L'auteur : Csibolao
La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous
Date : 24/10/2008
Lieu : ST PHILIPPE (Réunion)
Affichage : 2748 vues
Distance : 150.1km
Objectif : Pas d'objectif
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Avec le passage au nord de l’Ile de la dépression tropicale ASMA, la grande question avant le départ de ce GR sera la quantité de pluie que nous prendrons sur le parcours. En fin de compte il y aura alternance de beau temps et faible pluie ou bruine.
Jeudi 23 octobre 2008, 21h45 arrivée à Cap Méchant et l’entrée du stade. Après le contrôle du matériel obligatoire, je prends un café avec un petit pain au chocolat en attendant le départ. Un peu de calories, je ne mets que de l’eau plate dans mon camel. Il y aura assez de sucré et de salé aux nombreux ravitos et ça me permet de couper au niveau du goût.
Nous sommes trois copains plus un couple à prendre le départ, je choisis de faire la course seul. D’autres copains viendront nous encourager à Dos d’Ane et à l’arrivée.
L’attente et le départ se fera sous une température clémente et sans la pluie.
Vendredi 0h00 : Plus de deux mille Fous piaffant d’impatience d’en découdre sont lâchés. Le passage de la ligne se rétrécit et dans cette bousculade il faut faire attention à ne pas trébucher au risque de se faire piétiner par les quelques mille coureurs partis derrière moi.
Bitume, route forestière, sentiers très raides provoquant ralentissements et bouchons vont se succéder avant d’atteindre Foc-Foc. Les premières lueurs de l’aube révèlent petit à petit ce décor lunaire. Nous longeons le cratère noyé dans des nuages bas faisant émerger de plus belle le Piton de la Fournaise.
Le peloton commence à s’étirer, la course démarre vraiment à ce moment là.
Vendredi 7h00 – 30e km/2590 D+ : Le soleil est levé, le temps est magnifique. Petit arrêt au ravito de la route du Volcan, pommade sur les pieds et quelques étirements avant la traversé de la Plaine des Sables et l’ascension vers l’Oratoire Ste Thérèse dans un décor désertique, riche en couleurs, c’est magnifique !
A cet instant je me dis que j’ai beaucoup de chance d’être là. Ce sentiment m’accompagnera tout au long du parcours et m’aidera dans les moments difficiles.
L’Oratoire avec en toile de fond le Grand Bénare et le Piton des Neiges bien dégagés mérite bien une photo. Malheureusement les nuages sont présent sur la Plaine des Cafres et pas besoin d’être devin pour remarquer qu’après Piton Textor le mauvais temps sera de la partie. Il ne nous lâchera plus avant le sommet du col du Taïbit.
Changement de décor, la traversée de la Plaine des Cafres me fait penser à mon Alsace natale avec ses vaches et collines verdoyantes. Quel contraste en à peine une heure de temps !
Vendredi 10h00 – 50e km/3072 D+ : Le parcours est assez roulant jusqu’à Mare à Boue, les spectateurs sont venus nombreux par la RN qu’on traverse à ce niveau, les encouragements fusent. Il commence à bien pleuvoir.
Petite info, il n’y a plus de ravito possible à Kerveguen, l’hélico n’a pu monter cause mauvais temps, il faut prévoir assez d’eau jusqu’au Refuge du Piton des Neiges.
La monté et la traversée des coteaux Kerveguen est interminable. Le chemin monte puis redescend je ne sais combien de fois, mon altimètre ne varie pas beaucoup en deux heures de temps, c’est dur pour le moral.
Enfin le poste de secours de Kerveguen, mais à la place du ravito super sympa (de mémoire il y a 6 ans) nous entamons l’ascension vers le refuge du Piton des Neiges. Les marches sont énormes, le souffle est court, j’ai besoin de m’arrêter 2 mn, la fatigue et l’altitude (2400m) commencent à se faire sentir.
Vendredi 14h00– 62e km/4211 D+ : Après le pointage au refuge, je fais la descente vers Cilaos (1250m dénivelé négatif) relativement doucement, d’une part pour économiser mes cuisses et mes articulations et d’autre part ne pas risquer la chute. Ce ne sera pas le cas pour tout le monde puisque je double un traileur bien amoché, mais plus de peur que de mal pour lui.
Vendredi 16h15-17h30– 69e km/4231 D+ : Je pensais me faire masser et prendre un peu de réconfort à Cilaos, mais avec ce temps de canard je me dis qu’il vaut mieux ne pas trainer ici. Après la douche froide, je me change complètement (chaussettes, chaussures, t-shirt, collant), prends un repas chaud (pâtes/poulet), et me décide à attaquer la 2e nuit avec comme apéro le passage du col du Taïbit.
La descente vers Bras Rouge est psychologique dure, car inutile. Descendre pour remonter, avaler des kms et de la pente, on a l’impression de tourner en rond avant d’attaquer vraiment l’ascension du Taïbit.
Il y a beaucoup de monde dans ce col, entre ceux arrêtés reprenant leur souffle et ceux qui redescendent étant dans l’impossibilité physique ou mentale de basculer dans Mafate. En effet le bus de rapatriement se prend au pied du Taibit, il n’y en aura plus avant Deux Bras.
Vendredi 22h00– 82e km/5563 D+ : Après le passage à Marla, la nuit est bien entamée et vont se succéder montées et descentes raides dans des sentiers stabilisés par des rondins.
Je m’arrête sur un pont suspendu, je suis dans un immense canyon, je dirige ma lampe qui ne réussit pas à éclairer le fond.
Les cris d’oiseaux nocturnes et le chant des crapauds montant du fond des ravines vont nous tenir compagnie dans cette atmosphère envoutante. Les lichens accrochés aux arbres comme d’interminables guirlandes vont favoriser une imagination débordante. Je verrai même des animaux filer devant moi, qui ne seront finalement que l’ombre fuyante des branchages éclairés par ma frontale en mouvement. Je crois que la somnolence me gagne…
Une petite chute sans dégâts va me réveiller et me résoudre à envisager de dormir un peu.
Je pensais le faire à Trois Roches mais ce ne sera pas possible. Je prends le sentier vers Roche Plate qui chemine dans un lit de torrent partiellement asséché, la pente est rude, les pieds sont mouillés. La bruine et le brouillard sont de retour et il n’est pas possible de garder la frontale sur la tête. En effet, je n’éclaire que les particules d’eau devant moi ce qui rend la visibilité mauvaise, il me faudra tenir la lampe à la main le plus près possible du sol.
Samedi 2h30– 95e km/6147 D+ : J’arrive à Roche Plate. Il y a du monde, les gars sont assis ou allongés par terre à l’endroit abrité d’une bâche plastique, plus un seul mètre carré pour moi. Je me restaure et heureusement je profite du départ d’un concurrent pour squatter la petite place laissée libre à l’abri de l’avancée du toit d’un bâtiment.
La position assise est inconfortable et à chaque assoupissement je m’écroule ce qui me réveille à chaque fois. D’autres coureurs repartent ce qui me laisse un peu de place pour m’allonger. Je ne sais pas combien de temps j’ai dormi mais le froid me réveille. Je suis pris de tremblements incontrôlés, un coureur s’inquiète et me demande si ça va. Je me dis que le meilleur moyen de se réchauffer est de marcher et je décide de repartir, il est 4h du matin, moins d’une heure avant les premières lueurs matinales.
Le passage entre le fond de la Rivière des Galets et Grande Place est à la fois magnifique et vertigineux par endroits.
Le beau temps est de retour au petit matin et la suite du parcours dans Mafate se fera sous un soleil radieux, c’est bon pour le moral, je fais quelques photos.
Samedi 7h00– 103e km/7017 D+ : Je double deux alsaciens avant Aurère qui me disent qu’ils pensent, d’après leur feuille de route, arriver vers 21h. Je n’ai pas de feuille de route et compte arriver avant la nuit vers 18h30, j’élève un peu le rythme et me voilà reparti.
La descente vers la passerelle de la Grande Ravine est sécurisée avec des câbles, une erreur dans ce sentier taillé à flanc de rempart serait fatale, heureusement le sol est sec à cet endroit.
Samedi 9h30– 112e km/7630 D+ : Aurère, l’accueil se fait en chanson, je croise les caméra-men venus filmer Laurent Jalabert, qui n’est pas encore reparti à ce moment là.
La descente vers la Rivière des Galets se fait au pas de course. Au passage sur les galets glissants je perce l’ampoule sous le petit doigt de pied, je serre les dents pour ne pas hurler de douleur.
Samedi 11h-11h30 – 121e km/7660 D+: Deux Bras, je décide de manger et repartir rapidement, ce qui sera une erreur. Il fait lourd et l’ascension de Dos d’Ane sera un calvaire. J’ai besoin de m’arrêter souvent pour reprendre mon souffle, heureusement (eh oui) le mauvais temps revient et l’atmosphère se rafraichit au fur et à mesure de la montée. Je vais souffrir plus de deux heures alors que je comptais n’en passer qu’une et demi au plus.
Les copains sont au rendez-vous à Dos d’Ane et c’est avec un immense plaisir que je les retrouve. Ils avaient promis de ramener plein de bonnes choses dans leur glacière, mais désolé de les décevoir, je n’ai envie de rien mise à part repartir au plus vite motivé par la possibilité d’arriver à La Redoute avant la nuit. J’avais également prévu de changer de chaussettes et de chaussures, mais vu l’état de mes pieds je préfère ne pas enlever mes chaussures.
Samedi 14h00– 128e km/8529 D+ : Je vais mettre moins d’une heure pour monter à Piton Fougères, bizarrement j’ai retrouvé le rythme, comme quoi la machine à des ressources…
Dommage que la brume bouche la vue, parce que la montée est impressionnant, le vide est perceptible tant à droite qu’à gauche de l’arrête.
La traversée de la Plaine d’Affouche se fera en trottinant dans l’eau et la boue, et mémorable sera le passage de la forêt entre La Fenêtre et Colorado. Ne pas glisser et tomber relèvera presque du miracle, mes fesses et mon sac à dos goûteront à cette boue. Le chemin n’est pas large et nous nous accrochons aux branches, j’aide une concurrente dans l’incapacité de se relever , la progression se fait lentement, je vais perdre une bonne demi-heure dans ce bourbier.
Samedi 17h30– 142e km/9184 D+ : Colorado enfin… je cours dans la descente avant le dernier ravito. Deux doigts en signe de V à la photographe, je savoure la vue sur Saint-Denis, je suis ému et j’ai du mal à retenir des larmes de soulagement. Je ne dépasserai plus personne dans la descente, je ne peux aller plus vite quoique mes jambes me le permettent, mais les ampoules me font trop souffrir, dernier petit calvaire avant la délivrance !
Samedi 18h45– 148e km/9184 D+ : Après le passage sous le pont, les copains m’attendent et feront les derniers hectomètres en courant avec moi pour m’accompagner jusqu’à l’entrée du stade et la ligne d’arrivée.
Voilà, 3e édition pour moi après 2000 et 2002. Plus longue de 20 kms, j’ai mis 6h de plus sur ce parcours rendu un peu plus difficile avec la pluie.
Je termine avec les ampoules (aucune en 2002) mais physiquement bien, aucune douleur tendineuse ou articulaire à déplorer. Je termine surtout un peu plus riche en émotions, sensations, images, sons et senteurs emmagasinés durant ces 2 jours et 2 nuits.
7 commentaires
Commentaire de BENIBENI posté le 06-11-2008 à 21:09:00
Bravo à toi ! C'est vraiment une magnifique ile dont j'espère un jour fouler le sol !
Commentaire de Pat'jambes posté le 06-11-2008 à 21:27:00
Je ne connaissais cette course que de nom et très vaguement, ton CR me l'a fait découvrir!
Ca a l'air magique: "Les cris d’oiseaux nocturnes et le chant des crapauds montant du fond des ravines (...) Les lichens accrochés aux arbres comme d’interminables guirlandes (...) des animaux filer devant moi, qui ne seront finalement que l’ombre fuyante des branchages éclairés par ma frontale en mouvement"
... mais aussi difficile (148km tout de même!): "Vu l’état de mes pieds je préfère ne pas enlever mes chaussures"
... solidaire: "j’aide une concurrente dans l’incapacité de se relever"
Bravo et merci pour ce beau CR.
Commentaire de L'Castor Junior posté le 07-11-2008 à 08:15:00
Merci pour ce CR féérique, et bravo pour ta course.
Belle remontée en tout cas sur la fin, qui contraste avec notre fin de parcours qui m'avait pourtant semblé rapide.
Dommage que nous ne nous soyons pas croisés là-bas.
Ce sera pour une prochaine fois ;-))
Commentaire de rapace74 posté le 07-11-2008 à 12:59:00
merci pour ce Cr et ces belles photos
bravo pour avoir fini ta course avec ces ampoules qui décidément suivent beaucoup de monde......
manu
Commentaire de astra wally posté le 07-11-2008 à 13:16:00
Oui un grand bravo sur ce parcours visiblement plus difficile que l'an dernier ! pour la comparaison, les Vosges c'est quand même plus joli, hein ? au plaisir de te croiser un jour en Alsace
Commentaire de philkikou posté le 08-11-2008 à 13:47:00
Total respect pour cette aventure extra..et extra-terrestre....
B.....R..A......V...O.....!!!!!!!!!!!
Commentaire de toto38 posté le 11-11-2008 à 15:38:00
On sens que t'as pris un plaisir fou devant ces paysages! Bravo à toi pour ton moral! On ne le dira jamais assez: le moral est limite plus important que le physique sur une course comme ca!
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