L'auteur : kailasa
La course : Annecime
Date : 11/7/2009
Lieu : Annecy (Haute-Savoie)
Affichage : 3737 vues
Distance : 80km
Objectif : Pas d'objectif
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3h15, samedi 11 juillet 2009, je tourne dans Annecy en vain à la recherche d’une place de stationnement GRATUITE. On est à 15 minutes du départ. Le bonhomme commence un petit peu à paniquer. Ah, une haie, quelques voitures, je fonce !!! Speed crémage des pieds (deuxième erreur de la journée ; et oui, une erreur a déjà été commise, cf la fin du cr…), et je fonce en guise d’échauffement vers le Paquier où doit avoir lieu le départ de l’Annécime. 3h27 : OUF !!! Je suis à l’heure… Le temps de me placer sur la ligne de départ, allumage de la frontale, et 5, 4, 3, 2, 1, c’est parti…
Me voilà au départ de mon premier ultra, 80km et 4853 mètres de dénivelé. Je pars un peu dans l’inconnu, je vais courir au feeling en essayant de gérer et d’éviter de me mettre dans le rouge. Petite pression personnelle quand même, puisque je fais là ma quatrième et dernière étape du challenge Salomon ; je m’accorde le droit de me rater un petit peu, mais pas trop quand même.
On est un peu plus de 300 furieux à nous élancer dans Annecy. Des noctambules (souvent sympathiquement éméchés) regardent passer cette meute de lucioles, parfois d’un œil hagard ou désinvolte, d’autres au contraire y vont de leurs petits commentaires ou encouragements ; un autre accompagne même le troupeau sur quelques hectomètres…
Départ rapide (comme pour un semi !!!), et départ piégeur pour les solos, puisque les relais 4 partent en même temps. Je choisis volontairement de partir vite, sans toutefois dépasser les limites du raisonnable. Et c’est sur ce rythme rapide que l’on s’extirpe de la ville et de ses lumières par des sentiers sombres et cachés. Puis tout à coup, le noir, la forêt…
C’est parti pour une quinzaine de kilomètres de grimpette à travers les bois, un slalom presque permanent entre les arbres qui nous amènera sur le Semnoz. Courir à la frontale est ludique, j’aime cette sensation d’un monde qui se limite à ce halo de lumière qui éclaire le chemin. Tout est focalisé sur ça, rien d’autre n’existe. Reposant… (quoique… pas certain que ce soit le terme approprié…)
Petit moment de poésie : sur quelques dizaines de mètres, un couloir de bougies nous montre la voie. C’est simple, c’est « touchant ».
Dans cette longue montée, chacun monte à son rythme, chacun se retrouve à sa place. Je double déjà ceux qui sont partis un peu vite, et me fait rattraper par ceux partis trop doucement. L’ordre des choses quoi… qui va connaitre très vite son premier couac…
Au milieu de la nuit, petit attroupement…Ca palabre… Il n’y a plus de rubalise… Demi-tour une fois… Demi-tour deux fois… Tiens… Mais qui voilà ? Pascal Giguet (le futur vainqueur) arrive sur nous, à contresens de ce que je pense être le bon sens. Il a l’air content de nous voir et nous dit qu’il tourne en rond depuis 15 minutes, et qu’un groupe est parti devant. Vu qu’ils n’ont pas fait demi-tour, on peut penser qu’ils ont trouvé le bon chemin. Un peloton de paumés se forme, et, quelques hectomètres plus loin, miracle, la rubalise réapparait. Pascal nous met de suite une mine. Est-il raisonnable d’essayer de le suivre à ce moment de la course alors qu’il doit rester 65 kilomètres ? Ma petite voix, tout au fond de moi, me répond par la négative… Je l’écoute.
Je prends la tête de ce petit peloton, j’imprime un bon rythme, prend un peu le large, et tout à coup, j’entends : « ooooooooh !!! C’est par là !!! » Oups, pas vu la bifurcation…
On débouche enfin dans les alpages, le jour se lève, c’est beau et agréable ; on est deux à passer détaché du petit peloton au crêt du Chatillon (1699m), en un peu moins de 2 heures, à 4/5 minutes de la tête de course. Je dois être 8ème à ce moment là.
Le début de la descente est un régal, roulant, herbeux, puis ça devient plus technique. Achille m’envoie un signal, il va falloir lever le pied et assurer dans les descentes si je ne veux pas terminer sur une jambe. Fin de descente tranquille, je me fais doubler… pas grave… et j’arrive au premier pointage à Leschaux (940m) en 9ème position, à 8minutes de la tête. Jusqu’ici, tout va bien…
Je repars, portion de route, personne devant, deux flèches au sol plus ou moins orangées. Je pars à droite, derrière, on me suit, je fais 200/300 mètres et j’entends : « ooooooh !!! C’est par là bas !!! » Re-Oups et un peu grrrrrr aussi…
Demi-tour, j’ai perdu 2/3 places…
Toute cette deuxième section du parcours (entre les kilomètres 22 et 40) est cassante, vallonnée et surtout casse patte. Je ne me souviens plus très bien dans les détails… Ah si, deux ou trois petites choses quand même…
D’abord, I remember le gentil monsieur avec la caméra qui pose plein de questions, et qui allait aussi vite que moi… Ce dernier point m’a un petit peu énervé…
Ensuite, me recuerdo d’un long single technique en descente (15 bonnes minutes de descente), avec zéro balisage. Seul au monde, personne devant, personne derrière… Bien sur, vu mon talent pour me perdre, j’ai attendu que ça revienne derrière ; c’est le bon chemin, je fais donc le mouton et suit bèèèèètement ; mais comme je suis mauvais descendeur, je me fais lâcher of course… Et re-seul au monde…Tiens, une rubalise… Puis plus rien, nada. Je me retrouve dans un village, seul au monde, encore et toujours et plus que jamais. Seul au monde ? Non… Non… Non… Car est perdu avec moi un ressortissant américain fort sympathique et encore plus désemparé que moi, car ne parlant pas français sinon pour dire « courage ! », « bonjour », « allez ! » et quelques autres mots de base du lexique du trailer moyen.
J’interroge donc un autochtone, une habitante bien aimable en l’occurrence.
Moi : - elle passe par là la course ???
L’habitante sympa : - non, pas du tout, c’est par là bas, et c’est loin !!! Vous n’êtes pas les premiers à passer par là. Courage !
Moi : Merci beaucoup Madame…
(Remarque : un trailer reste toujours poli, même lorsqu’il est très très très énervé)
C’est parti pour 2 ou 3 kilomètres de bitume pour rejoindre « the right way ». Je devise agréablement avec mon compagnon américain, sur la France, la différence entre les trails français et américains, le débalisage sauvage des « flags » (qui est apparemment aussi un problème sur les trails US).
Une fois retrouvé le parcours officiel, je serai peiné de quitter mon compagnon, qui grimaçait déjà en voyant la prochaine montée se profiler…
Troisième souvenir de ce deuxième tronçon, je rejoins deux concurrents hauts savoyards, et haut fait d’arme personnel, je les distance dans une descente. Je vole, je surfe au dessus des racines et cailloux, je suis fier, je m’enflamme… Euh… Voyons voir, ça fait un petit moment que j’ai pas vu de rubalise… Je m’arrête… J’attends… Personne… Oups (vous connaissez la suite)… J’ai bien entendu raté le petit chemin qui partait à droite… Frustrant, vous avez dit frustrant ?
Je rejoindrai plus loin mes compagnons et nous accomplirons ensemble le kilomètre de route qui mène de La Thuile à Doussard (450m), lieu du deuxième pointage et du ravitaillement. Il est presque 9h. 40 kilomètres officiellement parcourus (pour moi, plutôt 42…), 5h27, je suis 11ème. Tout en mangeant, buvant une bonne soupe et remplissant mon camel, j’assiste au départ du petit parcours (40km et environ 2800 m de déniv’).
Et je repars…
Un kilomètre de route et c’est la montée vers le col de La Forclaz (1150m). Montée qui doit passer en courant, mais je n’ai pas trop de jus, ce sera donc marche/bâtons rapide… Je trouve un peu lassante cette partie, certes ombragée, mais sans réels paysages. Tout change à l’arrivée au col : public chaleureux, le lac et ses scintillements et en face le magnifique massif de la Tournette. Je relance, et ça continue à monter ; je double pas mal de concurrents du 40. Mais petit souci : j’ai l’impression d’avoir un chalumeau sous la voute plantaire du pied gauche. Ca brule… Put… !!! Une ampoule… Je paye la deuxième erreur de la journée (le « speed crémage » pour ceux qui ont oublié !!!). Arrêt. Enlevage rapide de chaussure et chaussette, pansement « anti ampoule seconde peau » et… re-put… !!! Ca colle pas cette m…. !!! Fais ch… !!! (rappel : le trailer de base a le droit d’être impoli avec lui-même).
Je repars. Va falloir faire avec.
C’est maintenant que tout se complique… Je « courotte » jusqu’au au chalet de l’Aulp, et vu le temps perdu à cause de l’ampoule, je fais l’impasse sur le remplissage du camel (nouvelle erreur, mais on est plus à ça près) ; ça descend un petit peu avant d’attaquer la montée du roc de Lancrenaz.
Et là, le calvaire commence… A ce moment précis, l’état du bonhomme se rapproche de la dernière syllabe du lieu précédemment cité. Je ne suis pas bien. Mais alors, pas bien du tout… Plus de jus et devant moi, un mur… C’est d’un pas léthargique que j’attaque ces presque 400 mètres de dénivelé. Je me fais doubler… Encore et encore… Cinq pas… Un arrêt… Cinq pas… Un arrêt… Suis tout moooouuuuu… Mais qu’est ce que je fais là ??? Sommet atteint, péniblement, très péniblement… Début de la descente, le chalumeau dans la chaussure se remet en route. Arrêt. Doute. Aération du pied. Et une seule solution, ne plus y penser.
La descente qui suit, via le col de la Frête, poursuit mon chemin de croix. C’est très pentu, technique, j’exècre ce type de chemin. A mon passage, les nombreuses chèvres se moquent de moi… Et je me fais dépasser…
Heureusement, ça devient moins raide. Je me fais rattraper par un concurrent solo, on discute, je m’accroche, il joue comme moi le challenge. Tout va un peu mieux, les sensations reviennent petit à petit. Enfin, tout va bien, façon de parler... Tout irait bien si ma poche à eau n’était pas vide et qu’il reste 4 kilomètres avant le ravito. Pas sur que ce soit le moment de jouer au chameau, mais bon, il n’y a pas le choix. Manquerait plus que j’ai des crampes !!!
Bluffy (600m), kilomètre 60, 19ème en 9h26. Et c’est le ravito : je ne m’alimente pas, non, je me GAVE de diet food : chips, cacahuètes, saucisson, fromage… Coca, jus d’orange, et il est où le rouge ???
Je repars pour ce dernier quart de course revigoré et à l’attaque. Plus que 20 kilomètres et 1000 mètres de dénivelé. Je cours en ce début de montée. Je m’accroche derrière un « petit parcours »… Je rattrape du monde… Je reprends deux solos, et je rejoins mon compagnon d’avant ravito (lui ne s’était pas éternisé à la cantine). Je le distance un peu. Puis c’est le col des contrebandiers et la crête du mont Veyrier. Je fonce sur un terrain technique où je ne suis pas à l’aise. Je fonce et… oh oh !!!… plus de rubalise… Encore oups… « C’est par là ? OK ! Merci madame la randonneuse !!! » Je me refais dépasser par mon compagnon d’avant ravito, plus à l’aise que moi sur du « technique » et en descente. Derrière les deux autres solos ne sont pas loin !!! Il va falloir envoyer dans la dernière descente. Je me cale dans le sillage d’un concurrent qui semble bien connaitre ces sentiers, et je déverrouille le frein à main… Ca va vite… Je double « relais » et « 40 kilomètres » à foison. Peu à peu, je sème mes poursuivants. Mon poisson pilote me largue aussi. Et c’est la fin de la descente… On sort de la forêt et…
Et là… C’est irréel… Le changement de dimension !!! Retour à la « civilisation ». On se retrouve d’un coup au bord du lac, dans la foule ; partout sur les pontons, dans l’herbe, des gens lézardent au soleil, mangent des glaces, nous coupent la route, nous regardent comme des ovnis, nous encouragent…
J’ai un solo à 200 mètres devant moi !!! Motivation !!! Je fais les trois derniers kilomètres sur le plat à fond, aidé en cela par un nouveau poisson pilote qui me traine et m’encourage jusqu’à la ligne (merci à lui)… Je double le solo, l’encourage car derrière ils ne sont pas trop loin, et j’échoue à 100 mètres à peine de mon concurrent sur le challenge. 14ème en 12h04mn et 55s. Waou, content de mon final.
Après course sympa… Repas, rencontres, partage d’expériences… Et un retour à la voiture que l’on qualifiera d’épique vu l’impotence du bonhomme deux heures après être arrivé… Et sur ma voiture, bien calée sous l’essuie glace, la conséquence de ma première erreur de la journée… Le parking était payant…
Pour conclure, un grand merci pour tous les messages d’encouragements reçus avant et pendant la course (je pardonne à ceux qui confondent samedi et dimanche…). Et si je devais tirer un bilan de tout ça, je commenterai juste l’un de ces messages d’encouragement qui me disait de « prendre du plaisir »… Ai-je pris du plaisir sur cette Annécime ? Il y a eu un gros moment de galère, des passages un peu frustrants, de la souffrance, un peu de déception, une blessure… Ca n’a pas été 12 heures de plaisir, c’est clair… Mais cinq minutes après être arrivé, j’avais une chose en tête, déjà : me refaire une longue distance au plus vite, parce que… ces mauvais moments sont gommés par tout le reste, les moments forts, les rencontres, les paysages… Vivement fin aout la CCC !!!
8 commentaires
Commentaire de gilou01 posté le 16-07-2009 à 19:32:00
bravo pour ta course et ton rc a bientot sur la ccc
Commentaire de GrandSteaKikour posté le 16-07-2009 à 21:56:00
Waouuuuh, hé bien, quelle galère ... et avec tout ça tu finis en 12h00 ... clap clap clap ; bravo l'artiste !!!!
Commentaire de foxtrot posté le 16-07-2009 à 22:05:00
Bravo pour la perf mais comment fait tu pour te rappeler de 12 heures de course avec tant de details
resultat : super CR
Commentaire de gmtrail49 posté le 16-07-2009 à 23:34:00
Bravo pour cette superbe perf et merci pour ce CR plein d'humour et d'autodérision. Cette Annecime me fait vraiment envie...
A bientôt sur un trail.
JP
Commentaire de akunamatata posté le 17-07-2009 à 09:21:00
Joli recit, quel calme malgre la galere de balisage, pas evident de le prendre par le bon bout avec une belle place en prime ! Bravo
Commentaire de béné38 posté le 17-07-2009 à 15:35:00
Bravo Eric, et t'as pas fait de photos pour agrémenter ce super récit ???! :-)
Commentaire de maï74 posté le 20-07-2009 à 12:53:00
Chapeau bas pour la perf et aussi pour ce récit très bien écrit ! A+
Commentaire de Tilila posté le 01-08-2009 à 21:52:00
merci beaucoup pour ce bon moment que je viens de passer à lire ce récit:jolis mots et touche d'humour en plus! Vivement le prochain récit!!!
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