Récit de la course : Grand Raid 56 - Golfe du Morbihan 2010, par nono_la_robote07

L'auteur : nono_la_robote07

La course : Grand Raid 56 - Golfe du Morbihan

Date : 25/6/2010

Lieu : Vannes (Morbihan)

Affichage : 4311 vues

Distance : 177km

Objectif : Pas d'objectif

8 commentaires

Partager :

L'ultra marin du Morbihan

Pour préparer cet ultra marin, j’ai testé une nouvelle approche. Ne pas se mettre la pression avec des courses intermédiaires, fonctionner uniquement à l’envie du moment et travailler à l’entrainement en optimisant toutes ces heures passées en montagne pour la préparation de mon examen de septembre.

Avec Bertrand aux commandes de mon entraînement, nous avons continué à travailler la VMA une fois par semaine et beaucoup de sorties en rando-course à faible intensité ce qui nous a permis de découvrir de chouettes coins dans le Diois.

 

Lorsque le départ est donné vendredi à 19h, je pars pour l’inconnu tant en terme de distance que de durée d’effort. Je suis plutôt confiante, mentalement je suis super prête à affronter cet ultra. N’ayant pas vraiment fait de compétition depuis le raid 28, j’ai les crocs.

Il fait encore bien chaud et nous nous élançons sur un sentier côtier, cela promet d’être beau.

Je gère mon allure, je marche dès que cela monte un peu et je trottine le reste du temps.

 

Au premier ravitaillement j’ai une vitesse moyenne de progression d’environ 8km/h ce qui correspond à mon petit plan de marche. Par contre, là y’a un truc qui ne correspond pas vraiment à ce que j’avais prévu, le ravitaillement à été dévalisé. Il ne reste plus que des quartiers d’orange et moi les oranges en course je les évite comme la peste.

Heureusement que j’ai pris mon propre ravitaillement sinon j’étais mal.

 

Je reprends le départ direction CP2 où m’attends Bertrand. C’est une bonne nouvelle et je m’engage l’esprit léger sur cette deuxième section du parcours. Mais là, je découvre que ce fameux parcours devient de plus en plus bitume. Tiens, j’ai dû louper un truc dans les comptes rendus que j’ai pu lire. Je ne me souviens pas avoir lu que le parcours passait par autant de route. Et là, je comprends que j’ai fait une première erreur, j’ai au pied mes superbes chaussures trail et ma voute plantaire commence à s’échauffer sérieusement. Les mollets grincent et les releveurs commencent à me titiller. La tuile …

Enfin CP2, j’ai la tête des mauvais jours et quand j’explique le problème à Bertrand, il fonce à la voiture me chercher ma paire de chaussure route.

Il relativise la situation, sort ma frontale et me remets sur la route pour rejoindre CP3.

 

De CP2 à CP3 ma "transbaie" à moi toute seule. Je n’ai pas trop de souvenir juste celui où je loupe le passage le long de la plage et que je me retrouve les deux pieds dans la vase. Je vais devoir récupérer ma chaussure qui est restée coincée après avoir fait ce bon vieux bruit de succion. J’arrive à Sarzeau les mains noires et les chaussures nauséabondes. Merci encore à mon chéri d’avoir pris la peine de nettoyer tout ça. L’assistance perso c’est vraiment du bonheur

Je vais manger une soupe chaude, me changer pour la fin de la nuit et faire quelques exercices comme me l’a préconisé mon ostéo.

 

De CP3 à CP4 j’ai vécu un moment exceptionnel. Lorsque je repars de Sarzeau je suis seule et je vais le rester un bon moment. J’ai les jambes légères et je trottine tranquillement. Et puis là dans ce hameau au milieu de la nuit j’aperçois un papy en pyjama, charentaise aux pieds qui lève les bras à mon arrivée tout en s’exclamant « ah cette jeunesse qui court c’est formidable », il m’accompagnera sur quelques mètres avant d’aller rejoindre sa femme qui l’attends. Non ce n’était pas une hallucination, j’ai adoré cet instant.

 

De CP4 à CP5 La traversée en bateau. Le lever du soleil est magnifique sur le golfe. Je savoure le plaisir d’être là tout simplement. Les jambes commencent à être lourdes mais dans ma tête je veux faire la traversée en zodiaque. C’est que ça doit être chouette alors j’avance avec ma petite motivation du moment. Le tourniquet dans le port d’arrivée est terrible. Il use mes nerfs. Il n’a aucun intérêt sauf celui de nous faire faire des kilomètres. Je compte sur cette fameuse traversée pour me remettre dans le bon chemin parce que là je suis passée dans le côté obscur…

La traversée est bien telle que je me l’étais imaginée et c’est de meilleure humeur que je retrouve Bertrand à Locmariaquer.

Là, j’ai prévu de faire une belle pause. Nous sommes à mi-course, il fait déjà très chaud à 10 heures du matin. Je vais prendre une douche et me changer entièrement. J’avale une soupe chaude. Depuis le départ je mange mes barres bio aux amandes et aux noisettes par petites quantités régulièrement. J’avale un demi gel par section pour maintenir mon taux de glycémie à un niveau acceptable et je mange régulièrement un peu de salé pour continuer à assimiler correctement l’eau que je bois. Une formule testée au raid 28 qui fonctionne bien. Je commence à bien me connaître et je gère maintenant bien mes difficultés d’hypoglycémie réactionnelle.

 

CP5 à CP6, bleu comme l’enfer. Le soleil plombe nos esprits fatigués et use nos corps endoloris. Je vais louper une rubalise et faire deux bons kilomètres en trop. Ce n’est que ma faute et je craque un peu. Heureusement le téléphone sonne et les encouragements de Jean-François à ce moment là me feront beaucoup de bien. J’avance sur ce bitume surchauffé et j’attends avec impatience le prochain ravitaillement. Je vais y manger mon petit sandwich à la mimolette vieille. Ca c’est mes petits trucs à moi pour faire du bien à la tête. L’odeur de la mimolette vieille c’est la boite à fromage de mes parents et je savoure mon sandwich en imaginant le bon verre de Pauillac que m’aura servi mon papa. C’est bon, un musicien joue de l’accordéon. Je suis à nouveau bien et je repars sous le soleil.

 

CP6 à CP7, mais qu’il fait chaud. Jusqu’à Locmariaquer je n’avais qu’une stratégie, courir sur le plat et en descente et marcher dans les montées. Depuis j’en ai une nouvelle. Ne courir que sur le plat à l’ombre. Il faut tenir, marcher et tenir. Mon esprit commence à être fatigué. J’ai des envies terribles de sieste à l’ombre d’un arbre. C’est au ravitaillement que je le ferai, dormir quelques minutes les jambes surélevées. Il y a déjà beaucoup d’abandon et moi je continue. J’en ai parfois bien marre mais jamais je n’ai l’idée d’abandonner. Je pense à Bertrand qui est à son tour en course et je me demande à quel endroit il me rattrapera. Cela m’occupe l’esprit, je reprends mon chemin.

 

CP7 à CP8, je suis dans le dur. J’arrive enfin à Larmor Baden sans rien me souvenir. Je souffre, c’est dur, j’avance comme un zombi. Et là encore, petit miracle de la vie. Je retrouve deux bénévoles croisées au marathon de Paris qui me reconnaissent et m’encouragent. Elles vont s’occuper de moi au ravitaillement. Je me sens bien et deuxième erreur je vais trainer sur place beaucoup trop longtemps. Bertrand est arrivé lui aussi mais il décide d’arrêter sa course avec un genou qui lui fait mal, il ne veut prendre aucun risque. Il va s’occuper de moi pour ma fin de parcours. Je vais au podo pour une ampoule et hop 20’, je continue les bêtises en allant au kiné et hop 40’. Je repars du CP en maugréant contre moi-même. Il reste encore 44 kms à parcourir et il est déjà 22 heures 45.

 

CP8 à CP9, c’est quand qu’on dort. Je commence à être épuisée. J’alterne marcher et courir mais c’est plus souvent marcher que courir. Ma vitesse de progression baisse considérablement et le temps entre chaque ravitaillement devient un enfer. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs. Il fait nuit, je veux finir. Je ne pense qu’à cette passerelle au port de Vannes sur laquelle nous devons absolument marcher sous peine de pénalité. Je vais y passer sur cette satanée passerelle, je ne vais pas lâcher maintenant. Bertrand m’attends. Et là j’ai vraiment besoin, envie de dormir. Je m’allonge et lui demande de me réveiller dans 30 minutes.

Le réveil est difficile, je repars…

 

CP9 à CP10, raz le bol, la casquette, le buff, les chaussettes. Il est temps que la course se termine. Je craque en arrivant au ravitaillement. Bertrand doit une fois de plus supporter mon air bougon.

 

CP10 à CP11 la révélation. Lorsque je repars du dernier ravitaillement, ma vitesse de progression doit être proche de 1km/h. J’ai 14 kilomètres à parcourir avant l’arrivée. Le calcul est simple à cette allure là j’y suis dans 13 heures et là je craque complètement. Je m’assois sur une branche, mon sac sur les genoux pour y ranger ma frontale et je pleure doucement. Il est bientôt 6 heures, le jour se lève pour la deuxième fois depuis que nous sommes partis. Bon, Caro et si tu essayais de courir mais courir vraiment. C’est le matin, tu pars faire ton footing. Je pense au spartathlon. Cette course m'a beaucoup impressionné et je m'imagine faire mon spartathlon à moi en 36 heures. J’ai mis la musique, je me suis levée et là je me suis mise à courir. Courir à 10kms/h comme pour mon footing et là c’était magique. Je n’avais plus mal, j’avais juste envie de courir. Et j’ai couru ainsi jusqu’à l’arrivée. J’ai avalé la pate de fruit qui était restée au fond de mon sac. Celle qui me fait penser à Bertrand et j’y suis allée en courant.

 

Il est 7h37 lorsque je franchis la ligne d’arrivée. Je me sens bien.

 

L’ultra c’est bien, on apprend beaucoup mais là mon prochain défi, c’est décidé. Ce sera les 10kms de Romans.

 

 

 

 

8 commentaires

Commentaire de DamienES26 posté le 03-07-2010 à 19:16:00

Toujours aussi haut en couleur tes CR, big bravo...et bisous

Commentaire de la panthère posté le 03-07-2010 à 20:46:00

bravo!....
tu as bien mérité ton petit verre de Pauillac pour accompagner ta mimolette vieille....
étonnant de pouvoir trouver la ressource de courir à la fin d'un ultra, un sacré mental!, bisous

Commentaire de L'Dingo posté le 03-07-2010 à 22:07:00

Bin, Super nono, tu étais super-prête car rebondir sur un 177km alors que l'on touche le fond , c'est la marque d'un gros mental.

Souvent il suffit d'un grain de sable pour que la machine s"enraye et au contraire un petit déclic peut tout faite repartir.


bravo Caro.

si tu veux faire du court vient fainéanter le 15 aout à Embrun le long du lac avec un mégaphone :-)))


Commentaire de langevine posté le 04-07-2010 à 21:03:00

C'est bien écrit avec les tripes, c'est vrai, pleins d'émotions... Bravo Caro, tu l'as eu ce raid que tu souhaitais tant!! Belle victoire avant tout sur toi et ce mental qui a tenu le choc malgré la chaleur, la nuit et la longueur!!
Un vrai grand bravo!!

Commentaire de Bert' posté le 05-07-2010 à 18:24:00

Un grand bravo tout d'abord ! Quel courage et tenacité... Il fallait en vouloir cette année. Merci aussi pour ton précieux témoignage plein d'enseignements.
Personnellement, après des heures passés avec des maux de ventre, j'ai dû renoncer à Porh Nezh :-( mais l'année prochaine n'en sera que meilleure
P.S : coucou à ton Homme que j'ai eu le plaisir de croiser à la Kilian's Quest ;-)

Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 05-07-2010 à 19:37:00

Superbe ! Tu m'impressionnes par ta volonté. Le récit est facile et agréable à lire, le découpage est vraiment sympa. Bises et coucou à Bertrand !

Commentaire de Mustang posté le 05-07-2010 à 23:31:00

Bravo pour ta détermination!!!

Commentaire de shunga posté le 01-03-2011 à 19:34:00

merci

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Accueil - Haut de page - Version grand écran