Récit de la course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous 2016, par tidgi

L'auteur : tidgi

La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous

Date : 20/10/2016

Lieu : Saint-Pierre (Réunion)

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Distance : 167km

Objectif : Terminer

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Toucher du doigt la sagesse d'être devenu fou...

 

20 Février 2016...

En pleines vacances de ski à Chamrousse, tombe le résultat du tirage au sort. J’aperçois alors mon nom parmi les nombreux retenus.

Wouaouh ! Ca y est, je vais pouvoir m’envoler vers la Réunion, afin de faire ce truc de ouf !

Un signe ? Dans la rue où je logeais se trouvait un véhicule garé là et immatriculé… 974… sur une route enneigée… (La voiture ne devait pas avoir l’habitude).

 

 


 

 

La préparation

Celle-ci sera lancée seulement après les 24 heures de Saint Fons. Avec ce premier objectif, j’ai eu tout le loisir de faire du plat…

Après mi- Avril, c’est donc du D+, des escaliers (oui, oui !), des sorties longues qui vont devoir rythmer mes entrainements. Et tout cela sans bâtons bien sûr.


Un retour sur l'Ultra Trail de Côte d'Or avec ses combes techniques sur la fin du parcours

L’Ultra Tour du Beaufortain mettra un point d’honneur à tester le bonhomme, le matos, le trail en montagne sans l’aide des bâtons (une 1°). Et avec une météo exécrable par moment (orages), histoire de tester le mental. A priori, je m’en suis sorti, ouf ! C’est toujours ça de pris.


Depuis quelques temps, souhaitant courir pour une association, j'ai choisi de faire une collecte pour la Fondation pour la Recherche Médicale (merci encore à ceux qui ont pu participé).


 


 

 

L’arrivée sur place

Après un accueil sympathique à l’aéroport, et la récupération de la voiture location.


 

Nous voici arrivés dans un sympathique gite qui est en fait un repère de traileurs (dont Antoine Guillon en personne, la classe çà !) et cela sans le savoir.

 

Je fais ainsi la connaissance de Yves_94, venu comme moi en couple. Nous sympathisons assez rapidement.

Le contexte nous met dans le bain d’avant course assez facilement, partageant avec les uns et les autres notre fin de préparation. Etonnant de voir comme les champions gèrent leur alimentation. J’ai beaucoup à apprendre…

 

Pour ma part, comme à l’accoutumée sur une grande course, j’aime bien reconnaitre la fin de parcours ou ce qui s’en approche.

Donc au menu  :

-         Le « fameux » sentier des Anglais le lundi, et la visite du stade de la Redoute…

-         La sortie du cirque de Mafate par le Maïdo le mardi. En principe, quand je serai ici, je pourrai déjà bien penser à voir l’arche d’arrivée. C’est en tout cas comme ça que je le vois…

 

Annick fera un peu d’assistance, mais à des endroits facilement accessibles : Cilaos un peu avant la mi-course, puis sur les 50 derniers kilomètres (Sans Souci, Possession, Grande Chaloupe).

Du coup, elle aura quelques petits aliments plaisir.

A défaut de Gini® (boisson qui m’aura sauvé sur un ravito lors de la TDS), j’ai trouvé un soda pétillant goût mojito. Ça c’est juste pour le fun et pour le cerveau…

L’objectif ? Une fourchette très large 45h-55h. Mais cotoyer des cadors dans le gite me rend plus ambitieux en visant 45h-48h max.


 


La veille, le retrait des dossards nous met déjà dans l’ambiance « Grand Raid »

 

 

 

Le jour J

Dernière veillée d’armes avec la préparation des sacs et du bonhomme.

Puis la glace au dessert (les kikous lyonnais comprendront…) : très petite !

Mais j’ai décidé de m’appuyer sur la présence d’un champion comme A Guillon…

Benjamin, le fils des loueurs du gite, propose même une tente pour ceux qui veulent à la sortie du Maïdo. Moi qui n’ai jamais dormi en course, je prends ! Pour une première, c’est plutôt confort.

 

 

Le départ

L’attente à St Pierre sera longue car nous souhaitons, avec Yves, partir devant. Des bouchons de plus d’1 heure ont ralenti la progression de bon nombre de coureurs l’an dernier, vers le 18° km.


Un beau coucher de soleil nous accompagne sur la ligne de départ...

 

Avant d'entrer dans le SAS d'attente...


 

Après s’être levé d’un coup (t’as pas le choix sinon tu te fais écrasé), la bousculade qui précède le départ est plutôt impressionnante. On peut vite se faire piétiner. 500m à courir pour atteindre l’arche de départ.

 

Puis vient le départ officiel : les fous sont lachééééééééééééééés !

 

Et ça part plutôt vite ! Je suis le flot tout en cherchant nos accompagnatrices dans la foule sur la gauche. Cela me coute une chute que j’évite de justesse en me retenant au sac du coureur qui me précède. J’ai failli faire une « Sébastien Chaigneau sur l’UTMB 2012» : une petite frayeur pour commencer… Je n’ose pas imaginer si j’étais tombé (vu la meute qui suit derrière).

 

La haie de supporters de chaque côté de la route est incroyable : quasi 10km où çà crie des 2 côtés.

Une image qui restera… vraiment.

 

A ce rythme un peu élevé, nous traversons les champs de cannes à sucre et arrivons à Domaine Vidot. Km 14. 1h45. 894°

 

Le flot de coureurs s’est un peu étiré à présent.

A la place du bouchon tant redouté, ce sont plutôt des ralentissements, voire 2/3 minutes d’arrêt lors de passage de petites ravines. Mais rien de comparable avec ce que j’ai pu lire (et qui attendra cependant les concurrents plus en arrière).

 

La montée dans la nuit se poursuit et je passe ainsi à ND de la Paix. Km 25. 4h07. 792°

Je suis sur une base inférieure à 45h. Donc un peu rapide à mon goût.

 

Ici je prends un smecta car je sens le bide me tirailler par moment. Cela me rappelle la montée au col du Bonhomme lors de l’UTMB 2013 : quelques petits problèmes intestinaux venaient me mettre le doute alors que la course n’avait pas vraiment commencé.

 

Tiens ! J’aperçois la Lune décroissante... avec une forme croissante (Premier Quartier) ??

Je viens de comprendre que c’est inversé dans l’hémisphère Sud ! Féru d’astronomie étant jeune, je n’avais pas réalisé…

 

Arrive Piton sec. Km 35. 6h09. 710°

 

Puis, je retrouve une route goudronnée qui mène alors à Piton Textor. Km 41. 7h19. 701°

 

C’est alors la fin du marathon en montée dans la nuit…

Le jour s’est levé, il fait frais mais pas trop froid comme j’ai pu entendre sur certaines années.

Une nouvelle journée commence, elle sera longue mais le moral est bon après cette première nuit. Et pas de douleurs particulières.

Ici je suis toujours légèrement en avance sur le temps 45h. Ça ne durera pas. Ça fera comme à l’UTMB me dis-je à ce moment-là. Lucide, réaliste et surtout, garder de l’humilité sous les chaussures…

 

La descente vers Mare à Boue est plaisante. Elle passe dans les champs, baignés par le soleil.

Le piton des Neiges se dévoile :

On sent l’humidité ici. Il parait que certaines années, la progression était très délicate.

à Mare à Boue. Km 51. 8h48. 691°

Derrière, ce que je viens de descendre, devant ce qui m’attend avec le coteau Kerveguen.

 

En face, se dresse le coteau Kerveguen, passage obligé pour entrer dans le cirque de Cilaos et atteindre la ville du même nom, après une descente très technique sur Mare à Joseph.

 

La montée n’est pas dure, mais un peu longue. J’ai l’impression de m’ennuyer malgré une belle végétation. On arrive dans les nuages.

Quand arrive alors la descente, il se met à bruiner : « fariner » comme on dit ici.

La descente technique devient aussi glissante, sur les marches en bois…

Devant moi, un concurrent vient de tomber il y a quelques minutes. Il s’est ouvert sur le côté de la tête. Un autre coureur est auprès de lui, un 3° est descendu pour chercher les secours. Il est conscient et dit être passé à côté de bien plus grave. La course est terminé pour lui.

 

On me dit ne pas avoir besoin de moi. De fait, je continue dans la descente. Mais en mettant le frein à main (je me fais pas mal doublé). Me voilà refroidi pour le restant de la descente. « Et si c’est comme çà dans Mafate lors de la prochaine nuit ? Pas top ».

De fait, j’avance très (trop) prudemment, attendant impatiemment la fin de cette interminable descente qui arrive à Mare à Joseph. Km 63. 12h20. 726°

 

Ici, cela devient roulant, alors… je cours.

 

Après une courte descente/montée, me voilà enfin à Cilaos, où je retrouve ma moitié venue faire l’assistance avec la femme de Yves, lui-même en train de se reposer depuis 20 minutes.

Je pointe avant lui au check point mais je souhaite me changer, manger chaud. Et laisse de fait mon « assistante » (non autorisée à entrer sur les lieux de ravitaillement).

 

Cilaos. Km 67. 7h14. 769°

 

Ici je perds pas mal de temps finalement : se changer, manger un repas chaud (mais sans conviction) puis retrouver mon assistance. Cela se compte en beaucoup de minutes…

Je pense y avoir passé presque 1 heure.

Mais j’ai la joie de croiser l’ami Jean-Mi qui arrive au moment où je repars.

 

Après avoir marché un peu ensemble dans la ville et voir de loin la jolie église,

je laisse Annick en me disant que je ne la retrouverai qu’après Mafate le lendemain

 

Mon temps prévisionnel est alors passé au-delà de 45h.

 

Les choses sérieuses vont débuter à présent. Je me dis depuis quelques temps que la course commence à Cilaos, et ce malgré la difficile descente de Mare à Joseph que j’ai pu vivre il y a quelques heures.

 

La montée du Taïbit se fait après une bonne descente, histoire de démarrer bien en bas ! Ce n’est pas drôle sinon…

Il fait bien chaud et j’imagine cette partie comme la montée du Fort de la Platte sur la TDS : en plein soleil. Aurai-je un Gini® bien frais au ravito ?...

La casquette qui a été mouillée dans la cascade en bas est quasiment déjà sèche en début de montée. Je pense bien à boire sachant qu’un ravito intermédiaire se situe au tiers de la montée.

Cilaos se dévoile au loin

 

Début montée du Taïbit. Km 74. 15h51. 741°

 

Je ne traine pas ici après avoir rempli ma poche à eau.

Nous sommes sur la route et je préfère ne pas m’attarder sur cette montée.

 

En sous bois par moment, il ne fait finalement pas si chaud au fur et à mesure de la montée et le sommet arrive plus vite que prévu.

 

Non sans être passé par un ravito « sauvage » où une « tisane des sportifs » ( !) est offerte par des locaux. Bah, je ne risque… Merci !

 

Ca y est, j’entre dans le cirque de Mafate, le fameux…

 

Une petite descente et me voilà à Marla. Km 80. 18h11. 722°

Je découvre ainsi les premiers ilets de ce cirque.

Ici, Marla est encerclée par les nuages.

 

L’électricité est fournie par un groupe électrogène.

Ce qui n’empêche pas le ravito d’être bien fourni et les bénévoles sont super sympas.

Me voilà à tenter le poulet grillé + riz + lentilles (avec modération hein ?).

 

Le jour commence doucement à décliner et il va falloir se préparer pour la nuit qui vient.

Jusqu’ici tout va bien, pas de douleurs particulières et le moral est bon. Pourvu que çà dure…

 

Je découpe le parcours au moins qu’au Maïdo qui devrait me voir au lever du jour.

Je sais que je vais entrer dans le dur de la course : Mafate de nuit (celle-ci sera la 2°). Même si j’ai déjà vécu une 2° nuit sur d’autres ultras, je ne sais pas comment le corps va réagir après tout ce dénivelé déjà encaissé.

 

Je repars en traversant une magnifique forêt de tamarins, ce qui me mène au col des Bœuf, point de passage pour une incursion « rapide » dans le cirque de Salazie.

L’arrivée de la nuit est accentuée par le brouillard environnant et un froid qui saisit par moment. Histoire de mettre dans l’ambiance nocturne qui m’attend, je ne peux profiter des paysages qui deviennent bien gris, puis noirs.

Un ravito est posé là, avant le pointage de sentier Scout, en sous-bois où la gentillesse des bénévoles est une fois de plus remarquable.

Révision et mise au point du bonhomme avant d’affronter la nuit…

 

Arrive ensuite Sentier Scout, le long d’une route où la bénévole s’y prend à 3 fois pour me pointer. Visiblement cela ne marche pas. « C’est bon ? » « Euh… Oui » me répond-elle sans être vraiment sûre. Je verrai plus tard que le pointage ne s’est finalement pas fait… Problème de dossard ?

 

La descente qui suit nous ramène à Mafate, que je ne quitterai plus avant la remontée vers le Maïdo.

Pas de route, donc interdiction d’abandonner ici !! Hi ! Hi !

 

Dans ce fabuleux cirque (dont je ne verrai que des images de nuit), j’enchaine ainsi des montées et descentes. Parfois très techniques, parfois vertigineuses (il faut mieux ne pas regarder à sa droite et tenir la corde... quand il y en a une…) !

 

A Ilet à Bourse. Km 97. 23h25. 680°, au moment du pointage, on me demande d’attendre le chef de poste (?). Bigre, qu’ai-je donc fait ? J’ai coupé où il ne fallait pas ? Mon dossard ne marche pas ? J’ai fait une c… ?

Arrive le bénévole qui m’apprend que l’on m’avait perdu (!) “Ah bon ?” “Mais, pas de souci, vous êtes bien là et enregistré à mon poste”.

Curieux ! Cela expliquerait-il le problème de pointage à Sentier Scout ?

 

Intrigué, je ne cherche pas à en savoir plus et continue ma route… ou plutôt mes escaliers… Montées, descentes, glissades dans les gravillons. Quand on m’a dit qu’il fallait faire beaucoup d’escaliers dans sa prépa, je me rend compte que ça me sert bien ici : les genoux et quadris encaissent plutôt bien

Heureusement que le temps est clément : de belles étoiles sont à découvrir dans cet hémisphère Sud. Assis par terre un moment suite à une longue descente, je prends le temps de contempler le plafond…

Il fait bon mais je préfère garder le maillot manche longue mis à Marla car je n’ai qu’un tee-shirt de rechange que je pense mettre après le Maïdo. Et pourtant, j’ai parfois trop chaud mais faut gérer.

 

Je passe alors Grand Place. Km 100. 24h33. 676°. Toujours entre 45h et 48h en prévisionnel.

J’ai besoin ici de me poser, bien plus que les 5 ou 10 minutes prévues : une soupe, une orange, une banane. Dans le dortoir, tous les lits sont pris (et pourtant çà fait envie ! Mais je me dis qu’au réveil, la relance sera très difficile, je préfère attendre d’être sorti du cirque).

Quelques concurrents se font soigner à côté par les médecins bénévoles.

 

Passé un cours d’eau, l’ascension du Maïdo débute. Et avec elle, la sortie de ce cirque visité en nocturne.

Sur les côtés du chemin, des corps endormis (enroulés ou non dans leur couverture de survie). Le besoin de dormir est plus fort… J’essaie de ne pas les éclairer en passant.

C’est après quelques (hautes) marches que j’atteins Roche Plate. Km 108. 28h23. 647° Ville étape dans la montée.

 

Ici aussi, afin de rester lucide pour le restant de la montée, je me pose à nouveau (bien plus que ce que j’avais naïvement prévu dans mes temps de passage).

J’enlève le mode avion du téléphone, mode que j’avais laissé depuis Cilaos, à croire que je n’ai pas vu passer le temps ;-)

Et là ! Surprise ! Une quinzaine de SMS non d’encouragement mais de « consolation ». Pour mes suiveurs, j’aurai visiblement abandonné !!

Annick, inquiète, me demande où me récupérer…

????

 

Ces SMS datent de la fin de journée, visiblement après Marla, au vu de l’heure d’envoi.

Je m’empresse alors :

-         De répondre à chacun et chacune par SMS pour les rassurer (et notamment ma moitié qui dort peut-être à l’heure actuelle) : je suis bien – et toujours - en course.

-         D’aller voir le poste de pointage et d’insister pour qu’il me montre ce qui est vu sur le site web de la course. « Non, non, il n’y a aucun problème, je ne vois pas de quoi vous parlez »

Apparemment le mal a été fait et réparé depuis plusieurs heures déjà. Et moi qui, pendant ce temps-là, crapahutais dans les sentiers de Mafate.

Je comprends mieux le pointage foireux à Sentier Scout et surtout la discussion avec le chef de poste à Ilet à Bourse…

 

Cet intermède m’a du coup pris plus de temps que prévu (une petite demi-heure) et il faut que je me relance pour poursuivre la montée.

En face, des lumières : les frontales de ceux qui sont à Roche Ancrée / Grand Place. On voit ainsi le chemin déjà parcouru et çà met du peps.

 

A nouveau des corps endormis sur le bas côté. Etonnantes ces images. Je n’avais rien vu de tout çà à l’UTMB !

 

L’ascension est ponctuée de quelques balises indiquant la progression.

Durant l’ascension, au point 66/33, j’ai même le privilège d’être interviewé par un journaliste de RER, en promenade sur le site, en pleine nuit ! Je suis donc passé à la radio ! Enfin… peut-être…

 

L’impression d’un cerveau débranché, je n’arrive pas à mesurer le temps qui file.

Je passe « La Brêche » (attention au vide à droite) et poursuis la montée, mais avec un pas moins assuré. En clair, je titube par moments, comme entrainé en arrière alors que je dois poser le pied fermement sur un rocher.

Ca sent le manque de sommeil et je ne pense plus qu’à la tente qui doit m’attendre en haut (à Roche Plate, un SMS a été fait à Benjamin pour m’assurer d’une place et que c’est toujours bon).

Allez, les 3/4 sont faits.

 

A l’approche du Maïdo, le jour commence à pointer et la frontale ne devient plus nécessaire une fois arrivé en haut : enfin la délivrance au sortir de Mafate ! Je suis au Maïdo !

 

Le ravito se trouve quelques minutes plus loin.

Benjamin, mon hébergeur du moment vient à ma rencontre et me donne un coup de main pour me ravitailler. Sympa !

Au pointage : Maïdo. Km 115. 31h23. 598°. Je suis dans les temps 48h mais je vais devoir dormir un peu.

Cette perte de temps s’explique en partie par le fait que je n’avais pas planifié autant de repos lors des ravitos à Mafate. Et pourtant, j’en avais besoin.

 

Ici, je prends cette fois-ci du salé et  de la soupe (ça fait un bien fou !), et je rempli la poche à eau, avant d’aller piquer un somme d’un quart d’heure dans la tente de Benjamin.

Encore un merci à toi Benjamin !

Je vais pouvoir tester pour la première fois ce que « dormir en course » veut dire.

 

Je mets le réveil dans 1/4h d’heure et m’endors…. sur le champ !

Quand le réveille sonne, j’ai l’impression d’avoir roupillé 1h. Ces 15 minutes m’ont fait beaucoup de bien.

 

Après avoir remercié à nouveau Benjamin qui prépare l’assistance pour les premiers du Trail du Bourbon, je reprends tranquillement le sentier sous un soleil qui commence à chauffer. Et c’est tant mieux.

Il fait jour, il fait bon, le plus dur est passé, je me réveille en forme, je vais revoir Annick à plusieurs endroits,: je sens que je vais passer une belle journée. Un mental à bloc !

 

A ce moment passe le premier du Trail du Bourbon, que j’encourage.

 

Je mets bien 10 minutes reprendre un rythme de croisière, tout en consultant mon road book.

Je suis à présent dans un temps 50h. Je peux peut-être revenir sur une base 48h, maintenant que je suis reposé ?

 

La descente sur Sans Souci se fait à un bon rythme. Je dépasse beaucoup de concurrents.

A tel point que lorsque j’atteins le ravito/pointage, j’ai presque 1h d’avance sur ce que me propose le road book.

Annick vient juste d’arriver pour mon assistance et on a failli se louper.


Sans Souci. Km 128 34h40. 624°

 

Ici, tout est pensé pour les familles. La cour d’école est aménagée et je peux me changer tranquillement avec Annick aux petits soins. Non sans avoir gouté aux délicieuses crêpes maison du ravito (merci les bénévoles).

Changement de tee-shirt, mais aussi de chaussures. Je vais finir le parcours avec mes anciennes Mafate Speed, plus légères que mes Xodus.

A l’inverse de Cilaos, je ne perds pas de temps en voulant aller au repas chaud (je profite de mon assistante de choc) et préfère repartir aussitôt. Je retrouverai Annick à Possession, puis Grande Chaloupe. Ces points étant plus faciles d’accès en voiture que ceux du début de la course.

 

Au fil des kilomètres, je me retrouve avec un groupe de 6 coureurs, puis 4.

Nous croisons des locaux qui nous proposent des petits ravitos « sauvages » : eau, coca (que je prends pour ce dernier, tout en remerciant ces gens, apparemment admiratif des fous que nous sommes…).

 

Au fil des km, nous nous retrouvons plus qu’à 2.

C’est un Thierry aussi. Nous papotons ainsi jusqu’à Chemin Ratineau. Km 138. 37h22. 578°

 

D’après les estimations, je reviens sur un chrono un poil en dessous de 48h, que je propose de partager avec mon acolyte. Banco ! On passera ainsi la journée à discuter, on pourrait presque croire que nous sommes là en balade, malgré les quelques 130 km dans les jambes.

Une impression de banalité, porté par les supporters tout au long du chemin. Je profite un max, vraiment !

 

Au sortir d’une ravine, nous voilà à Possession. Km 146. 39h19. 556°

Où nous continuons notre progression au classement. Allez ! un top 600 ce serait super ! On verrouille çà au moins.

Annick est là mais une fois de plus, ne peut rentrer dans le ravito.

Il fait très chaud, penser à bien boire, mouiller la casquette. Je prends eau gazeuse + coca.

 

Nous perdrons là 10 minutes car mon binôme est parti voir sa famille pour alléger son sac, ce n’est pas bien grave et j’en profite pour faire la mise au point du mien avec Annick (penser à prendre dans le sac le tee-shirt du GRR pour préparer l’arrivée, il est obligatoire pour passer la ligne).

 

Allez ! En avant pour le sentier des Anglais. Dont j’ai reconnu une partie en rando (d’où l’intérêt de reconnaitre les fins de parcours…).

 

Le soleil tape à présent et les fameuses pierres sombres du sentier réverbèrent bien la chaleur !

Le petit air marin (la mer est à côté) n’est malheureusement pas suffisant pour rafraichir un peu. Faut boire, faut boire…

 

2 descentes puis 2 remontées et sur le plat je vois Annick qui vient à notre rencontre. Elle a décidé de profiter aussi des quelques cailloux sur lesquels il faut faire attention aux chevilles.

Mais globalement çà passe bien malgré ce qu’on peut lire de ce sentier (il est vrai qu’au de 150km, on aimerait bien quelque chose de plus stable pour les pieds…)

 

Grande Chaloupe. Km 153. 41h42. 564°

Ici se trouvent aussi les supporters de mon homonyme qui prennent quelques photos.

Je reprends ici bcp de coca, orange (après avoir terminé mon soda goût mojito, oui le truc pour le mental).

Une envie excessive de sucré que je vais payer un peu plus loin lors de la dernière montée vers Colorado.

 

En effet, me voilà à me trainer derrière mon acolyte Thierry (et Annick venu faire encore un petit bout avec nous avant de faire demi-tour et reprendre la voiture pour aller vers l’arrivée).

 

Pas de doute, je fais une hypoglycémie réactionnelle (tout ce sucre avalé a l’effet inverse de celui recherché) !!

Je peste intérieurement, attendant que cela revienne. Pas facile avec cette chaleur persistante.

Mais pas moyen, je retrouverai des couleurs seulement à partir de St Bernard, à mi-pente.

Je trouve néanmoins la force de saluer l’hélico venu filmer les concurrents sur cette partie (peut-être serai-je dans le DVD de la course ?).

 

Le reste de la dernière ascension est ponctuée de papotage, sous un soleil qui commence à décliner.

Pas de doute, on profite, on profite…Je prends aussi le temps d’envoyer quelques SMS. Une image un peu hors du temps quand on pense qu’au bout de 155km, on a plutôt envie d’arriver !

On a une chance énorme d’être là, alors il faut profiter.

Clin d’œil au « Lyon Ultra Run » et « Brut de Fleurs », des teams de choc…

 

A discuter (de resto je me souviens), on rate un – énorme – balisage nous disant de tourner à gauche. Evidemment, on ne s’en rend pas compte de suite…

Ce jardinage nous coute quand même une vingtaine de places.

Bon, tant qu’on reste dans le top 600…

 

Juste avant Colorado, un magnifique coucher de soleil (dommage, je pensais prendre une photo au ravito mais le soleil n’était plus visible depuis ce point).

Une belle image qui fait écho à celle du départ. Magnifique !

 

Colorado. Km 162. 44h28. 581°

Dernier sommet, une soupe chaude et PAS de sucré. Et en avant Guingamp !

Non sans être contrôlés pour le tee-shirt et une frontale « qui marche » !

 

Tout d’abord herbeuse, la dernière descente devient caillouteuse et un poil technique.

Mais… même pas peur. Enfin… il ne faudrait pas non plus se faire une cheville maintenant hein ?

Saint Denis commence à se dévoiler.

 

La nuit tombe très vite pendant la descente et c’est à ce moment-là que ma frontale choisit d’épuiser complètement la batterie. Pour aller plus vite, je prends directement la frontale de secours, plus accessible.

 

En bas, les lueurs du stade, accompagnées du son qui indique que l’on approche de l’animation proposée sur la ligne d’arrivée.

 

J’envoie un dernier SMS à Annick pour lui indiquer que nous passons à proximité du 2° lacet de la route qui monte au-dessus de St Denis (reconnu quelques jours avant).

 

Puis nous atteignons le dessous du pont Vinh-San (qui enjambe la rivière Saint Denis) et la dernière ligne droite qui suit avant de rentrer dans le stade.

Incroyable comme j’ai envie que le temps se fige. Je veux juste profiter de cette arrivée !

 

Et c’est avec mon binôme des 40 derniers kilomètres que je rentre dans le stade, avec Annick à mes côtés et le neveu de Thierry pour ce dernier.

Une petite ligne droite et c'est avec une immense joie que nous passons sous l'arche : la vidéo !


NOUS AVONS SURVECU !!

Saint Denis. Km 167. 45h47. 580°

 


Nous avons même droit à une petite interview de quelques minutes par le speaker :

 

... avant LA Dodo tant attendue



Et un retour au gite pour quelques photos souvenirs avant de nous quitter :


 

 


Le bilan

 

Difficile de résumer cette histoire, tant il y eu de moments riches.
Ce fut pour moi une aventure hors du commun.


 

Tout d’abord une météo qui nous a plutôt gâtés.
De fait, je n’ai jamais eu l’impression d’être vraiment dans le dur.
Et ce malgré la nuit parfois difficile dans Mafate. Etonnant de voir tous ces corps endormis sur le bas-côté lors de la 2° nuit.

Puis le samedi (dernier jour), une impression de vraiment profiter des lieux, des rencontres, d'être un peu hors du temps (malgré un oeil sur le chrono ou la place).

La gestion de l'alimentation a été bien meilleure que d'habitude, même si côté hydratation ce ne fut pas encore tout à fait çà...

Ensuite un peuple réunionnais qui nous a soutenus, qui a vibré et qui nous a fait vibrer.
Cette gigantesque haie d’honneur sur les premiers kilomètres, ces bénévoles toujours souriants et passionnés. Je n’ai jamais autant dit « merci » en si peu de temps. Un côté humain qui restera gravé.

Et que dire de l’avant/pendant/après.
Cette émulation au sein du gite, autour d’un grand champion, ces rencontres avec d’autres kikous (dont Yves), les 40 derniers km partagés avec un homonyme rencontré pendant la course.

Et bien sûr l’assistance de choc faite par mon épouse (merci encore ma chérie !) qui, en plus de cela, s’est fait plaisir à suivre son traileur de mari ;-)

La récupération aura été idéale dans ces lieux paradisiaques (rando, un peu de plage, dégustation des produits locaux solides ET liquides). Rien de tel pour se remettre à gambader une semaine après…

Des souvenirs qui resteront gravés.







 

Ce que j'avais écris à chaud :

J'ai rêvé...

- d'une île perdue au milieu de l'Océan indien, parsemée d'un décor aux multiples facettes et baignée par le soleil
- d'une traversée du Sud au Nord (appelée "la Diagonale des fous"), qui se fait à pied à travers des paysages somptueux, et qui fait vibrer tout un département
- d'une découverte d'une ambiance particulière, et de rencontres entre des "fous" et un public tout acquis à leur cause
- d'un départ avec une haie d'honneur pendant une dizaine de km !
- d'une alternance de périodes d'émerveillement, de doute, de fatigue, d'envie
- de rencontres et de solidarité entre coureurs
- d'une arrivée commune avec un homonyme rencontré 40km avant la fin, et sous les applaudissements et un respect qui gênerait presque
- d'un top 600 sur presque 2600 partants...

Quand je me suis réveillé samedi peu avant 20h, après une cavale de près de 46 heures, j'ai compris que j'avais survécu au Grand Raid Réunion - Officiel

Un merci très sincère pour vos encouragements et le soutien que j'ai pu sentir tout au long de ce chouette défi 

 

 

 


 

Et après ?

Place à une semaine de découverte de cette île extraordinaire.


Salazie et Hell-Bourg :



Le piton de la Fournaise :

 

Plage et Miam...



 

 

 

38 commentaires

Commentaire de philtraverses posté le 11-11-2016 à 10:56:16

belles photos et récit sympa. Bravo pour être allé au bout dans un bon temps qui te met dans le premier tiers du peloton. C'est une magnifique aventure et mon plus cher souhait est d'y revenir un jour.

Commentaire de tidgi posté le 11-11-2016 à 10:58:51

Et même le 1° quart si l'on prend les partants (on m'aurait dit çà avant... J'aurai traité mon interlocuteur de... fou !)
Je te souhaite d'y revenir.

Merci à toi :)

Commentaire de franck de Brignais posté le 11-11-2016 à 13:01:50

Un énorme merci pour cet excellent récit. (j'espère qu'il me servira dans ma préparation dans quelques années !!). Bravo d'avoir survécu... mais c'est toi le maître ;)
Par contre la glace... ça va pas cette histoire !! C'est quoi ce truc rikiki ?? Je vais ressortir les dossiers, avec les vraies glaces !!

Commentaire de tidgi posté le 11-11-2016 à 16:13:37

Je te souhaite de vivre ce que j'ai vécu :)
Pour la glace, t'as raison, pas toujours besoin de chantilly (oui, mais çà manque quand même...)

Commentaire de yves_94 posté le 11-11-2016 à 13:43:12

Super course ! On se refait cela dans deux ans ?

Commentaire de tidgi posté le 11-11-2016 à 16:14:08

On essaie de se revoir avant ? ;-)

Commentaire de zeze posté le 11-11-2016 à 14:14:04

Que dire de plus vraiment bravo mais tu nous a fait flipper avec ta disparition des écrans

Commentaire de tidgi posté le 11-11-2016 à 16:14:49

Promis, je n'ai rien touché ! ;-)
Merci chef.

Commentaire de Mamanpat posté le 11-11-2016 à 14:39:48

Une p'tite ballade de santé de fait(e) ! Encore bravo mon Tidgi !

Commentaire de tidgi posté le 11-11-2016 à 16:15:00

Merci ma Pat' :)

Commentaire de Françoise 84 posté le 11-11-2016 à 15:07:12

Un grand bravo à toi, survivant!!!! Merci beaucoup pour ce récit imagé qui retrace tellement bien ce qu'on vit là-bas!!! Après, on n'a plus qu'une envie: y retourner...!!! Bonne récup, bises!

Commentaire de tidgi posté le 11-11-2016 à 16:15:53

Merci Françoise.
On a pensé à vous quand on a trottiné vers "Senteur Vanille" (on logeait pas loin la 2° semaine)

Commentaire de Mazouth posté le 11-11-2016 à 15:15:25

Quelle belle aventure, bravo à toi, tu es vraiment fort pour gérer ces trucs de fous ;-)

Commentaire de tidgi posté le 11-11-2016 à 16:16:20

A peine tu sais. Juste fais le...
Merci.

Commentaire de Bacchus posté le 11-11-2016 à 15:38:48

Bravo, très belle perf
Au plaisir de te recroiser sur une course, enfin au départ parce que après tu seras loin :)

Commentaire de tidgi posté le 11-11-2016 à 16:17:16

Ravi d'avoir fait ta connaissance le Bourguignon :)
On se revoit en métropole ?

Commentaire de fildar posté le 11-11-2016 à 17:17:05

Que dire à part bravo et merci pour le partage
@+

Commentaire de tidgi posté le 12-11-2016 à 09:29:20

Merci Phil'

Commentaire de a dreuz posté le 11-11-2016 à 21:42:47

Bravo pour ce Vendée Globe de la course à pied!

Commentaire de tidgi posté le 12-11-2016 à 09:29:54

Eux, ils tournent en rond ;-)
Merci.

Commentaire de Pierrot69 posté le 12-11-2016 à 00:06:18

Un plan sans accrocs et une course rondement menée. Un grand bravo et merci car grâce à toi je revis par procuration cette course qui n'a décidément pas d'autres égal. Un an après j'ai toujours autant d'étoiles en moi en y repensant et je suis sûr qu'il en sera de même pour toi.
À bientôt sur les sentiers.

Commentaire de tidgi posté le 12-11-2016 à 09:35:45

On ne ressort pas insensible de cette aventure.
Des images qui resteront c'est sûr.

Merci Pierrot le fou, et à bientôt.

Commentaire de Papakipik posté le 12-11-2016 à 16:49:51

Bravo Thierry ! Un gini (même couleur locale) et un glace la veille, c'est bien finalement la recette des vainqueurs ;-)

Commentaire de Mazouth posté le 12-11-2016 à 17:04:53

Ca manquait un peu de tome et de jambon cru quand même ce récit ^^

Commentaire de tidgi posté le 12-11-2016 à 20:35:42

Jambon au Maïdo, et il a fait du bien Sylvain...

Commentaire de tidgi posté le 12-11-2016 à 20:35:15

Oui mais... ce ne fut pas des originaux (gini et vraie glace) ;-)
Merci Romain.

Commentaire de Benman posté le 12-11-2016 à 19:35:18

donne bien évidemment très envie de faire ce genre de folie, même si il rappelle bien les sacrifices puis la souffrance nécessaires pour en arriver là. Bravo et merci Tidgi.

Commentaire de tidgi posté le 12-11-2016 à 20:36:31

Laisse toi tenter ! Et laisse la souffrance derrière toi ;-)

Commentaire de Davitw posté le 12-11-2016 à 19:49:16

Bravo c'est une sacrée balade cette diag...
et merci encore pour la vanille ! Ma femme était ravie ;)

Commentaire de tidgi posté le 12-11-2016 à 20:36:58

Merci David.
Et de rien pour la vanille ;-)

Commentaire de Trixou posté le 14-11-2016 à 14:54:58

Enorme BRAVO Thierry !!!

Commentaire de tidgi posté le 14-11-2016 à 19:51:10

Merci Gilou !

Commentaire de lub001 posté le 15-11-2016 à 16:45:23

Bravo Tidgi pour ta performance et beau récit !

Commentaire de tidgi posté le 15-11-2016 à 23:31:03

Merci à toi !

Commentaire de Arclusaz posté le 17-11-2016 à 20:58:55

La course commence à Cilaos, ça me rappelle quelque chose ça, mais quoi ?

sinon, rien à dire, tu es indestructible : tu passes même à travers les bugs informatiques.
bien joué, ton frère peut être fier de toi !!!!!

Commentaire de tidgi posté le 29-11-2016 à 21:02:10

Cilaos ? Entre Soucieu et Chaussan ?
Merci garçon.

Commentaire de xian posté le 29-11-2016 à 20:31:54

a y est, j'ai fini de lire ton récit... à quelques heures de la STL, je me suis dit que c'était une bonne entrée en matière ;)
à te lire et à voir tes photos, le terme de "fous" n'est pas usurpé !
gros big up, Tidgi ! mais bon, je ne réalise pas trop ce que ça doit être, malgré tout.
un seul bémol, relevé par un connaisseur : c'est quoi cette glace ? c'est un coup à te faire disqualifier de la course, ça... ça ira pour cette fois, mais ne recommence pas ! un glace avant ultra, c'est au moins 3 boules et chantilly :-)

Commentaire de tidgi posté le 29-11-2016 à 21:03:56

Merci m'sieur !
Ben dis donc, tu ne lis pas vite ;-)
Rappelle toi pour la glace, j'avais une bonne excuse avec not' champion...

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