L'auteur : PHILIPPE9876
La course : Saintélyon
Date : 7/12/2008
Lieu : St étienne (Loire)
Affichage : 4107 vues
Distance : 69km
Objectif : Se défoncer
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Bonjour à tous,
----voici la suite l'histoire pour ceux qui ont lu mon récit du marathon de Lyon en 2006. Suite à une reprise de deux ans, je me confrontais alors pour la première fois à la distance mythique pour finir en 3h11. Le résultat encourageant me laissait quelques fourmis dans les mollets et une envie de reviens-y pour me confronter au mur des 3h00. Ce projet s'ajoutait à celui de réaliser ma première Saintélyon en fin d'année.
----Août 2006, 4 mois plus tard, mon carnet d'entraînement en témoigne encore, mes sorties s'enchaînent au rythme de 4 à 5 séances par semaine. Puis en septembre, des contraintes familiales s'en mêlent et je dois lever le pied.
----Lever le pied..., cela n'a pas de sens, ce sera tout ou rien, une constante chez moi.
----Je ne peux pas me contenter de 3 entraînements et j'arrête totalement la course à pied. En guise de rien je prends 10 kilos !
----Rapidement, je me sens mal sans mes baskets, mais à 37 ans, je commence à me cerner et à m'accepter tel que je suis. J'aime les challenges et les retours ne sont pas sans me déplaire... je m'enfonce un peu plus jusqu'à atteindre le fond. Je suis têtu et rien n'y fait, je reste campé dans ma rigidité.
----La mule, croisement d'âne et de jument (ou inversement) touche le fond. Mon amour-propre prend une claque lors de la participation aux 10km 2007 de St-Galmier. Une piqûre que je recherche pour enfin réagir. Je me confronte 7 mois après l'arrêt total de course à pied à une compétition que j'ai faite 1 an plus tôt. Equation simple..... pas d'entraînement et 10 kilos en plus grèvent ma perfomance précédente de 10 mn. Je souffre dans la dernière ligne droite et l'effet recherché est atteint.
----Le vaccin inoculé travaille lentement. Je laisse toujours le short au placard mais si mon corps dort encore, la flamme se ravive. Mes baskets finissent leur somme au mois d'août 2007. Je les chausse enfin... 10 km en 1 an... il va falloir battre le fer. La moisissure menace, l'embonpoint s'installe... en avant maintenant !
----Je profite de mon état d'esprit neuf pour m'inscrire dans le petit club de la cité baldomérienne. Une première réunion autour de beaux gâteaux...ça commence bien... et surtout des rencontres avec des passionnés de course à pied; un club à dimension humaine où chacun trouve sa place et où l'on sait attendre ceux qui sont moins en forme aux croisées des chemins.
----Avec mes charges professionnelles, je ne peux pas être de tous les entraînements et je participe autant que faire ce peut à l'élan collectif. Dès la reprise, j'engloutis avec joie 5 entraînements par semaine et mon corps encaisse sans blessure les 40 à 50 km hebdomadaires.
----Par palliés, les bourrelets s'estompent, je remonte vers la surface doucement mais inexorablement.
----Je ne participe pas aux courses régionales, j'attends d'être prêt. Je commets une seule incartade lors des lieues foréziennes en novembre 2007 où je me rassure avec 1h36 après 2 mois et demi de reprise. 10 mn de plus qu'en 2005 mais l'envie est bien présente et il me reste 1 an et 1 mois pour préparer mon objectif... la Saintélyon 2008, ses 69 km et 1300 m de D+.
----Je dévore avec plaisir mes 5 entraînements dont un fractionné court et un long, généralement 3 accélérations de 12 à 15 minutes après échauffement.
----Les séances de 30'/30' en club sont beaucoup plus réjouissantes que celles de 2005-2006 et les mois s'égrennent avec beaucoup de plaisir, les kilomètres s'additionnent sans jamais m'ennuyer. J'avale 60 km par semaine.
----En août, Sylvie me rappelle qu'il est temps d'attaquer les séances longues et je monte très vite d'1h15 à 2h00. Tout se passe pour le mieux... puis, plus progressivement, quart d'heure par quart d'heure, j'arrive à des courses de 3h00 au début du mois de novembre pour un kilométrage hebdomadaire de 80 km.
----Lorsque je dis que tout se passe bien, c'est sans compter une méchante lombalgie. Bien tenace elle me tient compagnie près d'un mois vers septembre-octobre. Impossible de courir correctement mais je ne baisse pas le rythme des entraînements. Seuls les fractionnés et la séance longue sont mis entre parenthèses et je continue à sortir 5 fois par semaine. Je porte parfois une ceinture lombaire pour m'épargner la douleur. Je ne peux pas attaquer la préparation physique sur laquelle je comptais et mes abdominaux attendent que mon dos veuille bien donner le feu vert. Je sais pertinemment que j'aurais dû commencer par la PPG pour prévenir les lombalgies mais j'engrange les expériences, bonnes et mauvaises.
----Le purgatoire passé, j'entame un travail important pour revigorer ce ventre en déficit de muscles. Je fais aussi beaucoup de gainage pour prévenir les sollicitations latérales des chemins et pour préserver mon dos.
----Les efforts se traduisent par la perte de quelques kilos et je retrouve mon poids de 2006. Mon dos est maintenant en béton... mais pas mes tendons.
----A 17 jours de la course je commets une nouvelle erreur. Le jeudi je fais une séance de 3 heures... j'enchaîne le dimanche par 1h00... pour reprendre dès le lendemain un footing de 3h00. Ce n'est pas par masochisme mais je veux absolument m'astreindre à une sortie longue par semaine et mes contraintes professionnelles m'empêchent de les espacer correctement. La seconde se passe bien et de fait, le mercredi, je me lance avec le club dans une ultime séance de 30'/30'. Après l'échauffement, les premiers fractionnés m'échauffent le bas des chevilles et me contraignent à marcher au lieu de trottiner durant les 30 secondes de récupération. Le mulet fait à nouveau parler de lui et plutôt que d'arrêter cet entraînement, le dernier en terme d'intensité élevée... je force et m'accroche aux camarades de club. Je souffre et mes chevilles aussi. J'attends bêtement 5 jours avant de tirer le signal d'alarme pour me rendre chez le médecin à 6 jours de la course... c'est totalement idiot !
----Diagnostique : deux tendinites... remèdes : interdiction de courir jusqu'à dimanche et anti-inflammatoires matin et soir. Je prie en sus mais le moral est en berne.
----Tout s'écroule, 1 an et 4 mois que je ne pense qu'à cette course et me voilà boitant à une semaine du jour fatidique. Inutile de me rebattre les oreilles qui bourdonnent de "à qui la faute... tu le savais bien... tu as trop forcé sur la fin... tu étais prêt"... je sais tout cela, je le sais... Je me morfonds toute la semaine...
----Les anti-inflammatoires ne semblent rien changer à mon affaire, les tendons se réveillent à la moindre station debout. Je tombe dans les cochonneries et reprends un kilo... je me rassure en pensant que les expérimentés du trail disent que ce n'est pas un problème.
----Je pense avec regret aux petits footings de 30 mn que je devais faire dans la semaine... je m'ennuie.... je mange. Le jeudi, je veux déjà tester mes tendons... je m'imagine à l'arrêt sur le bord de la route, dans St-Etienne, bardé comme un vrai traileur avec ma frontale vissée sur le front... et je n'accepte pas cette image. Je veux être renseigné sur mon état.
----J'enfourche mon VTT et je pédale tranquillement 30 mn dans la plaine du forez. Le haut des mollets monte en pression, une tension que je n'avais jamais eue auparavant. Les tendons chantent, les mollets déchantent.... gulp !
----Le vendredi matin, je compte faire un footing de 20 mn mais toute la journée je trouve des excuses pour ne pas sortir. L'inactivité me pèse. Je passe par divers stades... je me dis que je vais me défoncer quoi qu'il en soit, me faire mal quitte à m'arrêter 3 mois puis je me convaincs de ne pas courir pour attendre un marathon en avril et tenter le forcer le mur des 3h00 pour me venger de mon infortune actuelle.
----Oui mais... cette Saintélyon, "ma" Saintélyon...je la veux, elle me tiraille, elle me tenaille. Je me bats avec elle depuis des mois, je ne veux pas rompre le combat avant de l'avoir entamé.... alors je deviens gourmand, je me dévoile sur le site Kikourou ... objectif moins de 7h00 et au fond je pense.... 6h45... peut-être un peu moins... !
----Samedi 5, après une bonne nuit, je récupère mon dossard à Saint-Etienne. L'après-midi, je tourne dans la maison, une demi-journée à préparer mon camel et le sac qui partira pour Lyon en bus. Je n'arrive pas à me concentrer, encore moins à me reposer. Rendez-vous à 19h00 pour la Pasta-party avec les membres du club qui participent à la course. C'est génial, le temps passe plus vite entre passionnés... je me nourris de leurs expériences. 22h00, nous prenons la route pour Saint-Etienne. Le hall des expositions grouille de monde, la chaleur de tous les participants nous enveloppe. Certains sont allongés dans leur sac de couchage et ne s'occupent pas des enjambées qu'ils provoquent, d'autres se cherchent, lèvent les bras, se trouvent... magie des portables. Ce joyeux charivari me plaît et je suis curieux de tout ce qui m'entoure. Je pose mon sac dans la navette pour Lyon et nous nous calons dans un coin en attendant de rejoindre le départ. A 23h00, mes tendons se réveillent... aïe !!! J'ai peur... il y a des drames à travers le monde, des guerres, des maladies, mais rien ne compte plus à cet instant que la chaleur qui grimpe dans mes talons. De l'égoïsme pur que seuls les passionnés comprennent et c'est justement à vous que je m'adresse.
----Tout est pourtant prêt à une heure de la délivrance... il serait dommage d'accoucher d'une souris ! Mes tendons veulent me gâcher la fête préparée depuis plus d'un an. Je me cale contre une table pour m'économiser. Je me sens bien physiquement, les cheveux coupés courts, les ongles de pieds bien taillés, les petons graissés.
----Au niveau matériel, après maintes tergiversations, j'ai opté pour une veste en gore-tex et un sous-pull craft qui colle à la peau. Je l'ai testé avec grand plaisir sur les entraînements longs et il ne me décevra pas. J'ai des chaussettes à renforts et des baskets de route neuves... ma troisième paire de Kayano Asics. Malgré la boue annoncée, les semelles neuves devraient assurées un minimum d'accroche et les inserts de gel préserveront mes tendons sur le goudron. Un cuissard long, bonnet et gants polaires complètent la panoplie du traileur novice.
----Ma Petzl MyoXp m'a lâchement abandonné il y a 1 mois et même si l'usine me propose de la retourner pour remédier au problème (surchauffe due à l'utilisation d'accumulateurs trop puissants), je dois choisir un autre modèle. Inconditionnel de Petzl, je me rabats sur une Led Lenser Power Chip qui est plus légère et tout aussi puissante. On ne la sens pas, l'interrupteur est très facile d'accès. L'éclairage est très bon, le halo homogène. Elle ne dispose pas comme la Petzl d'intensités modulables, mais sur la course ce n'est pas important. Cette nuit, j'ai besoin de lumière et franchement, j'ai été servi. Malgré les économies, les piles neuves au lithium ont presque flanché sur la fin de course alors que je quittais les derniers chemins....ouf !
----Mes camarades de club ont bien ri de mon sac Décathlon grande capacité. C'est vrai que je l'ai chargé à toc... une seconde frontale Petzl à 4 leds, 3 sachets de 80 grammes d'Isostar que je compte ajouter à 1,5 litre d'eau à St-Christo, Ste-Catherine et Sourcieu... un maillot de course épais à enfiler en cas d'abandon au milieu des bois, 6 pâtes de fruit, un portable, la couverture de survie obligatoire, et 2 litres d'Isostar en soute qui clapotent doucement. C'est lourd mais je me sens tellement bien que je ne ressens rien. Les sangles sont bien ajustées et je ne serais jamais gêné durant la course.
----Pour revenir à celle-ci, nous quittons la chaleur du Parc-Expo pour rejoindre la file d'attente... ouille, tout le monde est en place. Je me faufile par la droite pour remonter avec Philippe et Gilles à quelques 50 mètres de la ligne de départ. Nous avons perdu Franck, Lionel, Cathy et Sylvie.
----Une petite minute de silence pour se souvenir d'une compétitrice décédée... une première communion dans la nuit où nos pensées montent vers celle que beaucoup n'ont pas connue, moi le premier.
----Les secondes avant le départ défilent, je ne pense plus à mes jambes... l'envie de m'élancer m'obsède, j'ai faim de course !
----Nous sommes 4500 individuels, combien arriveront au port ?
----C'est parti... bien placé sur la ligne, je trouve facilement mon rythme. Les grandes artères empruntées facilitent les ondulations du serpent de lumières. Quelques gobelets-écologiques accrochés aux sacs s'échappent, les conversations sont rares. La route est bloquée par les bénévoles et d'une seule et même respiration, nous nous élançons vers Sorbiers.
----Chuuut... les stéphanois et mes tendons dorment... ne les réveillons pas !
----Première montée, je pense seulement à m'économiser... j'ai laissé les cousins "Gilles et Philippe" prendre la poudre d'escampette et je me concentre sur mes sens.
----Bizarrement, je n'ai pas trop "appris" le parcours. Ce n'est pas un constat mais un choix délibéré. Je veux courir au feeling, être lucide, dominer la course et ne pas la subir. Je ne suis pas abruti par les chiffres, les chronos... tout doit se faire à la sensation. Je me contente de quelques repères, 8km de route pour me chauffer et trouver mon rythme avant les premières montées et 13 km de bitume pour terminer. J'ai lu avec plaisir vos comptes-rendus de course, consulté le profil du parcours mais je veux faire abstraction de tout ça pour éviter les erreurs. Les premiers chemins s'annoncent, ils me semblent faciles et larges... je garde mon tempo tranquille sans jamais tirer sur la bête. Pas trop de boue au début, nous sommes dans les pentes et l'eau a eu le temps de descendre. Contrairement à beaucoup de coureurs, je préfère les bas-côtés beaucoup plus stables ce qui m'évite d'éclairer le dos de mes prédécesseurs, d'emprunter leurs pas en pariant sur leur habileté à éviter les pièges. Parfois contrains aux mêmes foulées, je loue la dextérité de ceux qui me devancent... ils ouvrent la bonne voie et mes pieds restent secs.
----Petit à petit es chemins se font plus boueux. En 20 mètres, 4 glissades bien maîtrisées me donnent paradoxalement confiance. Chaque replat, chaque descente, chaque partie goudronnée est mise à profit pour allonger la foulée sans effort. Je dépasse beaucoup de concurrents dans ces portions. Je m'alimente régulièrement sans regarder la montre, environ tous les quarts d'heure.... je tire sur ma pipette et toutes les heures, je mange une pâte de fruit Gerblé. Je profite toujours des descentes pour ne pas m'étouffer. La cellophane des pâtes n'étant pas terrible, je ne la mange pas et elle rejoint systématiquement ma poche malgré les risques de glissade. Les chemins restent propres, c'est très encourageant, tout le monde devient éco-responsable. J'atteins St-Christo en 1h24, tout à l'économie, impeccable et prometteur.
----Le premier soucis arrive un peu plus loin et trop tôt à mon goût, au bout de 25 km environ. Je commence à prendre des crampes. Dès qu'un pied glisse, la jambe restée en l'air assure l'équilibre, se contracte et me lance une décharge électrique. 3 jours que je bois sans soif et des crampes avant Ste-Catherine, ça ne présage rien de bon. J'ai de plus en plus mal et mes muscles se contractent. Je bois un peu plus que de raison, je tente d'attaquer le sol du talon, j'essaye de me relâcher, rien à faire... mon rythme ne pâtit pas de ces alertes répétées et je continue à remonter sans cesse sur l'avant. Personne ne me passe dans les chemins, je double dans les montées et je me surprends à descendre facilement au milieu des feuilles, roches et autres pièges glissants. Je reste concentré pour économiser mon capital forme.
----C'est le silence qui me fait le plus d'effet... personne ne parle ! Moi qui suis bavard (vous en doutiez ?), ça m'interpelle au début. J'aime encourager un coureur en difficulté, remercier un bénévole, blaguer aux ravitaillements, répondre aux encouragements... je ne suis peut-être pas le seul mais un tel silence me déstabilise. Je m'y accommode petit à petit et sans rien changer à mes habitudes, je respecte cette communion voulue par tous. Je profite de cette nouvelle expérience nocturne. Chacun reste à l'écoute de ses sensations et le silence nous unit dans l'effort. Je n'entends que mes pas dans la boue, l'eau dans mon sac et mon souffle régulier. Je perçois à peine les bruits des participants qui m'entourent... ils ne sont qu'ombres et lumières.
----Un cri dans la nuit... celui que m'arrachent des crampes terribles. Je m'arrête à tous les ravitaillements sauf un que je ne peux identifier et qui se trouve au pied d'une belle côte. Ma poche à eau est encore pleine et je préfère passer plutôt que de contraindre mes muscles à une douloureuse relance.
----A Sainte-Catherine, Philippe, membre du club venu nous encourager, m'annonce que Gilles, Franck et Philippe sont à moins de 10mn devant moi. Je pense à Lionel, Cathy et Sylvie qui doivent suivre dans cet ordre puis je rentre à nouveau dans ma course.
----Je cours toujours dans les côtes et je grapille encore des places sans chercher à en gagner. Durant la course j'avale 6 litres de mélange eau-isostar, 5 pâtes de fruit Gerblé, une dizaine d'autres trouvées aux ravitaillements, 2 morceaux de banane, et 1 verre de coca. Sachant que j'ai pris 350 grammes d'Isostar en poudre ... imaginez ce que j'ai consommé en sucre. Le régime me convient car je ne connais pas de coup de barre. Toujours le moral au beau fixe, et une envie persistante et inébranlable de rejoindre l'arrivée au plus vite. Je ne compte pas les kilomètres parcourus, mes tendons vont très bien merci... mes crampes beaucoup moins, merci aussi.
----L'eau et les sucres tournent dans mon estomac et je dois faire 7 poses dont une un peu plus longue avant Sourcieu. Je m'arrête toujours dans les descentes pour faciliter la reprise de course.
----A l'entrée du ravitaillement de Sourcieu je retrouve Franck en difficulté. Je lui propose de l'attendre mais il refuse. Dans un mauvais jour, il terminera en moins de moins de 7h00. Je repars en avant malgré la douleur.
----Cela devient infernal et seules les descentes m'assurent du répit. Je pense courir jusqu'au bout sans jamais marcher... oui, mais c'est une première et je me trompe lourdement. 3 côtes me contraignent à ralentir. J'avance à bon rythme en continuant à dépasser, mains calées sur les genoux. Maintenant mes muscles semblent s'arracher de tous côtés. Toujours en même temps, mes mollets brûlent, une boule semble les parcourir de droite à gauche pour revenir en place. Mes quadriceps flambent, mes ischios sont durs comme du bois. Plus rien à faire, je boîte en haut des côtes et la reprise de course devient difficile. Je claudique en cherchant à relancer mes "prothèses".
----Je rejoins Philippe qui est surpris de me trouver là. Il a un petit coup de fatique et m'annonce que Gilles a été contraint de ralentir du fait d'un problème de santé. Je lui dis que je ne l'ai pas vu et nous partageons 5 km agréables dans une cadence respectable jusqu'au ravitaillement de Beaunant. Comme je l'ai lu dans les forums, la côte de Ste-Foy est difficile mais je la connais puisque j'ai habité Francheville.... du moins je le pense. Ce n'est pas celle avec des lacets qui serpentent dans la montée mais une rampe magistrale à quelques mètres de là. Tout le monde marche, les mains poussent sur les genoux. Je m'élance devant Philippe tel un montagnard, je pousse plus fort que les autres... en route vers le dernier sommet. A deux reprises la douleur des crampes arrête mon avancée. On me double. Philippe ne doit pas être loin derrière. Je pense l'attendre mais dès que la douleur se calme je fais le choix de repartir vers le haut. J'arrive au sommet, je me colle contre un portail et j'hurle dans la nuit. Il est 5h40... chant du coq, debout fidésiens ! je tente de m'étirer, c'est pire, chaque mouvement déclenche une crampe... je marche. Philippe me rejoint et m'invite à le suivre. Je n'en peux plus, mes jambes se déchirent à chaque pas, on dirait un pantin désarticulé.
----Je rage d'autant plus que tout le reste va bien, j'ai une pêche du tonnerre, un moral à toute épreuve... j'ai l'impression de pouvoir sprinter jusqu'à la ligne d'arrivée. Je reprends mon avancée qui n'est plus qu'un ersatz de course depuis Beaunant. Devant, Philippe glisse sur le goudron avec la foulée légère qui le caractérise... un peu la mienne .... à St-Etienne ! Philippe disparaît définitivement au coin d'une rue...
----Je ne double plus personne... mais nous ne sommes plus très nombreux. Je ne suis jamais seul d'autant que les dossards rouges filent dans la nuit, les relayeurs ont de belles enjambées. Je ne ressemble plus trop à un coureur. Je préserve mes jambes, je les tiens au plus près... sous moi, je leur interdis de partir devant ou de chercher derrière. Puis ce sont quelques marches destructrices que je descends accroché aux rampes. J'aborde les quais déserts, croisent quelques jeunes qui ont manifestement fait nuit blanche eux aussi, je croise les lèves-tôt qui parfois m'encouragent... c'est agréable !
----Lyon-dernier relais, un coca s'il vous plaît... combien jusqu'à l'arrivée ?... 3,8 km, pas de problème. Dites les jambes, ça ira ? ... parce que moi je vais bien, alors il faudrait voir à faire corps avec le reste de la machine nom d'une pipe en bois !
----Beaucoup se plaignent de cette arrivée sur les quais... pour certains la monotonie des grandes lignes droites, pour d'autres la fin d'un calvaire.
----Tout est magique, je flirte avec le Rhône, les lumières se réflèchissent dans le fleuve, il fait encore nuit... je profite de ces derniers instants, minces restes d'un rêve qui s'effiloche. On me dépasse, je vais bien, mes jambes non, mais c'est un moindre mal car je développe une foulée économique jusqu'à l'arrivée. Elle pourrait être 10 km plus loin, je pourrais la rallier mais sans aller plus vite... "vite" n'est peut-être pas très approprié à ma cadence économique sur ces quais !
Je ne peux rien modifier et j'attends patiemment les derniers hectomètres en me traînant vers l'arrivée. L'annonce des 100 derniers mètres est atteinte, je sais que je vais filer sous la barre des 6h30.... il s'en faut de peu ... 6h29''52 et une 187ème place à l'arrivée... je suis heureux, le rêve s'achève.
Les 7 participants du club sont à l'arrivée... déjà une belle victoire.
Merci à tous de m'avoir lu.
Je dédie cette belle course à :
1°- mon caractère trempé !
2°- ma femme et mes enfants qui supportent absences et caractère trempé.
3°- Michel et Cathy qui m'ont "invité" à rejoindre le club.
4°- tous les membres du club ABS de Saint-Galmier
Philippe
Dernières infos lundi soir, mes temps de passage sur le site officiel :
Saint-Christo : 1h24 - 282ème - 110ème V1
Sainte-Catherine : 2h32 - 231ème - 93ème V1
Sourcieu : 4h14 - 203ème - 84ème V1
Arrivée : 6h29 - 187ème - 79ème V1
et toujours des jambes de bois... vivement l'édition 2009.
Lundi 15 décembre 2008, chevilles gonflées avec hématomes... diagnostique médical : déchirures musculaires !!!
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25 Août 2009 - Après des mois d'arrêt consécutifs aux blessures de la Saintélyon 2009, je vais reprendre la course à pied. Il me reste toujours des séquelles que l'on appelle "boule du claquage" petites cicatrices qui ne guérissent jamais... et pourtant toujours aucun regret !
7 commentaires
Commentaire de frankek posté le 08-12-2008 à 17:43:00
belle perf et joli chrono ! bravo et récupère bien...
Commentaire de calimero posté le 08-12-2008 à 18:17:00
Quel chrono et quelle perf!!
Vraiment énorme!!
Bravo est un minimum
Commentaire de millénium posté le 08-12-2008 à 18:22:00
chapeau !!!!
Commentaire de intuitiv posté le 08-12-2008 à 19:21:00
belle course, bravo pour ton sang froid dans le dur.
Commentaire de Marco47 posté le 08-12-2008 à 20:22:00
Beau récit, d'une belle course avec un très beau chrono, bravo !
Commentaire de vial posté le 08-12-2008 à 22:22:00
uh sacré retour en compét
bravo pour ce superbe chrono
michel
Commentaire de LtBlueb posté le 08-12-2008 à 23:43:00
superbe perf ! bravo à toi
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