Récit de la course : Marathon de la Côte d'Amour 2006, par L'Bigorneau
Le Marathon de la Côte d'Amour du Bigorneau
Le Croisic. 07h00. Mon réveil sonne.
CR avec photos sur le blog du Bigorneau :
http://le-bigorneau.blogspot.com/2006/10/cr-marathon-de-la-baule-2006.html
Analyse de la course avec courbes :
http://le-bigorneau.blogspot.com/2006/10/analyse-marathon-de-la-cte-damour-2006.html
Je suis avec toute ma tribu dans un loft loué pour l'occasion. Je me réveille avec un léger mal de tête et de mauvaises sensations. C'est le jour de mon deuxième marathon, celui de la Cote d'Amour qui part du Croisic et arrive à la Baule. Mon précédent marathon date du mois d'avril de cette année à Nantes pour un temps de 04:12:48 secondes en grande partie passé sur le dos de la Tortue, comme dirait cette sale bête d'Ourson ! ;o)
J'ai profité des 6 derniers mois à m'entraîner à raison de 3-4 entraînements par semaine, avec du fractionné, des sorties longues, du seuil, bref un entraînement bien structuré, chose que je n'avais pas faite pour le marathon de Nantes car trop "jeune" en course à pieds (heu j'ai 36 ans…). Bref c'est avec une certaine confiance que j'ai annoncé à L'Ourson mon objectif de 03:45:00 pour le marathon de La Baule : il en a pris un sacré coup ! ;o)
Je prends mon ptit dej à base de gatosport, un café, mon mal de tête diminue…Je prépare mon ptit sac que j'ai l'intention de porter accroché à mon short pendant la course. Je le charge de sucre, d'un gel a effet long, et d'un gel coup de fouet. Je fais le tour en sautillant autour de la table, et ce qui devait arriver arriva, pof le sac par terre ! Misère il ne tient pas bien accroché à mon short, il aurait fallu une ceinture qui est restée, biensur, à la maison. Je l'avais pourtant testé une fois en course… mais avec rien dedans ! Bon ça part bien, ça sent la bonne préparation tout ça. Ma femme me le fait remarquer doucement. Grrrrrrrrrrr.
8h30, j'ai rendez-vous en bas avec Christophe, un voisin, coureur et amateur de vélo. Aujourd'hui c'est son premier marathon et vise 3h45 lui aussi. Il a sa pharmacie avec lui : le pack overstim complet à la ceinture ! La veille on a fait une pasta party avec nos deux familles et on s'est bien marré au sujet de sa pharmacie. En plaisantant je lui avait dit qu'il ne passerait pas le contrôle anti-dopage avec tout ça et que s'il pissait, il allait faire des trous partout ! Je lui ai aussi demandé s'il avait déjà testé ces produits en course et il m'avait repondu que non ! Je lui ai donc conseillé d'amener un rouleau de papier toilettes en course et de bien repérer les buissons sur le parcours ! De l'humour fin et bon enfant !
On est maintenant sur la ligne de départ il est 09h13. Dans deux minutes c'est parti. Au niveau météo on a de la chance car le soleil est là alors qu'il a plu toute la nuit, par-contre au niveau du vent c'est un peu la cata, Un vent laminaire dans les 40, et en rafales dans les 60 ! Aïe je crains pour le mal de bide !
Top départ !
Je pars doucement mais je sens Christophe qui souhaite aller de l'avant. Je lui dit qu'on a le temps, que 42 kms c'est long ! On fait 2 kms tranquillement, Christophe toujours quelques mètres devant, et se sentant prêt à bondir. On croise nos familles que l'on salue. On sort du Croisic pour en faire le tour via la Côte. Bon sang ça souffle ! On arrive au km 5, l'allure est autour des 5.20 au kilo (11,25 km/h), l'allure nécessaire à notre objectif de 3h45. Christophe est chaud bouillant et toujours devant moi à quelques mètres. Je suis en retrait, je me sens moyen et cela m'inquiète un peu. Mon cœur est trop haut par rapport à ma vitesse et je trouve que je "force" un peu. J'ai du mal à tenir le 11 km/h. Bon il est vrai que je suis long à chauffer mais quand même. En course il y a des jours avec, des jours neutres, et des jours sans. Il est clair qu'aujourd'hui n'est pas un jour avec. Bon allez me dis-je ça va ptêt démarrer !
Km 12, on vient de finir le tour du Croisic et on recroise nos familles. Je remonte un peu Christophe pour ne pas donner l'impression à mes enfants que je suis à la traîne…puis on part en direction de Batz sur Mer par la Côte sauvage ! Punaise ça souffle encore plus ! Km 18 Christophe me demande comment je vais : je lui répond bof. J'ai le cœur qui cogne, je sue, c'est pas la joie. Je laisse filer Christophe qui sent qu'il en a sous la pédale. Je lui souhaite bon vent en espérant qu'il ne va pas se griller par manque d'expérience ; je l'ai mis en garde contre le mur, mais je lui fais confiance car je sais que c'est un bon sportif. Je me retrouve seul. Je ne me sens toujours pas comme il le faudrait et j'arrive sur les marais salants, lieu maudit dont la Tortue et L'Ourson m'ont dit de me méfier. J'ai le cœur qui ne descend jamais en dessous des 85%, on est au kilo 20. Je suis inquiet. Kilo 21 en 1h55, j'ai 3 minutes de retard mais c'est pas grave car j'espère me rattraper sur le deuxième semi. J'ai le souffle qui ne me parait pas "libre", la poitrine fermée, j'ai du mal à me caler dans mon allure, je n'arrive pas à trouver mes sensations, mes mollets commencent à couiner et à se raidir. Merde ! ya pas d'autres mots ! ça fait 21 kilomètres que je subis la course au lieu de la maîtriser et j'aime pas ça. Et dire qu'il m'en reste encore 21…Je sais bien maintenant que mon moteur ne démarrera pas et qu'il ne fera que toussoter…Bon allez je vais essayer de maintenir l'allure. Je prend un gel : beurk c'est vraiment immonde ce truc ! On arrive au point de retournement dans les marais salants, un ravito, je bois de l'eau, mange 2 sucres et on repart vers Kervalet, 5 kms encore dans les marais. On prend la direction du sud-ouest et là, horreur ! Un vent de face à décorner les bœufs ! Les organisateurs nous disent de nous regrouper mais moi je suis seul et il n'y a pas de groupes autour et je ne veux pas ralentir pour en rejoindre un. 5 kms dans un vent d'enfer, j'ai mes lentilles qui bougent toutes seules dans les yeux tellement ça souffle. J'ai l'impression de pédaler avec un braquet de moulineur ! Je suis à 10,5 km/h, et mon cœur, ouille ouille ouille, est à 94%. Ça sent pas bon ! Je pense à L'Ourson et à Marrakech, je pense à la Tortue qui devrait être là et qui m'avait dit de me méfier de ces marais. Mes mollets sont durs. Je serre les dents, je rentre la tête dans les épaules, je planque mes antennes. Je sens que je tape dans la coquille. Je m'inquiète pour la suite vu mon état, qui reste pour l'instant gérable. Je sors des marais ! Ouf ! ya un peu moins de vent. On fait un tour dans Kervalet, direction Le Pouliguen. On tourne et on se retrouve à nouveau en plein vent. Kilomètre 28, en haut d'une côte, j'aperçois le tee-shirt rouge de Christophe qui avance à petites foulées. Je le rattrape et je vois qu'il vient de faire connaissance avec le Mur. Il a mal aux pattes et le visage marqué. Ce que je craignais est arrivé : il est parti trop vite. Je cours à coté de lui pour qu'il prenne la foulée mais je passe devant peu à peu et le perd. Je suis dans les 11 km/h, j'ai les mollets pas terribles, mais j'arrive à maintenir l'allure.
J'arrive sur le remblai vers le kilo 32, jsuis pas bien mais ça va. Tout au bout, on devine l'arrivée au bout à Pornichet. Punaise c'est loin ! Je double pas mal de monde mais sans me sentir bien. Kilo 34. ça y est je suis vidé, les batteries à plat ! Le Mur est pour moi ce coup ci. Je réduis la voilure et maintient une allure de 10 km/h pendant un bon kilomètre. Kilo 35 c'est la mega cata ! Jamais je n'ai connu un tel état. Je ne peux plus avancer, mes chevilles s'entrechoquent à cause du vent. Je suis une feuille morte dans les rafales, un pantin désarticulé. J'ai mal partout, aux mollets, à l'arrière des cuisses, à l'épaule droite, au bas du dos. Une douleur lancinante et persistante. Des jambes j'en ai plus. Ma vitesse chute…mon corps me dit de m'arreter, mon esprit refuse. Je pense à mes garçons à qui je dis sans cesse qu'il ne faut jamais abandonner, que l'on doit toujours terminer ce que l'on commence, que dans la vie faut être courageux et volontaire, qu'on doit jamais baisser les bras. Je pense à ma petite fille…Je pense à La Tortue à qui je dois mon premier marathon, je pense à L'Ourson que je devais pourrir. Je pense à tous ces entraînements et sacrifices. Je pense à ma femme qui m'attend à l'arrivée. J'ai mal. Je m'arrête. Je marche. J'y crois pas. J'en pleurerais tellement j'ai honte de moi. C'est une lutte schizophrénique entre mon corps et mon esprit, chacun prenant à tour de rôle les commandes :
"Cours ! Allez ! remue toi !". Je cours
"non marche ! allez abandonne ! t'es cuit ! T'y arriveras pas !". Je marche.
"Allez cours bon sang ! Remue toi le cul ! Pour tes enfants !". Je cours.
"De toute façon tu ne pourras plus pourrir L'Ourson maintenant !". Je marche.
"La Tortue t'a toujours dit que l'on n'avait pas le droit d'abandonner. T'as pas le droit de marcher ! Cours !". Je cours.
"T'es qu'une lopette ! t'es pas digne d'être un marathonien !". Je marche
Je cours, ou plutôt je claudique, je clopine. Je suis dans un état lamentable, minable.
Je ne dois pas marcher, je ne dois pas prendre cette habitude ! On marche un jour, on marche toujours me dis-je. Je serre les dents. Je fais du 7 km/ h à peine. On est au kilo 37. Je me fais doubler de partout ! ça déboule de gauche et de droite sans arrêt : un grand moment de solitude, d'impuissance, de dégoût de soi-même. Je touche le fond, et les kilomètres n'avancent pas. Si j'avais encore de l'energie, j'enragerai et me foutrait des coups de pieds au cul mais j'arrive même plus à lever ces genoux. Je cours doucement.
Et là à l'arrière de ma cuisse droite, je sens un truc qui se déplace et ma patte qui devient folle. Je suis obligé de m'arrêter si je ne veux pas tomber. C'est le nerf sciatique : manquait plus que lui pour faire ma fête ! Je marche quelques pas pour que la douleur s'estompe. Je crains la blessure. Je tente quelques foulées, ça tient. 500 mètres plus loin rebelote. Je m'arrête quelques secondes et je repars. Kilomètre 40: on passe devant l'arrivée à gauche mais je dois encore continuer sur 2 kms pour l'atteindre car il faut faire un demi-tour au bout du remblai. J'entends les hauts parleurs annoncer "Il reste deux minutes pour les moins de quatre heure !". Snif ! je visais 3h45…et j'y serais même pas en moins de quatre heures. 1 rond-point. On fait demi-tour ? Non pas encore. 2me rond-point, on tourne ? Non pas encore ! 1500 metres m'annonce t'on ! Aujourd'hui cela me semble énorme…3ème rond-point, on tourne. Allez dernière ligne droite et ce sera fini. Kilo 42. Encore 195 mètres ! Les plus longs de ma vie ! J'aperçois ma femme qui me fait un signe de la main pour m'encourager. En me voyant, elle voit bien que ça cloche.
Je passe la ligne…sans aucune joie, sans fierté, sans envie. 4h06 et 30 secondes. On me prend ma puce, on me donne une médaille, un coupe-vent, je m'assois pour récupérer avant d'aller voir ma femme et mes enfants. Au buffet je ne prends rien, j'ai pas faim.
Je viens de finir une longue course subie de 4h06, avec l'impression d'être complètement passé à côté, de ne pas avoir été là alors que j'avais préparé ce moment de longue date, avec beaucoup d'efforts. Je n'en retire rien. Je ne trouve même pas d'erreurs pour lesquelles je pourrais tirer un enseignement pour la prochaine fois. Je n'ai pas été à la hauteur, c'est tout. C'était pas mon jour.
Christophe arrive 3 minutes après, il est défait lui aussi. On va retrouver nos femmes et nos enfants.
En arrivant près de ma tribu, j'aperçois mon Ourson qui est venu m'accueillir ! ça me fait du bien de voir son sourire. Je lui serre la main chaleureusement, je lui fais même une bise je crois ! Mais il faut que je m'asseye par terre rapidement. Je m'allonge un peu. L'Ourson me réconforte. Ma femme aussi. Mes enfants sautillent. Je prends 5 minutes pour récupérer. Ça va mieux. On décide d'aller manger un morceau dans un restaurant à coté de l'arrivée. Je ne trouve pas d'appétit et L'Ourson mange même mon plat ! J'ai le ventre en vrac.
L'Ourson me dit que je devrais être content car les je ne le pourris plus de 12 secondes mais de 6 minutes et 30 secondes ! Son prochain objectif sera donc de 4h06'30 – 12 secondes, soit 4h06 et 18 secondes ! Bon allez on fixe ça à 4h00 ! J'espère honnêtement qu'il me battra. Merci à toi L'Ourson d'avoir fait le déplacement pour venir me voir à l'arrivée ! Tu serais blonde, je t'embrasserais ! ;o)
Merci à La Tortue pour ces mots d'encouragements et ses conseils.
Aujourd'hui je n'ai pas fait honneur au Zoo, ni à moi-même, mais je n'ai pas l'intention d'en faire une habitude. Vivement le mois d'avril prochain, pour me prouver que je vaux mieux, et pour battre le futur record de L'Ourson !
3 commentaires
Commentaire de nicou2000 posté le 05-10-2006 à 10:57:00
Quelle leçon d'humilité!! félicitations d'avoir trouvé le courage de ne pas abandonner..!!
Commentaire de l'ourson posté le 05-10-2006 à 22:57:00
Bravooooo mon cher Bigorneau !! Non seulement tu termines en battant ton record sur la distance malgrès les difficultés de ta course mais en + tu arrives à me pourrir quand même !.. Tu vas pouvoir porter fièrement ton zouli coupe-vent car tu l'as bien mérité :-)
Commentaire de taz28 posté le 06-10-2006 à 13:39:00
Euh...je suis blonde..et je connais l'ourson !! ça suffit pour que tu m'embrasses après une telle course ?? :-)
En tous cas, bravo pour ta persévérance, tu as terminé et c'est énorme...
Merci pour ton récit.
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