Récit de la course : 80 km du Mont-Blanc 2014, par Caro74

L'auteur : Caro74

La course : 80 km du Mont-Blanc

Date : 27/6/2014

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 4401 vues

Distance : 88km

Matos : X-Bionic, Hoka, Pro-TRailer Original

Objectif : Objectif majeur

10 commentaires

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Une grosse déception..

Petit préambule: J'avais tout préparé, avec de belles photos... mais comme je suis une buse, je n'ai jamais réussi à insérer les images.Si quelqu'un peut m'expliquer, ce serait sympa...

2e petit préambule: Je ne souhaite pas froisser qui que ce soit en disant que cette course a été une grosse déception pour moi. Je décris juste ma réalité, telle que je l'ai vécue, en espérant que, peut être, mon petit retour d'expérience pourra aider d'autres personnes à ne pas commettre les mêmes erreurs que moi.

Ce « 80 km » était un des grands objectifs de la saison. Mais voilà, pour se sélectionner en équipe de France pour les mondiaux 2015, il m'a fallu courir la Maxi-Race, et, tant qu'à faire, essayer de la gagner, si bien que j'ai laissé énormément d'énergie dans cette course, qui n'était au départ qu'une course d'entraînement.

Dans l'euphorie de ma belle course bien réussie, j’ai trop voulu en faire après la Maxi-Race, parce que, fait exceptionnel, j’avais du temps et parce qu’il faisait beau. J'ai enchaîné les belles sorties à vélo et les sorties longues en montagne, me rendant bien compte que j'étais fatiguée, mais en pensant que, comme d'habitude, cette fatigue allait progressivement se dissiper, puis disparaître complètement à l'approche du 80 km du Mont-Blanc. Mais voilà, avec 3 jeunes enfants et un travail (qui m'a aussi causé différents soucis, qui se sont traduits par quelques bonnes insomnies..), on ne se repose pas comme on le souhaite et, loin de disparaître, ma fatigue s'est aggravée, y compris lorsque j'ai commencé à me reposer.

Le grand signal d'alerte a été un malaise qui m’a contrainte à l’abandon le dimanche précédant la course, sur la Crozeraide, un KV dont j’étais la marraine.  J’ai essayé de me reposer durant la semaine, mais entre le travail et l’anniversaire de ma fille, ce repos n’a pas été très efficace, comme en témoignent des FC au repos plus élevées que d’habitude. (Après coup, je me rends compte que je n'aurai pas dû prendre le départ de ce KV, et sans doute m'abstenir d'organiser un anniversaire 2 jours avant la course!) 

Je pars donc peu confiante sur mon état de forme, mais déterminée à terminer la course, quel que soit mon classement. Là aussi, avec le recul, je me demande si, de m'être beaucoup inquiétée au sujet de ma fatigue n'a pas généré un stress qui a eu pour conséquence d'aggraver cette fatigue..)

A 4h, lorsque le départ est donné, je suis immédiatement essoufflée, et décide de ne pas trop trop forcer. La première montée est assez déprimante, puisque je me fais beaucoup doubler, et je constate au bout d’une heure que, effectivement, je n’avance pas.

Au Brévent, je pointe avec 3 mn de retard sur mon temps de l’an dernier, alors qu’il y avait alors des névés et que, en principe, j’ai quand même pas mal progressé depuis. La traversée jusqu’à Tré-la-Tête est splendide, technique, avec des vues superbes. Par contre, en admirant la vue, je chute lourdement, m’ouvrant bien le genou et le coude ! Heureusement que j’avais des mitaines pour me protéger les mains ! Durant cette traversée, se dessine le sénario qui va être suivi durant toute la course : je rattrape les gens dans les descentes et dans les parties techniques et vallonnées, et ils me doublent dès que les montées se font plus raides.

La descente sur le Col des Montets est un grand moment de bonheur, je m’éclate à sauter d’un caillou à l’autre ! C'est là que je commence enfin à me réveiller un peu.

Arrivée à Buet, je retrouve Christophe et Thibault, de Hoka, qui me font une assistance de choc, tout en évitant diplomatiquement de m'informer sur l'écart déjà important qui me sépare des premières. Avoir une assistance, ça donne du pep’s, on se sent un devoir de leur faire honneur et de ne pas renoncer trop vite.

Vient alors la longue, très longue montée jusqu’au Col du Corbeau. Durant toute cette montée, on se tire un peu la bourre avec une autre fille (Uxue Fraile) c’est motivant, mais aussi un peu frustrant, car force est de constater que, dès que cela devient franchement raide, elle me distance ; moi qui d’habitude estime que les montées très raides sont mon point fort ! Cette montée est magnifique et j’apprécie particulièrement la fin, lorsque nous montons sur un grand névé gelé.

 A partir de là, je sens la forme venir et, jusqu’au Lavancher, je vais globalement me sentir plutôt bien. Les pensées négatives que je ressassais au début disparaissent, remplacées par une belle motivation et le bonheur d’être là.

Après un petit détour (ne jamais suivre bêtement les autres au lieu de regarder le balisage :-)), on attaque une folle descente sur des névés glissants. Je choisis parfois de me mettre en boule et de descendre sur les fesses, sinon, j’essaie tant bien que mal de glisser debout sur les pieds. C’est rigolo mais difficile. La traversée vers le Col du Passet est aussi un grand moment de bonheur, peut-être un des passages les plus beaux de la course !

A Vallorcine, j’ai soif et peste un peu contre une boucle un peu pénible et, selon moi, inutile qui retarde notre arrivée au ravito. Dans la montée vers les Posettes, je constate que je suis vraiment scotchée. J’ai beau me démener, impossible de vraiment courir, même quand le sentier devient presque plat. L’arrivée au sommet des Posettes est un autre moment de bonheur, la vue est hallucinante, le sentier superbe et, cerise sur le gâteau, je double deux filles, dont Fernanda Maciel. La descente sur le Tour est vraiment sympa et je m’amuse bien.

A Argentière, je retrouve mes assistants de choc. Ils m’encouragent, je me sens encore motivée et contente. Malheureusement, cette belle période de forme prend fin dès le Lavancher. Je perds environ 5mn à cause d’un balisage un peu curieux, qui m’a fait faire une boucle complète avant de revenir sur mes pas. Cela m’énerve et me déprime. Puis je commence à avoir mal au ventre, ce qui ne me quittera plus jusqu’à la fin de la course. Je souffre à chaque descente et je sens ma belle énergie me quitter.

Après un petit bain dans une rivière (qui est clairement une erreur car j’ai mouillé mes chaussures, qui se retrouvent bien alourdies ; mais je n’ai pas eu la lucidité de résister à la tentation..), j’attaque la montée vers le Montenvers. Je vis alors un vrai calvaire. Je n’ai qu’une envie, m’asseoir, dormir. J’ai soif mais l’impression que mon ventre est rempli d’eau. Je suis envahie par un flot continu de pensées négatives : tout y passe, du « Pourquoi je m’inflige ça ? », au « Je vais arrêter de faire des courses, c’est complètement idiot de se dépécher autant.. », à « je suis minable.. ». La traversée vers le Plan de l’Aiguille est superbe, par contre j’ai si mal au ventre que je perds un temps fou, n’arrivant jamais à relancer là où il le faudrait.

Enfin, arrive la descente finale, que je redoute beaucoup, vu mon état. Je serre les dents et essaie de foncer. Je vais tenir le choc sur la première moitié, puis la douleur se fait plus forte et je suis obligée de courir un peu en crabe, et même parfois de marcher un peu. Enfin, Chamonix et l’arche d’arrivée, sous laquelle j’arrive avec des sentiments mitigés : joie d’avoir terminé, sentiment d’avoir quand même bien sauvé les meubles avec ma 5e place (41e scratch), mais aussi une impression de gâchis, de regrets quand à la manière innapropriée dont je me suis préparée.

J'en tire quelques leçons qui, à mon avis, ne sont pas inintéressantes:

-Lorsqu'on s'entraîne, on peut ne pas voir la fatigue venir. On se croit en forme, ou on veut se croire en forme et, paf, d'un coup, on est crevé. Et lorsqu'une fatigue profonde et durable est installée, ce ne sont pas 3 ou 4 jours de repos qui suffisent à nous remettre d'aplomb.

-Même si on crève de chaud, il faut savoir résister à la tentation de se mouiller entièrement. Cela peut générer des frottements, et, si les chaussures sont mouillées, leur poids peut vraiment devenir un handicap, sans parler des ampoules. Des fois, j'ai l'impression d'avoir plus peur d'avoir chaud que vraiment chaud, pareil avec le froid, d'ailleurs. On peut parfois se laisser envahir par des craintes irraisonnées et il faut essayer de rester serein.

-Il me semble que, parfois, j'ai tellement peur d'avoir soif que je me mets à boire trop, ce qui peut causer des maux de ventre. Je pense que, dans la mesure du possible, j'ai à travailler pour boire de façon constante, 0.5 litres par heure, ni trop, ni trop peu.

- Je n'ai mangé que 3 gels, en plus de ma boisson énergétique. Je n'ai pas eu de coup de barre, mais peut être que c'est la cause de ma fatigue sur la fin. Il me semble que ce n'est pas suffisant, mais ce n'est pas facile de manger, je trouve...

10 commentaires

Commentaire de Japhy posté le 06-07-2014 à 08:06:35

Est-ce que c'est ça qu'on appelle, comme dans le show biz musical, la course de la maturité?
Tu en as beaucoup fait ces derniers temps, et cette déception (5ème quand même, c'est pas rien, avec Forsberg et Frost devant en plus, c'est pas n'importe qui) montre que ton corps est celui d'un humain, et pas d'une extra-terrestre comme on le pensait!
Nul doute que tu sauras repérer les petits signaux de fatigue dorénavant. Mais je comprends aussi que ce doit être dur de choisir parmi toutes ces courses magnifiques!

Commentaire de bubulle posté le 06-07-2014 à 08:52:08

Je ne te referai pas le couplet sur la perf que c'est "malgré tout". Tu as déjà du l'entendre plein de fois.

Non, moi, ce que j'aime dans ton CR, c'est que je retrouve bien la Caro qui m'avait tant épaté l'an dernier au podium du 80km du MB, "montant" de chez elle toute seule comme une grande avec sa puce, venant chercher tout simplement ses prix....et repartant tout aussi simplement les bras chargés de bouquets et....toujours sa puce à la main...

La Caro qui est une grande championne....et en même temps une maman normale qui n'a pas centré toute sa vie sur ses courses. Et, finalement, c'est peut-être celle-là qu'il faut garder.....et c'est peut-être cela, ta "réussite" de ce 80km n°2. Surtout, reste comme ça ! Tant pis si, des fois, ça fait des courses "ratées"....

Commentaire de Khioube posté le 06-07-2014 à 13:21:10

Super compte-rendu ! En tant que coureur de milieu de classement (du marathon, pas du 80km), je peux te rassurer qu'il n'y a rien de vexant à lire que tu es frustrée de ta course malgré un résultat objectivement assez exceptionnel. Quel que soit notre niveau, on a tous un objectif de départ, et peu importe qu'on ait fait mieux que d'autres, au fond... En tout cas je tâcherai de me souvenir de tes erreurs, merci ! :) Et bon repos...

Commentaire de sapi74 posté le 06-07-2014 à 14:04:25

quoi de plus normale que de vouloir faire plaisir a sa fille avec un gouter d'anniversaire.
ne te mets pas trop la pression avec les résultats c’est la meilleur façon d'en faire trop.
tu a beaucoup de talent et d'envie, vise juste le plaisir et les résultats seront toujours là.

Commentaire de arnauddetroyes posté le 06-07-2014 à 15:04:38

C est énorme cette performance ! Travail,vie de famille et compétitions qui s enchainent!Meme chez les gens qui ne font rien il arrive d avoir des périodes de "blues" alors rassures toi, tu es vraiment une Méga championne.

Commentaire de Caro74 posté le 06-07-2014 à 18:30:18

Merci pour vos commentaires pleins d'empathie. Japhy, tu as bien vu en disant que c'est la course de la maturité. J'en ai pris plein la figure, je digère assez mal tout ça, mais je crois que le vais en tirer de bonnes leçons. C'est vrai aussi qu'il faut garder d'abord la notion de plaisir!

Commentaire de Arclusaz posté le 08-07-2014 à 13:59:30

super CR, le meilleur (je les ai tous lu !) car oui, là, tu es "normale", tu touches à tes limites.
Tu fais une performance incroyable quand même.

Le seul endroit où j'ai un peu d'avance sur toi, c'est pour mettre des photos sur tes récits. J'essaie de t'expliquer ça en MP....

Commentaire de Mokiloque posté le 08-07-2014 à 16:07:26

Enchainer tout ça et arriver aussi bien classée ! Congratulations !

Beau récit :)

Commentaire de Benman posté le 10-07-2014 à 22:10:54

Bravo pour ce beau texte d'introspection qui peut faire réfléchir les coureurs moyens comme nous, comme les champions de ton rang. repose toi bien le corps et la tête pour revenir encore plus forte dans quelques temps. vu ta performance sur l'UMS ou la Maxirace, je ne suis pas inquiet...

Commentaire de Jean-Phi posté le 08-08-2014 à 13:33:34

Tiens, j'étais passé, un peu curieusement d'ailleurs, à côté de ton CR. Comme le dit Japhy, c'est un peu la course de la maturité ou tu touches aussi à certaines limites (sic Arclusaz). Ce qui me plaît c'est que tu découvres encore des choses. C'est donc selon moi que tu as encore une marge de progression importante sur la foultitude de petits détails qui font la différence. Mais on connaît la grande championne que tu es et cette course va servir, plus que d'autres sans doute et tu viens de le prouver récemment, pour progresser encore et encore.
Dernière(s) chose(s)et j'arrête mon pavé, promis :
Quand tu écris "(Après coup, je me rends compte que je n'aurai pas dû prendre le départ de ce KV, et sans doute m'abstenir d'organiser un anniversaire 2 jours avant la course!)", je suis d'accord pour la 1° remarque, absolument pas pou rl'autre si je puis me permettre. Je crois au contraire que fire plaisir à ta fille n'a pas de prix par rapport à la course (je me permets, hein !!)
Et ceci : "Lorsqu'on s'entraîne, on peut ne pas voir la fatigue venir. On se croit en forme, ou on veut se croire en forme et, paf, d'un coup, on est crevé. Et lorsqu'une fatigue profonde et durable est installée, ce ne sont pas 3 ou 4 jours de repos qui suffisent à nous remettre d'aplomb.
Mon Dieu que c'est vrai ! Fais attention à toi. ;-)
Merci de nous faire rêver.
jean-phi_mode_fan (et ça ne m'arrive jamais !)

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