L'auteur : franckym
La course : Trail du Buis - 21 km
Date : 16/10/2016
Lieu : La Buisse (Isère)
Affichage : 1812 vues
Distance : 21km
Matos : Mizuno Wave Kazan en fin de vie, trouées. Chaussettes de compression Nike. Porte bidon D4 500 ml avec boisson énergisante. Montre garmin 920XT.
Objectif : Se défoncer
Partager : Tweet
Bon , hé bien ça y est , la course a eu lieu et c'est donc le moment de faire partager cette expérience originale pour moi, puisque c'était la première fois que je m'inscrivais sur cette distance pour un trail et avec un si fort dénivelé et quelques pourcentages ahurissants.
Tout d'abord je dois préciser que j'habite sur place et que j'ai participé à toutes les éditions du 10 km du trail du Buis (400 m D+) depuis que cette course existe.
Etant du coin, je connais bien les organisateurs et pas mal de bénévoles et je dois encore une fois leur dire merci. Un très très grand merci de nous organiser chaque année ce trail qui est désormais devenu une tradition dans notre village.
Donc, comme je le disais, c'est mon premier "vrai" trail. Je pratique la CAP depuis maintenant fort longtemps, mais les trails montagnards comme celui-ci , bien qu'il soit relativement court, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé. Je suis plutôt un "bitumeux" qui préfère le plat, les 10 km, les semis et les marathons. Ma foi, chacun son truc. Mais, comme c'est sur place, je fais chaque année honneur à cette course et j'ai décidé pour la première fois de franchir le pas en m'inscrivant sur le 21 km, constatant des progrès importants sur les deux dernières années, notamment grâce à des entrainements de meilleure qualité, et surtout beaucoup plus structurés (entre 3 et 5 sorties par semaine).
Je me suis inscrit en ligne à cette course début septembre, et j'ai donc eu quelques dimanches pour pouvoir tester (ou réviser) les parties importantes du parcours.
Le réveil sonne à 7h30 et là je sens déjà que quelquechose cloche. J'ai l'impression de ne pas avoir bien dormi. La faute en grande partie à une pharyngite qui a commencé le mercredi. Assez douloureuse, surtout la nuit, elle m'a bien fatigué ces derniers jours. Mais, pas de fièvre, alors comme me l'a dit mon médecin : "Si pas de fièvre, on peut courir". De plus il fait très beau. A peine levé, je mets mon cardio en place. Il m'indique 70. Je me dis : "il déconne, c'est pas possible !". Je prends une montre je fais la mesure à la main : 70. 70 au lieu de 48 au repos ! Arrrghh ! Il y a un problème. Le stress, la fatigue ? Si j'ai déjà 22 pulsations/min de plus que d'habitude au repos, la course risque d'être vraiment difficile.
J'engloutis un petit déjeuner complet, je m'habille en "traileur", j'enfile une petite laine et je file vite fait vers 8h15 à la salle polyvalente qui est à moins de 5 minutes à pied de chez moi. Il y a déjà quelques voitures garées , mais le gros du peloton n'est pas encore là. Je croise un voisin qui fait le 10 km comme d'hab et qui m'encourage. Il me demande combien je vise, je lui réponds 2h30. Nous avons souvent fait le 10 km ensemble, et d'habitude il me mettait toujours 3 ou 4 minutes dans la vue (1h02). Il me souhaite bonne chance et moi aussi.
J'arrive à la salle poly. La musique est là, je croise plein de têtes connues parmi les bénévoles, on se salue, on discute vite fait de la pluie et du beau temps (surtout du beau temps). Ils sont ravis qu'il fasse beau. Ils vont faire le plein d'inscriptions. Je retire mon dossard. Le 23. Porte-bonheur ? C'est le jour de naissance de ma fille, mais à part ça c'est tout ce que je trouve de bien à ce numéro. C'est déjà pas mal.
Je vais retirer mon lot et je découvre avec bonheur deux bières étiquetées "Trail du Buis 8ème édition" , une blonde et une ambrée, brassées à Coublevie juste à côté chez Attract'yves. Et un mug sympa "Trail du Buis". Original et ça change des éternels T-shirt dont on ne sait plus que faire et qui encombrent inutilement l'armoire en faisant râler madame.
Je retourne à la maison poser tout ça, et là c'est le bazar des concurrents qui cherchent un place pour se garer jusque dans mon lotissement. A la maison, je mets ma puce, mon dossard et je reviens en salle poly, en T-Shirt (j'ai mis une sous-couche parce qu'il fait frisquet). J'ai choisi le t-shirt "run for life" des 10 km de Grenoble 2016. J'ai pris aussi un bidon avec 500 ml d'optonia goût orange. Il est 8h45. Le temps de discuter un peu avec un ou deux buissards de ma connaissance qui font eux aussi la course, et déjà, Thierry, le grand-chef, annonce au micro qu'il faut se diriger vers la ligne de départ qui sera donné dans quelques minutes.
Je me poste pas trop loin de la ligne de départ. Il y a un groupe de très jeunes gens (20 ans ?) qui ont l'air de courir un trail pour la première fois. Une jeune fille a un débardeur en coton. Je me dis qu'elle va se cailler les meules, d'autant plus si elle transpire trop (elle sera sur le podium à la fin).
TOP départ. Il n'est que 8h57, aucune annonce préalable n'a été faite, ça surprend les concurrents. Mais on y va. Comme d'habitude ça démarre assez vite. On passe sur le petit pont, bouchon (attention aux poteaux) .
Je décide de ne pas dépasser le 150 de FC, ce qui me place à une allure de 4'50" par kilomètre. Un peu au-dessus de la normale pour la FC à cette allure. Je connais très bien le début du parcours. 3 km de plat dans la plaine que je fais tout le temps. Le peloton s'étale, je cale mon rythme, une femme à mes côtés a l'air décidée à être sur le même tempo que moi, et je décide de rester avec elle. Je vois Serge au bord de la route. Je lui fais coucou, mais il n'est pas bien réveillé et ne me voit pas. Je me dis que ma forme n'est pas si mauvaise. Mais ce n'est qu'une impression. Je sais qu'il faut démarrer quand même assez vite, car le premier sentier en single track cause des bouchons, et on ne peut pas doubler si ça va trop doucement.
On tourne à gauche on a fait 3 km en 14'30", j'entends la jeune fille au débardeur dire : "ah, enfin, ça commence à monter". On passe devant la boulangerie. Sandrine, la boulangère, me reconnait et m'encourage, c'est sympa. Ensuite l'escalier du violet qui nous mène à l'Eglise. Je décide, comme à l'entraînement de le monter en courant alors que beaucoup le font en marchant. Effort vain, vanité mal placée ?
Pour l'instant ça va pas trop de soucis. Je passe devant Dominique, un bénévole, qui me reconnait et m'encourage par mon prénom. Ensuite, début du single track. C'est parti pour environ 8 minutes sans pouvoir doubler.
J'entends un type juste derrière râler comme un putois parce que ça n'avance pas, il ne va pas pouvoir claquer un temps !Comme s'il disputait le championnat du monde ! Pour moi, c'est là que je me rends compte que ça ne va pas comme d'habitude. Ici, en principe, je marche plus vite et je ne ressens pas d'essouflement excessif ni de douleur aux jambes. Là, dès le début, mes mollets me font assez mal et j'ai du mal à reprendre mon souffle. Je décide de suivre le rythme du gars qui me précède sans essayer de le doubler. Je le rattrape sur les petits replats, mais il me prend systématiquement quelques mètres dès que la pente est plus raide. Le gars derrière m'énerve tellement que je décide de le laisser passer lorsque le chemin s'élargit un peu. Il dit quand même merci. Deux ou trois autres me doublent en même temps.
On arrive au chemin des bâtiers. On vient donc de boucler la montée du bâtier de 570 m avec 127 m de D+ en 10'16". J'étais passé seul sur ce segment 14 jours plus tôt en 8'59" . C'est normal, il n'y avait pas de bouchon. Cependant je me sens beaucoup plus fatigué et la FC est vraiment haute (j'ai eu des pointes à 169 pour une FCM de 172). Confirmation que ce n'est pas la grande forme aujourd'hui.
Un peu de goudron en descente, puis on attaque la longue montée un peu plus douce vers le col de la Tençon, alternant chemins larges, terre, cailloux, sous-bois, petits replats. 3,1 km avec 286 m de D+. Une moyenne de 8,3 % c'est plus cool, mais beaucoup de relances.... J'ai mal au ventre, j'ai l'impression que je vais vomir. Je me dis : "n'y pense pas". Et de fait , ça disparait comme c'est venu.
J'essaie de tenir le rythme de la plupart des autres coureurs mais force est de constater que dès que la pente augmente, je dois me mettre à marcher et que pas mal d'entre eux me doublent. J'ai le moral à dans les chaussettes, sachant qu'ici je passe d'habitude en courant sans problèmes, et l'oeil rivé sur le chrono qui me prédit l'échec inéluctable de l'objectif que je m'étais fixé. "C'est foutu", me dis-je. A bas le chrono ! Vis ta course, profite du paysage et fais pas chier pour quelques minutes de plus que prévu. C'est pas grave du tout. Je me dis aussi que ça ira mieux en descente, une fois passée la terrible montée de rochebrune, la "tuerie".
On passe le premier ravito. Je n'en ai pas tellement besoin. J'ai bien mangé le matin, j'ai mon bidon encore à moitié plein de boisson, donc je zappe. Des coureurs s'arrêtent. Ils me rattraperont vite fait bien fait.
On continue comme ça. Je "calcule" vite fait un concurrent au T-shirt bleu et queue de cheval qui a l'air d'être dans le même état que moi, c'est à dire pas au top. Je m'accroche. J'arrive même à le doubler dans certaines pentes. Il me rattrappe. C'est le jeu du chat et de la souris.
Le col de la Tençon est là ! On vient de boucler cette portion en 25'08" soit donc seulement 8" de plus que mon meilleur temps à l'entrainement, finalement pas si mal sachant qu'on a beaucoup marché. Mais je ne le sais pas, car je n'ai pas de calculette dans la tête. Un petit vent bien frais nous arrive de face. C'est la cluse de Voreppe qui nous l'envoie, un vent thermique. Le soleil se dévoile à nous, et à cet instant il fait carrément chaud. C'est de courte durée. A l'ombre, là, il y a Jacques, un bénévole qui me reconnait, on se salue. Je me dis : "il doit avoir très froid à l'ombre avec ce vent". Il a l'air tout guilleret avec son appareil photo en main, et vu la tronche que je fais il doit se dire que je ne suis pas du tout content d'être là. Il a bien raison. "Mais qu'est-ce que je suis venu faire dans cette galère" ! Je ne suis pas Scapin, mais bon.
Ca redescend un peu après le col, puis on tourne à gauche dans la pente, quelque petit replat en sous bois avec des descentes un peu techniques et des raidillons. Je reste prudent. Les buis sont tous morts. C'est la pyrale du buis qui les a dévastés. Cette saleté ! J'ai toujours le gars (ou la fille ?) à la queue de cheval devant moi avec ses mollets touts fins et glabres d'adolescent(e). Il ou elle est meilleur en descente et me largue à chaque fois, mais je le (la) recolle en montée. Puis on tourne à gauche et là c'est le gros morceau. On est au même rythme tous les deux. Il en chie autant que moi, il va abandonner, c'est sur. Des hélicos vont venir nous chercher comme les aigles qui sont venus chercher Frodon et Samsagace. Nous sommes au bout de notre vie. Derrière tout le monde marche, la pente s'est bien accentuée. C'est une tuerie. Je connais aussi ce passage pour l'avoir reconnu : 800 m à 27,2 % de moyenne soit un D+ de 218 m !
Tiens , pour illustrer mon propos, je décide de piquer l'image de samontetro (s'il n'est pas d'accord qu'il me le fasse savoir). C'est là :
Je suis toujours le gars à la queue de cheval. Il en bave, parait complètement HS. Il s'aide avec les bras en appuyant sur ses genoux. Quelques coureurs nous doublent, mais très peu, ce sont des malades. C'est vraiment dur pour tout le monde.On arrive au premier mur rocheux. Je sais qu'il ne reste plus que quelques centaines de mètres, mais la pente augmente encore et la ça devient infernal. C'est le Mordor. Gollum va me sauter dessus pour me piquer mon précieux... euh non, là je m'égare. On s'accroche aux branches. Le gars (la fille ?) glisse et tombe. Pas de bobo. Je le double alors et je continue à mon rythme. Très essouflé, à 165 bpm. J'ai envie de dire stop. De retourner à la maison par le plus court chemin. Mais je sais que le sommet n'est plus très loin, que ça va descendre et que je vaispouvoir un peu lâcher les chevaux (s'il en reste). On arrive enfin en haut. 16'28" pour faire ces p.... de 800 m. Je les avais passés en une minute de moins il y a 15 jours, sans être aussi fatigué. Mas bon, c'est la délivrance, le plus dur est fait nous sommes au point culminant du trail, à 902 m d'altitude et nous avons parcouru en tout 8,6 km (seulement).
Il y a ensuite une bonne portion de 2km de parcours en sous bois avec pratiquement que de la descente et des petites montées à très faible pourcentage et surtout très courtes. Là, je vois que beaucoup de concurrents me doublent. Ils filent comme des avions. J'essaie de faire comme eux mais mes chaussures glissent vachement et je ne peux pas rivaliser, et ma fréquence cardiaque m'en empêche. Je jette un oeil à gauche, on aperçoit le village La Buisse tout en bas de la falaise. (on passe tout près du bord c'est impressionnant). L'allure est néanmoins correcte. Je refais un peu mon retard par rapport à l'objectif prévu initialement, mais je sais qu'il est désormais inatteignable, alors j'essaie de profiter du paysage (on passe près de l'aire d'envol des parpentes).
Je rattrappe une dame au cheveux gris et T-Shirt blanc (ou est-ce elle qui m'a rattrapé, je ne sais plus très bien ?). Bref elle me largue dans une montée (un petit raidillon de 66 m de D+ sur 400 à 16,5 % de pente). On marche encore, bien évidemment. Surtout que le sol est en gros galets bien glissants. Je ne connaissais pas cette portion.
Ensuite, il y a une petite descente, des enfants qui nous tapent dans les mains, puis directement un ravito. Je m'arrête, je prends quelques figues séchées et un verre de sirop à la menthe. Ca fait vraiment du bien. Le chemin redescend et là c'est parti pour un bon moment de répit. 4 km de descente, à fond les ballons. Nous courons tous à peu près au même rythme, même si un avion à réaction nous double de temps en temps. On traverse une route (la route du grand-raz, il n'y en a qu'une en fait) et je manque de me tromper d'itinéraire en allant à gauche. Le bénévole qui était là me le signale et je me remets dans le droit chemin. Puis c'est la ferme Paccard. Je connais cet endroit. Jadis, le comité des fêtes y a organisé un repas super sympa à l'issue d'une rando familiale qui partait de la Buisse. Pourquoi ça n'existe plus ?
Enfin, on retrouve un chemin que je connais très bien, celui qui redescend au Bret, c'est l'ancienne voie romaine. Il y a des promeneurs dans les deux sens qui nous regardent passer l'air décontenancé. Notre allure est rapide mais sans plus. Mes chaussures (Mizuno wave Kazan) ne sont pas bien adaptées pour les galets glissants. Certains roulent (les rolling stones, ça vous dit quelquechose, hein ?) et le sol se dérobe sous mes pieds. Je manque de me casser la figure plein de fois. La dame aux cheveux gris et T-Shirt blanc me suit de très près. Elle a l'air sûre d'elle. Elle maitrise. Elle me guette comme un félin qui va fondre sur sa proie (Gollum ? Non, je déconne.), et elle va y parvenir sans pitié.
14,2 km. Ca fait 1h50 que nous sommes partis, la fatigue est bien installée. Il y a une piétonne sur le chemin bien large qui descend , assez raide, plein de cailloux. Elle nous voit arriver . Prise de panique , elle veut s'écarter vers la droite pour nous laisser passer. Je ne comprends pas sa manoeuvre, je vais du même côté qu'elle. Je suis passé des dizaines de fois ici, je sais que c'est dangereux. Je freine au dernier moment pour l'éviter.... Les cailloux se dérobent sous mes pieds, je perds l'équilibre et je me lance en avant tel superman le bras tendu dans un geste désespéré. Je vole... j'ai l'impression que ça dure longtemps... Je vais toucher le sol. Mon épaule droite puis la gauche, et les genoux, enfin un gros caillou me heurte le visage. PAF ! En pleine tronche.
Je suis l'adversaire de Mohamed Ali au Caire, je suis meurtri. Les lunettes ont valsé je ne sais où. Je me relève. La femme est confuse, mais ce n'est pas de sa faute, j'aurais du être plus prudent et ralentir avant. J'ai mal , surtout au dessus du pied droit. Je saigne un peu du petit doigt et des genoux. Quelques coureur(se)s me demandent si ça va. Je réponds machinalement que oui. La femme piétonne me redonne mes lunettes, toutes rayées (et merde, ça coûte cher des lunettes) . Je repars prudemment avec quelques douleurs un peu partout. Ca s'estompe au fil des mètres. On était sur des allures proches de 5' du km à ce moment là.
Donc pas mal de concurrents me doublent, et petit à petit je reprends confiance et mon rythme à peu près "normal", avec toutefois un peu plus d'appréhension dans les passages délicats. Je jette un oeil à mon chrono. Il est arrêté ! Quelle guigne. La trace est toute faussée, maintenant. C'est ballot !
La chute aura sans doute appuyé sur le bouton "stop". Je le remets en marche. Ca doit faire à peu près 2 minutes que ça s'est passé. Il me prédit 2h35 à la fin, donc je vais mettre 2h37 environ, si j'arrive au bout en entier. On entend la batucada d'ici et je me dis que ce sont mes potes qui m'encouragent (je fais partie de cette batucada).
On tourne brusquement à gauche dans une petite sente que je n'ai jamais empruntée et qui redescend sur le chemin du Ventelon, où nous retrouverons en bas le parcours du 10 km. C'est très pentu, et en terre, avec quelques rochers. Il y a des passages très délicats et des barrières pour empêcher les animaux de passer. Ca glisse beaucoup, mais mes chaussures sont plus à l'aise sur ce type de terrain que sur les cailloux. J'entends un gars crier des encouragements. C'est un coach particulier qui accompagne ses élèves. Il nous suivra un moment et sera d'une aide précieuse pour moi un peu plus tard. Il y a une personne qui glisse et qui tombe derrière moi. Le suivant lui demande si ça va. Pas de problème, il repart. On en termine rapidement avec cette portion. je sais qu'il ne reste plus que 3 montées.
Au chemin du Ventelon, il y a un ravito. Figues et sirop, c'est top, ça ravigotte, et bénévoles toujours bien souriants et super sympas.
Je cours encore, tant que c'est plat, et je sais qu'il reste du lourd. En effet, on tourne à droite et on aborde le dernier gros raidillon pour remonter jusqu'au Bret. Je suis capable de courir dans cette montée. Je l'ai déjà fait plein de fois lors des entraînements et des Trails du Buis précédents de 10 km. Mais là, non. plus rien. Le corps ne veut plus. C'est mort. Alors, va pour la marche dans cette portion de 640 m avec 16,7 % de pente moyenne et 107 m de D+, très caillouteuse. Il m'aura fallu pas moins de 8'52" aujourd'hui alors que je l'ai déjà faite maintes fois en 6'40". (les meilleurs la montent en 5'). Un concurrent qui marche à côté de moi me dit :"C'est beau ici, j'aimerais bien y habiter". C'est vrai c'est buccolique. Les prés, les belles maisons en pierre, la vue sur Voiron juste en dessous. On arrive aux gorges du Bret. Les bénévoles nous encouragent en nous disant que c'était la dernière montée. Je sais qu'il mentent (un peu), les salauds.
Encore une descente un peu casse gueule en cailloux, puis une descente assez raide en goudron pour arriver au hameau du Ventelon. Mon voisin me dit qu'il a des crampes. Je veux bien le croire. Je le reverrai plus tard au bar de la salle Poly au moment de réclamer la bière gratuite, et il m'avouera avoir trop picolé la veille ! Encore une petite montée en goudron assez casse pattes (où je marche encore, hélas, c'est là qu'est l'os), puis un petit chemin à peu près plat en sous-bois qui nous ramène aux hameau des Combes. Là, c'est vraiment la dernière montée très raide, qui fait mal, en goudron. Inutile d'essayer de courir. Dommage, d'habitude j'y arrive.
Enfin, il reste 2 km. Je ne sais plus où j'en suis au niveau du chrono. Je descends à mon rythme le chemin des écoliers. Il est raide, technique et dangereux, sous les chataîgners. Je sais qu'on peut aller plus vite ici, mais à quoi bon risquer de tomber une deuxième fois pour gagner 10 secondes ? Personne devant ni derrière j'ai l'impression d'être tout seul dans ce trail à ce moment là. Il se termine par un passage en galets où on a l'impression de tanguer sans rien maîtriser du tout.
En bas on retrouve la route qui s'appelle "la grande montée". Heureusement, aujourd'hui elle est en descente ! J'y rattrape une femme (à moins que ce soit elle qui me rattrappe) dont le mari (je suppose, à moins que ce soit son amant ) l'attendait ici. C'est sans doute un cador du trail qui a déjà fini depuis une demi-heure et qui est remonté pour chercher sa belle. Il a l'air sympa, ce monsieur barbu. Je lui dis que je n'en peux plus, que je vais abandonner, qu'il aille chercher les secours, voire les pompes-funèbres. Il me dit que ce n'est pas possible, nous sommes quasiment arrivés. Il m'appelle par mon prénom (?). En fait, il se trompe de personne, il croit avoir reconnu en moi un collègue, ce qui n'est pas le cas, mais nous avons le même prénom, c'est rigolo.
Rue de la procession. Sur une maison, il y a une banderole "Allez Cilly" . Je connais Cilly. Je me demande si elle est devant ou derrière moi. Un petit tour derrière l'église, la rue du moulin, la boulangerie. Félix le boulanger nous encourage (il rira moins au marathon Nice-Cannes dans trois semaines , Gniark, Gniark ) , puis encore Serge le bénévole (qui me reconnait, cette fois, il a du boire un café depuis tout à l'heure). Puis la dernière ligne droite qui longe la rue des écoles. Je finis complètement au radar dans les pas se Monsieur le barbu et Madame X, sans avoir vu le chrono. J'arrête le mien qui indique 2h32. Comme ma chute l'a arrêté pendant quelques minutes je me dis que je dois avoir mis environ 2h35. Au final c'es 2h34'35" au chrono officiel.
Le trail est annoncé pour 21 km mais c'est en réalité un peu moins. Le D+ annoncé est aussi sensiblement surévalué. On est plus proche des 950 m que des 1100 m. Bref, c'est un beau trail, très varié, encore une fois très réussi, et surtout très difficile !
Je me précipite au ravito final. Engloutis un verre de sirop, des fruits secs. Une soupe gentiment servie par Colette.
Je vais chercher ma bière qui à ce moment là est vraiment une récompense, bien méritée. J'assiste aux remises des prix, proclamées par la sympahique Irène. Je n'ai pas gagné la paire de skis au tirage au sort. J'ai compris que pour avoir une chance de gagner, il faut s'appeler Cédric ( en effet 2 Cédric absents ont été appelés avant que les skis ne soient offerts à un troisème tiré au sort).
Je croise Thierry, l'organisateur, et je lui demande d'afficher les résultats. Ca fait presque 3/4 h que je suis arrivé et il n'y a que les 100 premiers du 21 affichés. Il s'exécute gentiment et m'annonce mon classement. Le premier a mis 1h37. Presque une heure de moins. C'est carrément de la folie ! et moi 204ème sur 303. Je suis évidemment un peu déçu car je pensais être capable de faire un peu mieux (j'avais mis 1H04 au 10 km l'an passé), et surtout passer sous la barre des 2h30'. Ce sera pour l'an prochain .
Je vois aussi Cilly qui a battu son record. Elle est complètement cramée.
Je croise le docteur de la course (qui est par ailleurs aussi mon médecin traitant), je lui montre mes blessures et mon petit doigt bien enflé. Il me rassure et me dit que c'est le métier qui rentre.
Je n'oublie pas d'aller saluer la Batucada qui sont mes potes et avec qui je joue souvent. Bye bye, il est 12h30. Il est temps de rentrer se doucher et prendre un repos bien mérité.
J'ai pris une décision : j'achete des nouvelles chaussures de trail plus performantes sur cailloux glissants . Des suggestions ?
Merci de m'avoir lu et à l'année prochaine ! Et désolé pour la photo elle ne veut pas se mettre droite.
La trace (faussée par l'interruption due à la chute à 14,2 km) : https://connect.garmin.com/modern/activity/1407406528
12 commentaires
Commentaire de Sylvain IT posté le 18-10-2016 à 11:55:05
Wow... long... le récit et ta course : tu as l'air de l'avoir vécue au ralenti tellement tu as de trucs à dire!
Commentaire de franckym posté le 18-10-2016 à 22:13:07
Ah non je ne l'ai pas vécue au ralenti (quoique c'est ce que peuvent en penser les plus rapides). Simplement j'ai essayé d'être le plus exhaustif possible dans mon récit. Certes c'est long.
Commentaire de runner74 posté le 18-10-2016 à 15:48:30
Quel récit!! C'est toujours traître de courir sur un lieu qu'on connaît bien. Tu verras l'année prochaine ça passera tout seul! Et si c'était facile, on y retournerait pas ;-)
Commentaire de franckym posté le 18-10-2016 à 22:21:49
Ah merci. Tout seul , faut pas exagérer, c'est un circuit exigeant, mais l'expérience devrait me servir, en effet.
Commentaire de samontetro posté le 18-10-2016 à 18:29:51
Bon, elle n'était pas simple celle là, entre premier essai sur cette distance en trail, soucis de santé, chaussures qui glissent, chrono qui s'arrête, gamelle supermanesque et tout le reste! Mais quelle aventure! Un conseil le prochain coup, ne regarde pas ta montre car je suis sûr que les 4mn c'est ta montre qui t'a bouffé le mental en insinuant que tu n'y arriverais pas! Tu les auras ces 2h30 sur le buis!
Commentaire de franckym posté le 18-10-2016 à 22:23:17
Ok je ne regarderai pas ma montre. C'est un peu ce que j'ai fait d'ailleurs après la gamelle.
Commentaire de ilcourtlefuret posté le 18-10-2016 à 18:54:01
On sent bien que tu aimes courir sur plat, ton récit regorge de tout plein de chiffres ;-) D'un côté je suis un peu comme toi mais ce que j'aime en trail c'est qu'on peut aussi courir plus au ressenti sans avoir l'oeil sur la montre, essaie une fois de courir sans, et tu verras on se sent plus léger!
Sinon j'aime bien la remarque de celui qui dit "c'est beau j'aimerais bien habiter ici". je souscris à 100% puisque c'est ma commune :-)) j'adore ces coteaux de Coublevie depuis que je suis arrivé il y a 5 ans, je ne m'en lasse pas!
Commentaire de franckym posté le 18-10-2016 à 22:26:13
Ah oui les chiffres j'aime ça. Nos gadgets électroniques nous permettent tous types de comparaisons. C'est sans doute un peu trop, et pas vraiment utile si on connait bien son corps et qu'on pratique des terrains connus. C'est mon côté un peu "geek". C'est difficile pour moi de courir sans montre, mais je vais essayer de temps en temps pour voir ce que ça donne.
Commentaire de richard192 posté le 18-10-2016 à 22:20:17
Le 10 km et le 21 n'ont finalement pas vraiment de comparaison. Le 21 présente pas mal de pièges qui nécessitent un matériel adapté mais également une certaine habitude des appuis dans ce type de terrains très changeant. Pour progresser et surtout se rassurer, la pratique répétée est nécessaire.
Quoi qu'il en soit bravo pour cette 1ère qui va probablement en appeler d'autres! Effectivement, Nous avons un magnifique terrain de jeu...
Commentaire de franckym posté le 18-10-2016 à 22:30:37
Oui , merci. Le terrain très changeant, c'est déstabilisant pour un bitumeux. Sur le 10 il y a deux ou trois passages casse gueule mais je les connais par coeur. Sur le 21 cette voie romaine qui descend du Grand-Ratz aux gorges du Bret est redoutable par endroits.
Mais ces galets humides et roulants, y a-t-il un équipement qui tienne la route là-dessus ? J'ai vu courir des gens avec des bâtons. Je veux bien, mais sur les portions plates c'est encombrant, non ? Et en descente, c'est utile ?
Commentaire de BOUK honte-du-sport posté le 19-10-2016 à 10:52:08
Une fille en débardeur, une boulangère, une dame aux cheveux gris, une "Cilly", Colette... Voilà ce que je retiendrai de ton joli dimanche matin !!!
Et jolies photos, entre la bière et du Gotlib (la base !!!), merci pour ce récit ô traileur !!!
Commentaire de franckym posté le 19-10-2016 à 15:24:45
Ah ah ! C'est tout ce que tu retiendras de mon récit ? Mais tu oublies Thierry, Serge, Jacques, Dominique, le boulanger, le barbu, le gars à la queue de cheval, celui qui a des crampes...
Dans ce trail il m'a manqué "l'allée Zhyve aux cent cimes".
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.