5Marcus1 a écrit:L'autopsie a-t-elle livré son verdict ?
Oui, le jeune traileur est bien mort à cause des blessures reçues de la part de l'ourse JJ4.
JJ4 avait fait l'objet, à la suite d'une attaque précédente, d'une autorisation à l'abattage : elle devait être éliminée. Des associations ont fait recours, elles ont gagné, la suite est connue.
Il y a une nouvelle autorisation à l'élimination de JJ4 et MJ5 (un mâle suite à une attaque début mars 2023), les recours auront lieu, etc. mais le problème restera, car il n'est pas que lié à la malchance d'une rencontre fortuite avec un exemplaire agressif.
Les ours du Trentin se multiplient à la suite d'une ré-introduction d'ours slovènes, ils créent de nombreux problèmes du fait de leur nombre trop important par rapport au territoire. La Slovénie vient d'annoncer une "réduction" du nombre des ours présents sur son territoire de 230 unités au moins.
5Marcus1 a écrit:J'adhère donc au discours d'eha, le compromis est la solution, de la prévention des populations nouvellement confrontées aux prédateurs, des vrais moyens de protection sans pour autant tuer, des compensations aux éleveurs, etc
En ce qui concerne le loup, le grand prédateur que je connais mieux, et dont l'expansion a été favorisée,
il n'y a pas de vrais moyens de protection, les données officielles françaises indiquent que l'énorme majorité des attaques (90%) ont lieu sur des troupeaux protégés (ce qui est logique : toutes les aides sont liées aux moyens de protection mis en place).
Le plan loup français, outre les aides à la protection, les remboursements en cas de prédation, prévoit le contrôle du nombre de loup (19% de la population est "contrôlée" chaque année - comprendre éliminée-).
Au-delà des aides, qui n'arrivent jamais à 100% des besoins qui se créent (par exemple,
un berger salarié rendu nécessaire dans des zones où il ne l'était pas, est remboursé sur la base de 35 heures par semaine... mais les brebis vivent 24h00 par jour et les loups aussi!) , les données des abattoirs ovins indiquent que, dès qu'une meute s'installe, la productivité des troupeaux de la zone baisse de façon significative.
Si le loup est là, les attaques existent et sont dommageables, point.
Bref il s'agit d'une contrainte psychologique et économique énorme qui porte sur une activité essentielle à la nature : l'agro-pastoralisme. Certains paysages et traditions à cet égard sont inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco.
https://whc.unesco.org/fr/activites/818/C'est ça LE truc. Les personnes et les activités qui subissent le poids des nuisances des grands prédateurs, ce ne sont pas les usines chimiques, les villes de plus de 100.000 habitants ou les aéroports... mais des activités en contact étroit avec une nature et un environnement qu'elles contribuent à façonner, entretenir, et aussi
protéger.
5Marcus1 a écrit:Je parle certainement comme un citadin (que je ne suis pas, mais je ne suis pas montagnard donc je dois être classé parmi les romantiques) mais comme tous les sujets, celui-ci demande une réponse nuancée et appuyée (mais en est-on encore capable vu que maintenant il faut toujours être pour ou contre)
Quelque part, on est tous citadins, ou presque... Mais en Europe, la nature est aussi habitée, et c'est quand même super curieux que l'on considère un berger et son troupeau plus "nocif" pour l'environnement qu'un type qui va bosser en métro pour Buygues, qu'on fasse porter le regard critique sur les communautés rurales peu peuplées et pas sur l'énorme empreinte rendue nécessaire par notre civilisation urbaine dans son ensemble.
En Italie d'où j'écris, l'autorisation d'abattre 2 ours par la région Trentin soulève un tollé sans nom, or dans la ville proche de chez moi on élimine les rats des villes, là où je vais à la mer l'été il y a des désinsectisation de moustiques, et là ça passe crème.
Il ne faut pas oublier que les grands prédateurs sont aussi les fruits de la mauvaise conscience citadine : on veut faire quelque chose pour la nature alors on ré-introduit... mais sur place, le besoin ne se faisait pas sentir, bien au contraire.
Le thème n'est pas le danger réel, en espérant que la famille du jeune ne lise pas ces mots qui pourraient apparaître sans capacité d'empathie, car tous les ours des d'Europe ne feront pas autant de morts que les avalanches du week-end dernier, mais la cohérence/incohérence de nos visions des enjeux des problèmes. Notre rapport collectif à l'environnement est problématique, mais l'envisager uniquement de façon symbolique autour de quelques gros animaux serait le traiter principalement pour alléger nos consciences. Cela ne serait pas une solution, mais au contraire et à bien des égards un problème...
Par exemple, a-t-on conscience qu’être en faveur des grands prédateurs c'est favoriser l'élevage industriel?
Le dialogue est extrêmement difficile sur ces thèmes, aujourd'hui tout est conflit, prises de position enflammées pour ne pas dire 'flame' tout court. Mais il me semble que l'on ne peut envisager un rapport plus sain à l'environnement en augmentant les tensions entre univers citadin et monde plus rural.