Récit de la course : La 6000 D 2006, par Gibus

L'auteur : Gibus

La course : La 6000 D

Date : 30/7/2006

Lieu : La Plagne (Savoie)

Affichage : 3210 vues

Distance : 55km

Objectif : Pas d'objectif

4 commentaires

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La haut sur la montagne, y avait un vieux glacier

 

La haut sur la montagne, y avait un vieux glacier 

C’est décidé, je la refais. Ce n’est que quelques semaines avant le départ, que je m’engage pour la 6000d. Malgré tout, je me suis préparé sur du tout terrain, principalement en descente mais ce n’était pas pour La Plagne. Me voici donc de nouveau à Macöt en ce dimanche matin près du lac. Retrait du dossard avec un sac bien fourni, revue, dvd, bob, pub. Tout le monde se dit bonjour, pas trop bien réveillé ou anxieux de ce qui nous attend. De retour à la voiture de l’autre côté de la voie ferrée, je rencontre Georges qui me demande combien de temps on met à recourir après une telle épreuve. Je lui sors le dicton qui tue : la 6000d c’est 55 kilomètres, il faut 55 jours de récup. Il pars pour la gagne en vétéran. C’est qu’il est costaud notre Georges. Bon camelbak ok, sparadrap, vaseline, double nœuds, barres énergétiques, gels, c’est parti on se décide à quitter la voiture pour le compte avec un pincement au ventre. Je retrouve sur l’aire de départ Eric et René toujours déguisé avec son hamburger sur la tête. Nous rentrons dans le sas. On ne dit pas grand chose, on est concentré, craintifs, il n’y a pas de frimeurs. A 8 heures c’est le départ pour nous les géants. Eric avait décidé de partir vite pour se défaire du monde avant la montée. René et moi suivons sur cette piste en faux plat descendant le long de l’Isère. Il fait chaud et Eric a hâte d’être en haut pour avoir de la fraîcheur. René klaxonne avec son jouet pour chien et fait rire la compagnie. Nous montons enfin ou déjà, je sais plus, et nous marchons par intermittence. Très vite nous ne courons plus car c’est un mur qui nous attends. Tout le monde s’éclate à la queue leu leu et c’est un grand serpentin essoufflé qui s’étire le long du parcours. Je tiens le rythme assez soutenu de mes deux compères. Ils taillent la bavette avec d’autres coureurs en les assommant avec leurs dires. Ils font la 6000d en préparation de l’UTMB, le tour du mont blanc, donc là ils ne sont qu’à l’entraînement… Je lâche un peu prise car ils vont trop vite pour moi. Nous marchons pas mal dans la boue et les pierres sont glissantes. Les orages des derniers jours, sans doute. L’altitude se fait bien ressentir maintenant et je ralenti encore. Une fille me double, des spectateurs l’applaudisse, 11° dame c’est bien. Purée, il y en a 10 devant moi. Chapeau bas. Arrive le téléski des Bouclets, puis la longue montée vers Aime 2000. Elle est dure celle là. Des gens nous encouragent. C’est sympa. On redescend vers le 1° ravito à La Plagne centre. Aïe mes jambes. Le changement de rythme est dur et des paquets de coureurs et coureuses me doublent. Je bois quelques verres d’eau vite fait et je repars. Pas le temps de mettre ma tournée. Le parcours est roulant et nous reprenons des allures de coureurs normaux. Nous remontons dans la verte. Un gars nous encourage assis dans l’herbe. Mais c’est Dominique Chauvelier ! Il a couru la veille le mini trail. Je ne l’avais pas reconnu au début. Nous entendons des Hé Ho, Ho Hé venus de nulle part dans les hauts de la montagne. Une fille me rattrape. Elle me demande l’estimation du temps final par rapport au passage du glacier. Je lui dis que pour 4 heures en haut, ça fait du 7 heures en bas à peu près. Je ne dois pas être trop loin du compte. Un petit coup de rein et nous arrivons au magnifique lac des Blanchets. Mais qu’est ce qu’il a ? Il est presque à sec pour travaux, dommage. Nous le contournons et dans la montée, les ombres des coureurs précédents, qui sont dans les lacets plus hauts, nous ôtent à notre rêverie de ce magnifique site. Encore des encouragements de spectateurs. C’est génial çà. La roche de Mio est là, bien plantée devant nous tout là haut. Et là, c’est le drame, je n’avance plus. Deux crampes simultanées m’immobilisent les jambes. J’ai deux poteaux à la place des quilles. Je me masse et je repars pas fier et inquiet pour la suite, il n’y a que 3 heures de course. Je m’étais dit que si je n’étais plus avec Eric et René à cet endroit, j’irai tout droit vers la roche de Mio en coupant les virages. Mais vu mon état, je refuse l’obstacle et je suis tranquillement le chemin moins pentu que cette montée à 50 pour cent. La roche de Mio avalée, c’est la descente vers le col de Chiaupe et je profite du spectacle grandiose qui s’étale devant moi tel une carte postale 16/9°. Je cours, je vole. Je m’arrête. Une crampe revient à la charge. Je me masse et en rien de temps elle repart. Eh ! C’est que je suis devenu expert en massage moi. Bref, remplissage du camel au 2° ravito au col et c’est reparti pour la montée infernale vers le glacier. Des coureurs nous croisent. Ils nous ont mis 10 bornes dans la vue et le glacier aller retour en prime. C’est l’escalade pure et dure. Des pierres roulent, venues d’en haut. Les rolling stones sont là. Ah ah ah ! Attention quand même en dessous ! Je monte comme un mouflon et j’arrive en haut en 4h33’. Bon les 3 premiers de la course sont déjà arrivés à Macôt, un belge, un ukrainien et un anglais, mais je tiens ma victoire. On traverse une partie du glacier qui recule d’année en année. Je prends un peu de glace dans les mains. Brrrou, elle est froide. J’aperçois le chapeau hamburger de René là en haut du télésiège de la Traversée, point culminant de la course à 3050 mètres, il a une petite dizaine de minutes d’avance sur moi. Eric ne doit pas être loin. Je ne me suis pas fait tellement larguer que ça finalement. Bon le plus dur reste à faire contrairement à ce qu’on pense. Il faut redescendre. Terrible cette descente du glacier, de la pure glisse. Attention chute à l’arrière. Voilà, je me retrouve sur mon séant. J’ai eu chaud à mon poignet. Réflexe qui aurait pu me coûter cher, juste à côté d’une ardoise coupante. Je repars plus prudent encore. Beaucoup de coureurs me doublent. J’en reconnais certains que j’avais grattés dans la montée. On croise des coureurs à qui ont à mis 10 bornes à notre tour et qui vont affronter le glacier. Ils vont être un peu juste pour finir sous les 10 heures, chrono limite en temps. Retour au col de Chiaupe. J’en profite pour déchausser car j’ai de la caillasse dans les godasses. J’ai les mollets tout gris. Un coup de boisson énergétique et c’est reparti pour la descente. Le circuit bifurque à gauche tout d’un coup. Faut être vigilent, puis c’est la partie un peu tactique où l’on choisi son chemin parmi plusieurs parallèles qui mènent tous au Dérochoir. Un petit coup d’eau au chalet de Caroley et c’est la montée de 300 mètres de dénivelé vers le col. Des chèvres empruntent le chemin et nous barrent un peu la route. C’est vraiment le top nature ici. Un petit regard vers le lac de Caroley en contre bas. Un couple de coureurs s’arrêtent même en s’asseyant dans l’herbe pour contempler le spectacle grandiose mais aussi pour faire une pause. Elle est dure cette côte, en plus on voit le haut du télésiège, sommet de la dernière montée de la 6000d. Je suis toujours dans les temps pour moins de 8 heures mais je sais que le plus dur est à venir : les terribles descentes de Bellecote et des Tuilles. Une petit vingtaine de minutes dure pour les jambes. On se retient dans les prés et les cuisses chauffent. On évite les fientes des Tarines, les vaches locales, puis le final, encore plus pentu, nous amènent à La Plagne Bellecote, 4° et dernier ravito. Je ne traîne pas, j’ai une heure d’avance sur l’année passée, cool. 2 minutes d’arrêt et je repars toujours avec les mêmes coureurs. Une partie passe par le route et nous retrouvons le sentier. Ca remonte de nouveau et tous les coureurs marchent. Certains sont surpris. Eh non ça ne descend pas jusqu’au bout. Le chemin se rétrécit et nous rentrons dans un sous bois. Je laisse mon compagnon de route passer devant car je garde mes forces pour le final, lui dis je. On passe sur des palettes en bois. C’est humide par ici. Dernier point d’eau aux Tuilles. Je remplis à nouveau mon camelbak, purée qu’est ce que j’ai bu. Faut dire qu’il a fait chaud. Allez c’est parti pour le tout schluss final. 5 bornes d’un chemin à 20 pour cent qui coupe la route en lacets. Faut des jambes, et j’en ai, j’en ai gardé sous mes trails. Un concurrent prend un bâton pour amortir les chocs. Il le balance plus loin. Ca ne sert à rien. Faudrait un parachute presque. Ca devient terrible. Les passages sur route ne sont que des brefs répits. La désescalade s’empire. J’ai pas mal aux jambes, j’ai pas mal aux jambes, j’ai pas mal aux jambes. Non, c’est cool. Allez on allume le dernier étage. Je passe devant les lavoirs sans m’arrêter. Tans pis pour l’eau fraîche. Je rattrape le parisien du dernier ravitaillement. Que c’est long. Suis moi. Il n’en peux plus. Je suis au taquet. Ca sent l’écurie. Il doit rester 2 bornes et je regarde ma montre sans cesse. Je rattrape un autre coureur, bordelais celui là. Ah t’es là, me dit-il. Allez on rejoint la route. Reste pas grand chose. On les tient peut-être les 8 heures. Et là ça va être le show final. Tous les deux, on va se la terminer cette 6000d à donf. On dévale la route finale. Je regarde sans arrêt le chrono. Ca va être short. On double pleins de coureurs. On entend la sono. On voit les voitures garées. On voit la voie ferrée, le lac. C’est génial, je vais faire moins de 8 heures. Je ne vois plus personne autour de moi, alors que c’est blindé de monde qui se baigne. Certains m’encouragent. Il doit y avoir Eric et René. Je ne scrute que la ligne d’arrivée et le chrono. Ca y est. Le speaker prononce mon nom. 7h56’13. Méga cool. Je m’affale à l’ombre. Le bordelais est content aussi. Merci pour le final, m’envoie-t-il. L’ambiance est cool. Le parisien arrive en 8h01’. Dommage. On perd vraiment beaucoup de temps sur la fin. Appuyé sur les rambardes assis près de l’eau, je savoure, mes yeux me picotent de bonheur et de fatigue à la fois. René ne m’a mis qu’un quart d’heure. C’est donc bien lui que j’ai vu tout la haut sur la montagne. Eric a pété le chrono avec 6h37. Il est prêt pour le tour du Mont Blanc. Georges a abandonné comme 50 autres. 504 arrivants seulement et j’en suis. Les descentes vont être dures à oublier pour les cuisses, mais l’esprit restera marqué à jamais.

4 commentaires

Commentaire de Kiki14 posté le 12-08-2006 à 20:57:00

super ton récit Gibus ....merci a toi
j'en ai lu un aussi aujourd'hui dans le forum "normandiecourseapied" qu'était pas mal non plus....

Commentaire de titifb posté le 13-08-2006 à 12:45:00

Un seul mot, "Bravo" !
titifb

Commentaire de riri51 posté le 15-08-2006 à 14:34:00

Félicitations!!!

Commentaire de Yannael posté le 16-08-2006 à 22:31:00

Quelle course ! Et très beau récit : on s'y croirait. Bravo !

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