Récit de la course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous 2023, par franck de Brignais

L'auteur : franck de Brignais

La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous

Date : 19/10/2023

Lieu : Saint-Pierre (Réunion)

Affichage : 1166 vues

Distance : 167km

Objectif : Terminer

9 commentaires

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De deux....

Je retranscris ici le "récit" que j'ai fait sur un groupe WA que j'ai créé pour ma Diag. Un groupe composé de ma famille, mes amis, des collègues... Le but de mon débrief sur WA était de tenter de retranscrire au mieux ce que je pouvais vivre pendant une telle course.

Bref, il est différent d'un récit traditionnel. Mais peut être y trouverez vous quelque chose à prendre ! 

 

Le départ de la Diagonale se fait à St Pierre, au Sud de l'île. C'est un concentré de la course : sourires et gentillesse des bénévoles... la ferveur incroyable du public sur plus de 7km !... mais aussi une chaleur étouffante dès les 1ers hectomètres de la course !! J'étais complètement trempé de sueur au 1er km !! .... cette chaleur excessive j'ai eu beaucoup de mal à la gérer tout le long de la course.

 

Cette trace de la Diagonale nous permet d'admirer en 2 (ou 3 !) jours des panoramas incroyables et toute la diversité de L'île... ici la Plaine des Cafres au lever du 1er jour de ma course, un plateau à 1000m d'altitude env. Ça rappelle beaucoup les paysages bretons : des plaines très vertes (l'intérieur des terres est très humides, il y pleut très souvent contrairement à la côte), des genêts. Il y a beaucoup d'agriculture et des élevages de vaches.

Avec mer de nuage svp !La trace de la course part ensuite droit devant vers la montagne que l'on voit au fond : le piton des neiges

 

Mais pour accéder à ce plateau magnifique, il a fallut patienter 45 minutes dans les bouchons. Bouchons causés par un trop grand nombre de coureurs envoyés dans des singles avec quelques passages "acrobatiques"

 

La traversée de ce plateau, puis de Mare à Boue dans la foulée se fait assez rapidement. La trace est un single en terre, sans grande difficultés technique, parfois des routes agricoles en béton. Cette portion est longue d'une 30aine de km environ (je sais Christian, c'est peu précis 😉...) et permet "d'avancer" sans consommer trop d'énergie. 
J'ai couru 90% du temps à cet endroit. On le voit d'ailleurs bien sur la trace de ma montre (les sections en rouge sont les plus rapides, en bleu les plus lentes). 
Il faisait frais.... j'étais bien !!

Je passe 2/3 ravitos. La qualité et la variété de ce qui est proposé est vraiment top : salé, sucré classiques. Tous les 3 ravitos environ il est proposé un.plat chaud, à base de riz, lentilles et viandes ou poisson. Soupe chaude, thé et café à tous les ravitos. Les bénévoles sont exceptionnels de gentillesse... bref  ce sont de vrais moments de réconfort.

Quand il fait chaud... on fait comme on peut ....

 

On attaque ensuite la montagne...dans laquelle on restera toute la course (hors derniers 20 km).  On va l'attaquer par le coteau Kerveguen qui permet de monter au point le plus haut de l'île. La Réunion possède un point culminant à 3070 m.... j'ai eu une ouverture pour tenter cette photo du sommet. 
La course ne monte pas au piton, on bifurque un peu avant.

Des panoramas superbes sur la montée

 

Puis une descente longue, technique et très sollicitante vers Cilaos qui sera la 1ère base de vie. 
Les sentiers sont très techniques, beaucoup de pierrier dans lesquels il faut enchaîner les bons appuis. Les dénivelés peuvent être très importants. Les cuisses sont constamment sollicitées tout comme l'équilibre. La concentration est... importante... 😅. 
On a eu de la chance : il ne pleuvait pas...

 

À Cilaos, c'est un ravito "base de vie". Repas complet, possibilité de dormir dans un dortoir et on a accès à notre sac avec nos affaires. 
J'arrive avec un moral très bas... j'ai prévu d'arrêter. Pas d'envie, pas vraiment de plaisir (pas assez)... je suis aussi déstabilisé par le kilométrage qui s'allonge au regard du roadbook officiel. On a tous la même chose : déjà 5km et 400m de D+ que prévu.... et on a fait qu'un tiers ! Et pas le plus dur !! 
Ça veut donc dire que les prévisions sont bonnes à jeter...et que je n'ai plus de repères. 
J'envoie d'ailleurs des SMS aux garçons pour leur demander les horaires des barrières à venir (alors que j'en étais très loin.. mais ça donne l'état du moral). 
Je suis, en principe assez efficace aux bases de vie... mais là je fais portnawak.... aucune optimisation... je perds un.temps de fou... je suis vraiment parti pour arrêter. 
Et puis je reçois 2/3 SMS "coup de pied au cul" qui me font réfléchir ( et que j'ai moi aussi envoyé à certains d'entre vous dans la même situation 😉....) 
1/ Je ne suis pas blessé 
2/ Si j'abandonne là je vais mettre 10 heures à me faire rapatrier 
3/ Je vais attendre Caro à  l'appartement pendant 2 jours.... bof..... 

OK,  je repars !! 

Allez hop ! On repart pour une bonne grosse montée bien sèche comme ils en ont le secret sur l'île : le col du Taïbit. Il va nous permettre de rentrer dans le cirque de Mafate. Ce site a une particularité : aucune route, aucun chemin 4x4. Aucun véhicule à moteur ne peux y entrer. On ne peut en sortir qu'à pieds... ou en hélicoptère si blessure !

 

La montée au col du Taïbit se fait en 2 temps : il faut d'abord... descendre.... depuis Cilaos... Avant d'attaquer les 1300m de D+ qui vont nous mener à une des portes d'entrée du cirque de Mafate : le col du Taïbit. La montée n'est pas technique, elle est par contre très pentue. Il n'y a pas d'air, je transpire énormément. Le changement de t-shirt et la toilette à la base de vie n'auront pas été efficace longtemps ! 
Je place mes mains dans le dos, adopté un rythme lent et régulier et m'enferme dans une bulle. Je me mets 2 objectifs : ne pas m'arrêter une seule fois pendant la montée...et battre mon temps posé il y a 5 ans ! 
2 garçons et 1 fille d'une trentaine d'années me dépassent rapidement. Ils sont au bord de l'asphyxie, en nage, ils disparaissent au virage suivant. Je les retrouve 3 virages plus tard, arrêtés pour reprendre leur souffle et boire. Je les double, j'entends qu'ils m'emboitent le pas. Ils resteront juste derrière moi pendant les 1h41 de cette montée. On a discuté de tout et de rien, un.super moment ! 
Personne ne nous aura doublé.... Nous doublerons, par contre, 140 personnes. 
Je remporte mes 2 objectifs : 1h41 de montée (pour 1h45 en 2018) et pas un seul arrêt...au grand regret de mes compagnons de route qui m'ont supplié à plusieurs reprises de faire une pause 😁

Pendant la montée 2 pauses seront nécessaires : refuser poliment la "tisane" du "tisaneur de Marla".... un gars installé à mi pente qui propose et vend des tisanes magiques 🤣.... et une seconde pause pour mettre la frontale. J'attaque la 2ème nuit, comme il y a 5 ans, au même endroit.

 

La bascule au col ce sont 2 bonnes nouvelles : 
1/ il y a de l'air frais, enfin !... 
2/ la pente s'inverse, enfin !!
La descente sur le 1er village de ce cirque est assez rapide, moins de 20 minutes en courant.  
Le ravito est installé dans ce village, hors du temps... comme tous les villages de Mafate. Aucun accès n'étant possible en voiture, toute marchandise doit entrer à pied ou en hélicoptère. 
Les habitants vivent donc en autonomie sur de nombreux sujets (nourriture, vie quotidienne). Mafate est aussi assailli de randonneurs qui louent des chambres et gîtes, qui font tourner les restaurants de ce cirque. Cette économie permet aux habitants de mieux vivre, mais a le revers de générer de nombreux portages hélicoptère... 
Pour notre course ce n'est pas mieux : il a fallu déposer le matériel des 3 ravitos placés dans Mafate de la même manière.... et je ne parle pas des évacuations des blessés ! 

Bref, je reviens au récit... 

Arrivé à Marla, on passe de la nuit et du silence à la lumière et aux bruits et aux mouvements. C'est très perturbant. 
Je suis certainement descendu trop vite....J'ai un bon coup de mou... je ne suis pas efficace...  je ne sais pas si je dois dormir ici ou pas... je dois manger, mais je n'ai pas faim. Je décide donc d'essayer de dormir un.peu avant, je déplie la couverture de survie et m'enroule dedans le plus loin possible du ravito. Impossible de fermer l'œil, le bruit, la lumière... je n'arrive pas à relâcher la pression. J'avais prévu 20 min, je me lève après 8 min 😕 !! 
Évidemment je me suis refroidi...je grelotte tellement que je n'arrive pas à tenir mon gobelet de café sans en mettre la moitié à côté ! J'arrive à manger 2/3 bricoles et je repars vite,  j'ai hâte de faire cette traversée de Marla... notamment de nuit : l'atmosphère est irréelle, presque mystique ! 
Il n'y a aucun autre bruit que celui de nos pas... parfois un oiseau est réveillé à notre passage et fait bouger une branche d'arbre. Les odeurs sont incroyables, inconnues. Il ne fait ni chaud, ni froid, pas de vent, pas de mouvements. 
La frontale projete des ombres étonnantes, la fatigue qui commence à apparaître favorise les hallucinations. Je n'en n'ai pas eu beaucoup cette 2ème nuit... mais je me suis bien rattrapé la 3ème !! 🤣🤣... je vous raconterai ça plus tard !! 
Je vais énormément avancer cette 2ème nuit dans Mafate : Marla, plaine des merles, sentier scout, Ilets à bourse, grand place,... je n'ai pas vu le temps passer... une nuit hors du temps
Le jour se lève, je suis toujours dans Mafate... j'approche de Roche Plate. J'enlève ma frontale mais je n'ai malheureusement plus de doutes : j'ai été trop lent, il faudra la remettre une 3eme fois 🤨 ! 


En attendant je profite d'un.lever de soleil extraordinaire sur le Maïdo... je ne me doutais pas encore que ce superbe soleil levant, si bucolique à ce moment de la journée allait devenir mon pire ennemi pour les 10 prochaines heures !!

Après une pause express au ravito de Grand Place,  je tente une 2ème fois de dormir. Ce coup ci je m'éloigne franchement du ravito et décide de trouver un endroit calme en marge du chemin. Je trouve l'endroit idéal, je m'installe, commence à doucement partir... lorsqu'un gros lourdaud ne trouve pas meilleure idée que de faire exactement pareil à.... 5 mètres de moi !! Vas y que je te déplie la couverture de survie, que je rote, que je pète... 40 secondes plus tard...il ronfle !!!! Je n'y arriverai jamais !! 😡😡😡
Je me lève excédé,  je repars, lui met un bon coup de tatane au passage... oh pardon !... ça ne.le réveillera même pas ! Direction Roche Plate. 
J'ai d'abord la chance d'être à l'ombre du soleil levant, mais dès que je bascule sur l'autre flanc, je suis exposé. Dès 7h00 la chaleur est importante,  je crains pour la suite. 
Au ravito, tous les bénévoles insistent : prenez de l'eau, beaucoup d'eau....le prochain ravito est dans 4h00 mais la journée va être une véritable fournaise, vous allez être exposé tout du long ! Je prends bien soin de faire le plein...si j'avais su ce qui m'attendait, je n'aurais pas hésité une seconde à prendre un jerrican de 10litres je pense !

 

Je repars de Roche Plate pour ma 2ème journée. Je suis toujours dans le cirque de Mafate, si tout va bien j'en sortirai en fin d'après-midi. 
Les bénévoles du ravito nous mettent en garde : le soleil va taper fort, il faut partir avec un maximum d'eau sur soi. Le prochain ravito est dans 13km... soit, avec la technicité de la portion, environ 4h00. Dans les faits il y aura 15km et je vais mettre plus de 5h00. 

Il est 9h00 quand je quitte le ravito, le soleil est déjà haut dans le ciel et nous sommes orientés plein Sud. Il y a parfois un peu d'ombre au passage de certains arbres, mais rien qui protège vraiment. 
J'ai fait une grosse erreur : la veille, à Cilaos, les bénévoles du ravito annonçaient une nuit dans Mafate fraîche, peut-être même froide, j'avais donc troqué mon Tshirt manche courte par ma couche chaude manche longue. Je n'avais pas anticipé qu'il faudrait que je la garde jusqu'au lendemain soir, à la prochaine base de vie ! 
Je suis donc en manche longue, couche technique chaude... de couleur noire ! Tout ce qu'il faut pour être à l'aise sous ce soleil ! 
Nous nous dirigeons vers "la brèche", un sentier va nous permettre d'attaquer la longue descente vers 2 bras, tout en bas. 
On entame d'abord une longue descente dans un 1er Ilet. Il a l'avantage d'avoir un peu d'ombre...mais de descendre fort !..  je transpire énormément... je bois régulièrement, mais je fais attention à rationner ma consommation. Je discute avec un reunionnais qui m'explique que nous mangeons notre pain blanc...les problèmes arrivent : il va falloir remonter, à 2 reprises, en plein soleil, 2 Ilets pour basculer de l'autre côté. Il n'avait pas tort, c'est l'enfer. J'ai fait à peine 4km et suis déjà à la moitié de ma réserve d'eau. Aucune source nulle part... 


Nous passons le pointage d'Ilet Orangers. Il n'y a pas d'eau prévue. Les bénévoles nous indiquent un robinet, mais je ne veux pas prendre le risque de la boire et d'être malade. Je trempe la tête et la casquette et continue mon chemin. La topo du sentier me permettrait de courir, mais si je le fais, j'aurai encore plus soif, je m'abstiens et reste en mode "économie". Il est midi, le soleil est au plus haut, au plus chaud. Nous sommes dans un vallon encaissé, pas un souffle d'air. C'est compliqué pour tout le monde...un bon mal de tête s'installe... il me reste quelques gorgées d'eau. Des hauts le cœur me prennent à 2 reprises, je sais que c'est consécutif à la déshydratation... mais pas d'autres symptômes. 

Nous arrivons enfin au fond de cette ravine qui possède un torrent que nous devons traverser....Quel bonheur de pouvoir se tremper ! Je reste un bon quart d'heure les pieds dans l'eau, je trempe ma casquette à de multiples reprises. Ceci ne resoud pas le problème de la soif, mais fait baisser la température corporelle. Le mal de tête s'estompe. Je repars rafraîchit. Il va falloir passer ce torrent 3 fois, à chaque fois remonter une bosse puis la redescendre. J'entame la conversation avec une femme qui avance au même rythme que moi (très doucement)pour passer le temps. Elle est installée la Réunion depuis quelques année. On discute de tout, de rien. Elle m'explique la douceur de vivre de l'île, mais aussi les inconvénients. Elle avance bien sur le plat, mais plus du tout dans les montées, c'est dans l'une d'elle que je pars devant, je ne la recroiserai pas. 
Chaque passage de torrent est l'occasion de de me tremper entièrement dans l'eau. Je perds un temps considérable, mais nécessaire. La soif est difficile à gérer....mais je sais que le ravito ne va plus tarder. 
Enfin la base de vie apparaît ! Je me précipite vers l'eau et je bois 2 gourdes pleines d'affiler. C'est un militaire qui me sert (ce ravito à été installé et est tenu majoritairement par des militaires... à priori il y a eu des problèmes d'approvisionnement en eau l'année précédente au même endroit) et nous échangeons sur le manque d'eau sur cette portion. Il me confirme que tous les coureurs cet après-midi font le même retour : il manque un point d'eau officiel intermédiaire ! 


Ici, je suis beaucoup plus efficace : je retire mon sac d'allègement, je mets à charger montre et téléphone et me régale d'un carry poisson. J'hésite à aller voir le médecin pour mes vomissements... mais j'ai peur qu'il me mette hors course. Je vais plutôt bien (mieux en tous cas après avoir bien bu !). 
Je retrouve avec bonheur un T-shirt manches courtes ! (Petites joies simples...), toilette rapide avec les lingettes que j'avais prévues, quelques SMS aux garçons et à Caro et je repars. Une 50aine de minutes environ,  parfait ! 2x moins qu'à Cilaos pour faire la même chose. L'état d'esprit est bien mieux, je veux finir, je connais ce dernier tiers qui reste. Je suis juste un peu déçu : mon objectif de ne pas remettre la frontale une 3ème fois s'est envolé dans Ilets Otangers et Roche Ancré. J'ai été bien trop lent... tant pis. 
Nous repartons pour un gros morceau : la montée vers dos d'âne. Pas loin de 1000m de D+. Sans difficultés techniques particulières... mais très raide. Cette fois ci je ne mène pas, j'ai le plaisir de suivre Martial : il souhaite monter comme j'aime le faire : doucement et sans un seul arrêt : c'est parfait ! Que c'est agréable de ne pas avoir à réfléchir, de ne pas se préoccuper du tempo ou même d'où poser le pied ! J'ai adoré cette montée ! Arrivé en haut, au village de dos d'âne, on a l'impression d'être à l'arrivée d'une étape du tour de France !! Un accueil incroyable : des cris, des hurlements, des olas, des chants... les spectateurs sont incroyables !! Pour sortir du sentier un bénévole est même obligé de leur demander de se pousser pour nous laisser passer ! 


Cette animation me donne une pêche incroyable et rajoute à mon bien être du moment. Je repars en courant et ne reprendrai la marche que quelques km plus tard : à chemin Ratineau. Il faut que je vous en parle de celui ci : dans ce sentier descendant (évidemment à très forte inclinaison !), est concentré tout ce que l'île peut receler de difficultés : forte pente, racines, cailloux, boue, lianes, le tout encaissé sans choix de passage possible. Heureusement il est court, je me débrouillerai bien mieux qu'il y a 5 ans. Il fait dire qu'il fait jour contrairement à la dernière fois... et que j'ai une bien meilleure forme ! 
Un petit ravito intermédiaire où je répète les mêmes gestes : plein en haut, 2 verres de Coca... je mange ce qui passe au goût (toast au pâté de foie... un délice à ce moment là  de la course!!). 
J'entame avec envie la prochaine étape : chemin Kaala. Je sais qu'il m'amène à la Possession qui est, dans mon esprit, synonyme de finish assuré ! 


Je passe la partie technique du chemin : grosse montée à escalader, puis grosse descente à desescalader !!... le reste du chemin c'est environ 7 à 8km d'un chemin plat et caillouteux... ce chemin va être un festival : mon cerveau va complètement se relâcher et me proposer un monde irréel ! 
La nuit tombe, je remets donc ma frontale et avance en marchant le mieux possible dans ces cailloux. À mes pieds, certains de ces cailloux me sourient... mais ce n'est pas le pire : certains portent des lunettes ! Elles leurs vont très bien d'ailleurs ces lunettes, ils ont la classe !.... je n'ai pas compté le nombre de spectateurs/arbres qui m'ont encouragé sur cette portion ! Au loin, j'aperçois 2 signaleurs... ils doivent avoir froid puisqu'ils jouent à  "chat" : vous savez : l'un doit toucher l'autre et vice versa ! Je me dis qu'en arrivant à leur hauteur, je leur dirai qu'ils ont la chance d'avoir encore des jambes pour courir. Je ne pourrai jamais leur faire la remarque : ces 2 signaleurs étaient 2 balises fluorescentes attachées à un arbre qui volaient au vent ! 

Ce chemin est incroyablement long : on voit les lumières de la Possession, sans jamais s'en approcher ! Un concurrent me dépasse en trottinant doucement, je décide de relancer derrière lui : le temps passera plus vite et mon cerveau pourra se concentrer de nouveau ! 
Je trottinerai jusqu'à l'entrée de la ville. Nous traversons de longs lotissements pour, enfin, arriver en bord de mer et profiter du ravitaillement. Ici jai très faim, je dévore ! Je me dis qu'il serait bien que je dorme qques minutes... je m'installe à l'espace repos, mais trop de bruit de nouveau ! Je ne peux pas fermer l'œil. SMS de Thomas : Fabien t'attend à la sortie... je ne suis plus très frais : je me demande comment mon frère, habitant sur Lyon,  peut me retrouver à la sortie !! J'ai le plaisir voir Fabien, mais un autre : un super copain qui vit sur place ! 
Il est équipé d'une chaise pliante, de tout  un assortiment de boissons/barres céréales  ! Il est au top ! Nous papotons en marchant, il me trouve frais... c'est vrai que ça va bien ! Ces échanges finissent de me réveiller. Le temps de longer cette grande route pas très sexy, mais avec des spectateurs incroyables !... et nous voilà au pied du chemin des anglais... le mourroir de cette course. 


Ici, comme il y a 5 ans, je vais avoir une pêche incroyable : je monte fort, je cours sur les plats et descentes. Le chemin n'est pourtant pas évident, mais l'air frais me fait un bien fou. Je dépasse des coureurs de la diag, du trail des bourbons ! Chaque frontale est un challenge que je relève et que je réussi ! Je vais faire les 8km en 1h12, je bas de 3 min mon précédent temps sur cette portion. 


Ravito express à Grande Chaloupe : je dévore de la pastèque et bois 2 cafés : il va falloir avoir les idées claires pour monter au Colorado ! Cette montée, sans difficultés si ce n'est sa longueur, est l'occasion pour moi de revenir 5 ans en arrière : une umière rouge m'avait attiré en dehors du sentier balisé (manque de raisonnement à cause de la fatigue). J'ai bien l'intention de rester lucide cette fois ci ! 
Ça sera le cas : nous formons un groupe de 5 et la montée va finalement être "agréable "... j'ai même l'occasion de photographier la lumière rouge en pensant à l'illustration du récit que je suis  train de faire ! 
Le dernier ravito se dessine au loin... à gauche le bloc de toilettes près duquel j'avais dormi il y a 5 ans. Je suis en bien meilleure forme ! 
Je m'arrête 5 min, prends le temps de plaisanter avec les bénévoles et je repars pour cette dernière descente. La 1ère partie est très facile, je cours à bon rythme sur cette première partie en doublant de nombreux coureurs à l'agonie. La seconde partie est un peu plus technique : on retrouve des marches, des cailloux, des racines. Un bouchon s'est formé derrière une femme qui a un tout petit rythme. Il est compliqué de la dépasser sans la gêner ou prendre un risque. Implicitement les coureurs restent derrière... il n'y a plus d'enjeux, qques minutes ne changeront rien. Quelques abrutis essaieront de passer en prenant des risques de chutes pour tout le monde... évidemment.... 
Après un prepointage, nous arrivons en bas de la descente, nous avons aperçu le stade de la Redoute à de nombreuses reprises en descendant. 


Nous retrouvons de larges routes... je suis en forme, j'ai encore des jambes... je me remets à courir, d'abord doucement, puis de plus en plus vite... ma montre indique 10km/h, puis 11, puis 12.... je me sens incroyablement bien. Dernier virage avant de rentrer dans le stade, un faux plat descendant puis montant mais je maintiens le rythme. Ce n'est pas la grosse foule,  nous sommes en pleine nuit. J'emprunte la piste de 400m, l'arche est devant moi. Pas de vague d'émotion énorme, juste heureux d'être là, de franchir cette ligne d'arrivée. Content de là progression réalisée. Fier d'avoir bouclé pour la seconde fois cette aventure de fous !

9 commentaires

Commentaire de Arclusaz posté le 20-11-2023 à 07:23:48

c'est super de retrouver ce récit pédagogique en version in extenso. Encore bravo pour cette grande réussite. Ne manque que la lumière rouge à ce récit.....

Commentaire de La Tortue posté le 20-11-2023 à 10:47:34

merci et bravo
peux tu me dire comment tu fais pour insérer toutes ces belles photos dans ton texte ?
merci

Commentaire de Mazouth posté le 20-11-2023 à 14:51:14

Le froid, le seum de Cilaos, la grosse chaleur de Mafate, le sommeil compliqué, et tu arrives en pleine forme après avoir roulé sur les Anglais (ce que tout fan de rugby appréciera ^^)... je dis bravo Monsieur Franck, énorme !!

Commentaire de centori posté le 21-11-2023 à 09:07:12

récit trés intéressant. bravo pour ta course, la gestion et le finish.

Commentaire de Cheville de Miel posté le 22-11-2023 à 11:30:41

Bravo Franck. retourner sur une course c'est toujours un challenge en sachant ce qui nous attends. Bravo pour ce pelerinage réussi et un grand bravo aussi à ta moitié.

Commentaire de TomTrailRunner posté le 22-11-2023 à 13:35:57

récit parfait....si ce n'est qu'il manque la photo de la lampe rouge non ? :)

Commentaire de Gilles45 posté le 22-11-2023 à 21:34:55

Curieusement, dans le monde de l'ultra, la Diag ne m'a jamais tenté jusqu'à présent (pour une raison que j'ignore)...et puis...il y a ce genre de récit qui allume une petite lumière (rouge !)
Bravo Franck pour la Course et le récit

Commentaire de Anne2Brignais posté le 22-11-2023 à 22:40:20

Bravo Franck quel courage et quel beau finish .. cela aurait été dommage d'abandonner ..

Commentaire de xian posté le 17-12-2023 à 18:01:37

mouaich... moi je dis que c'est le genre de truc à se laisser tenter de clicouiller, genre : "mais si, c'est finalement pas si dur : Franck l'a fait 2 fois et la deuxième, il a fini à douzaleur..."
machine, va !!!

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