L'auteur : c2
La course : Grand Trail du Nord - 142 km
Date : 3/10/2009
Lieu : Dunkerque (Nord)
Affichage : 3047 vues
Distance : 142km
Objectif : Pas d'objectif
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L’affaire commence par un problème de positionnement géographique et de mémorisation. Quand j’avais dit autour de moi que j’allais faire un trail entre Leffrinckoucke et Wambrechies mon voisin fort en géo avait bien compris que ce n’était pas en Bretagne mais n’avait pas été au-delà dans sa réflexion. Le visage de mes potes coureurs s’était beaucoup plus éclairé, et je m’en excuse pour les locaux, quand j’avais traduit la donne par en gros « une balade » entre Dunkerque et Lille.
16h : Une bonne centaine de traileurs regardent tous vers l’est sur cette immense plage du départ avec l’activité portuaire de Dunkerque bien visible dans le dos. Mais pourquoi vers l’est alors que la direction globale de course est au sud ? Ben, d’abord parce qu’on part à l’est, direction la Belgique mais surtout à cause d’un bon p’tit vent dans la tranche 80/90km/h qui nous nettoie la peau du dos au karcher à sable.
Le début c’est clair, c’est 2 p’tites heures de Trans’Aq dans les dunes. Plage, sol ferme, flux de sable qui fait disparaître nos chaussures dans une mousse blanche pulvérulente. Virage au blockhaus. On rentre dans les terres, si l’on peut dire. Petit train de coureurs dans ce magma froid où le risque de laisser pas mal d’énergie est bien grand. Avec un petit déballisage sauvage au passage. Toujours aussi intelligent. Les tenues des coureurs sont les seules taches de couleur dans ce fond de tableau flamand qui se décline exclusivement en blanc et gris.
Deux blouses blanches de l’hôpital maritime de Zuydcoote nous regardent passer, incrédules. Dans ce week-end local je me retourne déjà à la recherche de Robert Merle, d’Henri Verneuil et de Jean-Paul Belmondo. Pas encore assez de manque de sommeil pour me faire mon cinéma. Les flashs viendront plus tard, peut-être.
Bray-Dunes, ravito sauvage par le syndicat d’initiatives. Bonne initiative. Quelques promeneurs, pas surs de bien tout comprendre. Dune Marchand, dune du Perroquet. Et coco, ne le répète-pas mais « quand est-ce qu’on sort de cette mélasse ? ». Enfin du dur. Traversée de route. Arrière de Bray-Dunes. Longue rangée à la queue leu-leu sur le trottoir de traileurs assis par terre qui vident consciencieusement leurs pompes de ce sable ultra fin et blanc qui pénètre partout. J’ai même l’impression d’en avoir dans mon mini-sandwich que je m’enfile en temps masqué. La colonne de voitures bloquées attend juste à côté. Deux mondes s’observent.
Progressivement on prend ouest et on entre dans cet énorme ventilateur qui a bien décidé de nous montrer de quoi il est capable. Juste pour un avant-goût. 2 bonnes heures de courses, un peu avant Ghyvelde, premier contrôle, CP1, Wouters, vainqueur de l’an dernier me passe avec un petit mot sympa. Ne suis-je pas parti un peu fort ? En fait rien de cela. Il n’est pas du tout à sa place. Le pauvre a eu quelques problèmes dans les dunes et remonte son retard. Ma coach préférée m’attend.
Encore vers l’est pour venir butter sur la frontière belge dans le parc naturel de la dune fossile. Très sauvage. Même si Schengen est passé par là, on sent la frontière bien présente dans le visuel. On la longe un peu.
Puis ça démarre doucement pour la mise-en-plis d’ouest et les yeux larmoyants que les seuls brins d’herbes du paysage ne peuvent arrêter dans ce parc naturel des Moëres. Tout est plat, brut, lugubre, sauvage. Le vent hurle, pleine poire.
Les coureurs, mais peut-on encore parler de coureurs, plutôt de crabes, déjà bien éparpillés sont presque invisibles dans cette immensité. Quelques glaneurs de pommes de terres hyper motivés au loin, des joncs au battement frénétique, des rigoles glauques, quelques affuts au gibier d’eau. La nuit approche. De discrets repères du GTN, presque indécents dans cette scène. Une vraie nature. C’est tout simplement beau.
Traversée de Kromen-Houcke. Je prends l’illuminée église de Warhem dans le lointain de cette morne plaine pour celle de Bergues. J’encaisse bien en comprenant mon erreur. La course ne fait que commencer. Bergues, CP2, 38km, jolie ville ceinte de remparts. Pose assise au stade au chaud en regardant quelques relayeurs se diriger vers les douches, devoir accompli pour eux.
Sortie de Bergues. Encore tout émoustillé par la charmante gendarmette qui a bloqué un rond-point pour moi tout seul je loupe un gauche à 90° pas évident. Quand on les loupe, par définition, ils ne sont pas évidents. Sinon ça voudrait dire qu’on est mauvais !!! Insupportable. 500m plus loin un carrefour. Je ne le sens pas, mais pas du tout. La pression monte. J’épluche le road-book. C’est clair j’ai loupé quelque chose. Demi-tour. Et là, le messie arrive, par hasard, en voiture avec multiples gyrophares. Un brave de l’organisation qui me remet au plus vite sur les rails. J’apprécie au plus haut point.
J’avais raté la première édition de 2008, un mois après un nouvel UTMB, trop juste pour la récup. Mais j’avais bien retenu la date pour 2009. Je ne le regrette pas. Des remarques ont été prises en compte. L’heure du départ, le nouveau et superbe lieu d’arrivée, un parcours retravaillé et puis somme toute une météo, vu la saison, qui n’est pas si défavorable que cela. Mais ca, ca ne se commande pas. Je suis parti en bas court et le garderai jusqu’au bout. Evolution en pleine nature. On frôle Socx puis Esquelbecq. Décidemment pas facile à mémoriser ni à écrire ces noms de villages locaux. Sud de Wormhout, CP3, 54 km. Quelques bancs, une tente, accueil charmant, un potage chaud et basta. On enquille maintenant plein sud mais pas nécessairement au plus court.
Traversée d’une « rivière », on parle ici de « becques » version raid28 puis herbes bien hautes et grasses, piégeuses à souhait, aux appuis incertains avec de nombreux zigs et zags en lisière de haies et de champs aux labours bien gras. Quelques bonnes rincettes m’obligent à mettre le coupe-vent puis à l’enlever, puis à le remettre. Mais heureusement cela ne dure pas. L’approche de Cassel est faite de montées et descentes avant d’atteindre son très beau centre ville totalement désert, vers 2h15 du mat un peu normal tout de même puis son petit ravito CP4 au pied du moulin.
On redévalle la bosse par de petits passages anciens, quelques pavés pour glisser via le mont des Récolets assez vite à travers chemins et petites routes de campagne vers Terdeghem, CP5, 75km, lieu du départ du « semi », Raid 59 nocturne, qui a été donné, ici même, il y a trois bonnes heures à minuit.
Deuxième partie de nuit. Le ciel se déchire brièvement de temps en temps. Les pupilles habituées depuis plusieurs heures à l’obscurité sont sensibles au moindre photon qui passe. J’ai alors l’impression que ma frontale s’éteint, tellement la pleine lune prend le dessus. Godewaersvelde, 85km, peut-être le plus dur à trouver ce CP6. 15 mn de pause bien méritées. Ma coach est toujours là, de saut de puce en saut de puce. Je repars en chantonnant un air du géant Raould à l’assaut du mont des Cats. 164m. Cela peut porter à sourire mais dans ce paysage, ca se remarque de très loin. Ca fait un bail que cette immense antenne me nargue. La cloche de l’abbaye des moines Cisterciens Trappistes du sommet sonne. Un appel à une prière du tout tout petit matin ? La montée en plein bois ne me fait réapparaitre cet immense pylône qu’au dernier moment. J’en suis presque au pied. Une étrange couleur orange domine tout son environnement. Les gamelles de renvoi d’ondes posées au pied sont énormes. Bascule rapide pour enchainer sur le mont noir. Faut bien les avaler les 1000m de dénivelé. Lueurs de l’aube. Enfin. Cette nuit d’automne a été fort longue. Il n’a rien fallu lâcher en vigilance sur le parcours à suivre entre rubalises, marquages au sol et flèches indicatrices.
Si le gris sera la couleur dominante de cette épreuve pour le paysage, cela sera un festival de couleur pour l’accueil sur le reste. Sur les CP et ravitos, sur le retrait des dossards, sur le final et puis avec tous ces gens croisés durant l’épreuve et ce week-end. Du direct, du franc, du sans chichi, d’homme à homme. Des vibrations qui donnent envie de revenir, d’en savoir et d’en découvrir plus.
Bailleul, les coureurs du marathon qui partira à 9h30 s’échauffent. Ils ne sont pas très nombreux. 106 km dans les chaussettes pour moi et j’ai envie de dire, plus que 37 bornes. Une paille !!! Pas nécessairement la plus facile. Mais pourquoi faire si long ? Je fais une proposition : Mettez à la diète un lot de coureurs avec un peu d’eau sucrée comme seul aliment pendant un jour, faîtes leur faire une nuit blanche en les laissant sous température fraîche, et lâchez-les ensuite sur un marathon. Ils auraient alors l’impression de finir un ultra !!!!!!!
Croisé de grappes de cyclos club qui mènent bon train. Salut amical. Je vole quelques remarques. Ils sont au courant de l’épreuve. Le vent est tombé. Le soleil prend parfois le dessus dans ce dimanche qui démarre.
Une rame mi train mi micheline me double doucement dans ce long cheminement en bord de ballast. Les dessous de pieds chauffent de plus en plus. Le rendement s’en prend un coup. Entrée de Nieppe, pose sur un banc. 5mn pour gérer un énorme coup de mou, yeux fermés, tête dans les mains. L’orage passe doucement. Pont de Nieppe, à gauche toute, début du canal, rive droite. La Belgique est au milieu de cette frontière liquide. A la porte d’Armentières, les enfants du pays, Dany, né ici ou Line vont-ils surgir pour m’indiquer le chemin et me soutenir sur ce dernier semi?
Ces dernières bornes le long de la Deule me rappellent le final de l’Intégrale de Riquet de début juillet le long du canal du midi. Seules différences : Là, il fait jour pour moi et il y a beaucoup plus de monde en ballade dominicale. Ca stimule plus. Parfois je marche sur la gauche du chemin. Le revêtement me semble plus doux pour mes dessous de pied. J’ai du mal à le faire comprendre aux piétons que je croise, qui insistent pour qu’on se croise par la droite. Habitude occidentale.
Mon aîné me phone et me donne mon heure future d’arrivée qui aura lieu dans 2 heures !!!
Le logiciel de suivi live l’assure, si le mec ne faiblit pas. La prévision sera vraie à 1mn prêt. Plus la peine de courir aussi long. On teste sur 20 bornes et ensuite on extrapole le temps final !!!!
Sud de Deulement, CP9, le der des der, brève discute avec des bénévoles qui ont bien donné, eux aussi. Feuilles au sol, signe de l’automne qui s’installe. Il est temps de rentrer à la maison.
Marie s’invite sur ce final rive gauche à partir de Quesnoy. Comme dab, je n’ai plus trop envie de parler mais sa présence apporte énormément. On se comprend entre coureurs de long. Elle donne un rythme, un tempo métronomique, fort précieux sur ces 4 derniers kilomètres. Alors, il est où ce château de Roberstat. Wambrechies terminus. Nouveau et dernier changement de rive. Cour intérieure du château, tee-shirt vert pomme et suave soupe aux oignons pour moi en attendant que d’autres choses plus consistantes puissent être de nouveau acceptées par la machine.
« La course la plus longue du nord de l’Europe » dit l’organisation. Moi je dirais, tout simplement une bien belle épreuve, variée à souhait où il ne faut pas avoir peur de se retrouver seul très souvent. Mais n’est-ce pas parfois encore le meilleur moyen de l’apprécier et de s’en imprégner dans toute sa plénitude ?
Christian
Crédit photos : M. C., les serre-fils, Marc Barrier
4 commentaires
Commentaire de CROCS-MAN posté le 16-10-2009 à 15:54:00
Une belle ballade dans le grand nord, Bravo et Merci
Commentaire de robin posté le 16-10-2009 à 20:56:00
bravo ! merci pour ce CR fort bien illustré !
Cela m'a donné envie de découvrir une région encore inconnue pour moi !
encore bravo !
Commentaire de francois 91410 posté le 17-10-2009 à 22:46:00
Et oui ... c'est pas le plat pays ; l'ascension des monts de Flandres doit bien couper les pattes !
Merci Christian pour cette grande ballade nordiste...
Commentaire de Rag' posté le 18-10-2009 à 16:54:00
Beau CR qui me donne envie de m'y frotter à ce fameux GTN. Bravo pour ta course, apparemment, maîtrisée de bout en bout.
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