Récit de la course : Les Templiers 2011, par franck de Brignais

L'auteur : franck de Brignais

La course : Les Templiers

Date : 23/10/2011

Lieu : Millau (Aveyron)

Affichage : 4574 vues

Distance : 76km

Objectif : Pas d'objectif

8 commentaires

Partager :

Je suis un Templier !!

13h06 de bonheur, de partage, d'instants uniques, de colère et de souffrance... Voilà ce que je vais essayer de vous faire partager. 

En préambule, les Templiers c'est la volonté de me prouver que je peux être plus fort que la maladie qui me m'empoisonne la vie... me prouver qu'il est possible d'affronter et de gagner des épreuves pour lesquelles peu d'hommes, même en bonne santé, ne pourrait passer la ligne d'arrivée. On peut appeler ça une revanche je crois...

 

Samedi, 13h00. Nous arrivons sur Millau en famille. La ville est littéralement prise d'assaut : impossible de se garer à moins de 2 km du village de la course. Pas grave, ça fait du bien de déplier les jambes après la route. On retire les dossards en quelques secondes, l'organisation, de ce point de vue est au top. Il y a beaucoup de bénévoles et il y en aura du reste tout le long du WE.

Caro est inscrite sur les Templières (9km réservé aux dames). Pour être plus exact, je l'ai inscrite un peu de force quelques semaines auparavant... c'est un WE familial... y a pas de raisons qu'il n'y en ai qu'un qui transpire !!

2h30 avant la course de madame, on a le temps de pique niquer sur un emplacement de camping (fermé !!) que l'on a squatté (ben oui, quand je vous dis qu'il n'y avait pas de place pour se garer... y en avait pas...) j'ai donc pris quelques liberté avec le code de la route (en empruntant sur quelques centaines de mètres une piste cyclable.. en roulant au pas rassurez vous....) sous les yeux effrayés de ma femme et de mes enfants... enfants qui devaient rêver de voir les flics débarquer et passer les menottes au contrevenant... comme à la TV !!. 1er pique nique sur le pouce (ça sera pas le seul...) composé de ... féculents (c'est original depuis quelques jours !!).

Retour au village pour le départ de la Templière. Ma petite femme va assurer comme une bête et finir 86ème sur 487 inscrites !! Ca sent la championne !! On en profite pour découvrir, avec les enfants, le "coin gourmand"... bon, faut être honnête, c'est très local : les vendeurs de roquefort et saucisson parfument le barnum planté dans le champ, dans lequel sont vendus boissons froides et chaudes. L'ambiance est cependant très bon enfant et on passe un bon moment en cotoyant les papas qui attendent impatiemment le retour de leurs moitiés... à l'image de mon voisin de table un peu ... dépassé par les événements quand son chérubin àgé de 18 mois environ renverse l'intégralité de son coca dans la poussette ... bref une bonne ambiance je vous dis !!

Nous rejoignons le gite que j'ai réservé pour 2 nuits (aucune idée de mon heure d'arrivée le dimanche soir et pas spécialement envie de faire 4 heures de route quelques minutes après l'arrivée...). Nous sommes très bien accueillis par Claude et Bruno (les deux prénoms au masculin...) qui ont superbement retapé une superbe ferme et qui possède une vue à couper le souffle sur le viaduc. Nous prenons possession des chambres et entamons notre deuxième pique nique (oui oui des pâtes !!...) à même le sol.. en famille ... et dans une super ambiance ! Couché tôt, demain sera une journée éprouvante pour tous. En effet Caro et les enfants vont me suivre de ravito en ravitos avec le voiture !!... Ils auront besoin d'être très patients les pauvres... mais heureusement qu'ils ont été là ... 

Levé 4h15... mauvaise nuit... comme d'hab' avant une grosse course... avec cette impression de ne pas avoir fermé l'oeil. Nos hôtes ont la gentillesse de s'être levé pour le petit dej' !! Un gatosport complètera le petit dej. Je finis de me remplir (c'est vraiment la sensation que j'ai depuis quelques jours... du gavage...). Arrivé vers 5h30 sur la ligne de départ. Je suis dans les premiers, (les pointeurs ne sont même pas encore là, il faudra que je ressorte du sas pour me faire "badger la puce"... n'y voyez rien d'exotique !!) C'est la première course que je voulais être positionnée le plus devant possible. Après lecture de tous les CR, des bouchons étaient prévisibles sur de nombreuses parties du parcours... j'étais d'après mes calculs très ric rac sur les barrières horaires, je ne voulais pas prendre de risques.  Du coup, je serai super devant : nez à nez avec la rubalise. Devant moi le sas des élites et un deuxième sas de 1 000 personnes, finisher des précédentes éditions. Comme à chaque course, j'ai mal au ventre, je rentre dans ma bulle. Il fait froid, beaucoup de vent, je garde mon pantalon de jogging et ma surveste jusqu'au dernier moment, je les laisserai à Caro avant le départ.

Le départ est donné avec quelques minutes de retard; il manque une élite à priori ... Mais on finit par partir, musique d'ERA, feux d'artifices rouges sur les côtés, ça donne des frissons...Nous sommes 2 700 à prendre le départ...

6h19. MILLAU. 00:00. Km 0

C'est partit pour la grande aventure. Je n'ai aucune idée de ce que je vais vivre, de savoir si je vais terminer... mais je donnerai tout ce que j'ai en moi !! Ca c'est une certitude, si je dois ne pas être finisher, c'est que je ne suis pas taillé pour.

Ca commence tout doux, même dans ce premier tiers. Portion goudronnée et plate sur les 4 premiers kilomètres, on se cale à 10km/h environ. Personne ne double ou presque, peu de discussion, on sent la tension chez la plupart des concurrents autour. Carbassas arrive très vite et est aussi synonyme de la première difficulté : une belle grimpette, bien régulière pour accéder au premier plateau. Il fait nuit, comme un étrange souvenir de la Saintelyon et de la montée vers Ste Catherine. Les frontales s'étendent tout du long, devant et derrière nous. Le spectacle est superbe. La montée passe bien, nous arrivons en haut et c'est une succession de faux plats montant et descendant qui nous attendent sur une quainzaine de km. Les chemins de terre sont larges, pas trop techniques... je déroule sans trop m'interroger. Je conserve en tête un article d'un magazine spécialisé qui précisait qu'il ne fallait pas marcher sur cette portion. Tout doit passer en courant. Ca sera mon cas. Même si il faut forcer par moment... ça passe. Je suis bien, pas de douleurs. Le paysage est essentiellement boisé. La longue redescente vers Peyreleau commence. Pas de ralentissements particuliers pour le moment, même si je suis souvent obligé de retenir ma foulée en suivant ceux de devant. Pas grave, je m'économise. Des débuts de crampes dans les mollets, il faut que je boive plus !

 

 

9h23. PEYRELEAU. 03:04. Km 26

Je suis surpris d'arriver sur ce premier ravito avec une telle avance : j'avais estimé entre 20 et 40 min sur la barrière horaire, j'ai finalement 1h06 d'avance !!C'est une première bonne nouvelle. Je retrouve la famille : changement du bidon de boisson énergétique, je prends les batons (interdits sur les 15 premiers kilo). Je passe 2 min environ sur ce ravito.. pas assez... je n'ai pas assez mangé, j'aurai une petite fringale 10 min seulement après) . Et je repars pour une grimpette dont ils ont le secret dans la région (rien à envier aux Alpes... vraiment !!) . Et on va monter encore plus haut que tout à l'heure. Içi ce ne sont plus des faux plats qui nous attendent en haut, mais des vrais montées et descentes. Je passe certaines en courant, mais les plus raides passeront en marchant. Je cours sur tous les plats et toutes les descentes. Là encore, excessivement boisé, et toujours pas de falaises abruptes... elles sont où ces Causses ??!!. Nous passons tout de même des endroits superbes, un ancien village en vieilles pierre... on a l'impression d'être revenu 2 siècles en arrière. Je suis toujours bien, pas de douleurs, pas de fatigue excessive. Les bénévoles nous tiennent au courant de la finale du match de rugby au fur et à mesure. Sympa à eux d'être là, perdus au milieu des Causses avec leur radio.

 

 

11h18. ST ANDRE DE VEZINES. 04:59. Km 37

Là encore, excellente surprise : j'ai 1h20 d'avance sur la barrière !! Secrètement, je commence à croire que ça sent pas mauvais... mais je ne veux surtout pas m'en convaincre : une cheville mal positionnée est c'est l'abandon d'office... alors calme toi et reste concentré ! Une étape après l'autre. Içi je prends un peu plus de temps 6 à 7 min. Une soupe, des biscuits salés, 2 excellentes tartines de roquefort. Les ravitos seront tous fournis et variés. Ma petite femme a la gentillesse de me masser les mollets qui commencent sérieusement à chauffer.  Changement de gourde, remplissage du camel et c'est repartit. La reprise est très dure : il fait un frois glacial, vent de façe, je me remets à courir par nécessité : j'ai froid, je claque des dents. Je discute avec un concurrent : on échange sur la Saintélyon : "c'est autrement plus dur içi hein ??... oui c'est autre chose... là il y a du dénivelé !!" 2/3 minutes de papotage me permettent d'oublier le froid. Je vais me sentir de mieux en mieux. Sur un profil descendant, je vais continuer à dérouler. Toujours pas de douleurs. Au détour d'un chemin, en montée, premier bouchon : il s'agit en fait d'une intervention des pompiers : une femme est au plus mal, allongée par terre et entourée par des secouristes. Ele est très pale et tremble de tous ses membres. Dur retour à la réalité. Je passe de très bien à plus bien du tout : je me rend compte que tout peu basculer en quelques secondes : On approche la distance Marathon avec le dénivelé en plus et les corps sont déjà exténués... c'est maintenant que ma course va commencer : au 40ème... je rentre dans le dur !! Je dois me forcer pour courir sur les plats, ça passe encore en descente mais plus dans les montées ! Les jambes sont lourdes, les pieds trainent dangereusement sur certaines pierres... Attention...

Les km s'enchainent malgré tout, je me force à ne pas regarder le chrono... j'avance. Le ravito annoncé au km 50,6 km, n'arrive pas. Il arrivera finalement au km 53 (??) Mon GPS aurait il déconné ?? Je demande autour de moi, il semble que tout le monde ait la même impression, il il a 2 bornes de + sur ce ravito. Bon pas grave... 

 

 

13h56. PIERREFICHES. 07:38. Km 53

Heureusement la famille est là... mais je suis dans le dur. J'ai, pour la première fois peur de ne pas pouvoir finir. Si mon kilométrage est erroné, ça veut dire que je n'ai pas repris de temps sur la barrière horaire. et 2h40 pour faire les 13 km théoriques de cette portion... c'est beaucoup ... Il y a pas mal de monde sur les bancs derrière les ravitos, beaucoup d'abandons donc... c'est tentant de s'asseoir. Heureusement la famille est là. Je mange, je bois soupe et coca et je reprends la route encore une fois transi de froid. Heureusement le profil est descendant. Nous croisons un courageux volontaire qui nous donne notre ordre de passage : 1 309 .... Bon sang !! c'est à peine croyable !! je suis dans la première moitié du classement !! ce simple nombre provoque chez moi une décharge d'adrénaline ... je repars comme un cabri... et reprends toutes les places que je peux. Une grimpée sur un nouveau plateau va vite couper mes ailes et me rappeler à l'ordre : içi c'est les Templiers... !! La vue est superbe en haut, nous sommes sur des aplombs fantastiques, j'en profite pour prendre quelques photos... Enfin, redescente sur le Monna et sa vallée. Le plat le long de la rivière me parait une éternité ... j'attends le ravito (que je pense être au Monna...) avec impatience... et c'est l'erreur !! Je trébuche sur une pierre et m'étale de tout mon long...je suis sonné et n'arrive pas à me relever. Mon poursuivant arrive et souhaite appeler les secours. Je refuse immédiatement. Je vais chercher tout au fond de moi pour reprendre les forces, malgré les crampes, la main gauche en sang, les genous rapés... je trouve la force de me relever et de sourire pour rassurer ce brave homme : je ne veux pas de secours... je veux continuer. J'ai quand même besoin de quelques minutes, assis au bord de la rivière, pour reprendre mes esprits. Ceux qui me dépassent m'encouragent. Je trouve le courage de me remettre debout et me remets en marche. D'abord en marchant et puis me faire dépasser 5 ou 6 fois finit par m'agacer... je me remets au trottinage. Nous traversons la rivière sur un pont impovisé sympathique : une large planche supportée par une dizaine de canoés kayak. L'ambiance içi est fantastique .. chaque passage est salué par une "hola" des spectateurs. Et là ... autre grosse erreur : je n'ai pas assez appris les détails de la course : le ravito ne se situe pas à la Mona... mais 4,5 km et 450 m positif au dessus!!!... le moral, de nouveau, prend un énorme coup !! J'entame cette montée tant bien que mal... mais quelle est dure!!! Je devrai m'arrêter plusieurs fois pour reprendre quelques forces. Durant cette montée, je fais des milliers de calculs et essaie de comprendre désepérément une logique au kilométrage des ravitos. Le dernier ravito (que j'attends désespérément !!...) et que je pensais être au km 61 se trouve en fait au km 65,5 !! Mais du coup, quel est l'intérêt d'un ravito 6km avant l'arrivée ??!! Je finis par arriver dans un superbe corps de ferme, perdu dans les bois...

 

 

17h14. FERME DU CADE. 10h58. Km 65,5

Une super ambiance, très chaleureuse nous attend. Je décide, malgré les 5,5 km restant (jeune candide...!!) de prendre mon temps et me restaurer correctement. J'en profite pour tenter de percer le mystère du kilométrage. Une première nouvelle me rassure totalement : la barrière horaire est relevée à 14h30 environ, non plus 13h00 comme prévu dans le règlement... puis la seconde nouvelle arrive comme une douche froide : il reste 10,5km !! soit un total d'environ 76km !! C'est abasourdi que je sors du ravito ... c'est pas normal ça !! comment peuvent ils claironner à tue tête 71 km et en mettre finalement 76 ??!! C'est impossible !! J'en pleure de rage !!

Et ce n'est pas la seule mauvaise nouvelle : j'avais accessoirement oublié une remontée de 150 m positif... et technique comme je n'avais jamais vu sur une course : certains endroits sont équipés de corde pour monter !! De plus, il faut composer avec des bouchons : les passages techniques sont très durs à négocier pour tout le monde et c'est, en tout, plus de 15 minutes d'attente qu'il faut gérer...

Je regarde s'égrenner les minutes, je sais que je serai finisher, mais passer les 13h... je sais que je les dépasserai... est dur à encaisser : "J'ai passé les 71 km en 11h ...put... !!!! je devrais déjà être arrivé". L'agacement est général. Je me calme assez vite, passe un coup de fil à Caro pour expliquer la situation : "j'arrive, mais je ne sais pas à quelle heure..." Enfin arrive la grotte du hibou. Beaucoup de monde à l'intérieur pour éclairer et encourager. Une sortie un peu technique équipée d'une chaine.... on en est plus à ça prêt !! Une descente comme je n'en ai jamais vu dans des pierres... je manque de tomber à plusieurs reprises... Seul la volonté féroce de passer la ligne me fait tenir debout.

Enfin, la route en terre arrive, large, stable, et on entend le micro signifiant que la ligne d'arrivée est toute proche. Je reprends le rythme course et dévale à toute vitesse la descente. Je prends des risques inconsidérés : je n'ai plus ma frontale et il fait maintenant nuit. Je me tords les chevilles plusieurs fois... mais je n'ai plus mal nul part, je vais franchir la ligne. Je reconnais l'arrivée... j'entends mes enfants et Caro sur le coté : je jette mes batons sur le côté, Alexandre les récupère... Thomas le donne la main et tous les trois nous prenons la direction de l'arche d'arrivée. Dernier virage, beaucoup de lumières, beaucoup d'applaudissements... l'instant est magique, je passe la ligne et hurle ma joie : je suis finisher... je l'ai fais... je suis capable d'accomplir un tel exploit !!

 

19h24. ARRIVEE. 13h06. Km 76 

 

Je finis dans la première moitié des partants : 2 700 partants....800 ne franchiront pas la ligne. J'aurai 1h40 d'avance sur le dernier finsher... dans mes rêves les plus fous je ne pensais pas être capable d'un tel exploit.

Merci les amis pour vos encouragements, la famille pour votre soutien (pendant et en prépa de la course...) Il va maintenant falloir se refixer un objectif. Seule façon de continuer à avancer....

 

Franck  

 

8 commentaires

Commentaire de la panthère posté le 25-10-2011 à 11:19:22

un grand bravo, on l'a échappé belle question météo, imagine la den!ère descente sous la pluie............à un de ces jours sur les sentiers

Commentaire de Arclusaz posté le 25-10-2011 à 11:37:55

ben...... bravo, quoi !
tu l'as rêvé, tu l'as fait : nous sommes quand même de "belles machines" qui, quand elles sont pilotées par un mental fort peuvent accomplir des exploits.

Commentaire de totoro posté le 25-10-2011 à 12:08:52

Toutes mes félicitations !!! Tu as assuré comme une bête ! Ils ne manquent que les photos que tu as prises :-)

Commentaire de franck de Brignais posté le 25-10-2011 à 21:21:55

A la demande de Totoro, quelques photos de ces moments uniques que je viens de rajouter

Commentaire de ThierryF posté le 26-10-2011 à 11:37:41

Bravo! pour avoir réussi ton défi... et aussi pour ton récit ou tes émotions contrastées sont bien retranscrites...

Commentaire de fab84 posté le 26-10-2011 à 13:25:19

Super récit et bravo , réussir un défit comme celui ci ,apporte du bien et de la confiance ...le parcours plus long t'apporte encore plus de fierté ... D'avoir reussi... Félicitations...

Commentaire de bouh17 posté le 27-10-2011 à 08:28:09

Bravo pour ta course, et le CR. Comme le dit la panthere, lors de la derniere descente, j'ai pensé à l'année derniere avec la pluie, ça devait etre épique.

En toutcas, un finisher heureux. Encore félicitations!

Commentaire de Jean-Phi posté le 29-10-2011 à 21:47:36

Bravo ! Belle revanche sur tes soucis de début d'année et beau finish en fanfare ! Que du positif, je suis très content pour toi. Prends le temps de la récup et de nouveaux défis vont venir te titiller. A bientôt !

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Accueil - Haut de page - Version grand écran