Récit de la course : Raid Le Puy - Firminy 2018, par Gibus

L'auteur : Gibus

La course : Raid Le Puy - Firminy

Date : 18/11/2018

Lieu : Le Puy En Velay (Haute-Loire)

Affichage : 1072 vues

Distance : 69km

Objectif : Pas d'objectif

7 commentaires

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Le 50° pélerin

Le 50° pélerin


La nuit, je mens.

Je m’enfuis, j’abandonne.

 

En partant du Puy,

La nuit je fuis,

Je suis au paradis.

 


J't'attends tout au bout de la peur qui s'avance
d'une longue nuit qui commence

 

Le stade Lafayette

Me fait des courbettes.

Allez-y, foncez dans la nuit.

 


Deux faux départs,

Mais un vrai « Allez-y ».

 

C’est parti dans la nuit.

Où est ce que je suis ?

 

Mustang, Loiseau, JeanPhi, Tidji, Coco38, Paul

Tous m’abandonnent.

 

Nous courons sous la lune

Elle m’a dit j’ai pas l’habitude

De m’occuper de coureurs comme ça.

 

Nous passons à gauche, à droite de l’autoroute

Les gars nous klaxonnent

Nous descendons par la route

Je me laisse aller, je m’abandonne.

 

Malrevers 11° kilomètre

Pointage, photos,

Verre d’eau.

Je jette un œil au chronomètre.

 


C'est reparti dans la nuit

J'ai perdu Jean Phi

Je suis seul ce soir

 

Il manque quelqu'un près de moi
Je me retourne, tout le monde est là
D'où vient ce sentiment bizarre
Que je suis seul ?

 

Les routes puis les chemins sont sympa

Arrive Rosières doucement sans faire de bruit

Je suis bien, un peu trop

Je passe sous une voute et … impasse

 

Demi-tour au frein à main dans la cour

6 ou 7 m'ont suivi

Pas par là

Suis pas l'fil, nom de Dieu.

 

S'en suit la longue montée des pénitents vers Coindet.

Tout le monde marche.

Certains parlent entre eux pour tuer le temps.

 

La cabane est là-haut

On entend le groupe électrogène.

Pas de pointage

Mais du ravivage.

 

Ensuite dans un virage, nous taillons tout droit

Le chemin est glauque.

Il y a du brouillard.

Nous sommes au plus haut de la course.

Je suis d'un coup au plus bas.

Première baffe derrière la tête.

Aïe.

 

J'ai froid, les avant bras et les mains sont atteints.

J'aurai dû me couvrir au ravito

Quel con.

 

Je mets mon coupe vent

Enfile mes gants de ski (si, si)

J'ai l'auriculaire gauche tout blanc.

Il brille presque dans la nuit comme les lucioles sur le chemin.

 

L'itinéraire redescend

Et mon sang remonte

L'allure redevient normale

Mon petit doigt aussi

 

Je suis avec un vétéran qui avance bien

Je me cale à son pas

 

On y voit queue dale avec le brouillard.

Les frontales nous éblouissent presque

On suit les pointillés du bas côté.

 

J'ai une sensation bizarre

Je perds mes appuis.

L'asphalte est verglacé.

 

Nous marchons comme des danseuses en levant les bras.

Tapons la mef.

 

Cela repart en descente.

Ça fait longtemps que l'on n'a pas vu de panneaux.

Et mince, on s'est trompé.

 

Demi-tour, on verra bien si quelqu'un arrive.

On voit des frontales sur le haut à droite.

Fallait piquer à gauche.

 

Nous rattrapons le chemin.

J'en ai pris un coup au moral.

Je marche un peu mais l'approche de Beaux me fait repartir.

 

Nous entrons dans la salle.

Coco38 et Paul sont là.

Une bonne sousoupe aux vermicelles.

On est bien là.

 

 

Bon allez on s'casse.

Cela repars sur la route comme souvent.

Je dépasse les deux kikous pour rattraper mon petit vieux qu'à taillé.

 

A Peyre, je me retrompe

J'ai plus de repères

Faut dire que je suis pépère

Je suis, bêtement, quelle honte

 

Nous repartons encore comme deux couillons

Il n'arrête pas de s'excuser mais c'est de ma faute aussi.

 

Ensuite c'est une descente en trail vachement balèze.

Je glisse et ralentis.

Devant mon compagnon se vautre sur le dos.

Je l'aide à se relever.

 

La fille qu'était devant revient pour voir.

Il a le menton et le dessous du nez ouvert.

Un choc à la tempe et surtout le petit doigt de retourné.

 

Il repart et retombe deux mètres cinquante plus loin.

Sans gravité ce coup là, ce pépère là aussi.

Bon, faut pas des chaussures de plomb mais ça glisse.

Je reste avec lui mais il me dit de tailler, qu'il va continuer doucettement.

 

Je le laisse à regret en ouvrant bien mes yeux.

Deux filles sont devant

Elles discutent en progressant

Je n'arrive pas à les attraper

C'est plus de mon âge

 

Nous passons la Loire


Puis nous montons par une route en lacets

J'ai la patate retrouvée.

En haut on taille à droite dans le fog sur une petite route

Maman, j'ai peur.

 

Dans la descente finale dans Confolent

Je rattrape des coureurs

Nous rentrons ensemble dans le bistrot du ravito

Coco38 et Paul sont là.

 

Ils sont en train de repartir

Je me ravitaille.

Change de bonnet et de bandana.

Mon compagnon de fortune arrive ensanglanté

 

On va l'amener à Monistrol, l'étape suivante, où il y des secours.

Il s'excuse encore avant que je reparte.

Je lui sers vigoureusement la main

Heureux d'avoir fait un bon bout de chemin avec lui.

 

La suite ne va pas être une partie de plaisir

Après être passé deux fois sous un viaduc et le pont de Lignon

Nous remontons le long de la route express.

Le jour s'est levé mais j'ai baissé d'intensité.

 

On va prendre une bonne droite dans la tronche

Avec la longue ligne droite qui nous mène à Monistrol

Ce n'est pas Minestrone et ce n'est pas de la soupe non plus.

 

Presque 3 bornes nous amène à la maison des associations

J'y retrouve de nouveau mes 2 kikous père et fils

Mais je n'ai plus la même foi.

Je pense que ça se voit.

J'essaye de reprendre du jus

Et de la soupe aussi.

 

Je ressors de Monistrol

Mais je n'ai plus de ressort.

La route est longue

Je recours dans le faux plat descendant

Doublant des marcheurs encore plus peaumés que moi.

 

En bas nous quittons la route de l'ennui pour un chemin.

Zig zag fait l'itinéraire

Tic tac fait le chronomètre

Nous sommes à la Chapelle d'Aurec km 58.

Ravito dans une p'tite salle.

Un gars dit qu'il arrête là.

Faut pas l'écouter.

Non faut pas.

 

On repars

On fait le tour du cimetière

Faut pas se reposer

Non faut pas.

 

Je commence à penser au retour

Que je vais rater mon train vu l'heure à laquelle je vais arriver


Que je, que je, que je.

Non faut pas.

Ne nous égarons pas

Restons concentré sur l'objectif.

 

Les chemins sont en faut plat montant

Je ne sais pas comment je m'y prends

Mais je pioche au plus profond de moi-même

Pour avancer.

 

Nous croisons une route

Mef quand même aux voitures.

Un petit bout de bois

Rien à voir avec ma tête

Je suis têtu

Non je n'abandonnerai pas

J'ai trop espéré venir ici faire cette LPF.

 

Une grosse partie trail, pas de plaisir, nous attends

Les gorges de la Semène.

"Ah tu verras tu verras la semaine prochaine

Ah tu verras tu verras les gorges de la Semène"

 

Ça descend, comme les chaussettes et le moral qui y est reparti.

Ça glisse.

Mets de l'huile.

 

Passage de passerelle.

Donc on est en bas.

Remontée. Là c'est plus que dur.

Je fais une pause sitting.

D'autres sont dans le même cas que moi.

Ce qui me rassure.

En face on a vu les coureurs au loin

On sait ce qui nous attend comme côte.

 

Le dernier point ravito est là à Lafayette.

Je ne suis pas le marquis mais je m'appelle encore Gilbert.

Allez hop une p'tite crêpe

Je vais pouvoir mener ma guerre.

 

Je sors du patelin un peu plus frais qu'avant mais que pour quelques hectomètres.

La côte terminée, cela va en pente vers Firminy.

Ca sent l'écurie et Gibus le bourrin reprend du foin de la bête.

Comme un p'tit vieux, la foulée rasante, nous rentrons dans le final countdown.

 

Ce n'est pas Europe ni l'Amérique mais cela ressemble bien à une grande satisfaction.

La salle du CLCS est là en contre bas.

Quelques marches et l'arche déserte est franchie.

Il est midi et Gibus se relève.

Je n'ai pas sommeil.

 

Le tour du cadran depuis le départ.

Ce fut long mais riche.

Une sacré volonté que j'ai été cherchée.

Nous ne connaissons pas nos limites.

 

 

Les nuits passent inhabitées
J'écoute les battements de mon cœur me répéter
Qu'aucune musique au monde ne saura remplacer
Quelque mots d'amour d'un trail au long court.

7 commentaires

Commentaire de coco38 posté le 07-12-2018 à 21:57:40

Super compte rendu (comme d'habitude !) avec plein de photos sympas. Il faudra revenir pour la 51ème en attendant j'espère qu'on se croisera en 2019. Bravo.
Jean-Claude

Commentaire de Mazouth posté le 08-12-2018 à 02:04:51

Malgré les aléas et les détours tu as retrouvé la crêpe et l'arche déserte, bravo !

Commentaire de bubulle posté le 08-12-2018 à 07:16:51

Les deux photos du passage de la Loire sont tellement représentatives de l'ambiance de la course : le panneau tout seul....et un gars qui brille loin dans la nuit. C'est ça qu'on vit pendant une nuit entière, seul ceux qui ont fait LPF connaissent cela, ce néant absolu et silencieux.

Et la description du long chemin final, même de jour, est assez saisissante, pour la volonté qu'il faut montrer pour aller au bout.

Bravo à toi, c'était fort, il fallait s'accrocher et tu l'as fiat !

Commentaire de LaBalle Rine posté le 08-12-2018 à 14:01:10

Bravo Gibus ! Belle Odyssée dans la nuit :-)

Commentaire de Benman posté le 08-12-2018 à 16:38:46

Nuit silencieuse et impressions délicieuses. Merci de partager la magie.

Commentaire de loiseau posté le 08-12-2018 à 22:19:36

Super ton récit, qui reflète bien l'ambiance de cette 'course'.
Merci le poète !

Commentaire de Jean-Phi posté le 10-12-2018 à 11:28:06

Super CR Gilbert et trop content de t'avoir vu ! Tu as été au bout, c'est top ! Bravo à toi !
L'an prochain on y retourne !!!

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