Récit de la course : Saintélyon 2006, par jump38

L'auteur : jump38

La course : Saintélyon

Date : 3/12/2006

Lieu : Saint Etienne (Loire)

Affichage : 5540 vues

Distance : 68km

Objectif : Terminer

5 commentaires

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Escapade nocturne

Ô toi le kikoureur dont les performances m'épatent et que je respecte profondément, tu peux arrêter là ta lecture si tu ne comprends (éventuellement) pas qu'un marcheur puisse se mêler aux aventures de coureurs en recherche de performances.

Qui suis-je : la catégorie V3 me guette ! Je ne courre pas mais marche (ou très éventuellement trottine un peu) pour raison de ménisque abîmé, et dont un chirurgien m'a dit : "si ça ne vous gêne pas dans la vie courante (sic), faites vous opérer le plus tard possible". Comme j'adore la marche, je marche. Allons-y pour la vie 'marchante' !

Nous aurions dû être 4 au départ de cette Saintélyon : ma femme (Claudine), sa sœur (Sylvie) et Lydie une amie de Sylvie. Mais Claudine, avec qui j'ai fait plusieurs centaines de km côte à côte, ne sera pas là (légère entorse de la cheville 3 semaines avant la course). Ma femme ne sera pas là et j'en suis fort mari … pardon , marri.



Pour moi, c'est une première Saintélyon ; pour Sylvie ce genre d'épreuve est une découverte, alors mon objectif majeur sera de l'amener au bout, et si possible en moins de 12 heures. Lydie, quand à elle, fera sa course toute seule (enfin au milieu de centaines d’autres concurrent(e)s) et finira en 10H12' : bravo à elle !

Les souvenirs d'avant le départ :

- les yeux humides de Claudine lorsque nous avons quitté le domicile et un bisou qui en disait long sur sa déception de nous voir partir sans elle
- une bousculade, style 'resto-U' (OK, ça rajeunit, mais quand même !) pour monter dans le bus à Lyon vers Saint Etienne
- la longueur de la file d'attente devant les toilettes hommes avant le départ
- le relatif casse-tête pour retrouver les collègues de boulot participant eux aussi à cette aventure, dans cet immense hall de départ
- l'équipement de certains 'campeurs' dans le hall de départ, comme si ils devaient rester hébergés là plusieurs jours avant le départ .

Les souvenirs de course :

Nous partons tous les 3 côte à côte, mais très vite Lydie nous abandonne et prend son élan en courant. Sylvie trottine dans les descentes et me distance, je la rattrape en forçant l'allure de marche sur le plat, et on arrive ensemble au 'ravito-chantier' de Sorbiers : des gobelets blancs comme s'il en avait neigé, un vrai champ de bataille, mais des bénévoles pas affolés pour autant.



On attaque les chemins, et nous prenons contact avec la boue ; au début on trouve ça drôle : c'est plus doux que le bitume !
Claudine, en plein blues, me passe un SMS avant d'essayer de dormir.

Bientôt nous aurons droit à la vue sur une longue guirlande de frontales derrière nous ; tout le monde le dit, mais c'est vrai que c'est magique !
Nous croisons de fortes odeurs issues des fermes que nous longeons parfois : on est peut-être plus sensible aux odeurs la nuit ?
Nous sommes doublés par un concurrent sans frontale, je lui dis gentiment que ce n'est déjà pas évident avec une frontale, alors sans … Il me répond que ça doit passer sans frontale. Ben si tu le dis … mais moi je garde la mienne allumée!
Bientôt nous entrons dans le brouillard ; "nuit et brouillard" ; tiens ? ça me rappelle quelque chose ! Et me voilà parti, tout en marchant, à tenter de versifier (j'adore les vers, mais les verres aussi) à la manière du texte de Jean Ferrat, ne sachant pas trop ce que j'en ferai à la fin de la course, et finalement … (voir plus bas)

Nous arrivons sans encombre à St Christo où un ravito bien fourni (oui même pour les 'derniers' comme nous) nous permet de remettre du charbon dans la chaudière … et c'est reparti à toute vapeur (je crois que je déraille un peu !).
Nous retrouvons le brouillard et la boue dont l'épaisseur rend parfois l'exercice, consistant à ne pas y laisser une chaussure engluée, difficile.

Bientôt nous retrouvons en plein brouillard Fred au niveau de l'Hôpital ; il n’habite pas très loin d'ici, a planqué la veille son VTT près de Ste Catherine, et nous tiendra compagnie jusqu'à Ste Catherine (merci à toi Fred qui t'es levé en pleine nuit pour nous supporter).
Sylvie, jusque là silencieuse et amusée par cette exercice nocturne, se plaint de maux de tête, et a un coup de moins bien. Fred et moi ralentissons l'allure.
On profite de la vue sur les lumières de la vallée du Gier.
L'environnement traversé est plus que sympathique, comme me le confirme Fred, habitué des lieux ; il faudra que j'y revienne. On se fait une petite halte au ravito de Moreau et on repart.
Que de boue, que de boue ! Personne ne peste vraiment pour autant ; ça fait partie du jeu.
Au loin, très loin, les lumières de l'agglomération lyonnaise donnent une couleur orangée au ciel Après une descente glissante à souhait, on rejoint le ravito de Ste Catherine.



Sylvie consulte rapidement un médecin qui lui donne un comprimé … et un conseil : à savoir desserrer peut-être sa frontale ! Fred retrouve son VTT qui va lui permettre de rejoindre sa voiture, et nous quitte.



Nous faisons un bout de chemin sans frontale visible ni devant, ni derrière ; et dire que plein de gens se plaignent de la cohue sur la Saintélyon … être parmi les derniers, ça a parfois du bon ! Tiens, on entend la chouette ! Sylvie n'a plus mal à la tête et pense que c'est bien la frontale trop serrée qui l'avait mise dans cet état.

Arrive un passage en plein bois et descendant dans lequel nous doublons quelques concurrents car nous trottinons allègrement. On y retrouve notre 'sans frontale' à qui je propose de profiter de notre éclairage au moins jusqu'à la sortie du bois. Il refuse gentiment en me disant qu'il a pris l'habitude de tâtonner le terrain, et qu'il s'en sort comme ça. Et bien, tâtonne mon gars, mais t'étonne pas si tu tombes ; bon courage ! On le quitte donc sans trop de regret.
On arrive ainsi à St Genoux avec un bon mal de dos en ce qui me concerne ; je suis parti avec un léger mal au dos et au fil des kilomètres ça ne s'arrange pas. T'as signé ? Alors continue !




Après ? Je ne sais plus. J'ai du somnoler sur cette portion du parcours. Je sais simplement qu'on voit le jour se lever et qu'on ne fait plus attention à la boue, qu'on trouve que le prochain ravito est bien loin, mais qu'on finit tout de même par arriver à Soucieu.

On repart de Soucieu. Sylvie, à la vue du panneau "arrivée 22 km", se dit qu'on va arriver au bout, se branche sur son lecteur MP3, et se met à chantonner en marchant. A un moment je la vois zigzaguer devant moi (dort-elle ?)…mais peut-être est-ce moi qui zigzaguait (dormais-je) et elle qui marchait droit … va savoir !
De plus en plus mal au bas du dos, et en plus, ça chauffe sérieusement sous le pied droit. T'as signé ? Alors, continue ! Et pense à Claudine qui aurait bien voulu être là !

Sylvie fait quelques photos du soleil qui se lève.



On rejoint une concurrente d'un âge certain, qui alterne courts moments de marche et courts moments de trottinement. Au cours de la conversation elle m'avoue son appartenance à la catégorie V3. On discute de Belvès, Millau et autre Balcon de Belledonne avec elle, ça fait passer le temps ; elle trouve cette course sans ambiance et en a marre, elle ne reviendra pas me dit-elle.
Sylvie a quitté son MP3 et engagé la conversation avec une autre concurrente ; elles trottinent dans une descente, c'est bon signe. A un carrefour, un signaleur nous annonce le ravito dans 2 km ; il donnera (probablement pas intentionnellement) ce même renseignement à pas mal de personnes qui s'en plaindront gentiment, comme nous, en arrivant au ravito de Beaunant qui était plutôt à 4km qu'à deu. Dur, dur, cette arrivée jusqu'à Beaunant, la lassitude se fait sentir.

On s'alimente bien ; je remets de l'eau dans la pipette ; on fait quelques étirements et on repart … pour aborder la fameuse montée de Ste Foy que tous les CR de la Saintélyon évoquent. J'adopte la technique de la montée en lacets et je suis des lacets virtuels d'un bon pas (autrement dit je ne monte pas tendrement en lacets (bof !)) ; ma technique fait des adeptes parmi ceux/celles qui suivent (je brevète ou je ne brevète pas ?). Et la partie la plus raide de la montée se passe ainsi, mais je n'arrive pas pour autant en haut des lacets délassé.
On est maintenant au milieu de la circulation et on croise quelques joggers, et quelques belles joggueuses, dont la plastique est manifestement remarquée par plusieurs concurrents !

Sylvie a de plus en plus de mal à relancer la machine après cette longue montée, mais ne doute pas qu'elle ira au bout. On attaque la descente vers la Saone. On se fait pas mal doubler. Qu'importe on joue l'arrivée, pas la gagne ! On rejoint le niveau des quais par une rue très, très en pente. Je vois bien que Sylvie souffre en silence.
Depuis le ravito de Beaunant, des panneaux donnent, tous les kilomètres, la distance restant avant l'arrivée. C'est long un km.

On se retrouve face au vent au bord de l'eau dans les longues lignes droites qui précèdent l'arrivée. Claudine m'appelle, elle est à l'arrivée et mon frère, vient à notre rencontre. Sylvie s'arrête, je lui propose un 'Gerblé'. On ne finira pas en moins de 12 heures ; tant pis.
On fait la jonction avec mon frère qui fait quelques photos. Pour le 'fun', on monte les escaliers menant au pont Pasteur quasiment en courant. Encore quelques hectomètres et enfin la ligne droite d'arrivée au Palais des Sports au bout de laquelle on aperçoit Claudine. Une dizaine de spectateurs sont là derrière les barrières, alors, pour les remercier, on se met à courir jusqu'à la ligne d'arrivée … que l'on devine grâce aux tapis, car il n'y a plus d'arche (pas top !).



Cela fait 12H39' que nous sommes partis. Sylvie est un peu KO debout … et moi pas très frais. Je suis super content pour elle, et heureux que nous soyons allés au bout.





Nous retrouvons Lydie qui nous explique le jeu de piste pour : rendre la puce, retrouver le sac laissé à Saint-Etienne, retrouver les douches, récupérer le 'repas chaud'.
Les douches sont dans un état de saleté bien avancé, mais l'eau est chaude ; par contre mieux vaut ne pas y faire un malaise car l'endroit est désert.


Si j'avais voulu faire court, j'aurais pu limiter mon CR aux vers ci-dessous dont certains sont nés au cours de cette longue marche, et que j'ai complétés à pieds reposés (ben oui, les vers c'est fait avec des pieds !). Ne m'en voulez pas d'avoir fait un peu long !

A fredonner sur l'air de "Nuit et Brouillard" de Jean Ferrat.

Ils étaient très nombreux, ils étaient des milliers
équipés de frontales sur leur tête allumées
pour une nuit de plaisir et douleur mélangés
ils étaient très nombreux, ils étaient des milliers

Ils étaient v'nus courir ou marcher c'est selon
en tout cas pour aller de Saint Etienne à Lyon
ils allaient affronter le brouillard et la boue
mais tous avaient l'espoir d'en arriver au bout

ils vont courir longtemps et sans la moindre trêve
ils vont marcher longtemps dans un décor de rêve
ils vont parfois douter de leur jambes alourdies
allant jusqu'à se dire que la course est finie

ils vont parfois puiser tout au fond de leur être
la force de franchir les derniers kilomètres
ils auront le bonheur d'avoir coupé la ligne
et connaitront alors l'accueil dont ils sont dignes

Ils étaient très nombreux, ils étaient des milliers
et certains s'en voudront d'avoir abandonné
ils auront transformé la souffrance en plaisir
et n'auront qu'une envie celle de revenir


Un grand merci pour finir aux dévoués bénévoles sans qui cette Saintélyon ne serait pas possible.

5 commentaires

Commentaire de raideur69 posté le 10-12-2006 à 10:11:00

Pétard !de Pétard! nous savions pas que des poétes étaient avec nous.
Bravo!!!!merci pour ton Béo CR et tes photos,A!!! les photos sur un CR,tout de suite c'est la classe
Marchez et trottinez lontemps encore avec plaisir.
A+ sur un trail mixte avec plaisir

Commentaire de Bourdonski posté le 10-12-2006 à 12:02:00

Félicitation de la part d'un pur coureur. J'aimes randonner mais pas dans ces conditions donc chapeau bas. En tous les cas, ça semble être la solution pour ne pas être géné par la foule !

Commentaire de béné38 posté le 10-12-2006 à 13:50:00

Quel talent !!!
Je parle aussi bien de la marche que de la poésie à la fin.
Ta chanson, tu devrais l'envoyer au speaker de la Sainté au départ (mais fais-la breveter avant).
Bravo et merci pour ce récit.
Béné38

Commentaire de l'ourson posté le 10-12-2006 à 17:07:00

Que c'est beau ce poème.... Merci d'avoir écrit avec talent ce que nous pensons parfois lors de nos périples sans jamais être capable d'aussi bien l'écrire à tête reposée...

Commentaire de poucet posté le 19-06-2009 à 21:35:00

Puisque j\'étais par là ... super bien ton récit.
2006 c\'était aussi ma première Sainté. depuis je suis \"accro\" à cette course !!!
Yapuka faire la même chose sur le DFU.
@+
Poucet

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