Récit de la course : La Mauritanienne Race 200 2007, par andre

L'auteur : andre

La course : La Mauritanienne Race 200

Date : 13/3/2007

Lieu : Atar (Mauritanie)

Affichage : 1704 vues

Distance : 200km

Objectif : Pas d'objectif

7 commentaires

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Ma Mauritanienne Race 200

Lorsque je pose le pied sur le tarmac de l'aéroport d'Atar, je réalise soudain qu'avec plus de 240 compétitions au compteur de mes 21 ans de course à pied, je me prépare à vivre celle qui promet d'être, à tous les points de vue, la plus difficile de toutes.


A ce moment, malgré les 35° ambiants, je ressens un frisson le long de mon dos.


Deux jours plus tard, ayant satisfait aux vérifications matérielle et médicale, je me présente sur la ligne de départ. L'ambiance est bon enfant, je plaisante comme les autres, mais au fond de moi je n'en mène pas très large. Il faut dire que je stresse déjà au départ d'un 10 kilomètres, alors je n'ai qu'une hâte, qu'on nous lâche enfin sur la piste.


Dernières recommandations de Jean-Pierre Delhotal, l'organisateur, explications sur le fonctionnement des fusées de détresse, ça peut servir, et tout ce petit monde se met en branle.


Il commence déjà à faire chaud (il est 10 heures), et je m'efforce à tenir un rythme aussi lent que possible. Je me trouve pourtant en 4 ou 5ème position, et lorsque je vois Jean-Claude Blum, le vainqueur de la précédente édition à la même hauteur que moi, je me dis que les choses ne sont pas dans leur ordre naturel, et me force à ralentir encore.


Après quelques centaines de mètres qui nous mènent à la sortie du village d'Azougui, nous nous trouvons très vite au coeur de notre sujet, le désert. Ça y est, m'y voila donc, en plein dans cette course qui me fait rêver depuis plusieurs années, me voila au milieu des baroudeurs, des trailers confirmés. L'affaire est sérieuse, même si elle est plaisante, même si je cours sans réelle ambition chronométrique, même si pour moi le principal moteur est la découverte du désert. L'affaire est sérieuse donc, car pour parvenir à rallier la ligne d'arrivée, il va falloir faire preuve de vigilance, de prudence, d'humilité, et ne pas gaspiller ses cartouches inutilement.


Paysages d'un autre monde, d'un autre univers, la vue qui s'offre à moi me ravit et m'époustoufle. Je suis à des années-lumière de mes plaines niortaises, et je ponctue mon parcours d'arrêts-photos.


J'atteins le CP1 (les CP sont situés tous les 20 kilomètres environ) en 2h47'. Il y a là déjà pas mal de coureurs et je trouve une petite place pour m'asseoir le temps de me restaurer. Les bénévoles sont aux petits soins pour nous, et se mettent en quatre pour nous servir. Je récupère mon sac de ravito, acheminé ici par l'organisation, et me prépare un hachis parmentier lyophilisé. Un petit gâteau, je remplis ma poche à eau, mes bidons, et je reprends la route au bout d'une petite demi-heure.


Bon, tout va bien, il fait chaud mais je supporte très bien, je reprends mon alternance course-marche telle que je l'ai adoptée depuis le début. Alternance de 15 minutes de course suivies de 15 minutes de marche, que je vais bientôt ramener à 10-10 au gré de mes rencontres fortuites avec d'autres concurrents qui n'ont pas forcément le même rythme que moi.


Boire, surtout boire souvent et régulièrement. Les organisateurs ont insisté sur ce point, je l'ai lu dans tous les récits des anciens participants, il est indispensable de maintenir une bonne hydratation. D'ailleurs les bénévoles ont reçu la consigne de veiller scrupuleusement à ce que les concurrents aient refait le plein de leur poche à eau avant de repartir d'un CP. Précaution indispensable.


Le deuxième tronçon se passe bien, mais je commence malgré tout à ressentir un léger échauffement sous la plante des pieds qui ne me dit rien qui vaille. Il faut dire que je suis un coureur sur bitume, ou sur chemin stabilisé, habitué à une pose du pied franche, sans surprise, stable. Ici, de par la nature du terrain, qu'il soit constitué de petits cailloux, de pierraille ou de sable, les appuis sont instables, fuyants, et je sens le pied glisser plus ou moins à l'intérieur de la chaussure. On verra bien !


40ème kilomètre, CP2 atteint en 3h12. Nouvelle pause, nouveau plat lyo, nouvelle recharge des fluides. Ici, on compte les premiers dégats pour certains concurrents : premières ampoules, premières douleurs tendineuses, premiers embarras gastriques.


Je repars après 41 minutes à l'assaut du 3ème tronçon. Une côte de pierraille nous emmène sur un plateau. Je suis à la "poursuite" d'une concurrente partie un peu avant moi du CP2. Nous avançons chacun à notre rythme, pratiquement identique, ce qui fait qu'il va me falloir plusieurs kilomètres pour la rejoindre, après la tombée de la nuit.

Je me souviens que JP, l'organisateur, nous a dit que nous avions un premier passage de dunes du km 52 au km 65. Je les aperçois maintenant dans la pénombre, à l'horizon, et l'idée que je vais devoir les affronter de nuit m'impressionne quelque peu. Mais avec Agnès, ma compagne de route, nous avançons d'un bon pas, malgré les échauffements sous les pieds qui me gènent de plus en plus. Nous parvenons au CP3 au bout de 3h17 et marquons une pause de 30 minutes.

Il fait maintenant bien nuit, et nous attaquons ensemble le 4ème tronçon sur une piste assez roulante. Nous serrons les dents l'un et l'autre sur nos ampoules mutuelles aux pieds, et menons un bon rythme pendant encore 3h26, jusqu'au CP4. Là, il est tout de même temps de nous faire soigner. Alex, le kiné qui assure la permanence du CP s'occupe de mes pieds, désinfectant une grande ampoule déjà percée, en vide une seconde, et essaie de protéger une troisième en formation sous l'autre pied. Il me confectionne de beaux pansements et je m'accorde 1h39 de pause totale à ce CP.

Le départ est difficile, la douleur toujours présente sous les pieds, mais au bout d'un moment je finis par l'oublier et je profite de la fraîcheur de la nuit pour rallier le CP5 en 3h12. Là, je souffle un peu plus longtemps et me repose pendant 2h05.

Lorsque je reprends la route, il est 7h20, le jour est levé et la chaleur commence à monter. Cette portion va représenter la pire galère que je vais endurer sur la course. Il me faudra 4h11 pour rejoindre le CP6, où j'arrive à bout de force, la plante des pieds à vif, sous une chaleur que je n'arrive plus à supporter. Arrivé au CP, je m'affale sur un matelas, persuadé que c'en est fini pour moi. Trop dur, trop long, trop chaud, trop mal...

Je reste là, sans m'alimenter, somnolant mais sans parvenir à véritablement dormir en raison de la chaleur qui nous écrase. Je vais rester 3 bonnes heures ainsi, avant de m'apercevoir que j'avais réussi à récupérer des forces.

Un petit gâteau, une pâte de fruit, le plein en eau, et je me relance à l'assaut du CP7.

Cette portion sera couverte en 3h58, et j'arrive au CP un peu avant la tombée de la nuit.

A partir de là, je ne sais plus la durée de mes arrêts, ni de mes temps de course, ayant un peu merdé avec mon chrono. Lorsque le site sera mis à jour, je pourrai prendre connaissance de mes heures d'arrivée et de départ aux différents CP, mais pour l'instant je ne peux pas être plus précis.

En tout cas, je me souviens être arrivé au CP8 un peu avant minuit, et m'être octroyé 2 heures de (vrai) sommeil ici. Lorsque je me réveille (à 2 heures du matin, donc), je suis saisi par un froid vif. Toujours sous la couverture, je réalise que je n'ai prévu dans mon drop bag qu'un maillot manches longues et un collant, pas de coupe-vent. J'ai du coup peur de souffrir du froid, mais je suis vite rassuré : dès que je me bouge un peu, je constate qu'il ne fait pas si froid que cela.

J'enfile donc mon maillot manches longues, reste en cuissard, et refais le plein en eau. Je repars quelques minutes derrière la première féminine qui avait fait une pause elle aussi.

Au bout de quelques centaines de mètres je la rejoins et me pose la question de savoir si je dois l'attendre et faire la route ensemble, ou si je dois plutôt vivre ma vie.

En fait, je ne me pose guère la question, on échange quelques mots au moment où je la dépasse, et je décide que si elle le souhaite elle peut toujours emboîter mon pas comme l'avait fait Agnès entre les CP2 et 3.

En fin de compte, nous continuons chacun à notre rythme et je m'éloigne dans la nuit. La fraîcheur ambiante est un atout dont je profite pour avaler les kilomètres, d'autant que cette portion est la plus longue avec ses 21,800 km.

La nuit est un moment magique dans le désert. Au silence absolu s'ajoute la féérie de la voute céleste : ici, aucune pollution lumineuse ni atmosphérique ne vient altérer la brillance des étoiles qui du coup semblent 5 fois plus nombreuses et plus grosses que sous nos latitudes. Spectacle inoubliable !

C'est marrant, mais pendant ces 2 nuits sahariennes, je n'ai pas réussi à imaginer, au delà du faisceau de ma frontale, un autre paysage que celui qui m'est familier : des bois, une maison au fond d'un jardinet, un fossé en bord de piste, des cours de ferme... De fait, et plusieurs autres concurrents en ont fait la remarque, j'avais toujours l'impression, surtout la deuxième nuit, qu'un muret se dressait devant moi, dans la pénombre.

Lorsque le soleil se lève sur mon troisième jour de course, c'est un nouveau paysage qui s'offre à ma vue : un beau sable doré parsemé de touffes d'herbe à chameaux, et au loin de superbes falaises.

Je rejoins Robert, CastorSenior, avec qui j'ai parcouru quelques portions de piste précédemment, et qui craint d'avoir manqué le CP9. Je le rassure, je suis resté très vigilant sur le marquage, et suis sûr de ne pas m'être écarté du tracé. Nous sommes donc forcément sur la bonne route. En effet, quelques kilomètres plus loin, nous trouvons la tente de ce qui sera notre dernier arrêt avant l'arrivée.

Alors que Robert fait un ravitaillement style formule 1 avec un départ dans la foulée, je choisis de me poser une petite demi-heure afin de récupérer le maximum de forces avant la dernière ligne droite.

Les bénévoles présents m'informent qu'il me reste une portion de dunes avant de rejoindre la route qui me conduira jusqu'à l'auberge. Alors que je m'imaginais un ou deux kilomètres de sable, ce sont... 13 kilomètres de dunes qui m'attendent ! Dur dur, mais bon c'est la fin, le cheval sent l'écurie, et puis elles sont si belles ces dunes !

Alors que j'avais franchis les deux autres champs de dunes durant les deux nuits précédentes, je profite à fond du spectacle et fais crépiter l'appareil photo.

A cinq kilomètres de l'arrivée, je retrouve la route qui me ramène à Azougui, en longeant la palmeraie. Cinq kilomètres qui vont me demander encore une bonne heure d'efforts, les pieds explosés par les ampoules, mais tellement heureux à l'idée d'avoir bientôt relevé mon défi.

A mon arrivée, les 7 concurrents qui m'ont précédé, ainsi que les bénévoles sont tous là pour m'accueillir et me fournir les derniers encouragements pour franchir la ligne. Suprème solidarité !

51h23' après m'être élancé sur les pistes, je touche du doigt le bonheur d'avoir accompli ce qui fut si longtemps un rêve bien calé dans un coin de ma tête. Accomplissement ! Ravissement ! Emerveillement !

Enorme satisfaction, j'ai le sentiment de n'avoir pas fait d'erreur majeure dans ma préparation ni dans mon équipement. Mais je sais que j'ai encore une marge de manoeuvre qui peut me permettre de faire mieux, peut-être beaucoup mieux si un jour je retourne en Mauritanie. A commencer par mes pauses qui étaient (beaucoup) trop longues. Ceci étant dû non pas à la fatigue, mais à l'état de mes pieds.

Mais avec des si... on mettrait le Sahara en bouteille.

7 commentaires

Commentaire de L'Castor Junior posté le 28-03-2007 à 11:09:00

Salut André,
Je te l'ai déjà dit : ton CR est superbe, à l'image des émotions que tu as visiblement ressenties dans cette course bien éloignée de tes pratiques habituelles.
Le meilleur moyen de tester tes hypothèses de fin de récit ? Revenir l'an prochain passer quelques jours hors du temps.
Je t'y retrouverai avec plaisir !
A bientôt,
L'Castor Junior

Commentaire de JLW posté le 28-03-2007 à 14:45:00

Beau récit, sobre, précis mais on sent l'intensité présente tout au long de cette belle aventure.

Commentaire de gdraid posté le 28-03-2007 à 15:34:00

Chapeau André,
Ton récit restitue bien la beauté du désert, tant de jour que de nuit.
Comme tu le montres, il faut pour la mériter, affronter sans cesse tout au long des 200km, la souffrance, les blessures, la fatigue intense, l'envie d'abandon, et j'en passe...
Tu feras beaucoup mieux en 2008, j'en suis sûr, l'expérience est un précieux allié.
JC

Commentaire de titifb posté le 29-03-2007 à 08:03:00

Bravo pour ce beau récit ! Peut-on voir tes photos quelque part, puisque tu dis que tu as fait crépiter l'appareil ?

Commentaire de andre posté le 29-03-2007 à 08:44:00

Oui, j'ai des photos sur mon blog http://ultracourse.over-blog.com

Commentaire de agnès78 posté le 29-03-2007 à 20:29:00

Merci André pour ce beau récit...
Et puis aussi, je voulais te dire MERCI,
Jamais je n'oublirais cette nuit
Dans le désert à avancer sans bruit
et sans doute
Coute que coute
Pour tout ceci
MERCI

A très bientôt, j'espère...
L'année prochaine dans le désert...

Bises

agnès

Commentaire de eric41 posté le 30-03-2007 à 12:49:00

Bravo André pour ta course.Tu es allé au bout de ton rêve,c'est formidable.
Je n'aime pas trop la chaleur et le désert ne me tente pas mais à te lire çà vaut le coup d'essayer.
Merci.

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