Récit de la course : Lavaredo Ultra Trail - 120 km 2024, par stephnoz

L'auteur : stephnoz

La course : Lavaredo Ultra Trail - 120 km

Date : 28/6/2024

Lieu : Cortina d'Ampezzo (Italie)

Affichage : 417 vues

Distance : 120km

Objectif : Pas d'objectif

7 commentaires

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Lavaredo 120km 2024 - Le chat noir...

Je l'attendais avec impatience cette course, réputée pour être un des plus beaux trails au monde !!!

Elle ne s'est malheureusement pas du tout déroulée comme je l'espérais, avec une effarante illustration de l'effet papillon qui aurait pu très mal se terminer...

J'avais prévu de prendre l'avion pour Venise la veille de la course en fin de journée, de dormir à l'hôtel près de Venise et de prendre la route tranquillement pour les Dolomites le matin de la course (qui démarre à 23h). Une fois à l'aéroport d'Orly et les contrôles de sécurité passés, j'attends l'embarquement quand un message est diffusé, annonçant un retard d'une heure du vol. 🤐 Puis 30 minutes plus tard, nouveau message pour nous dire que le vol est annulé, sans explication ni excuse... Bravo Easyjet ! Il faut alors se débrouiller pour ressortir de la zone d'embarquement, trouver un agent Easyjet qui explique que tout se fait désormais sur l'application mobile (tant pis pour ceux qui ne l'ont pas), qu'on va nous proposer des alternatives de vols dans quelques temps. Un voyageur à côté de moi, qui a déjà vécu visiblement cette situation avec la compagnie, me dit : "la dernière fois, 24h après il n'y avait toujours rien sur l'application !".

C'est la panique... je me vois déjà rater le départ de la course ! Je décide de rechercher une alternative. Il est près de 20h, plus de vols directs sauf le lendemain matin. En 5 minutes le prix de ces vols atteint les 1000€ l'aller ; d'autres voyageurs sont en train de faire comme moi et les robots ont flairé la bonne affaire ! 😨 Je regarde alors les vols indirects, il y en a un à prix correct qui part un peu avant 22h pour Barcelone (!), avec un second vol le lendemain matin très tôt de Barcelone à Venise.

Sans réelle alternative, je décide de le prendre après avoir galéré pour récupérer ma valise qui avait été enregistrée en soute sur le vol annulé,  et je me retrouve donc à l'aéroport d'El Prat à 23h30, déjà très fatigué... Je me dis que ce sera trop court et compliqué d'aller chercher un hôtel en ville car il faudrait que je sois de retour à 5h à l'aéroport.

Commence alors une nuit désastreuse à essayer de sommeiller tant bien que mal. Une 1ere phase compliquée, allongé sur la banquette d'un restaurant, sous une lampe 😬 ; je décide d'aller finalement dans un coin plus sombre et calme, mais il n'y a que des bancs en métal avec des accoudoirs qui m'obligent à me contorsionner pour pouvoir m'allonger.

Bref, une nuit interminable durant laquelle j'ai dû dormir 1h au plus et c'est très fatigué et avec une impression de jetlag que j'arrive à Venise. Il est encore très tôt mais la chaleur moite est déjà écrasante. Je récupère ma voiture de location, et m'arrête après 10 km dans une station d'autoroute pour prendre un expresso serré, à l'italienne avant de reprendre la route vers le nord et les montagnes.

Cortina d'Apezzo, la ville du départ de la course se situe à 1200 m d'altitude dans un cadre majestueux. Le ressenti de température y est déjà plus supportable mais il fait près de 30° quand même...

Je récupère mon dossard, fais un petit tour de la ville pour repérer un restaurant pour le soir et retourne à ma voiture pour préparer mon sac que je ne n'ai pas pu faire avant, du fait du vol annulé, et tenter de me reposer un peu.

Il fait vraiment très chaud dans la voiture, je n'arrive pas à dormir. Le soleil finit par tomber, le sommet des montagnes prend des belles couleurs orange et rose.

Et c'est bientôt l'heure du départ (23h), je rejoins la place qui grouille de monde.

Le bruit et la foule ajoutent encore à ma fatigue. C'est enfin le départ, dans une ambiance indescriptible, très italienne. On est les uns sur les autres sur les 300 premiers mètres, compressés par la foule déchainée. Ressenti incroyable, je n'ai jamais vécu ça sur une course !

Puis on sort progressivement de la ville, les frontales s'allument et on entre dans la nuit. Le peloton s'étend un peu sur les tous premiers km, sur route. On a droit à un feu d'artifice au-dessus de la route, mais c'est déjà le premier bouchon lorsque démarre la première montée au km 3 et qu'on entre sur les sentiers de montagne.

Cette montée est surréaliste pour moi, avec une impression de dormir en marchant, ce qui doit être réellement le cas par moment. Une 1ere bosse de 550m de D+ environ, un passage assez plat le long d'un ravin (ça doit être joli en plein jour mais on ne voit rien), suivi d'une descente technique en single. L'attention nécessaire pour ne pas accrocher une pierre ou une racine a le mérite de me réveiller un peu.

On a fait 12km. J'ai l'impression de me trainer... Après la descente, le chemin est assez large et roulant, le long d'une rivière qu'on finit par traverser pour commencer à remonter. Le chemin passe en contrebas d'un restaurant vide mais qui diffuse à fond sa musique qui résonne dans la vallée, le tout avec des lumières d'ambiance. J'ai l'impression de rêver, sensation étrange de fatigue extrême. Moi qui aime généralement courir la nuit, je sens que celle-ci va être très longue...

Premier ravitaillement au km 18, après un peu moins de 3h de course. Il y a des plexiglass devant la nourriture pour qu'on ne se serve pas, le ravitaillement est tout en longueur dans une grande tente. Je ne m'y éternise pas pour ne pas me refroidir, compte tenu de mon état de fatigue.

Après le ravitaillement le chemin commence à monter plus sérieusement vers la seconde bosse. Le chemin reste assez large jusqu'au sommet, à 2100 m d'altitude, 600 m plus haut environ, avec quelques portions plus raides par moment. La lune est face à nous, mais la nuit reste très noire. km 25.

On redescend par un chemin à flanc de falaise. En plein jour, ça doit être grandiose mais on ne voit quasiment rien. Trois km plus loin, le second ravitaillement, auquel j'arrive anormalement fatigué. Je prends le temps de m'assoir pour boire une soupe aux vermicelles et je repars pour la suite de la descente. On longe à un moment un névé.

Les premières lueurs du jour commencent à apparaitre, on distingue la découpe des sommets acérés.

J'ai un bon rythme dans cette descente qui me réveille à nouveau un peu et je double pas mal de monde. Arrivé en bas, le jour s'est levé et on découvre le magnifique paysage qui nous entoure.

Au km 34, après la traversée d'une route, le chemin commence à remonter. Très vite, je sens une contracture douloureuse au mollet gauche, ce qui ne m'est jamais arrivé sur une course. Pourtant je pense avoir bien bu depuis le départ.

La douleur entre progressivement dans ma tête, jusqu'à y occuper toute la place... Mon allure chute, je me refais doubler par de nombreux coureurs... Ce passage jusqu'au 3ème ravitaillement au km 43 est vraiment très long pour moi.

On est à 8h de course, j'ai une heure d'avance sur la barrière horaire, rien d'inquiétant à ce stade, sauf si je continue à avancer au ralenti... Je décide de faire une bonne pause (20 minutes) au ravitaillement pour reprendre des forces et bien m'hydrater.

L'emplacement du ravitaillement, le long d'un lac, est magnifique.

Il est 7h20 seulement quand je repars mais il fait déjà presque chaud au soleil. Le chemin longe le lac d'Antorno sur toute sa longueur, c'est très joli. Ma douleur au mollet va nettement mieux mais est toujours présente.

Commence la longue montée vers le refuge d'Auronzo, où l'on retrouve des touristes venus admirer les gigantesques et photogéniques blocs rocheux du plus célèbre emplacement des Dolomites.

 

Cet endroit m'évoque les parcs de l'ouest américain, par son caractère grandiose. Je prends beaucoup de photos. Pas bon pour le chrono, mais c'est si beau... ! La taille des gens sur les photos permet de se rendre compte des dimensions hors normes des paysages.

Le chemin contourne le massif rocheux et bientôt apparaissent à 2450m d'altitude les Tre Cime di Lavaredo, qui ont donné leur nom à cette course.

Le chemin redescend doucement face aux trois blocs, le long des névés.

Petit à petit les touristes se font plus rares et démarre une descente raide et technique sur sa première moitié, qui va nous ramener 1000 mètres plus bas.

Plus on descend, plus la température monte. On entre petit à petit dans une sorte de canyon, qui génère un effet de four, renforcé par la réflexion des roches blanches qui nous entourent. A certains endroit il doit faire 40°, avec peu d'air, c'est très éprouvant ! J'arrive à recharger mes flasques dans un petit torrent le long du chemin, et je mouille abondamment ma casquette pour rafraichir ma tête.

La suite jusqu'à la base de vie de Cimabanche au km 67 me semble interminable. 5km de faux plat que je parcours principalement en marchant, vidé de toute énergie par la chaleur et mes deux nuits blanches.

Souvent, dans les bases de vie, on a droit à un repas "amélioré" par rapport aux autres ravitaillements. Ici, rien du tout, même pas des pates ou du vermicelle dans la soupe. L'accueil y est plutôt médiocre et rapidement une personne pas très sympathique, chargée de la mission de faire respecter la barrière horaire me demande avec insistance si je vais repartir ou abandonner. Je réalise que je n'ai plus qu'un gros quart d'heure sur la barrière horaire et je n'ai pas eu le temps de réellement me reposer.

Je regarde les caractéristiques du tronçon suivant : 9,5 km et 500D+, à faire en 2 heures maximum pour être avant la barrière horaire suivante. Ca ne me semble pas jouable dans mon état de fatigue. Je décide d'abandonner... 😥

Il y a déjà beaucoup de numéros de dossards sur la liste des abandons à cette étape. La chaleur a eu raison de beaucoup de coureurs...

Je suis frustré de ne pas avoir été au bout, mais ce n'était de toute façon pas raisonnable dans les mauvaises conditions dans lesquelles j'ai couru cette course. Ce type de course, même si elle est assez roulante sur de bonnes portions, nécessite d'être dans un parfait état de forme et de fraicheur, sinon ça ne pardonne pas... Mais 67 km et 3000D+ avec deux nuits blanches, finalement pas de quoi rougir... ! 

Je reprends la navette vers Cortina d'Apezzo avec dans les yeux les images des magnifiques paysages des Dolomites. 😍

Je pense que j'essaierai de recourir dans de meilleures conditions cette course que j'ai trouvée vraiment magnifique. En tout cas je la recommande (à part le mauvais ressenti de la base de vie), elle tient ses promesses !

 

Epilogue, en apothéose :

De retour à Cortina, après une bonne douche, je reprends la voiture en bonne forme, dopé par l'endorphine, avec l'intention de faire au maximum 15-20 km et m'arrêter pour trouver un hôtel à des tarifs moins prohibitifs que sur Cortina.

Moins de 10 km après mon départ, je m'endors d'un coup, sans m'en apercevoir, au volant de ma voiture de location... et c'est le choc contre le parapet de sécurité (heureusement pour moi, il y en avait un !), qui me réveille. La voiture est en travers de la route, l'avant est détruit, une roue est à côté de la voiture. Je n'ai rien physiquement, tous mes muscles étaient détendus comme je dormais. Longue galère pour faire intervenir le service d'assistance du loueur, qui ne parle qu'italien (un grand merci aux deux jeunes qui se sont arrêtés pour me faire la traduction 😎), remorquer la voiture jusqu'à un garage perdu au fond d'une petite zone industrielle et se débrouiller pour être rapatrié en taxi jusqu'à Mestre, à côté de Venise.

Je ne m'étais jamais endormi en voiture et pensais que ça n'était pas pour moi... J'évoque ici mon accident pour attirer la vigilance des autres coureurs sur le risque qu'il y a à conduire après une épreuve sportive dimensionnante comme celle que j'ai vécue. Cet accident sera pour moi un avertissement pour les prochaines situations de fatigue extrême. La prochaine fois, même si ça me complique la vie, je dormirai avant de reprendre la voiture.

 

 

7 commentaires

Commentaire de TomTrailRunner posté le 18-07-2024 à 06:42:18

Oups...
Course et aventure pas idéales mais photos superbes

Commentaire de centori posté le 18-07-2024 à 09:15:30

ouch ! comme on dit, tout est bien qui finit bien ! mais quand même.

Commentaire de crazy_french posté le 18-07-2024 à 12:36:53

Tellement beau les dolomites, éblouissante les Tre Ciime.
J’espère que tu pourras y retourner et en profiter pleinement.

Commentaire de keaky posté le 19-07-2024 à 16:09:51

Wouah, pas cool de bout en bout. L'important c'est que tu n’aie rien. Bravo pour le demi parcours et merci pour les photos, ça donne envie !!

Commentaire de stephnoz posté le 19-07-2024 à 16:56:41

Merci à vous 4 ! C'est vrai que ça donne envie d'y retourner...
Ca sera peut-être en mode randonnée dans un premier temps pour moi.
A moins d'être à nouveau tiré au sort pour une future édition du Lavaredo

Commentaire de shef posté le 21-07-2024 à 21:00:29

La vache quelle aventure. Heureusement tu t'en sors bien.
Il faudra revenir dans des conditions plus sereines, la fin de course est jolie aussi

Commentaire de stephnoz posté le 26-07-2024 à 18:15:10

Je l'espère aussi ! Merci pour ton message !

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