juste après ma coureuse française, Blandine (de Chambéry).

Mon idée initiale est de ne quasiment pas m’arrêter. Je suis maintenant entré dans le mode « faut en finir » et, dans ces cas-là, j’ai tendance à tout zapper. Heureusement, Elisabeth voit bien que je suis très essoufflé (la descente m’a un peu achevé de ce côté-là) et elle insiste pour que je me pose plus de 3 minutes après m’être ré-équipé pour la nuit (sortie des manchettes du sac, et remise en place de la frontale qui sera bientôt utile). C’est que, elle, elle a lu mon roadbook où j’ai calculé rien moins que 3h30 pour ces derniers 16 kilomètres.

Donc, je reste un peu plus longtemps en discutant un peu avec Blandine sur les vertus du potage (dommage qu’on ne l’ai pas avertie que le potage, il n’était pas trop vegan). Ce n’est pas plus mal car ce qu’il reste, je le sais : un long chemin quasi plat sur 4-5 kilomètres, une descente très vertigineuse sur le dernier ravito de Larano, 4-5 kilomètres de « plat » à flanc de falaises sur un chemin parfois vertigineux, une petite descente et un interminable plat le long d’une levada.

Et donc, il faut composer avec l’envie furieuse d’en finir…..et le fait qu’il va falloir gérer une fin très longue sur du terrain qui est tout ce que je n’aime pas.

Portela (sortie) : roadbook 13h56 – réel 13h15 (arrêt 17 minutes !!! Je ne le découvre qu’en écrivant ce récit) – 130ème/394 : 41 minutes d’avance (+2). En fait, j’ai gagné bien plus de temps sur le parcours, mais l’arrêt a été bien plus long que prévu.

Portela – Larano


Bien difficile de repartir. Je me suis un peu refroidi, il est un peu plus de 20 heures, l’heure « glauque ». Et on repart par une route de 4x4 tout à fait sans intérêt, sur au moins 2 kilomètres, quasiment plats. J’ai un mal fou à me motiver à courir, donc je marche. J’avais replié les bâtons, pensant ne plus les utiliser, mais je les ressors pour essayer de me donner un rythme suffisant en m’appliquant sur la technique et en visant un 6 à 6,5km/h.


Je finis d’ailleurs par courir à nouveau car ça me lasse de voir d’autres concurrents revenir.

Le chemin devient un single, mais toujours aussi désespérément à profil « plat ». Certes accidenté, donc avec des tas de mini relances, mais sans relief. On est en sous-bois, il a fallu allumer la frontale, on entre dans le mode solitaire de la nuit.

J’ai fait ma dernière photo juste au-dessus de Porto do Cruz :

 

Ce Ce n’est pas peu dire que je l’attends la fameuse « descente vertigineuse » dont parle Emilie dans son récit. Elle finit par enfin arriver après un ultime coup de cul de 30 mètres qui sera la vraie dernière montée de la course.

C’est effectivement une belle dévalade que cette descente. Heureusement que le terrain est très sec car ce serait bien acrobatique. A part cela, rien à dire et me voici donc déjà à Larano (en fait ça m’a paru très long, mais je n’ai pas grand-chose à raconter sur ce passage !)

Celui-là, c’est vraiment « j’entre, je sors ». Je me pose juste quelques secondes le temps de boire un grand verre d’eau et de causer 30 secondes avec un gars assis à côté de moi qui demande le médecin car il m’explique qu’il passe son temps à vomir et qu’il a besoin de se poser longtemps. En fait, il s’agit très certainement de Daniel, le coureur qui a longtemps été 2ème de ma catégorie, très loin devant (quasiment avec le 1er) et que je « dépasse » en fait ici, à ce dernier ravito.

Larano (sortie) : roadbook 14h54 – réel 14h09 (arrêt 3 minutes) – 134ème/394 : 45 minutes d’avance (+4).

 

Larano - Arrivée

Eh oui, 3 minutes, aucune raison de s’éterniser. Maintenant, il faut commencer le chemin de croix.

C’est franchement dans cet état d’esprit que je l’entame ce chemin des falaises, cette Vereda do Larano. Là, c’est plié, plus aucune envie de courir, j’enclenche donc la marche nordique et je sais qu’il va falloir prendre sur soi car je vais me faire dépasser par ceux qui peuvent….ou veulent…encore courir. Mais là, pour moi, c’est fini, je ne peux plus.

Je me suis fait à l’avance un bon cinéma de ce chemin. Il est effectivement à flanc de falaise, avec environ 300 mètres de vide à gauche (et plus de 300 mètres au dessus de soi), et la mer qui bat les rochers. En fait, ce qui est le plus dur qu’il qu’il est interminable ! Surtout, ponctuellement, on ne distingue que la masse imposante de la falaise avec, au loin, parfois une frontale. Loin, très loin. Très  très loin. Parfois on passe un petit détour de chemin, on s’attend à voir le sommet de la falaise, au-dessus de nous, s’abaisser, mais il n’en est rien. On distingue juste une énorme masse noire sur ce qui semble être des kilomètres…..et de temps en temps une pauvre frontale perdue.

Je marche bien….même très bien. La vitesse sera de 5,7km/h sur 4 kilomètres, c’est assez honorable quand la fatigue (et le terrain, pas si roulant que ça) ne permet pas vraiment une bonne marche nordique.

Mais ça n’en n’est pas moins très long. Pour autant, le passage est assez incroyable : nous sommes donc perchés à 300m au-dessus de la mer, dans une falaise dont le sommet est à plus de 700 mètres. Le chemin est très sûr : certes parfois exposé, mais alors sécurisé.

Les organisateurs ont même mis en place une étonnante guirlande lumineuse sur plus de 500 mètres, à l’endroit le plus aérien. L’objectif est d’éclairer au mieux le chemin pour la sécurité des coureurs (c’est surtout vrai pour ceux de la fin du 115km qui vont passer en toute fin de 2ème nuit, à un moment où les hallucinations peuvent vraiment faire faire n’importe quoi).

Ce passage est rendu encore plus fou par le cri très particulier des centaines d’oiseaux qui semblent nicher dans ces falaises (une mention à qui pourra me dire ce que sont ces oiseaux). Un moment unique à vivre : essayez de vous en rappeler si vous venez sur cette course et ne faites pas comme moi qui n’espérais qu’une chose : que ça se termine !

Enfin, enfin, au bout de 3 longs quarts d’heure, la crête à droite descend vers nous et nous passons la Boca do Risco. S’ensuit une vraie descente où je peux à nouveau courir et qui nous amène rapidement à la Levada do Caniçal qui, comme son nom l’indique….serpente à l’Est de Machico.

Et, ça y est, on voit les lumières de Machico ! En fait, on est au-dessus de l’extrémité de la ville. On arrive !

Eh oui. Sauf que : 1) Machico c’est assez étendu et 2) une levada, ça suit les courbes de niveau. Et donc, on a beau le savoir (c’est dans le roadbook) que ça va faire encore 4 kilomètres interminables, ce n’est pas pareil que les 4 kilomètres, on se les tape « pour de vrai ».

Et on n’en finit plus de tourner et re-tourner au-dessus de cette ville. Et on n’en finit plus d’aller au fond de CHAQUE vallon, d’y croiser une sempiternelle rivière, de voir 1 ou 2 frontales en face et de se demander quand cela va se terminer.

Au début, j’ai retrouvé une motivation à courir, mais cela va lentement s’étioler au long de cette levada. Je vais terminer en mode « cyrano-rubalise » : toutes les 2 balises, je change de mode : course ou marche. Mais c’est looooong.

Je tiendrai tout de même, ainsi, une moyenne de 7km/h qui est largement au-dessus de la moyenne imaginée par le roadbook.

C’est toujours un peu dommage, a posteriori, de ne se rappeler de ces moments de course que comme des moments où on n’attend qu’une chose : l’arrivée. La nuit empêche malheureusement de profiter pleinement du paysage pourtant magnifique de cette côte Nord-Est de l’île. Il faut que je coure encore plus vite et ne mettre que 10 heures pour terminer, comme le fera le vainqueur, l’étonnant René Rovera, un français…..V2.

Et cette levada qui n’en finit pas. Et cette ville, en dessous, qui s’étend sur tout son vallon….tellement long. Et ces zigzags incessants à chaque vallon…… Pourquoi est-ce qu’ils ne font pas comme pour leurs routes où, quand le relief pose problème, on fait 2 ou 3 tunnels, un viaduc et on tire tout droit ? Je rêve d’un tunnel à trailers pour couper l’éperon, là, devant, où je vois les 2-3 frontales qui viennent de me dépasser (sûrement des marathoniens frustrés, ces 3 types qui viennent de me passer, c’est pas possible autrement). « Le trail c’est quand même à la base de la course à pied » que dit mon pote Philippe. Donc, faudrait courir. Allez, je cours pendant « une rubalise » juste pour Phi-Phi, tiens….. mais à la prochaine, je remarche. C’est tellement bon de marcher. On ne devrait faire que ça, qu’est-ce qu’on est débiles à toujours vouloir courir, pfff.

Ah zut, c’est déjà la rubalise suivante, faut recourir, je l’ai promis à Phi-Phi. Tiens, si je courais avec les bâtons, comme mon mec italien, là, sur la video, façon skating à pied. Oui, bin non, finalement, c’est quand même mega-fatigant. Et pis de toute façon, voilà la prochaine rubalise, donc « faut » que je marche. Et toc. Et arrête de râler, Phi-Phi, c’est comme ça.

Courir, marcher, courir, marcher. Qu’est-ce qu’ils mettent comme rubalises sur leur course, les mecs, du coup (DU COUP, dédicace aux québécois !) on ne sait plus sur quel pied danser…ou courir…ou marcher.

Je sais plus. Je veux arriver, d’abord. Allez, on va dire là, après le tournant à gauche, ça va être là.

POURQUOI EST-CE QUE C’EST JAMAIS LA ? Vous n’avez jamais remarqué, en montagne par exemple, qu’à chaque fois que vous pensez qu’après le prochain tournant ça va être là, bin c’est JAMAIS là ? Est-ce qu’on pourrait au moins une fois faire en sorte que ça soit là ? Je rêve un jour de trouver le chemin où que, quand tu crois que c’est là, bin c’est là.

Sont un peu nuls, aussi ces portugais (madérins, portugais, tous pareils). Quelle idée de faire des levadas PLATES ? Pourquoi pas les faire descendre un peu, je sais pas, moi, genre vers la ville qu’on voit en bas, juste là…… même que la ville elle MONTE vers nous ! On croise des rues, avec des gens qui disent des trucs genre « boa trabalho », tout ça. J’TEN FOUTRAIS du bon travail, moi ! Faites des levadas qui descendent au lieu de faire des kilomètres de machin cimenté juste pour le plaisir de faire tourner un peu la bétonnière (et bim pour le cliché « portugais/béton/sac de ciment »….j’en suis plus à ça près).

Après le 3692ème tournant, CA Y EST : je vois enfin des frontales qui DESCENDENT. Moi je croyais qu’à force, ils nous embarquaient pour le tour de l’île, mais non, ils ont décidé d’arrêter la torture mentale. On descend.

Tout droit, évidemment. A Madère on ne sait faire que ça. Les lacets on leur a pas expliqué. Même la rue dans laquelle on arrive….. tout droit. Une pente à 3000%, les cuisses qui protestent violemment et qui, c’est un comble, regrettent maintenant la levada toute plate (arrêtez de dire n’importe quoi, les cuisses, « ils » seraient capables de nous faire remonter, ces psychopathes).

Ayééééééééé, la rue tout en bas, « boa trabalho ». Obrigado, obrigado, les gars….mais là faut courir pour se la jouer mega-super-grand finisher . J’en peux plus de courir mais c’est obligé. En plus, je filme avec ma camera D4 « Gopro du pauvre »….pour la première fois de ma vie, je me fais mon film d’arrivée car je me dis que j’ai fait une course « pas si mal » que ça et qu’on peut garder souvenir de l’arrivée.

Je ne verrai jamais le film car je l’effacerai le lendemain par erreur. Nouille. Donc, comme d’hab’ le film restera dans la tête, c’est peut-être aussi bien ainsi. Je cours, cette belle dernière ligne droite…..et, ouiiiiii, Elisabeth est là et me fait LA photo d’arrivée :

 

(c’est pas flou du tout, c’est juste que je vais trop vite)

Et c’est là, uniquement là et seulement là, que je découvre le chrono de malade : 16h01’ et des poussières. SEIZE HEURES. Ce n’était même pas dans mes rêves, seize heures. Au pire 17, éventuellement, je savais que j’avais de l’avance….ils ont du se tromper, on doit être à l’heure de Paris, ça doit être ça.

Bah non. Seize heures…. Là où je pensais faire 17h30 avec mes savants calculs impliquant ma cote ITRA sur ce type de course, tout ça.

J’en hallucine encore quand le gars des photos officielles me fait la photo d’arrivée que je vais pouvoir acheter dans quelques jours. J’en oublie de faire le triomphe du guerrier sur la ligne d’arrivée et juste je veux retrouver Elisabeth qui….hallucine aussi un peu car elle ne m’attendait pas avant 1/2h (sauf qu’elle connaît un peu le zouave, aussi)

 

(pourquoi je penche toujours sur les photos d’arrivée ? On dirait mon Phi-Phi à l’arrivée du GRP !)

Machico : roadbook 17h34 – réel 16h01 – 141ème/394 : 93 minutes d’avance (+48).

QUARANTE-HUIT minutes dans ta tronche, le roadbook. Bon, OK, c’était un roadbook de grand-mère pour imaginer mettre 3h30 pour faire 16 kilomètres plats ou descendants, mais quand même.

Je passerai plus pudiquement sur l’heure qui a suivi l’arrivée car c’est peu brillant. J’étais littéralement épuisé, le souffle extrêmement court pendant de longues minutes. Pas mal partout, non. Juste incroyablement essoufflé, probablement à cause de la difficulté à avancer et de la pression que je me suis mise pour avancer à une vitesse « décente ». Le manque d’entraînement foncier structuré se voyait très bien sur cette partie….il faut vraiment que j’évite de m’inscrire à un marathon, j’exploserais en vol.

Il faudra donc assez longtemps pour que j’arrive à prendre la douche (indispensable ! La poussière d’un terrain ultra-sec a magnifiquement décoré mes jambes), en me déplaçant avec l’aide d’Elisabeth qui promenait son papy coureur.

….et qui va ramener sans coup férir son papy coureur à la casa, à 50 minutes de là, quand même, et qui, je pense, est un peu contente que j’aie mis la pâtée au roadbook.

L’après-course

D’habitude, je ne raconte pas trop les après-courses. Le récit se termine plus ou moins à la ligne d’arrivée, on pleure, on s’embrasse, on boit une binouze (ou une dizaine de binouzes, hein Benman et Patoche ?) et c’est plié.

Bizarrement, le dimanche, je me réveille relativement tôt, totalement reposé. J’ouvre Whatsapp pour faire coucou aux amis de la Mordor Team et là je vois Raya qui poste « Chris est deuxième de sa catégorie ? ».

HEIN ? Tu racontes quoi, Raya, là ?

Bon, je vais voir…..Evidemment, je me disais que je devais avoir fait un classement pas trop mal, mais des vieux, j’en ai vu pas mal il me semble.

Bim. Deuxième « M55 ». Je fais podium sur une course de l’Ultra Trail World Tour. Enfin presque (c’est la course des grands qui est dans l’UTWT). Bon, OK, c’est un avantage d’avoir des catégories par 5 ans contrairement à chez nous (même si, par contre, au-delà de 60, c’est tous les papys et mamies dans le même panier).

Podium. Et je regarde le règlement : eh oui, ils récompensent les 3 premiers de chaque catégorie. Bref, euh, ça pourrait être une idée d’aller à la remise des prix.

Je dois dire qu’Elisabeth ne s’attendait pas trop à la nouvelle en se levant. Elle imaginait plutôt une journée au bord de la piscine, dans le jacuzzi, une journée de récup après celle énorme de la veille.

Mais elle n’hésite même pas une seconde : « bien sûr qu’on y va, c’est à quelle heure ? ». « Euuuuuh, 12h30…. » (j’espère que vous entendez bien ma petite voix, là). « OK, c’est parti, on se prépare ». Moi, des fois, je me dis que c’est pas permis, une chance pareille, d’avoir ce soutien dans mes folies, alors que ça coute parfois.

Nous serons largement à l’heure à Machico, on va même profiter de TOUS les podiums des 4 courses ! J’ai mis le tee-shirt de mon sponsor, le GR73, il faut montrer les couleurs…..et l’avantage, c’est qu’on n’est pas 3000 à arborer le même tee-shirt. En plus, j’ai l’idée secrète d’aller faire un selfie avec Audrey Tanguy, la Reine des Bauges, troisième du MIUT derrière Courtney Dauwalter et Katie Schide. Donc, avec le tee-shirt GR73, ça s’imposait.

Je l’ai, mon selfie :


 (z’avez vu la classe pour que le nom du sponsor soit visible ? OK, la casquette est la vieille rouge Kikourou un peu pourrie, l’autre sentait quand même un peu fort)

Et donc, ça finira par donner ce moment que je savoure très particulièrement :


Le premier me met quand même 2h30, belle leçon d’humilité, mais il est vrai que c’est un gamin de 62. Je papoterai un peu avec le troisième, Olivier Vadrot : nous nous sommes croisés quelques fois sur la course, sans savoir qu’on était en train de jouer le podium…il était aussi étonné que moi à l’annonce.

Comme toujours, ces après-courses sont très sympa et chaleureuses. Surtout ici, à Madère où l’organisation est très professionnelle, mais reste chaleureuse et familiale (je me permettrai d’aller le dire en personne au directeur de course, tout simplement). Les élites sont tous là, disponibles et sympathiques (FDH a fait un nombre impressionnant de selfies…..et Courtney est quelqu’un de très discret et réservée, mais ceux qui ont discuté avec elle ont tous dit qu’elle devient ensuite très bavarde !). Diego « Zpeedy » Pazos est égal à lui-même, une crème de bonhomme toujours en train de rigoler et de faire le spectacle (le seul qui a lancé son bouquet depuis le podium)…..et il sera mon deuxième selfie :


 (le seul, aussi, des élites à avoir tout le temps gardé le magnifique chapeau madérin offert aux 10 premiers…..et qui va très bien avec le nœud papillon).

Et cette superbe journée concluait superbement cette course, surtout quand nous avons ensuite retrouvé Jean-Michel et Maria au marché local de Santo Serra, dans une ambiance typique d’un dimanche après-midi lusitanien (on passe l’après-midi à manger et on n’oublie pas de boire un coup ensuite pendant 1 ou 2 heures aux bars du marché).

Et je ne vous dis pas le nombre de ponchas offertes quand on devient un genre de gloire locale avec sa jolie médaille :

 

 

                                                                                                                     

OBRIGADO !

21 commentaires

Commentaire de Stéph le givré posté le 05-05-2019 à 06:52:05

super récit Christian, précis,on pourrait presque dire conscis,agrémenté par de belles photos.Vraiment heureux de voir que le genou te laisse tranquille et que tu puisses reprendre du plaisir. BRAVO pour ce podium.

Commentaire de Stéph le givré posté le 05-05-2019 à 06:52:06

super récit Christian, précis,on pourrait presque dire conscis,agrémenté par de belles photos.Vraiment heureux de voir que le genou te laisse tranquille et que tu puisses reprendre du plaisir. BRAVO pour ce podium.

Commentaire de TomTrailRunner posté le 05-05-2019 à 07:18:31

Et à la fin, on ne sait même pas comment va le genou.... Quand on l'oublie, c'est qu'il va bien 😁
Bravo donc au Mordor International Ultra Traileur

Commentaire de catcityrunner posté le 05-05-2019 à 07:40:06

Un beau récit qui constituera un incontournable pour ceux qui veulent préparer Madère! Bravo pour ta gestion et pour les belles photos !

Commentaire de Scoubidou posté le 05-05-2019 à 07:50:58

Bravo pour ta course et merci pour le récit, je me suis régalé à te lire.

Commentaire de yves_94 posté le 05-05-2019 à 14:00:04

Mon Dieu, quelle aventure ! Et quelle perf, plus jamais je n'essaierai de te suivre sur un MH, ou une kikouloop !

Commentaire de Tonton Traileur posté le 05-05-2019 à 14:00:26

Mais, c'est que ça donnerai (presque) envie d'y retourner c't'histoire là... Pas sûr que mes genoux apprecieraient, mais bon...
Je suis quand même déçu de ne pas avoir trouvé dans ton récit le nombre total de marches et autres escaliers de ce parcours de déglingos !?
Bravo aussi à Super-suiveuse, parceque certaines routes maderiennes, surtout de nuit, ça peut aussi être un tantinet choupinou...

Commentaire de Robineto33 posté le 05-05-2019 à 14:05:21

Super CR! C'est marrant j'ai ressenti pas mal de choses similaires...

J'ai suivi Sophie Clémont, qui m'a rattrapé, durant toute la montée vers pico areeiro puis chao da lagoa. On discutait, son mari et garçons la suivaient et ont fini par m'encourager également, très sympa.
Mais j'étais en sur-régime et j'ai du la laisser filer..
C'est dans ces eaux que j'ai eu un gros coup de moins bien jusqu'à Poiso, plus de jus et grosses crampes un peu partout, et même Portela avec 2 trééés long ravitos... Et que tu m'as doublé.
C'est fou le temps que j'ai passé à l'arrêt 😀
Sur la fin après Portela j'ai bien trottiné, dans les 8km/h et d'ailleurs je réduis un peu l'écart avec toi. Mais il est clair que tu as bien mieux géré la course.

La prochaine fois j'ouvrirai mieux les yeux pour repérer les casquettes rouges 😉

Commentaire de Benman posté le 05-05-2019 à 14:44:28

La perf est formidable. Le recit est encore mieux: de l'humour, du précis, bref, un concentré de Bubulle en grande forme. Et oui, c'est bien les binouzes sur la ligne!

Commentaire de bernard_belgique posté le 05-05-2019 à 15:19:53

merci pour ce récit, cela donne envie d'y aller :-)

Commentaire de Bert' posté le 05-05-2019 à 16:30:44

Quelle très belle histoire !
La preuve,
que les genoux en cartons ne sont pas forcément rédhibitoires,
que la Marche Nordique a toujours des bienfaits,
que Madeire est superbe,
que les fins de courses sont toujours une torture,
qu'un tel podium c'est classe et cool
Savoure longtemps cette escapade qu'il faudra que je découvre enfin un jour...

Commentaire de franck de Brignais posté le 05-05-2019 à 21:07:24

Elle a l'air sympa cette course ! Et tes superbes photos semblent bien confirmer qu'il s'agit d'une petite diag'... c'est tentant !!
Bravo pour ce super podium qui récompense une super gestion de course !!

Commentaire de Cheville de Miel posté le 06-05-2019 à 08:25:38

Superbe performance et super CR.
Content d'avoir pu partager quelques moments!
Finalement tu crains pas tant le vide que ça.
Reste a valider cela sur la Diag ;-)

Commentaire de L'Dingo posté le 06-05-2019 à 18:00:32


Un très beau (et long :-) ) récit illustré par des panoramiques paysagers de toute beauté de cette "mini ile de la Réunion" , voici comment qualifier ce CR.

s'y ajoute quelques anecdotes croustillantes de confrontation avec des
autochtones de la péninsule hispanique (prise dans son intégralité),
où tu fais montre de ton côté gentleman runner plutôt que d'envoyer des bordées d'injures afin de mettre les pieds dans le PLAT !
[ car on sait que le PLAT tu n'aimes pas :-))) ]

s'additionnent les moments de vie partagés avec ta super suiveuse et un groupe d'irréductibles kikous ( d'ailleurs j' ai découvert que loiseau et ses amis étaient aussi de la partie pour t'encourager bruyamment sur la fin de course :-))

Bref une bien belle aventure qui nous est contée.

Commentaire de PetitManseng posté le 08-05-2019 à 10:22:25

Un grand merci pour ce beau récit très détaillé et imagé et un grand bravo pour ta course. Une sacrée perf! C'est avec délectation mais aussi un pincement au coeur que j'ai lu ton récit hier soir: Je devais être présent sur ce 85km mais pour des raison extra-sportives, j'ai du annuler début Mars mon séjour à Madère et ma participation à cette course. Ce compte rendu me sera très utile un jour pour préparer une future participation.

Certains l'on déjà dit, mais sur certaines photos, la ressemblance avec certains paysages de la Réunion est saisissante. Qu'est -ce que j'aurais aimé être là, surtout avec cette superbe météo!

La fin de ton récit m'a bien fait rire. Etant un coureur aimant bien le roulant tout plat, tu m'as presque convaincu que cette dernière section est terrible pour le mental. Je pense que ce final interminable aurait vraiment fini par me saouler :-) !

Commentaire de fmgm posté le 10-05-2019 à 10:09:00

Merci merci pour ton beau et long récit ! Avec les photos j'ai eu l'impression de refaire ma course au milieu de ces incroyables paysages. Vraiment une très belle course.
Je suis bien content d'avoir fait ce petit bout de chemin avec toi et surtout d'avoir évoqué le sujet NOUILLE à l'Origole 2014 :-))
Encore une fois BRAVO pour cette superbe perf ! Bom trabalho !
Un passage de jour sur la Vereda do Larano nous aurait fait oublié la platitude du final ;-)

A bientôt (peut être sur la colline d'Elancourt)

Philippe

Commentaire de sevi posté le 19-05-2019 à 21:39:24

Génial ton récit, je suis quitte d'écrire le mien, du coup :-)
J'ai aussi été dépassée par le zigoto à musique, c'était la disco, un vrai poison, je l'ai insulté autant que toi (il aura au moins appris quelques mots de français avec nous deux), encore un peu et je lui dévissais la tête, non mais!
Qu'est-ce qu'elle était longue cette dernière levada, j'ai vraiment cru que je n'y arriverais jamais...
Question: est-ce que tu as aussi vu cette chèvre assise dans l'herbe juste à côté du sentier dans la descente sur Machico ou c'était une hallucination?
On a peut-être couru ensemble, je termine en 15h, tu n'étais pas très loin. Aussi à la remise des prix le dimanche du coup ;-)

Bonne suite de saison à toi

Commentaire de bubulle posté le 20-05-2019 à 23:24:46

Ah, merci Séverine pour le commentaire!

Au vu des temps, on a du effectivement être en même temps à Curral où tu es arrivée quelques minutes avant moi. Mais ensuite, tu t'es bien envolée.

Et, du coup, bravo pour ton podium à toi aussi! On aurait su, j'aurais fait un deuxième selfie avec une gloire du trail suisse...:-)

Peut-être à une autre fois, alors!

J'attends donc le récit avec impatience....

Commentaire de Spir posté le 03-09-2019 à 23:08:23

J'avais envie de me faire une petite soirée récit, et ben je n'ai pas été déçu en lisant celui-ci. Quelle belle gestion de course (de la part d'Elisabeth aussi, parce que ça doit être quelque chose les routes locales...) ! Le résultat est impressionnant, les rochers locaux doivent se souvenir de tes plantés de bâtons !

Commentaire de akunamatata posté le 07-07-2021 à 09:22:28

Toujours aussi précis dans la retranscription des récit Bubulle, on s'y croirait vraiment, merci

Commentaire de bubulle posté le 22-04-2023 à 21:58:16

Quatre ans après, je relis la fin de mon récit : " J’étais littéralement épuisé, le souffle extrêmement court pendant de longues minutes. Pas mal partout, non. Juste incroyablement essoufflé, probablement à cause de la difficulté à avancer et de la pression que je me suis mise pour avancer à une vitesse « décente »."

Eh bien non...la suite a prouvé que c'est probablement lors de cette course à Madère que sont apparus les premiers symptômes de ce bloc atrio-ventriculaire, anomalie cardiaque qui me vaudrait l'implantation d'un pacemaker 2 ans 1/2 plus tard.

Un peu paradoxal car cette course restera certainement toujours une de mes meilleurs courses, sinon la meilleure....alors qu'elle sonnait le début d'une autre phase de ma "carrière" de coureur.

4 ans plus tard, tout est revenu à la normale, mais le bonhome a un peu perdu en performances, quand même.

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