Récit de la course : Trail du Tour des Fiz 2014, par ThomasL

L'auteur : ThomasL

La course : Trail du Tour des Fiz

Date : 27/7/2014

Lieu : Passy (Haute-Savoie)

Affichage : 2359 vues

Distance : 61km

Objectif : Terminer

8 commentaires

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Mon royaume pour huit refuges

Dimanche 27 juillet, 4h30 du matin, après une courte nuit humide dans des cabanes perchées dans les sapins, Tom, JC, Manu et moi même nous pointons sur la ligne de départ du Tour des Fiz 8 refuges 2014: une distance respectable, 61 km, pour un dénivelé  positif de 5000m. ‘’Brutal’’ comme dira Manu après la course. JC et moi avons été tirés au sort sur l’UTMB cette année et avons décidé de faire cette course comme prépa: un peu pris de court par le tirage au sort, on manque d’années d'expérience sur les très longues distances. L’avantage des Fiz est de proposer un maximum de dénivelé pour des coureurs de plaine, sans être une course trop longue qui entrainerait trop de fatigue en amont de l’UTMB. Et puis surtout à notre niveau, l’essentiel est de prendre du plaisir à courir en montagne. Et sur ce point les Fiz c’est tout simplement une des plus belles course de France. Ce massif rocheux se dresse comme une forteresse, dans un des coins les plus sauvages des Alpes du Nord. Entouré des réserves naturelles des Aiguilles Rouges, Passy et Sixt il est préservé et sauvage. La course étant limitée à 215 dossards la sensation d’aventure est garantie. Bref, ce massif que je vois au loin du Praz de Lys depuis que je suis môme me fait fantasmer et je suis sur excité à l’idée d’en faire le tour en une quinzaine d’heures non stop (il se fait en 3 à 8 jours en rando).

Les Fiz vus depuis le Praz-de-Lys


 
Me voilà donc sur la ligne de départ avec mes acolytes, avec 3 objectifs aujourd hui: 1.prendre du plaisir 2.courir avec le matos obligatoire UTMB (merci le sac de 4kg) 3. terminer frais pour pouvoir continuer l’entrainement derrière. 5h nous partons donc à la frontale. Le début de course emprunte un court morceau de route et passe devant un bâtiment étrange, genre hôpital psychiatrique, ce qui nous permet d’allégrement fantasmer en rentrant dans la forêt encore en pleine nuit. Ambiance ''Blairwitch Project’’… Dans la forêt je laisse le moteur chauffer doucement et ne m’excite surtout pas en descente, connaissant le morceau qui nous attend en milieu de course. Il vaut mieux garder les quadris frais le plus longtemps possible. Dans la montée au premier refuge, Varan, je commence déjà à rattraper pas mal de monde. Le soleil se lève sur le Mont Blanc en face de nous et ce moment me rappelle les 80km du Mont Blanc un an auparavant. Passage en coup de vent au refuge (km11, 2h de course) le temps de refaire le plein, et nous repartons. Tom et son moteur supersonique nous a lâché depuis longtemps et Manu est parti en trombe dans une descente. Pendant ce temps JC et moi faisons du tourisme et prenons des poses entre ombre et lumière.
 
Art by JC

 
Arrivent les choses sérieuses: la montée vers le refuge de Platé. Une longue procession de coureurs monte en serpentant vers la falaise des Fiz. Je suis surpris d’en voir autant. En réalité, nous rejoignons les 400 coureurs du 30km partis une heure après nous, et qui n’ont pas eu à faire la portion Varan. Je me lance dans une longue séquence de pacman: passer le serre file du 30 puis doubler les coureurs qui commencent à peiner dans cette raide montée. C’est là que je tombe sur Manu qui a l’air en petite forme: le malheureux est tombé dans la descente et s’est bloqué le dos. Beaucoup de trailers disent gagner du temps en descente. Personnellement je m’en méfie, surtout quand les distances s’allongent et que le dénivelé est sévère. Aux risques de chutes s’ajoutent les traumatismes musculaires et articulaires. Après 10h de course la note peut être salée pour finir. De toute façon depuis mon accident à ski en 2009, je n’arrive plus à bomber et finalement je ne m’en porte pas plus mal. J’essaie d’avancer avec le minimum d’effort, certes je vais moins vite mais ça me permet de récupérer (enfin ça dépend de la longueur de la descente, on le verra plus tard). Arrive un moment extraordinaire: la cheminée de Platé. C’est le moment où on rentre littéralement dans les Fiz. Le sentier très raide, fait des lacets entre 2 parois rocheuses. On a l’impression d’être en Inde dans une procession religieuse menant à un lieu mystique. 

Cheminée de Platé
 

 
On continue la partie de pacman pour arriver sur un plateau avant le refuge de Platé. Magnifique endroit avec le Mont Blanc en fond d’écran. 3h30 de course je commence à être chaud ;) Alors on accélère, d’autant plus que selon mon plan de course je n’ai pas des masses de marge sur les 2 barrières horaires. Passage éclair au ravito du refuge et zou on enchaine sur la montée, à nouveau très raide du Col de Portette. Là j’ai décidé de pousser un peu, et j’arrive au sommet avec le palpitant dans la gorge. Un bon passage de Col en trail, avec check point et supporters avec cloches d’alpages. Je prend 2 minutes pour re lacer les chaussures vue la descente de dingue qui nous attend derrière: 1500m de dénivelé négatif sur 12km. A faire en 1h45 max à cause de la barrière horaire en bas. En gros il ne faut pas trainer, mais pas non plus se fracasser les cuisses pour enchainer direct un km vertical derrière (1050m de D+ en 5km…).

Pose action avant le Refuge de Platé
 

Montée au Col de Portette


 
Le début de la descente est raide et technique, j’y perd pas mal de temps. Le parcours devient ensuite ‘’casse patte’’ avec des successions de buttes / blocs rocheux dans un paysage incroyable: le désert de Platé. Pour la première fois depuis le début de la course je me retrouve seul, et c’est particulièrement grisant dans ce paysage qui me rappelle les reportages des plaines Mogols. Le sentier devient ensuite plus roulant descendant vers un plateau où se trouve les chalets du refuge de Sales. 

Le refuge de Sales au loin


‘’Yo!’’ C’est JC qui m’a rejoint. JC et moi avons pour habitude de faite le yoyo en course: je monte plus vite que lui et il descend plus vite que moi. Pour éviter de nous retrouver coincés à une barrière horaire en s’attendant l’un l’autre nous préférons avancer chacun à notre rythme. Jusqu’au moment où nous sommes explosés tous les 2. Nous nous trainons alors ensemble pour le meilleur (voir récit Saintélyon 2010) ou pour le ''pire’’ (voir récit UTMB 2014). JC me dit: ’’il ne faut pas trainer Manu et moi avons été rattrapés par les serre files au ravito de Platé.’’ Je ne suis pas stressé outre mesure, j’ai bien étudié le parcours et avait effectivement vu que je ferai du ‘’rase barrière horaire’’ et jusque là j’étais dans mes prévisions de temps. On déroule tous les 2 jusqu’au ravito de Sales, où je prend bien le temps de refaire le plein d’eau, sachant qu’il reste encore 1h de descente et qu’il commence à faire chaud. La course traverse maintenant un endroit sublime: le vallon de Sales, où entre 2 parois rocheuses descend un torrent, dégringolant de cascade en cascade. Un endroit où la seule musique à écouter est celle de l’eau se fracassant contre les rochers. Une symphonie puissante et galvanisante, qui me donne de l’énergie à en revendre. Je recommence une session pacman en redoublant des coureurs du 30km les uns après les autres. Le sentier passe soudainement dans la falaise. C’est spectaculaire, mais il faut sérieusement lever le pied, sur les dalles humides. Je rattrape justement sur JC en plein extase en train de faire des photos. Il repart à blinde dans le vallon qui s’ouvre à nous dans un décor digne d’un film sur la conquête de l’Ouest.

Cascade dans le vallon de Sales


 
Passage dans la falaise


 
Le vallon de Sales
 

Au niveau de la cascade de Sales, les coureurs du 30km bifurquent directement vers Anterne. Je me retrouve avec d’autres coureurs du 60km et on descend à bon rythme sur la piste plus large et roulante. Il y a pas mal de randonneurs qui nous encouragent. Juste avant le parking du Lignon  on commence à doubler les premiers coureurs en difficulté. Sûr qu‘après 1h20 de descente non stop les cuisses, genoux et chevilles commencent à couiner. Le sentier coupe maintenant les lacets de la route et nous passons devant la spectaculaire cascade du Rouget. Les touristes hallucinent un peu de voir ces gugus numérotés arriver à bloc, d’autant plus que la barrière horaire se rapprochant les jambes relancent. Je me retrouve même à franchement cavaler dans la caillasse, ce qui me surprend après quand même 30km et 2000m de D+ et une telle descente. C’est bon signe, et j’arrive donc au ravito en pleine forme avec 20’ d’avance sur la barrière horaire. Je refais le plein tranquillement et repars aussi tôt en espérant rattraper JC dans la montée un peu plus tard. 
Au bout de 15’ de montée je vois un gars que j’avais vu courir avec un drapeau, redescendre a fond: il l’avait oublié au ravito… Il avait perdu quelqu’un de proche juste avant la course et avait décidé de la faire avec ce symbole le représentant. Le pauvre va se trouver confronté à la barrière horaire j’espère que l’organisation sera clémente vues les circonstances. Non seulement, il a réussi  récupérer le drapeau a temps, mais 30’ après il me redouble à un rythme soutenu. Je suis content pour lui, en tout cas c’est certain qu’il finira avec une telle motivation. Nous traversons un torrent assez large avec une corde et continuons à monter en lacet dans la forêt. Je discute avec un sympathique ch’ti ce qui fait passer le temps. Je le laisse partir à la sortie de la foret le temps de calmer une fringale naissante, puis repart dans une bonne section usante de gadoue. Juste avant le sommet je rattrape JC et on arrive ensemble au refuge de Grenairon (35è km, 3000D+,8h20 de course). Il y a une ambiance népalaise sur cet endroit point de départ de l’ascension du Buet par Sixt. C’est d’ailleurs bien dommage que le sommet soit dans les nuages, la montagne en impose vue de là. Il y a un type très mal en point sur le ravito. Il reste encore 25km et 2000D+ soit bien 6h d’efforts, ça risque d’être compliqué pour lui. D’autant plus que JC me rappelle qu’on a une barrière horaire qui nous attend en bas. 1h pour 700m négatifs et 5km, ça devrait le faire sans souci, mais nous décollons pour éviter toute mauvaise surprise. Comme d’hab JC me largue au bout de 2 lacets, mais je descend honorablement, puisqu’il me faudra à peine plus de 30' pour arriver en bas de ce chemin de 4x4. En revanche à l’embranchement, mauvaise surprise: la barrière horaire n’est pas là… Ca veut dire qu’il va falloir se bouger sérieusement les fesses pour l’attraper. Courir sur du faux plat montant après 40 bornes de course et 3000m de deniv + et - c’est, comment dire? Douloureux? Mais on s’accroche et on avance, je me retrouve à doubler 1, puis 3, puis 4 gars tous désespérés de se faire bloquer. Je suis à mi chemin du refuge des Fonts quand je croise une personne de la secu qui court à fond dans le sens inverse de la course… Que se passe-t-il? 14h30 l’heure limite passe et toujours pas de barrière. Je commence à me dire que j’ai raté le check point et me prépare à une sévère négo aux Fonts, quand je vois mon Tom arriver aussi dans le sens inverse. ‘’-Ben?! qu est ce que tu fais là? On a raté la barrière horaire? - La barrière horaire tu viens de la voir passer en courant. C’était la personne de la secu qui bombait pour rejoindre l’embranchement à 14h30 -Ah ben d’accord, merci pour le stress… Mais alors toi? Me dis pas que tu as encore un problème d’alimentation?! -Et si… J’ai été malade et préfère lâcher l’affaire pour être en état ce soir pour ma dernière soirée de vacances avec Morgane  et les enfants…’’ Bon je le comprend. C’est rageant quand même, Tom est le plus rapide d’entre nous et après 8h de course il n’arrive plus à s’alimenter. Je laisse le pauvre Tom, JC est à 5’ devant moi, je vais le rejoindre au ravito. J’arrive 10’ après dans le grandiose cirque des Fonts (km45). Quel endroit encore… Les chalets sont posés sous des cheminées de roches fumantes de nuages. Obligé de se poser un moment d’autant plus qu’il n’y a plus le stress du temps. JC est là, on se ravitaille sérieux et après que le type du service médical ait vérifié que nous étions biens nous reprenons la route.

Refuge des Fonts
 
 
Le temps a changé, et nous traversons du brouillard à cause des nuages accrochés à la montagne. La montée vers le refuge Alfred Wills est régulière, limite rébarbative avec le manque de visi. Ce coup ci c’est moi qui largue JC, montée oblige. C’est bon signe pour nous deux, avec quasi 50km et 4000mD+ dans les jambes, il semble que nous soyons encore frais. C’est appréciable à un mois de l’UTMB. Nouveauté pour moi, je commence aussi à doubler en descente, ça c’est signe d’une bonne gestion de course. Le paysage ressemble à de la lande bretonne et j’arrive en pleine forme, au trot (limite un peu trop euphorique) au ravito. Une soupe de pâtes, un morceau de banane, et je repars, un peu surpris de ne pas voir JC arriver. Je crains qu’il ait quelques soucis digestifs… La montée vers le Lac d’Antenne est raide et minérale. Beaucoup de marches, et j’y vais peut être un peu trop fort… Clairement j’oublie un peu la gestion et suis un peu en sur régime comme dans le col de Portette. Lorsque j’arrive au lac je suis a nouveau scotché par la beauté du paysage. Nous à sommes à 2000m d’altitude mais j’ai l’impression d’être sur un loch écossais. Les nuages roulent au dessus du col d’Anterne, il y a maintenant peu de coureurs devant et derrière moi, grosse sensation d’évasion!
Décidement j’ai les jambes qui tournent et rattrape encore 2 coureurs dans le slalom entre les ruisseaux. attaque de la dernière montée pour atteindre les 5000m de dénivelé cumulés sur la journée. A nouveau très minérale et raide, elle n’est pas longue, mais d’un coup je paie mon sur régime de la dernière heure. Premier vrai coup de moins bien de la journée, pas si mal après presque 13h de course. Pas de panique, je baisse le rythme, mange une barre, et me mets Boards of Canada dans les oreilles. L’état nauséeux disparait petit à petit et j’arrive beaucoup mieux au Col d’Anterne(km 53). Restent environ 9km et 1000m de deniv négatifs. Je me dis que la course en 15H est dans la poche voire, même peut être pas trop loin des 14h.
 
Le lac d'Anterne


 
Le début de la descente sur le refuge de Moede-Anterne est technique, mais assez bizarrement j’ai à nouveau la pêche et arrive au refuge en 20’. Arrêt express, bipage de puce, et je repart au galop sur un superbe chemin de crête sur lequel je double 3 coureurs au langage étrange (République Tchèque je pense). Je commence à me dire qu’à 19h15 je serai à l’apéro. Mais je vois plus loin 3 coureurs qui ont l’air de ramer. Et arrivant juste derrière eux je comprend vite le problème. Ca devient technique, mais alors vraiment technique. Grosses marches en roche ultra glissantes à tel point que les batons deviennent encombrants et qu’il faut se retourner pour descendre. Puis apparaissent des câbles et des pédales. "Heu ils nous ont mis un atelier via ferrata sur la fin ou quoi?!" Alors là évidemment on n‘avance plus et bizarrement plus personne ne double personne. Ca râle un peu, mais au détour d’un bloc, on tombe sur un bouquetin en pleine pause. Sacrée bestiole, décidément cette course nous surprendra jusqu’au bout. 
 
Bouquetin des Fiz


 
Le sentier redevient courable et débouche sur une piste 4x4 très roulante. Et alors là, frustré par l’atelier technique, je déroule un bon petit 11km/h de fin de course en forme! Je ne m’arrête pas au dernier refuge d’Ayères et enchaine un monotrace ludique qui passe au dessus du Lac Vert de Passy. Un dernier faux plat et j’arrive sur le plateau de Passy où Tom et sa petite famille m’encouragent. Derrière la ligne le Manu qui a malheureusement dû arrêter en bas de la descente de Sales, mais qui a la banane. 14h50, et je me sens bien. Le JC finira plus tard, après effectivement quelques soucis digestifs, mais plutôt content de sa course physiquement. A posteriori, je pense que c’était ma course de l’année… Et une des plus belles que j’aie jamais faite!

8 commentaires

Commentaire de caro.s91 posté le 19-09-2014 à 13:21:41

Récit très sympa à lire! Ca donne encore davantage envie de courir cette course !

Commentaire de ThomasL posté le 19-09-2014 à 20:45:36

merci, n'hésite pas, grand moment assuré!

Commentaire de sapi74 posté le 19-09-2014 à 13:54:18

effectivement certainement un des plus beau trail de haute savoie. bravo a toi pour ta gestion de course.

Commentaire de ThomasL posté le 19-09-2014 à 20:46:31

merci, effectivement meilleure gestion que sur l'UTMB ;)

Commentaire de gayil posté le 30-09-2014 à 22:57:27

Merci pour le récit et les photos, effectivement ça donne envie de le faire, je crois que je vais postuler pour un dossard 2015, bravo pour la gestion de course et le finish.

Commentaire de ThomasL posté le 01-10-2014 à 09:05:18

merci et bonne course en 2015 alors!

Commentaire de Mazouth posté le 25-07-2017 à 16:38:40

Bravo ! J'aime bien ton récit, et en plus, je le lis avec mon roadbook pour dimanche prochain (mon premier Tour des Fiz) sous les yeux... et ben il colle pile poil avec tes temps de passage tout le long de la course ! Yapluka :)

Commentaire de ThomasL posté le 25-07-2017 à 23:26:11

tu vas te régaler, la météo va être top en plus!

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