L'auteur : ced69
La course : Grand Duc de Chartreuse
Date : 28/6/2009
Lieu : St Pierre De Chartreuse (Isère)
Affichage : 1668 vues
Distance : 76km
Objectif : Terminer
Partager : Tweet
Voilà plusieurs mois que je lis des récits sur ce site, ce qui a un peu contribué à faire monter la flamme du trail en moi, donc voici mon 1er CR.
J’ai pas choisi n’importe quelle course : le Grand Duc avec son parcours gargantuesque 76 bornes et 5000m+ (et surtout 5000m-).
Tout part d’il y a 3 mois avec Rob qui me parle avec insistance de ce challenge : le Grand Duc en solo. Trop dur pour moi qui ai l’habitude de finir dans le derniers tiers des trails dont le kilométrage dépasse les 30bornes. Mais pourquoi pas, c’est un bon défi. Et surtout, le parcours de ce 20ème anniversaire me paraît grandiose. Et me donne envie. Pourquoi pas.
Un petit test avec la Nivolet Revard début mai. 7 heures qui se sont bien passées. Une bonne récup la semaine suivante et l’inscription est envoyée à l’office du Tourisme de St-Pierre. Un petit mai de confirmation d’inscription, je ne peux plus revenir en arrière…
Ce dimanche 28 juin au matin, 15 minutes avant le départ, je suis relativement serein.
Sûrement parce je connais pas mal le terrain et ne serai pas surpris pas la difficulté : une pente moyenne de 13%, des montées raides, des descentes pires et un terrain gras, la Chartreuse quoi. Après avoir reconnu le parcours en 3 fois les semaines précédentes, je sais que je suis parti pour en baver. Les temps de passage que je prévois me font arriver en 17h. Au briefing, c’était clair, les délais seront en 16h : je pâlis. 1ère barrière : St-Pierre (km 46, 3250m+) en 11h30. Ca devrait le faire facilement. 2ème barrière : Col de Porte (km 61, 4350m+) en 13h30. Plus Chaud, faudra partir de St-Pierre avant 10h de course. Je revois ma stratégie et sais que je devrai effectuer un 1er tiers de course plus rapide que prévu pour espérer arriver au bout.
Arriver au bout : mon seul objectif, un rêve.
Sans blessure, sans prendre de risque superflu sur des chemins scabreux.
Espérons. Pourquoi pas.
Vaincre le Grand Duc pour ma première participation. Pour la 20ème.
1er relais : St-Pierre / Cabane de Bellefond (12km / 1300m+).
La meute est lâchée. Il est 5h10. On part à la fraîche. Faut pas flâner et avaler les kilomètres avant la grosse chaleur. 2-3 km de plat pour mettre en route la machine, je cours avec mes potes, Rob et Eric. J’ai intérêt à en profiter, je risque de pas les revoir avant longtemps. La montée vers le col des Ayes commence, c’est parti pour les bâtons et je monte à une allure régulière, un peu rapide me semble-t-il. Sans le cardio, sans altimètre, je fais tout aux sensations et aux différents points de repère que je me suis fixé tout le long de la course. Le jour se lève peu à peu. Tous les coureurs, on sent que ça va être une belle journée avec une belle météo.
Passage à la Dent de Crolles en 1h30’.
La vue est époustouflante, la chaîne de Belledonne se découpant au-dessus de la mer de nuage. Rob et Eric m’ont peu à peu lâché. Tant pis, je vais bien trouver des compagnons de galère. Mais surtout des compagnons de plaisir. Du pur plaisir.
Bon, faut pas tarder, on redescend. Je suis parti vite, faut en profiter. Le balisage est impeccable et on descend parmi les lappiaz. Je sais qu’il faut temporiser et gérer parce que c’est vachement piégeux : on peut griller beaucoup d’énergie pour gagner 5 minutes.
Ca y est, je vois le ravito un peu plus loin. Et vlan, me voilà sur les fesses. Une petite entaille à la main gauche. A peine éraflé. Il faut rester hyper concentré sur ce parcours exigeant. Me voilà au relais de Bellefond en 2h15’, une demi-heure d’avance sur mes prévisions. Voilà un bon début de course.
2ème relais : Cabane de Bellefond / St-Philibert (30km / 1900m+).
On repart avec une belle montée au col et 300mD+. 20 minutes. Ouah, je tiens une super forme dans les côtes. Je pose le coupe-vent et admire les Hauts de Chartreuse ensoleillés : magnifique. C’est parti pour ce long plat descendant où il est très agréable de courir. De trottiner plus exactement. On est avec un groupe relativement important de solos et ça papote, ça papote.
D’un coup, un avion qui passe… Ouah, le premier duo, il m’a déjà repris 1h !!!
On progresse à un rythme intéressant, jusqu’à un bon bain de boue sur 200-300m de plat. J’ai peur de pas avoir assez serré les lacets de mes Wings, j’entends les bruits de succion, ça fait ventouse. C’est bon, on attaque la descente et j’ai encore mes 2 pompes au pied.
C’est casse gueule pendant 5 minutes, mais je m’attendais à pire. Faut dire que je suis pas très à l’aise dans les descentes techniques. Je dois l’avouer, je suis pas montagnard et je suis sur Grenoble que depuis 4 ans… J’ai l’impression que toute la planète du trail est en train de me doubler. D'ailleurs, je reconnais le kéké. Mais je m’en fous, je suis à mon rythme, et je m’éclate. Le dernier toboggan nous amène à St-Même. J’ai déjà les cuisses en feu. Merde, pourtant, je suis descendu tranquilou ?? Beaucoup de monde au ravito. Un peu de salé, un peu de sucré, je remplis mon camel. Je ne m’attarde pas trop parce que je sais que c’est mon péché mignon : sur les trails, j’ai tendance à flâner un peu aux ravitos.
Allez, tout schuss vers le Cucheron.
Une petite route toute plate. Non, en fait, ça monte un poil. 3 minutes de course, 1 minute 30 de marche, c’est plus prudent. On retombe sur la route du Col du Cucheron, ça monte plus, au moins ça permet de récupérer en marchant et en gardant une allure correcte.
On plonge dans les bois à droite. Attention, nouveau bain de boue. Et remontée bien raide de l’autre côté de la rivière. Je rattrape le dossard n°1 et mon ego surdimensionné est flatté. Quelques hectomètres plus plats et le brouhaha du relais. St-Philibert en 5h15’.
Un petit bilan s’impose : toujours une demi-heure d’avance, c’est bien. Sur le plan physique, je commence à être un peu émoussé, mais ça va. J’avale la moitié de mon 2ème gel. La question qui me taraude : comment mon corps va réagir à un tel effort ? Vais-je exploser en plein vol ? Je sais pas mais côté mental, je suis à bloc.
3ème relais : St-Philibert / St-Pierre (46km / 3250m+).
Allez, c’est reparti. Un gros morceau m’attend. Pour moi, LE monument de la course, le Grand Som et le superbe passage du Racapé. On l’a reconnu il y a 15 jours. Notre réflexion : comment ? On peut faire passer une course par là ? Ca risque de faire mal le jour J.
La montée dans la forêt est pas mal. On commence à sentir la chaleur. Je me cale derrière un solo sexagénaire. Je pourrais aller un peu plus vite, mais surtout ne pas se griller, rester sage.
Cette montée me paraît longue. Ca y est ,on débouche au col des Ayes. Je ne m’arrête pas. Voilà le Racapé. Ses câbles pour aider à passer les marches. Je baisse largement le rythme. Je veux pas que mon cœur s’emballe. Je suis rassuré quand je vois des randonneurs qui en chient encore plus que nous. Ca y est, on voit la Croix, la pente est terrible. Je crois être scotché au sol, mais personne ne me double, j’arrive même à passer 2 gonzes qui ont l’air d’en baser. Ouf, j’y suis !! On découvre la Sure et les rochers de Chalves. Dis-donc, il y a pas mal de monde ici. Les encouragements font toujours chauds au cœur.
Allez on commence la descente. Je me restaure un peu en marchant. Gloup, je finis mon 2ème gel. Mes pieds commencent à me faire souffrir : et oui, mes pieds adorent les ampoules. Les 2 kilomètres qui viennent sont encore moins roulants que dans le chaos de Bellefond. C’est tout dire. On à l’impression de pas avancer. Et on avance pas. Descente un peu dangereuse. Mon objectif : rester debout. J’arrive à Bovinant en un seul morceau. Je m’arrête 3-4 minutes. Et qui je vois. Oliv Gignoux. Il est impressionnant : 65 ans et tout feu tout flamme. Il fait le 1er relais du duo. Et il m’a repris 1 heure. Chapeau monsieur. Je le félicite et l’encourage pour son objectif de 8h. « Allez @+, je te reverrai au Grésivaudan Xpress » (je fais un peu de pub).
Maintenant, c’est le col de Mauvernay qui passe plutôt bien. J’ai environ 45 minutes d’avance sur mon prévisionnel. Merci à Didier pour ses encouragements en haut de la côte.
La partie jusqu’au col de Frenay me paraît longue, mais je m’y attendais : il fait de plus en plus chaud et le pierrier réverbère la lumière.
Allez, la descente. Ca patine, ça patine !! Je me fais doubler de nombreuses fois. Mais comment ils font les gens, mince ?? A mon rythme, je m’atèle à perdre l’altitude sans perdre de jus. Je sais pas pourquoi, je suis de plus en plus serein. On commence à voir des maisons. Mais on « tourne » autour de St-Pierre et ça paraît long. On passe un petit pont de bois ? Ca y est j’entends les encouragements.
Voilà : St-Pierre en 9h05’. Ca, c’est fait !!
C’est l’heure du bilan en attendant le contrôle médical. 1 heure d’avance sur mon prévisionnel qui me faisait arriver en 17h. En toute logique, je peux donc le faire en mois de 16h. je n’en reviens pas et essaie de pas m’emballer. Je me restaure, je bois, un peu de sel dans ma poche d’eau. J’entends un gonze qui parle des 26 virages de la montée vers les crêtes de Bérard. Il est rudement bien informé celui-là !! Moi, je connais juste les 21 de l’Alpe d’Huez.
Allez, la tension est à 13/7, tout va bien, j’ai le sésame pour continuer. Je repars. 9h25’.
Gérer, gérer pour arriver, ça devrait passer. La porte du Grand Duc s’entrouvre.
4ème relais : St-Pierre / Col de Porte (61km / 4300m+).
Petite descente, puis du plat sur la route. Je trottine. Cette montée au Charmant Som, je la connais. Lors de la reconnaissance, je suis monté par le Collet et les Dalles, mais en passant de l’autre côté des arêtes de Bérard. Je connais donc pas cette première heure de montée. C’est dans les bois, régulier et j’avance à un bon rythme. Y a du monde derrière moi. Les solos, je les repère vite, je les vois pas loin derrière mais ils arrivent pas à me rattraper. Les relais, par contre, je vois les coureurs un virage derrière moi et 1 minute après, ils sont sur mes talons !!! Je mets le clignotant, repos 2 secondes sur les batons, ça double et je repars.
Je commence à faiblir et la montée me semble longue, longue, mais quand est-ce qu’on arrive au Collet ?? Je sais pas. J’ai pas d’altimètre, mais ça fait plus d’une heure que je monte, ça devrait plus tarder. Les interminables falaises à ma gauche. Le Charmant Som en face qui commence à se voiler un peu. Je pense qu’on va éviter les orages.
Ca y est, je reconnais le passage du Collet. A partir de là, je connais la fin de montée ? On monte dans les Dalles, c’est raide mais je prends mon mal en patience. Je commence vraiment à être fatigué. Mais pas encore de réel coupe de moins bien. Pourvu que ça dure. Un solo qui en bave. Pour 5 coureurs qui me double, un que je double. Allez, courage. On arrive au croisement, on prend à droite, c’est un mur, mais plus que quelques minutes, c’est bon on voit la croix. Et en plus, on monte pas jusque là-haut. Voilà, je passe entre les 2 rubalises. 5 minutes de descente et arrivée au ravito de l’alpage. 11h50’. 1h05’ d’avance : c’est bon ça.
Un peu de repos et ça repart. Du bitume entrecoupé de portions de chemins. Je préfère largement le bitume car je sens moins mes ampoules que sur les sentiers cassants. Un pote du Rob me rejoins dans la descente. On papote 5 minutes. Il m’encourage. Beaucoup plus d’expérience Jean-Marc, finisher du Grand Duc 2008. Il me tire un peu sur la route et on arrive au col de Porte. 12h35’. 55’ d’avance sur la barrière horaire et 1h15’ sur mon prévisionnel initial ; je suis confiant, confiant, confiant et heureux.
5ème (et dernier) relais : St-Pierre / Col de Porte (76km / 5000m+).
Je laisse Jean-Marc partir vers Bachasson, j’ai besoin de quelques minutes de plus pour me poser, quelques étirements.
Quelques encouragements, et c’est reparti. Je tiens le bon bout.
Je monte sur le sentier, on tourne à gauche. Quoi, on tire pas dans le pré tout droit ?? Pour Chamechaud Xpress, c’est tout droit, au plus court…
J’avance pas après pas, je me retourne, y a personne. La course n’a pas été neutralisée, non ?? La cabane est en vue, maintenant, on contourne Chamechaude par la droite. C’est plat, mais en fait, c’est pas plat quand t’as 60 bornes dans les jambes. Ca monte et ça descend. Enfin, j’entends quelqu’un, je ne suis pas seul au monde. Une relayeuse (relais de 5). Zou, je ne la vois plus. Et ben, je fais du sur place ?? Non, j’arrive au habert en 20 minutes, c’est pas mal. J’attaque la descente dans la forêt. 1 ou 2 solos me passent. Pas grave. D’un coup, je vois la pancarte des 10 derniers kilomètres. Je commence à douter que je vais arriver avant 21h ce soir. Faut pas trainer.
Au milieu du troupeau de vaches à l’Emeindras, ça remonte sur la bosse en face. Une relayeuse me passe et m’encourage. Je plante rageusement les bâtons dans la pelouse. Hop, c’est bon, je débouche sur la crête avec le panomara extraordinaire de la Dent de Crolles face à moi et les falaises du Chamechaude si je me retourne. La vallée au fond à droite. La civilisation. Moi, je m’en fous, je suis en montagne.
Ca redescend sur Pleynon. Deux personnes de l’organisation qui m’indiquent la direction. OK, je vois le ravito et j’y suis en 14h20’. Un accueil super chaleureux, tu sens la générosité des gens. Un petit gamin qui me tient les bâtons pendant que je passe sous le brumisateur. Merci beaucoup aux bénéoles. Des étirements, des étirements.
Plus que 7km.
Je relance la machine. Il y a 1 km de descente sur goudron mais j’arrive pas à courir tout le long. Ca commence à tirer, je suis pas loin des crampes. On plonge à droite, un chemin sympa puis très raide. Je maîtrise la descente, ce serait con de se blesser si près du but. Et puis, je sais qu’il faut se méfier de la bosse à quelques km de l’arrivée. Elle est traîtresse. On tourne à droite et ça remonte. Ca remonte même sévère. De plus en plus sévère. Je plante le bâton gauche, puis le droit, puis le gauche… Les jambes suivent mécaniquement. La pente s’adoucit. Suit une sente approximativement plate. Puis la descente sur un chemin forestier. J’y suis presque !! On aperçoit St-Pierre en-dessous. L’émotion commence à monter. J’arrête de courir et préfère savourer en marchant. A quoi ça sert de se faire mal pour gagner qq minutes ?? On tombe sur la route. Je pousse sur les bâtons. Quelques coureurs me doublent. Les premières maisons. Allez, je fais les 300 derniers mètres en trottinant à un extraordinaire 5km/h. Mes 2 potos sont là pour la photo, frais et douchés. Les applaudissements. Je suis aux anges. 15h33’ sur la ligne et une immense joie.
Rob, 13h, Eric, 14h30 : Bravo !!!!!
Record de distance battu (69km sur Saintélyon 2008).
Record de dénivelé battu (2300m+ sur Nivolet Revard 2007 et 2008).
Merci aux organisateurs pour avoir su utiliser ce formidable terrain de jeu pour créer un parcours de cette envergure.
Merci aux coureurs pour leur bonne humeur et leur esprit trail.
Merci aux spectateurs pour leurs encouragements chaleureux.
Merci à mes potes de m’avoir poussé à m’inscrire à cette course hors norme.
Merci aux 50000m+ que je mes suis enquillé depuis le début de l’année et qui m’ont permis de m’en sortir. Je misais sur cette préparation quantitative, sur une stratégie bien rodée et sur un gros moral pour espérer. J’ai eu de la chance, c’est passé.
Et surtout merci aux quelques lecteurs qui ont supporté ce CR jusqu’au bout.
Ced
6 commentaires
Commentaire de Métrolo posté le 04-07-2009 à 14:14:00
BRAVO ! tu as vaincu le Grand Duc et je t'en félicite, c'est grandiose. Sois très fier de ta course. Bravo !!!
Pour ma part, arrêt au km 52.
Commentaire de hellaumax posté le 04-07-2009 à 19:09:00
Bienvenue sur Kikourou Ced, et merci pour ce premier CR! Très belle course, bravo!
Commentaire de LtBlueb posté le 04-07-2009 à 23:22:00
le Grand Duc en solo comme 1er CR et finisher par la même occasion !! respect ! tu as raison d'etre heureux , c'est du costaud le Grand Duc . Félicitations !
Commentaire de BOUK honte-du-sport posté le 05-07-2009 à 00:07:00
Finisher en solo... Respect total !!
Merci pour le CR en tout cas !
Commentaire de @lex_38 posté le 06-07-2009 à 08:46:00
Bravo! tout simplement Bravo pour être allé au bout de ce premier gros trail en solo!
Je l'ai fait en duo sur la première partie, je ne me serai pas imaginer enchaîner sur la 2e!
Félicitations!
Commentaire de unbretonagrenoble posté le 06-07-2009 à 13:59:00
Bravo pour cette super perf et ton premier récit
Quel courage
a+
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.