Récit de la course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous 2023, par Martin B

L'auteur : Martin B

La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous

Date : 19/10/2023

Lieu : Saint-Pierre (Réunion)

Affichage : 1774 vues

Distance : 165km

Objectif : Terminer

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Le récit de mon aventure sur la Diagonale des Fous 2023

Je dédie mon arrivée à toutes les personnes qui m'ont suivi et soutenu. Sans elles, j'aurais probablement abandonné. Un immense merci à tous. 

Introduction

Il est 7h49 le dimanche matin lorsque j'entre dans le stade de la Redoute à Saint Denis, lieu de l'arrivée de la Diagonale des Fous, un ultra-trail de 165 kilomètres et 10.000m de dénivelé positif. Le départ avait été donné jeudi soir à 21h30 à l'autre bout de l'île, j'ai donc mis 58h19mn pour rallier l'arrivée, c'est à dire 3 nuits entières sur le parcours. C'est un peu plus long que ce que j'avais imaginé, le corps a bien souffert au niveau de l'alimentation, et il faut le reconnaitre, la technicité du parcours était bien plus difficile que prévue. Rochers, cailloux, racines, escaliers, le terrain est extrêmement irrégulier, c'est un enfer pour les pieds! Comment ai-je réussi à franchir la ligne d'arrivée? Comment ai-je vécu physiquement et émotionnellement cette grande aventure? C'est ce que je vais vous raconter dans les lignes qui suivent. 

J'ai découpé ce récit en 4 chapitres qui reflètent les 4 grandes phases par lesquelles je suis passées. Mais avant cela, et pour bien vous repérer dans le nom des sites que je vais mentionner, je vous invite à jeter un coup d'oeil à la carte et au profil de la course ci-dessous. Ou alors à regarder la vidéo de 2mn sur le site officiel qui donne un bon aperçu aussi: https://youtu.be/J1-J6jb2ZUw

 

Chapitre 1: Jusqu’ici, tout va bien. 

Il faut s’imaginer la zone de départ comme un grand festival de musiques. Nous sommes sur le bord de mer à Saint Pierre, dans le sud de l’île. Cela grouille de monde partout. Les enceintes crachent des décibels avec des tubes entraînants. Il y a des fumigènes tous les 50m. Il faut chaud, il est 21h, il fait nuit depuis déjà longtemps, et le thermomètre dépasse allègrement les 30 degrés. La pression monte. Dans la zone d’attente, on pourrait jouer à « Où est Charlie ? » : 2750 coureurs qui portent le même T-shirt jaune et blanc du Grand Raid, gare à ne pas perdre ses amis au départ. C’est toutefois ici que nos chemins se séparent avec Rodolphe, mon frère, qui partira avec la vague 2 à 21h10, alors que je m’élancerai pour ma part avec la vague 4 à 21h30. J’ai juste le temps de voir aussi Raphael, mon pote du hockey qui est également sur la course, avec toute sa famille (ils sont 7 à prendre le départ !). Les secondes qui précèdent le coup de feu sont excitantes, on clappe des mains, on chante, on se demande aussi dans quelle folie on s’est embarqué. Folie. C’est un mot qui convient bien pour ces 6 premiers kilomètres le long du front de mer. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont amassées derrière les barrières, c’est une véritable fête : musiques, danses, jeux de lumières, on tape dans les mains de centaines de personnes. En courant au milieu de cette foule, la température est montée d’un cran : en ressenti, j’ai l’impression que mon corps est à 40 degrés, je suis en nage, en surchauffe même. Le bruit dans les oreilles est oppressant. Les premiers kilomètres défilent et il y a toujours autant de monde. J’ai ce sentiment partagé d’avoir envie de profiter de cette énergie collective et aussi d’en finir avec cette chimère, car la réalité qui nous attend est tout autre : à partir du kilomètre 7, on quitte la civilisation via les champs de canne à sucre et on ne la reverra plus avant longtemps. Ce qui nous attend pour cette première partie de course est simple : une montée progressive d'une trentaine de kilomètres depuis le niveau de la mer jusqu’à 2000m d’altitude. Au début le chemin est large, humide (il pleuvine), puis il se rétrécit en « single », ce qui génère des « bouchons ». Au bout de 2h30 de course, je me retrouve à l’arrêt complet. Pire qu’un jour de chassé-croisé au mois d’août sur l’A7. Je regarde ma montre : en 35mn, j’avais avancé de 250m. On prend son mal en patience dans le peloton. Les habitués disent que c’est chaque année la même chose au même endroit : un peu rageant, surtout que cela perturbe évidemment la lecture des temps de passage que l’on pouvait s’être fixés.

Les kilomètres défilent et le jour se lève. J’arrive au ravitaillement « Nez de Bœuf » vers 6h du matin. Jusqu’ici, tout va bien (km 40). Nous sommes désormais dans « les Hauts », sur une sorte de plateau entre le Piton de la Fournaise (qu’on ne voit pas et qu’on laisse derrière nous) et le Piton des Neiges et les Cirques (vers lesquels on se dirige). Le ciel est dégagé, le décor est sublime : le soleil se lève progressivement tandis que nous crapahutons sur les crêtes au-dessus de la mer de nuages qui couvre la vallée. A « Mare à Boue » (km 50, 8h du matin), je mange un plat de riz et lentilles, sans réaliser qu’en fait ce sera quasiment le seul plat que j’avalerais des prochaines 24h. Nous enchainons une montée dite « coteau Kerveguen » qui sera le point culminant du parcours, à 2500m d’altitude, sur les contreforts du Piton des Neiges. Une montée technique (comprendre : pleine de rochers de taille diverses) sous un soleil bien présent. Dans la descente vers le cirque de Cilaos (assez raide, avec un gros dénivelé négatif : 1300 D-), je fatigue un peu (mal aux mollets, début de fringale) et relaisse passer toutes les personnes que j’avais doublées dans la montée.

 

Chapitre 2. Signaux faibles dans le Cirque Cilaos. 

Km 72. Il est 14h30. Déjà 17h que je suis parti. Après avoir un peu marqué le pas au début de la descente, j’arrive au ravito relativement bien, en courant. Le moral est bon, mais j’ai la sensation très bizarre d’être sorti de ma course. Je m’explique : juste avant Cilaos, et pendant Cilaos, il y a 3 évènements qui vont perturber ma marche en avant.

- Premièrement, il m’arrive un truc insolite pendant la descente dans le cirque : j’ai avalé un morceau plastique de ma gourde (environ 1 cm), sous l’effet d’un choc sur un gros caillou alors que je buvais en courant. Panique dans ma tête. Je n’avais aucune idée de si c’était dangereux ou pas. Je n’osais pas en parler, ni à la famille, ni à l’infirmerie, de peur que par prudence, on m’arrête. J’imaginais le pire et visualisais dans ma tête le passage dans Mafate, ce cirque isolé où l’assistance n’est pas possible. « Un coureur malade a dû être héliporté et hospitalisé d’urgence, il avait mangé du plastique pendant sa course ». Voilà à peu près ce à quoi je pensais à ce moment-là. Faut-il abandonner ? Faut-il ne rien dire et avancer comme si de rien n’était ? J’arrive au dernier point de contrôle avant Cilaos avec toutes ces questions en tête. Là, je m’assois quelques minutes et interroge le coureur à côté de moi (qui a dû me prendre pour un fou) : « est ce que tu peux regarder sur internet pour savoir si c’est dangereux d’avaler du plastique ? ». Il me regarde bizarrement et me réponds avec beaucoup de sérénité : « pas besoin de regarder. Je travaille à l’hôpital et des enfants qui avalent des petits bouts de plastiques, j’en vois tous les jours. Tu peux continuer ta course tranquille ». Sa réponse fait disparaître tous mes doutes et je repars vers Cilaos le moral regonflé à bloc. Mais première alerte quand même.

-  Deuxièmement, à Cilaos, le ravitaillement est grand, il se trouve dans un stade municipal. Je passe sur la table de massage une quinzaine de minutes, je prends une douche aux vestiaires et me change intégralement grâce aux affaires laissées dans le sac d’allègement. Je ressors tout frais, tout propre, mais avec la sensation d’avoir fini mon match... alors qu’en réalité, je ne suis même pas à la moitié de la course.

-  Troisièmement, j’ai la désagréable surprise de voir que toutes mes barres chocolatées ont fondu dans le sac d’allègement. Comme jusqu’ici je n’arrivais pas à manger autre chose que cela, je me mets en quête de trouver des Mars et des Pommes Pot’ et me retrouve au Leader Price du coin de la rue pour faire mes courses comme un quidam. J’ai fait sensation au passage en caisse avec mon dossard. Mais tout cela m’a encore un peu plus « sorti » de ma course. Il fallait absolument me remobiliser.

Je quitte donc Cilaos au bout de 2h, à l’attaque de la montée du sentier Taïbit (1300m D+). Bien reposé certes, mais avec une concentration qui a fléchi et des premières alertes sur l’alimentation : je n’ai quasiment pas touché au plat de pâtes qui était proposé au ravitaillement.

 

Chapitre 3. Alerte rouge dans le cirque Mafate. 

Cela fait désormais 4 ou 5h que la nuit est tombée, je marche sous les étoiles, quelque part dans Mafate, au milieu de la 2e nuit, je souffre. Il est 1h du matin sur place, 23h en France, vers le km 85-90. J'appelle un ami.

"- Allo Greg? Ca ne va pas du tout. Je n'arrive plus du tout à m'alimenter. J'ai quitté le ravito de Marla il y a une bonne heure. J'y suis resté volontairement longtemps - 2h30 -  en essayant d'avaler quelque chose et de dormir un peu. Echec total: j'ai vomi 3 fois et je n'ai pas dormi. Rien ne passe: Ni la soupe, ni le thé, ni le coca, ni la banane écrasée. C'est vraiment dur. Je ne vois pas comment je peux continuer la course avec rien dans le ventre. Il me reste 85kms, le parcours devient de plus en plus technique et j'avance avec l'angoisse de devoir m'arrêter au milieu du cirque - inaccessible aux voitures - alors qu'il n'y a en fait aucun moyen pour l'organisation de nous prendre en charge avant une bonne quarantaine de kilomètres, si ce n'est par hélicoptère en cas de blessure grave". C'est comme si j'attaquais une étape du Paris-Dakar, avec une voiture qui n'a aucun souci mécanique, mais qui n'a plus d'essence dans le réservoir. Compliqué.

Voilà où j'en suis à ce stade de la course, qui représente la moitié du parcours en kilomètres, mais beaucoup moins en temps. Le moral n'est pas très bon, le corps ne suit plus. J'ai des pensées négatives, je visualise bien mon problème d'alimentation mais ne trouve pas la solution. Je pense sérieusement à l'abandon. J'avais lancé une collecte de fonds pour une association qui lutte contre la malnutrition. Quel comble de vivre en direct un véritable problème de nutrition! Je me dis qu'il y a quelqu'un là-haut qui veut me faire passer un message. Et je dialogue avec lui intérieurement pour négocier une trêve de la faim, en argumentant que c'est bon, j'ai bien compris le message, mais que maintenant il faudrait quand même que mon estomac accepte le minimum vital pour pouvoir avancer! Bref, je ne suis plus très lucide, et c'est d'ailleurs justement ce que me dit Greg, au bout du fil et 1500kms de là: "Martin, ralentis. Oublie tes problèmes de bouffe. Concentre-toi sur le fait d'avancer, mais le plus doucement possible. Ralentis, ralentis, ralentis. Avance à l'économie, tu es dans un temps faible, il faut le gérer, le temps que ça passe. Tu ne peux pas abandonner, tu vas le regretter". Facile à dire. En tous cas, cela me remonte le moral. Cela me fait prendre du recul sur une situation que j'espère temporaire. La course va durer au moins 50h. Ce ne sont pas 5-6h difficiles au milieu de la 2e de la nuit qui doivent me faire arrêter. Et c'est aussi à ce moment-là que je pense à l'email que j'ai envoyé autour de moi avant de partir: "Si je vous écris aujourd’hui, c’est aussi parce que je sais ô combien il est important de se savoir soutenu dans ce genre d’épreuves, qui durera plusieurs dizaines d’heures et qui m’occasionnera à coup sûr des moments difficiles, où je me demanderai ce que je fais là, épuisé, errant dans la nuit sur un sentier humide, froid et isolé. Je sais que j’aurais besoin de vos pensées dans ces moments". J'en étais donc exactement là. Et des messages d'encouragements, j'en avais reçu bien au-delà de mes espérances. Impossible de tout lire pendant la course, mais les dizaines et dizaines de messages via whatsapp, les SMS et les emails m'ont montré que j'avais du soutien à distance et cela a été une véritable source de motivation pour continuer. En tous cas, c'est sûr, il n'était plus possible d'abandonner en catimini 😉. 

Mafate - Ravitaillement Plaine des Merles. Entre 2 et 3h du matin. Km 92. Autrement nommé "Ravito de la dernière chance". Ventre creux, moral à plat, le tronçon précédent a donc été terrible. Je l'ai fait presqu'intégralement en suivant un coureur réunionnais, pour discuter un peu et surtout pour ne pas être seul et avoir du rythme. A Plaine des Merles, je me force à avaler une soupe et file m'allonger 20mn au chaud dans un lit de camp sous la tente de l'infirmerie. Et là, bonne nouvelle, j'ai vraiment dormi et il semblerait que j'ai commencé à digérer la soupe. J'ai mon copain Raphael par SMS, avec qui on se tient informé de nos positions respectives depuis le début de la course. J'apprends qu'il est sorti de ce ravito environ 1h avant moi, alors que jusqu'ici, c'est moi qui avais 1h d'avance. Cela aurait pu me mettre un coup au moral, mais cela a eu l'effet contraire. Fort de mon repas pantagruélique (1/4 de soupe dans un gobelet souple!) et de mes 20mn de sommeil, je me suis dis que cela allait être une motivation pour le rattraper. Si je n'avais pas réussi à manger, j'aurais sûrement abandonner. Mais là, je décide de continuer et fonce dans la nuit. "Foncer" n'est pas vraiment le mot, car j'avance doucement, d'une part par prudence, d'autre part car je suis reparti en même temps qu'un coureur qui n'avait plus de batteries dans sa lampe frontale et lui ai proposé d'avancer quelques kilomètres ensemble en partageant ma lumière.

Mafate - Grand Place Ecole. Km 106. J'ai avancé à mon rythme, qui s'avère désormais être plus rapide que les coureurs qui m'entourent. Le moral est bien meilleur, j'entrevois la sortie de la nuit, au sens propre comme au figuré. J'arrive au ravitaillement vers 8h, le soleil est levé depuis 2 bonnes heures. Je trouve Raphael et sa famille sur un banc du ravitaillement. Cela fait plaisir de voir des têtes connues. Plaisir décuplé quand je réalise que j'arrive à manger pour le petit déjeuner : un merveilleux mélange de pâtes et de purée pris dans un gobelet ! A ce moment-là de la course, je sais que je peux finir et je sens que je vais regagner des places. La montée vers Roche Plate est une bonne difficulté - une ascension bien raide, plusieurs heures en plein soleil (1100m D+) - mais je me sens bien, je ne fais que doubler. Arrivé en haut, nous souffrons tous du manque d'ombre et il faut redescendre un peu pour trouver quelques arbres et faire une micro-sieste de 20mn. 

Chapitre 4. A la Redoute sans aucun doute.

A 13h le samedi, je sors donc de ma micro-sieste et repars dans la longue descente vers « Deux Bras », le 2e gros ravitaillement, où l’on retrouve un dernier sac d’allègement. C’est au kilomètre 127, j’en suis au 115 et je n’anticipe pas de difficulté particulière. Je trottine dans la descente, passe le point de contrôle de l’Ilet des Orangers, trempe mes pieds au passage d’un cours d’eau à franchir, remonte puis redescends le long de cette fameuse rivière des galets, que l’on traversera 3 ou 4 fois en tout. J’appelle mon frère Rodolphe au niveau de la passerelle d’Oussy et le félicite car lui vient de finir sa course (40h50mn, bravo !). A « Deux Bras », une base vie tenue par des militaires qui ont posé des tentes partout, je vais m’allonger directement sur un lit de camp pour dormir 25mn (j’ai bien intégré désormais que j’allais passer une 3e nuit sur le parcours), je me change (pas de douche ici, ma toilette se fera avec des lingettes bébé que j’avais mises dans le sac d'allègement) et j’essaie de manger car depuis 8h ce matin, je n’ai rien avalé. Bonne nouvelle, j’arrive presqu’à finir mon assiette de riz lentilles, ce qui me donnera assez d’énergie pour tenir encore quelques heures. Je recharge aussi un peu les batteries pour ma frontale, car je dois déjà l’allumer en quittant le ravitaillement (il est 19h) et il faudra qu’elle tienne toute la nuit. Dans ma tête, je n’ai plus trop de doute sur le fait que je vais réussir à rallier l’arrivée, la seule inconnue est de savoir si j’arriverais avant 7h du matin, pour que mon frère puisse venir me voir avant de partir à l’aéroport. Je monte donc vers « Dos d’Ane » (800m D+) avec du rythme, je suis un bon groupe, on double pas mal de monde, il refait très chaud et très humide dans cette montée mais je tiens bien. Arrivé en haut, j’ai le plaisir de croiser une tête connue – Philippe Larrat – un ex Suez qui a déménagé à la Réunion et qui me fait l’honneur de venir me soutenir en direct ! Le début de la redescente vers la Possession est techniquement difficile (chemin Kalla) et donc lente, j’y arrive vers minuit. On retrouve du monde dans les rues. J’ai laissé un peu d’énergie dans la descente et décide de m’allonger 20mn à nouveau à même le sol dans l’école qui tient lieu de poste de ravitaillement, recouvert par la couverture de survie, qui m’aura donc bien servi sur cette course. Je repars de la Possession vers 1h du matin, au trot, sur le redoutable chemin des Anglais, un sentier pavé qui remonte à quelques centaines de mètres d’altitude et qui longe la côte. Je fais ce chemin de nuit, à la frontale, sur un bon rythme, malgré le côté « cassant » du sol complètement irrégulier. Je m’enflamme cependant et consomme trop d’eau, vidant l’intégralité de mes réserves bien avant d’arriver au prochain ravitaillement. Je dois donc ralentir et laisser tomber mon objectif d’arrivée à la Redoute avant 7h. J’arrive au point « Grande Chaloupe » à 3h du matin et y reste 1h, notamment pour recharger toutes mes batteries (frontales, téléphone… et les miennes aussi). Je n’arrive pas à m’alimenter mais il ne me reste plus qu’une longue montée de 10kms vers Colorado (600m D+) puis la redescente finale vers Saint Denis et le stade de la Redoute, ça devrait le faire. Je marche toute la montée, le jour se lève et passe le dernier point de contrôle vers 6h30, fatigué et toujours incapable de m’alimenter. Qu’importe, l’arrivée est proche. Je commence la descente tranquillement en papotant avec mes voisins de course. J’accélère un peu la cadence au fur et à mesure, je me sens étonnamment frais, léger, souple, bondissant sur les rochers comme une gazelle, comme si la course venait à peine de démarrer. Je double une vingtaine de concurrents, dont un qui a voulu « jouer » et qui me repasse devant à toute allure. Pendant 10mn, je le prends en chasse, nous sommes à fond tous les deux dans les sentiers techniques de cette fin de parcours. C’est un peu irréel, je prends énormément de plaisir lors de ces derniers kilomètres. On se tape dans la main à la fin du sentier. Dans quelques centaines de mètres, c’est l’entrée du stade de la Redoute. J’arrive à bonne foulée, le sourire aux lèvres. Il est 7h49 quand je franchis la ligne d’arrivée. Je repense à tout le chemin parcouru pendant ces 58 heures et 19 minutes, et notamment au gros temps faible que j’avais eu dans la 2e nuit. Quel bonheur d’être arrivé au bout malgré tout.

Cette course restera gravée longtemps dans ma mémoire. C’était un aboutissement de plusieurs mois de préparation. L’obtention du dossard était déjà une première épreuve. Participer à cette fête en tant qu’acteur est un immense honneur. La terminer, tout ayant traversé certaines difficultés, décuple le plaisir. Lors de cette course, je suis passé par de nombreuses émotions: l’euphorie des débuts, l’agacement des « bouchons », la fragilité des temps faibles, la joie des temps forts, l’abattement et la frustration de devoir penser à l’abandon, le plaisir simple d’évoluer dans un cadre sublime, la fatigue et l’épuisement à certains moments, le bonheur ultime à l’approche de l’arrivée.

Je suis très sincère quand je dédie cette arrivée à tous ceux qui m’ont soutenu, car j’ai été beaucoup touché par les nombreux messages d’encouragements reçus. Merci beaucoup. Vous m’avez aidé à réaliser ce rêve. 

 

 

 

 

Et pour compléter ce récit, j'ajoute ci-dessous un petit glossaire, qui permet de voir la course sous un autre angle.

Glossaire 

A comme Alimentation et comme Action Contre la Faim. Alimentation : s’alimenter correctement, c’est la clé de la réussite sur ces grandes épreuves. Disons le tout de suite, je ne suis pas un bon exemple sur cette matière, j’ai souvent des problèmes d’alimentation à partir d’une dizaine d’heures de course, mon estomac dit souvent stop à tout ce qui est solide. J’ai déjà eu l’expérience de ce genre de difficultés et dans ce cas, je sortais le plan bis : morceaux de bananes et thé chaud triplement sucré. C’était le minimum vital pour continuer à marcher (même si cela n'a pas bien marché pour moi pendant la Diag.) En temps normal, l’alimentation se fait en mixant ce que l’on emporte dans le sac et ce que l’on peut trouver sur les ravitaillements. Personnellement, dans mon sac, j’avais prévu une dizaine de barres Mars et des barres énergétiques. Au total, j’en avais même acheté une bonne cinquantaine (il faut tenir plus de 50h à raison d’une barre par heure) mais malheureusement, entre les barres fondues dans les sacs d’allègement et mes propres difficultés à avaler, je n’en aurais consommé que 5 ou 6 en début de course. Un bon gâchis. Sur les ravitaillements, on trouve systématiquement de la soupe/vermicelle, des oranges, des bananes, des pommes, des raisins secs, du chocolat, parfois de la pastèque et en fonction de l’humeur du chef : un rougail saucisses, un riz lentilles, des pâtes, de la purée, du poulet, etc. C’est toujours très bien de manger chaud et solide quand on le peut. Pour ma part, je n’aurais réussi à prendre à prendre un plat chaud qu’à « Mare à bout » (km 50), 3 cuillères de pâtes à Cilaos (km 72), rien à Marla (km 85), un ¼ de soupe à « Pleine des Merles » (km 92), un mélange purée/pâtes à Grande Ecole (km 105), rien à Roche Plate (km 115), du riz lentilles à « Deux Bras » (km 127), ¼ de soupe à la Possession (km 144), rien à Grande Chaloupe (km 152), rien à Colorado (km 160). Bref, j’avais bien conscience qu’il fallait manger pour avancer, mais mon corps ne voulait pas, et j’ai avancé à l’économie, emportant de temps en temps un quartier de pommes pour tenir entre les ravitaillements. C'était bien maigre. Action contre la Faim : initiative personnelle, j’ai voulu profiter de la mobilisation autour du suivi de ma course pour lancer une collecte de fonds auprès d’eux. Je remercie toutes celles et ceux qui y ont participé, nous avons collecté un peu plus de 1000 euros à ce jour. Il n’aura échappé à personne l’ironie du sort donc, les difficultés de ma course auront tourné autour de la malnutrition.

B comme Batteries. Il en faut pour charger la montre (pour avoir l’altitude en direct), pour charger le téléphone (pour lancer une activité Strava, mesurer l'avancée en kilomètres et marquer des points pour le Suez Move Challenge 😉, mais surtout pour recevoir des messages, appeler des proches ou appeler les secours au cas où) et enfin pour charger la lampe frontale : J’étais parti avec 2 batteries pour la frontale, mais chacune tient à peu près une nuit. Au début, toutes ces recharges se sont faites pendant que je courais grâce à une batterie externe emportée avec moi. A la fin, il a fallu s’arrêter un peu plus longtemps aux ravitaillements pour les brancher et récupérer un peu de jus.

C comme Chaleur. Des fortes variations de températures sur le parcours. Je ne vais parler qu’en ressenti car je n’avais pas de thermomètre avec moi : je dirais 35-40 degrés au départ, autour de 5 degrés en fin de 1ère nuit à 2000m d’altitude. C’est là que j’ai sorti le T-shirt manche longue et la veste imperméable. Entre 15 et 25 degrés la journée de vendredi selon l’altitude et l’heure. Il faisait relativement bon la 2e nuit dans les cirques, autour de 15 degrés. Samedi, on a eu très chaud dans Mafate la journée, pas loin des 30 degrés, et surtout peu d’ombres dans les montées. Il faisait bon également dans la nuit de samedi à dimanche, au moins 15 degrés aussi. En tous cas, je suis resté en T-shirt.

D comme Douleurs, ou D+ et D-. Concernant la Douleur, je dois reconnaitre que j’ai été bien épargné. Je n’ai eu ni mal aux pieds, ni mal aux genoux, ni mal aux dos. J’ai bien ralenti dans la descente vers Cilaos car j’avais mal aux mollets, mais à part cela, je n’ai pas le souvenir de m’être plaint de douleurs articulaires ou musculaires. C’est d’ailleurs une des raisons qui m’a poussé à ne pas abandonner même quand je n’arrivais plus à m’alimenter, car je voyais des coureurs qui étaient dans un bien plus mauvais état que moi, et qui s’accrochaient aussi pour ne pas lâcher. D+ et D- : 10 000 mètres positifs et 10 000 mètres négatifs, c’est simple, on passe notre temps à monter et à descendre, le plat n’existe presque pas ! A noter que si les montées nécessitent pas mal d’énergie, ce sont souvent les descentes qui sont plus difficiles, car que l’on court ou que l’on marche, chaque pas met évidemment plus de poids sur nos articulations et l’accumulation peut rendre les choses très difficiles à gérer. J’ai vu des personnes qui descendaient en marche arrière car elles n’y arrivaient plus en marche avant tellement elles avaient mal !

E comme Eau, comme Entraînement et comme Escaliers. Je n’ai pas calculé la quantité d’Eau bue sur le parcours, mais je rechargeais à chaque fois entre les ravitaillements, disons entre 1 et 2L tous les 10kms, soit entre 15 et 30l sur le total de 165kms, avec des pics sur les tronçons en journée au soleil. Il fallait de l’eau pour faire redescendre la température, et de l’eau pour ne pas finir déshydraté (ce qui a complètement échoué dans mon cas, mes problèmes d’alimentation s’expliquent par un estomac déshydraté). Entraînements : pour moi, il a commencé en début d’année 2023. Disons en moyenne 3 à 4 sorties par semaine, dont 3 de moins de 10kms et 1 sortie plus longue le WE. Ayant peu de dénivelé en région parisienne (difficile de faire plus de 400m D+ en une sortie, même longue), j’avais positionné des sorties en montagne soit via des courses intermédiaires (Gonfa Trail 30kms en avril, Swiss Canyon 115kms en juin, 69kms 6000D en juillet) soit via des « weekend chocs » dans les Alpes (1 en août et 1 en septembre) au cours desquels j’allais chercher 5000 D+ et 80kms en 2 jours. Et particulièrement pour la Diagonale, l’entraînement en Escaliers s’avère être très pertinent, quelques séances à Montmartre auront été bien utiles. Au total entre le 1er janvier et le 18 octobre (soit 290 jours), si je reprends mon compte Strava, j’ai couru 1600kms et gravi 45 000 m de D+ en 104 sorties, avant la Diagonale.

F comme Famille. La mienne bien sûr, qui m’aura largement soutenu pendant toute l’épreuve, qui m’aura supporté pendant l’entraînement, et qui aura même participé, via Rodolphe, et dont la présence à la Réunion a été indispensable, car je n’aurais jamais pris la décision d’y aller tout seul. Mais je pense aussi dans ce paragraphe à la famille de Raphael, mon pote du hockey, dont 7 membres étaient sur le départ (et 6 à l’arrivée, énorme bravo !). Je les ai croisés à plusieurs reprises sur le parcours et cela était réconfortant de voir des visages connus sur les ravitaillements, cela permet d’échanger un peu et comparer les états de forme. Ils sont restés ensemble toute la course et leur arrivée à la Redoute était bien émouvante !

G comme Grégoire. Mon fidèle ami, celui avec qui toute l'aventure trail a démarré il y a 8 ans pour un premier Ecotrail 80 kms en 2015. Celui avec qui - et avec Mathieu que je n'oublie pas non plus - nous avons franchi progressivement toutes les étapes qui nous auront amenés en apothéose à l'UTMB 2018, bouclés tous les 3 avec succès. Grégoire, qui n'était pas au départ avec moi cette année sur la Diagonale, mais qui aura été présent à distance à chaque fois que j'en ai eu une besoin: un premier appel à Cilaos pour m'aider à me recentrer sur ma course alors que j'étais en train d'en sortir mentalement, puis un 2e appel, au milieu de la nuit, dans Mafate, quand j'étais au plus mal. Grégoire a su trouver les mots qui m'ont rassuré, m'ont fait prendre du recul et m'ont aidé à traverser l'un des pires temps faibles connus sur mes courses. Un vrai coach à distance! Como siempre, sabia que podia contar contigo ;)

H comme Habits et comme Barrière Horaire. Habits : on part avec dans le sac le matériel obligatoire, à savoir le T-shirt de course de l’organisation (souvenez-vous : pour jouer à « où est Charlie ? » lors du départ), un T-shirt manche longue et une veste imperméable. A cela s’ajoutent les gants et le bonnet. J’utiliserai tous ces vêtements lors de la 1ère nuit. Ensuite, on récupère à 2 reprises un sac d’allègement dans lesquels nous pouvons glisser des affaires propres. On se change donc intégralement (nouveau T-shirt, nouveau short, nouvelles chaussettes) au km 72 à Cilaos et au Km 127 à Deux Bras. Lors de la 2e et 3e nuit, je suis resté en T-shirt, il faisait bon. Barrière Horaire : sur chaque course et chaque ravitaillement, il y a un temps limite à ne pas dépasser pour ne pas être hors course. A la Diagonale, les barrières horaires sont réputées être assez larges, permettant de se ménager des pauses sur le parcours, ce qui est beaucoup moins possible sur l’UTMB par exemple. Je n'ai jamais été inquiété par les barrières, même si les « bouchons » du début de course ont obligé l’organisation à réajuster certaines barrières intermédiaires. Et si dans mes pires moments, j’entendais certes des coureurs évoquer la barrière qui se rapprochait, je ne me suis jamais senti inquiété. J’avais peut-être 1 petite heure d’avance à un moment donné sur la barrière, mais finalement 8h d’avance à l’arrivée (le temps max est de 66h). Dans ma tête, tant que la barrière ne m’a pas rattrapé, je reste en course et n’abandonne pas. Si je suis mal, j’attends que ça passe (c’est ce que j’ai essayé de faire par exemple à Marla en restant 2h30 au ravitaillement) (même si ce n’est pas vraiment passé tout de suite)

I comme Infirmerie. Il y a une tente dédiée à chaque ravitaillement. Je l’aurais fréquentée deux fois, à Marla (km 85) et à Pleine des Merles (km 92), à chaque fois pour tenter de soigner mes problèmes d’alimentation et pour dormir un peu. A Marla, j’ai pris un anti-vomitif qui n’a servi à rien, et j’ai pris froid sur leur lit de camp. A Pleine des Merles, j’étais bien bordé bien au chaud, j’ai dormi 20mn (ce sont les infirmières qui mettent des réveils toutes les 20mns pour assurer la rotation) et je suis reparti un peu revigoré.

J comme Joëlette. Les Joëlettes sont des chaises portées, qui emmènent avec elle des personnes en situation de handicap, moteur ou mental. Il y en avait 16 ou 18 je crois au départ. Elles doivent faire environ 100km sur le parcours, sont portées chacune par une trentaine de coureurs bénévoles qui se relaient. Je suis tout simplement bluffé par l'engagement des personnes qui portent ces joëlettes : d’abord c’est lourd ! ensuite quel beau geste de se faire mal non pas pour soi, mais pour emmener sur ces sentiers et cette course mythique des personnes qui n’en ont physiquement pas la capacité ! Respect.

K comme « Coteau Kervéguen », du nom du point culminant du parcours, à 2500m, sur les contreforts du Piton des Neiges. Bien que la montée soit assez technique, je l’ai trouvée assez plaisante, plus difficile sur la fin avec le soleil et le manque d’ombre, d’ailleurs, j’ai dû y laisser un peu d’énergie car j’ai eu un contrecoup dans la descente.

L comme Leader Price. Celui-là, ce n’était pas vraiment prévu de le mettre dans ma liste. Mais je ne peux pas m’empêcher d’en parler, pour vous partager la réalité de ma course. Sorti du ravitaillement de Cilaos, je n’ai plus de barres énergétiques dans mon sac (elles ont toutes fondu dans le sac d’allègement) et je vais me chercher des Mars et une bouteille d’Oasis au supermarché en faisant un léger détour par rapport au parcours. Achat purement psychologique pour les Mars, car je n’y aurais finalement presque pas touché.

M comme Musique, et comme Mental. Musique car c’est un véritable festival au départ. Il y a des dizaines et des dizaines de groupes qui jouent sur les bords du parcours le long du front de mer, on retrouve des petits orchestres parfois au ravitaillement ou dans des endroits improbables perdus au milieu de nulle part dans certaines ascensions. Mental, car c’est bien évidemment le Mental qui prend le relais quand le corps ne répond plus. Quand on me demande ce que l’on vient chercher dans ce type de course, c’est finalement un peu de ça : on vient tester ses limites, on vient tester et travailler son mental. Je peux le dire ici, je l’ai bien travaillé pendant cette Diagonale !

N comme Nuits. 3 au total sur le parcours. C’est inédit, je n’avais jamais fait cela. Initialement, je pensais arriver le samedi soir vers minuit/1h du matin. Finalement, j’aurais profité jusqu’au bout et passé la 3e nuit entière sur le parcours. J’ai tenté de gérer cela via des micro-siestes (voir la lettre S). La nuit, on avance moins vite, par manque de visibilité principalement. Difficile de courir dans un chemin technique quand on ne voit pas bien devant soi. La frontale est indispensable (sauf peut-être les 2 premières heures, où il y a suffisamment de lumière entre les zones urbaines du départ et les frontales des autres coureurs qui sont encore bien resserrées). La nuit, c’est aussi des températures plus tempérées, on peut donc récupérer un peu. On a moins peur du relief en montée (car on ne voit jamais le sommet). A partir de la 2e nuit, et a fortiori la 3e, on croise beaucoup de coureurs qui dorment sur les côtés du parcours. Partout. Dans les clairières pour les plus chanceux qui ont su trouver le bon spot, mais parfois à même le parcours, notamment dans les montées, où on sent que c’est l’épuisement qui a décidé de leur lieu de repos. Il faut presque les enjamber tellement certains passages sont étroits ! En tous cas, on les voit assez bien, puisque la couverture de survie, qui brille, est systématiquement utilisée. La nuit, c’est aussi propice aux hallucinations, même si cela peut arriver la journée aussi. Cela dure une fraction de seconde, mais une fraction pendant laquelle vous voyez les grands rochers se transformer en maison et les arbres se transformer en personnes. L’œil tente de nous faire voir ce que l’on voudrait : un point de vie ! mais bien souvent, c’est une illusion, nous sommes bien souvent à des kilomètres de toute civilisation !

O comme Oasis. Celui-là, c’est mon préféré, mon péché mignon. J’avais pour habitude de penser que l’Oasis était la boisson la plus horrible sur la table du goûter des enfants, mais j’ai revu mes goûts quand je me suis rendu compte que cette boisson ultra-sucré était un pur bonheur à siroter après et pendant les efforts longs. La toute première chose que j’ai faite en franchissant la ligne d’arrivée, et dont je rêvais depuis des heures, c’est d’aller à la buvette m’acheter de l’Oasis ! Coup de chance, j’en ai même trouvé à 2 reprises sur le parcours, au fameux Leader Price, puis dans un endroit complètement improbable, à la « boutik » de Mafate-Grand Place. Je remplissais ma flasque de secours avec ce jus, et m’en accordais une gorgée de temps en temps pour me rebooster. Comme quoi, un rien peut faire notre bonheur dans ce genre d’épreuve !

P comme Poids ou comme Pluie. Lors de la remise des dossards, nous avons croisé une organisation « Eruption » qui mène des études avec le CHU de l’île sur la santé et le sommeil des coureurs pendant les ultratrails ; Ils avaient mis une balance à disposition au départ et à l’arrivée. Résultat des courses : j’ai perdu 6 kilos ! (c’est dans la moyenne). Essentiellement de l’eau, que l’on récupère au bout de quelques heures. Pluie : bien qu’il ait fait globalement chaud, la météo aura été plutôt bonne sur l’ensemble de la course. Il a pleuviné une heure la 1ère nuit dans la montée à travers les champs de cannes à sucre. Je n’ose pas imaginer certaines descentes si les rochers avaient été mouillés. C’était déjà hyper raide et casse-gueule à certaines endroits (on tombe), je pense qu’il y a des passages qui deviennent quasi infranchissables quand le sol devient glissant. Sans parler de la boue sur les passages en terre. Bref, c’est une chance qu’il n’ait pas plu !

Q comme Quotas ou comme Qualifications. Quotas, car la répartition des coureurs est travaillée. Sur les 2750 coureurs qui ont pris le départ, il y a 45% de français de métropole, 45% de français de la Réunion et 10% d’étranger. Qualifications. Il y a plusieurs manières d’obtenir son dossard : soit passer par une agence de voyage qui package inscription/vol/hébergement (ouverture des packages en janvier 2023, j’ai tenté mais n’ai jamais réussi à me connecter sur le site qui était saturé. Plus de 10.000 demandes pour 900 places) ; soit tirage au sort en mars 2023 (là aussi j’ai tenté, mais me suis retrouvé en 500e position sur la liste d’attentes, 2e échec) ; soit – et j’ai eu l’info après coup – via une course partenaire qui a lieu en Suisse en juin 2023 : le Swiss Canyon Trail, 115kms, 5000 D+. Il faut être finisher, inscrit dans les 50 premiers, et inscrits aussi sur liste d’attente de la Diagonale. C’est donc via ce moyen que j’ai obtenu mon dossard. En parallèle de cela, il faut justifier avoir terminé au moins 2 courses supérieures à 85 points (1 point = 1 km et 1000 D+). Dans mon cas, cela aura été l’Ecotrail Paris (80kms, 1500D+) et le Swiss Canyon Trail donc (115kms, 5000D+)

R comme Rencontres et Réunionnais. Les Rencontres, on en fait plein sur le parcours. J’ai pas mal échangé dans les « bouchons », j’ai souvent discuté dès qu’un coureur avait temporairement le même rythme que moi, même si pour être honnête je ne me souviens souvent plus trop de ce que l’on s’est dit. On parle du terrain, de la météo, on râle sur le traffic, on commente la qualité des ravitos, on se raconte d'où l'on vient, ce que l'on fait, nos courses préférées, les expérimentés jouent à nous faire peur avec les difficultés à venir, etc. Je me rappelle juste avoir pas mal échangé avec un franco-australien qui trouvait que j’avais l’air en super forme (c’était au km 26 !). J’ai fait un bout de chemin aussi avec un Réunionnais lors de la 2e nuit. Je le suivais comme un robot. Quand il s’arrêtait pour reprendre son souffle, je m’arrêtais aussi. A plusieurs moments de la course, lorsque j’étais au téléphone avec un ami ou la famille, je disais souvent « qu’est-ce que c’est dur ! c’est 10 fois plus technique que ce que je pensais : il y a des racines et des rochers partout, on ne peut jamais poser son pied à plat ! » j’avais systématiquement un coureur devant ou derrière moi qui entendait ma conversation et qui me disait être 100% d’accord avec moi. Cela lançait une nouvelle conversation, on devisait sur ce parcours de fous, on était tous solidaire dans cette galère ! Il y avait beaucoup de Réunionnais qui faisaient la course, j’ai été surpris du nombre de coureurs, qui faisaient la Diagonale pour la 3e, 4e ou 5e fois, comme s’ils faisaient leur 10kms local du dimanche. En tous cas, un bel esprit sur l’ensemble du parcours, aussi bien parmi les participants que parmi les spectateurs ou les bénévoles.

S comme Sommeil ou Sieste et comme Statistiques. Sommeil : avec l’alimentation, c’est l’autre grande composante à gérer pendant la course, surtout si on prévoit d’y passer plus de 50h comme c’était mon cas. Il y a toujours un moment où le corps réclame du repos. On peut l’anticiper ou le subir. Certains dorment dès Cilaos. Pour ma part, je me suis allongé 6 fois 20-25mn. Les 2 premières à Marla sans réussir à dormir. Les 4 suivantes à Plaine des Merles (samedi 3h du matin), Roche Plate (samedi midi), Deux Bras (samedi 18h) et la Possession (samedi minuit), où à chaque fois, c’est le réveil qui a sonné. La Sieste permet au corps de se reposer, et surtout permet une digestion plus facile, comparativement à lorsque l’on court, où notre estomac est quand même un peu malmené). Statistiques : quelques chiffres. 2750 coureurs au départ, 2048 à l’arrivée, soit 26% d’abandons cette année, c’est un taux relativement faible car il se situe habituellement entre 30 et 35%. Le coureur moyen a 44 ans, le plus jeune 21 et le plus vieux 79 ! Il y a 12% de femmes au départ. En général, ceux qui prennent le départ ont déjà à leur actif une douzaine de trails supérieurs à 60kms, ce qui était pile mon cas d’ailleurs.

 

T, U, V, W, X, Y, Z. Il me manque 7 lettres sur les 26. Soit 26%, à peu près comme le taux d’abandon. Je vais donc abandonner là ce glossaire, pour respecter les quotas, et aussi parce je pense qu’il donne déjà un assez bon aperçu des à-côtés de la course 😉.

7 commentaires

Commentaire de Runphil60 posté le 02-11-2023 à 13:05:47

Hello MArtin, je vais lire ton histoire, on a pris le bus ensemble lundi dernier ;-) Bien la reprise du boulot le mardi ?

Commentaire de chap posté le 03-11-2023 à 17:33:55

Merci pour ce beau récit. On s'y croirait ! Et merci pour les diverses astuces !

Commentaire de Benman posté le 04-11-2023 à 09:11:36

Wahou. Martin, c'est vraiment fort. Un immense bravo.
Tu retraces très bien ces moments de doute et tout ce qui fait que cette course est spéciale.
Tu m'as définitivement donné envie de tout faire pour pouvoir être à la Redoute l'année prochaine.
Bienvenue sur kikourou au passage!

Commentaire de Runphil60 posté le 04-11-2023 à 19:38:45

Sympa ton récit Maxime, j'ai profité du temps qui invite a la déprime pour lire ton histoire et du coup, retourner un peu là bas !
Tu retraces très bien tes incertitudes et comment tu as composé pour aller de l'avant, top!
Encore respect pour ta course

Commentaire de Gilles45 posté le 05-11-2023 à 12:33:25

Merci pour ton récit Martin et bienvenu ici.
belle course, bravo pour la ténacité...je note l'idée d'ingurgiter un bout de plastique en guise de ravito...ça a marché pour toi.
Plus sérieusement, je pense aussi que sur ce type de format, une douche et des pauses aussi longues peuvent en effet te faire sortir de ta course. Tes temps de pauses sont peut-être un point à améliorer pour la suite

Commentaire de Insigma posté le 06-11-2023 à 19:00:17

Hello Martin
Je dois dire que jamais je n'aurais imaginé prendre une douche pendant une course.
J'ai bien rigolé avec cette histoire de Leader Price. Irréel !

Je suis allé un peu plus vite que toi ce qui fait que je n'ai pas passé une troisième nuit dans ce bazar, mais j'ai un profond respect pour tous ceux qui ont dû affronter cette ultime nuit. La seconde avait déjà été très pénible pour moi..

Bravo !

Commentaire de laulau posté le 08-11-2023 à 07:23:37

Bravo et merci pour ce beau récit très enrichissant pour ceux qui souhaitent participer.

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