Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2007, par goonif37

L'auteur : goonif37

La course : Ultra Trail du Mont Blanc

Date : 24/8/2007

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 2973 vues

Distance : 163km

Objectif : Pas d'objectif

9 commentaires

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Ultra Trail du Mont Blanc 2007

Tout commence 2 ans auparavant quant à la suite de la diagonale des fous nous nous promettons avec Pascal et Raf de tenter le tour du Mont-Blanc en 2007.  Grosse mobilisation familiale pour m’accompagner tout au long de cette aventure, couvrir cette boucle mythique en moins de 46 heures. Un défi de taille qui n’a pas empêché un très fort engouement, la totalité des inscriptions étaient closes en moins de 10 heures.

 

Nous arrivons sur Chamonix le jeudi matin et rejoignons Pascal sur le parking du Grépon, toujours très en forme ainsi que toute sa petite famille. Nous récupérons tranquillement les dossards, visitons Chamonix et contemplons avec admiration cette très belle arche d’arrivée. Une certaine effervescence est palpable…

Nous repartons ensuite aux Houches avec les minettes, histoire de prendre nos quartiers. Dans l’après-midi derniers achats avant le départ, une première peau de chez Falk que je n’hésiterai pas à tremper et un caleçon technique permettant d’éviter tout risque de frottements. Dans la soirée, aux alentours de 18h nous partons à la micro-brasserie où nous attend le team RAIDLIGHT. Petit bonjour à Benoît et Alexandra, petite mousse, passage éclair avec les minettes puis dernière grosse nuit avant le D-Day.

 

Le vendredi matin, après un petit déjeuner des plus copieux nous partons faire une ballade avec les filles au centre-ville des Houches où nous rencontrons un breton – un de plus – qui avait terminé dans les 300 l’année dernière. On parle du parcours, de l’importance de la polaire sachant qu’il est prévu un grand beau temps avec des nuits peu fraîche, des chances des bretons aux avants poste notamment Kervevan, Pasquio et Diehl. C’est à ce moment précis que le coach – c'est-à-dire le frangin - arrive enfin accompagné de sa charmante progéniture. Après un rapide passage au Super U, Nath et Ron’s emmènent les enfants manger au lac pendant que je tente une ultime sieste à l’hôtel. Aux alentours des 14h Nath me dépose sur cham’ où je rejoins Pascal à la pasta party. La tension grimpe en flèche, le centre ville est noir de monde, les visages sont fermés, l’appréhension prend doucement le dessus sur l’excitation. Nous déposons ensuite nos sacs coureurs que nous retrouverons sur Courmayeur puis Champex. C’est alors que la longue attente commence, Nath, Ron’s et les enfants me rejoignent, je m’inquiète du devenir des parents qui – pris dans des bouchons - devraient tout de même être présent pour le départ. Je m’allonge sur l’herbe, mon esprit ne pense alors plus qu’à ça, il est grand temps de partir.

 

V 18h15 – Les parents ne sont toujours pas là, j’embrasse la famille, et me place pour le départ. Je retrouve – par grand hasard - Raf, que je n’avais pas vu jusqu’alors. Je prends des nouvelles, ça à l’air d’aller. Les paroles de Catherine et Michel Poletti concernant notamment leur fils ainsi que Werner Schweizer ne font qu’accroître l’émotion du moment.

 

V 18h34 – C’est parti pour 163km et 8900D+ - Ce n’est vraiment pas ce que je me suis dit à ce moment là sans quoi je n’aurai jamais fait le premier pas. A peine 200m de course que j’aperçois les parents, je les embrasse, je fais le plein de toutes ces ondes positives, c’est elles qui m’aideront à tenir. Jusqu’à Saint-Gervais (km 20) les chemins sont assez larges et permettent de dépasser assez facilement. Dans la montée de la Charme (Alt 1800) je rejoins un copain du frangin du centre Bretagne, on continue à doubler tout en marchant. On s’encourage mutuellement, la route est encore longue, on estime nos temps d’arrivées assez similaires. Dans cette montée je fus marqué par l’aplomb d’un coureur espagnol expliquant qu’il serait à Chamonix le samedi à 22h30 précise (noter le, j’en reparlerai à l’arrivée). Ensuite c’est la descente infernale sur Saint-Gervais, très pentue sur les pistes de ski puis bitume jusqu’au centre ville.

 

V 20h56 – Saint-Gervais - On se serait alors cru à la montée de l’alpe d’huez sur le tour de France, une foule énorme, des cris, des cloches, des drapeaux, des encouragements, des mains d’enfants à taper. Des frissons me parcourent l’échine, je suis bien… Passage ensuite des Contamines (km 30), on y retrouve la même euphorie avant de s’engouffrer doucement dans le calme de la nuit, les écarts commencent à être perceptibles. Je rentre alors sereinement dans une sorte d’introspection très agréable.

 

V 23h27 – La Balme – Ravitaillement très sympa, moment de réconfort dans la dureté de la nuit. Cette nuit qui génère une excitation particulière, exacerbe la «porosité» du coureur avec le paysage. Il faut s’habituer à l’obscurité seulement percée des frontales, si par chance on n’est pas trop isolé, lire avec la lampe et à la pointe de la chaussure, se couvrir assez mais pas trop, avec en fond sonore le bruit du torrent et des bâtons sur les pierres du sentier. Passage à la croix du bonhomme (Alt 2479). Arrivée au premier gros ravitaillement des Chapieux, tout va pour le mieux, je ne m’attarde pas. Col de la Seigne (alt 2516) et le passage en Italie, petit vin chaud en guise de bienvenue avec des bénévoles très conviviaux qui en auraient peut-être abusés, redescente sur le refuge Elisabetta.

 

S 04h00 - Ensuite direction le lac combal en contrebas et la joie d’apercevoir le frangin dormant avec ma très chère Nath dans leur petite guitoune au bord du sentier. Les bières débordent de la tente, moment de réconfort dans cette nuit devenue oppressante, quand l’aube se fait attendre et que la question «à quoi bon ?» commence à harceler mon esprit.

 

S 06h07 – Arrivée à Courmayeur, environ mi-course. Nath et Ron’s sont exacts au Rendez-vous. Une petite douleur sur le devant du pied me fait craindre un début de tendinite !!! Je récupère mon sac coureur, échange le caleçon long contre un short et troque la première peau contre un t-shirt. Un petit massage pratiqué avec soins par les étudiants d’Orléans. Je fais la connaissance d’une jeune étudiante de Villandry qui me dit connaître la célèbre côte de l’épan, où je passe le plus clair de mon temps à m’entraîner. Je prends alors conscience que l’état de fatigue de l’instant me fait dévoiler mes plus grands secrets. Je termine ce séjour à Courmayeur par un petit repas chaud. Après 45 minutes de pause je repars sans oublier d’embrasser mes fidèles accompagnants. Sortie de Courmayeur, le jour se lève sur une nouvelle journée d’effort et de sublimation. La lumière du jour commence à recolorer le paysage, les cimes rosissent, et les alpages s’étendent à perte de vue.

 

S 11h06 – Grand col ferret (Alt 2537). Ce col se situe à la frontière entre l'Italie et la Suisse, aux premières loges pour admirer les Grandes Jorasses. Ce paysage si bien décrit par Frison Roche, comme «un jaillissement de glace et d’aiguilles de granit, de hauts sommets cristallins, des veilles roches découvrant un paysage d’une exceptionnelle beauté». Ce n’est pas parce qu’on court qu’on ne savoure pas le paysage. Dans une descente, je rejoins Karine Herry qui m’avoue vouloir abandonner à Champex (plus de jambes, ampoules aux pieds), je l’encourage tant bien que mal. Il lui en restait effectivement pas mal sous le pied, car elle terminera troisième féminine.

S 15h30 – Champex (km 122), dernier gros ravitaillement avant l’arrivée. J’y croise Benoît Laval, verdict abandon aux chapieux. Certainement dû à un trop gros volume à l’entrainement. Voici ce qui déclarait : « Effectivement j'ai fait le contraire de ce que je préconise: préférer la qualité à la quantité ! ». Après avoir gagné la Trans’Aq et le défi de l’oisans, il avait certainement une place sur le podium à jouer. Nouveau massage et soins des pieds, légères ampoules et petit drainage permettant de prévenir d’une éventuelle tendinite. Après une petite collation, je repars pour un dernier marathon. En longeant le lac je rejoins Philippe Gayet que j’avais déjà côtoyé au trophée Desman puis au Tour des Glaciers de la Vanoise. Je ne le sais pas encore mais nous allons faire le plus dur de la course ensemble. Au-delà de l'aventure physique, c'est aussi cet humanisme réduit à la plus simple expression d'un sourire ou d'un petit mot, une tape sur l’épaule, dénué d'arrières pensées qui rend cette quête un peu plus accessible. C’est donc ensemble que nous nous attaquons à la montée de Bovine, plus rapide que moi en montée, je ne faisais qu’emboîter son pas, machinalement. Les seules fois où j’ai voulu lever la tête pour apercevoir le sommet, un petit étourdissement, certainement dû à l’accumulation des efforts et à la chaleur ou une mauvaise alimentation m’obligeait à limiter mon champ de vision au mètre me précédant. Après 45 mn de montée nous voici rendu à Bovine.

S 16h48 – Bovine. C’est alors que le mal de cuisses atteint son paroxysme, la marche prend alors le pas sur la course, les relances deviennent minimalistes. Plus rapide en descente, c’est à son tour de s’accrocher à mes basques. Col de la Forclaz - Quelle surprise d’apercevoir toute la famille venue à ma rencontre, les bières toujours de sortie, les minettes sont enfin là accompagnées des parents et bien sûr Nath et Ron’s. Ces encouragements me donnent le courage d’attaquer la longue montée des Tseppes toujours accompagné de Philippe. Même tactique que pour Bovine, lui devant à la montée puis moi dans la descente – quelle complémentarité… Le mal aux cuisses est toujours aussi insupportable. Nous repassons la frontière peu avant Vallorcine, nous revoici donc en France, la fin est proche. Vallorcine (km 147), plus que 16 et cet anneau magique sera enfin refermé. Je me mets alors à pratiquer la méthode Cyrano qui consiste à alterner 10 mn de course avec 1 mn de marche. A mon grand étonnement, la proximité de l’arrivée me redonne des ailes, les jambes lourdes des 25 derniers km disparaissent comme par enchantement. Les relances sont de nouveau au goût du jour malgré l’obscurité grandissante.

 

S 21h15 – Argentière. Dernier ravitaillement avant l’arrivée, il reste 10 km. Tout va bien, l’excitation d’en finir me donne une motivation supplémentaire. Les jambes tiennent. Dans ce dernier tronçon je double Philippe qui – désireux de battre son temps de l’année dernière - m’avait distancé à Vallorcine.  Et c’est alors que le coureur espagnol – vous savez celui du début qui a donné rendez-vous à sa copine à 22h30 – me double à grandes enjambées. Le pire dans cette histoire c’est que je savais qu’il allait me doubler un moment ou à un autre. S’il ne l’avait pas fait, j’aurai presque été déçu…

 

S 22h34 – Chamonix. Puis ce sont les derniers lacets dans les rues de Chamonix. Tant d'acclamations, de bonheur affiché, j’en prends un maximum et en stocke même pour des années …J’étais tout simplement HEUREUX !!! Quelle sensation pour cette arrivée, toute la famille réunie. Je récupère Anaël et Lou-Ann pour cette dernière ligne droite, tellement rêvé, désiré, et enfin accessible… l’émotion me gagne doucement, et c’est les yeux larmoyants avec les minettes dans les bras que se termine ce magnifique périple.

 

D 06h45 – Arrivée de Pascal après 36 heures de course. C’est en levant un bras rageur lors du passage de la ligne que se termine son UTMB. Comme à la Réunion, nous nous congratulons avec une fierté non retenue. J’apprends alors l’abandon de Raf à Courmayeur, plus de jus… Nous le retrouvons un peu plus tard dans la matinée avec Pascal, une certaine déception se lit sur son visage. Les arrivées s’enchaînant ne font qu’attiser ce sentiment. Dans une telle course, il y a tant de raisons qui peuvent nous empêcher de finir... J'espère très fort pour lui qu'une prochaine fois, le bonheur de prendre le départ sera complété par celui de franchir la ligne d'arrivée... 

 

On ne court pas contre les autres, c’est plutôt un dépassement de soi qu’on va chercher.C’est une course magnifique, ce parcours autour du Mont-Blanc est mythique! 

9 commentaires

Commentaire de Khanardô posté le 05-09-2007 à 09:53:00

Ca paraitrait presque facile, à le lire, comme ça...
Heureusement, tu nous laisses entrevoir tout ce qu'il y a derrière, d'entrainement, de volonté, de support familial et amical... Même les forts coureurs ont besoin de tout cela !
Bravo pour ta perf, et merci pour ton récit qui ne peut que susciter des vocations...

Commentaire de agnès78 posté le 05-09-2007 à 10:57:00

Tout simplement MERCI!
gros bisous
agnès

Commentaire de agnès78 posté le 05-09-2007 à 10:58:00

Et BRAVO aussi
gros poutoux
agnès

Commentaire de agnès78 posté le 05-09-2007 à 10:59:00

Et BRAVO aussi
gros poutoux
agnès

Commentaire de JLW posté le 05-09-2007 à 11:41:00

Si j'ai bien lu, cela fait 2 fois que tu dépasses karine Herry dans tes dernières courses ? Rien que ca me laisse rêveur. Bravo pour cet UTMB géré de main de maître et comme l'a dit Khanardô, ca a presque l'air facile.

Commentaire de Choupinet 05 posté le 05-09-2007 à 13:42:00

Salut goonif37,

Merci beaucoup pour ce superbe récit et encore bravo pour ta performance.
Franchement, chapeau pour ton bel esprit et ton éthique.

J'éspère pouvoir te recroiser sur d'autres courses.

A Bientôt

Choupinet 05

Commentaire de sonicronan posté le 05-09-2007 à 13:55:00

Vu de l'extèrieur ... ça paraît simple, hein ...
Moi ça fait le coup à chaque fois et quand j'y suis !!! C'est pas pareil que Goonif37.
Je pense que les apéros à base de bière et de vin rouge la veille, doivent avoir un effet "booster" sur certains organismes.
Félicitations et que d'émotions ...! Trop facile
A l'année prochaine sur la CCC

Commentaire de motive posté le 09-09-2007 à 18:40:00

bien joué l'artiste... entraine toi encore un peut et tu pourras me suivre à la sainté lyon

Commentaire de Say posté le 10-09-2007 à 10:42:00

Chalut

Comme le dit Khanardo, c'est vraiment impressionnant comme ça a l'air "facile" l'UTMB comme tu le décrit. bravo pour ta gestion de course. Tu as dû faire une sacrée préparation.

A peluche

Coli

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