L'auteur : cedtrail95
La course : 80 km du Mont-Blanc
Date : 23/6/2017
Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)
Affichage : 3453 vues
Distance : 80km
Objectif : Terminer
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8 mois après le tirage au sort, cette course était attendue. Le jeudi, à 18 h 30, on se retrouve à plusieurs Kikous devant les inscriptions et on part à la microbrasserie du Mont-Blanc retrouver ceux qui y sont déjà. Les bières et les burgers sont tentants mais je préfère être prudent avant cette course car je n’ai jamais couru un format comme celui-ci. Ce sera donc jus de fraise puis un plat de pâtes ailleurs avec Yo cam et Rem. On lève le camp un peu après 21 h. Je me couche à 23 h en me disant que j’aurai un peu plus de 3 h de sommeil. En fait, non. Dans la chambre d’hôtel d’à côté, une gamine sûrement victime de décalage horaire met gentiment le bazar. Je ne sais pas si j’ai eu une heure de sommeil.
A 4 heures, le départ est donné. Je pars du fond de grille et compte sur les premiers kilomètres pour me placer un peu mieux. Il n’en sera rien et je passerai au Brévent en position 906. La prochaine fois, s’il y en a une, il faudra penser à être un peu mieux placé. Au moins, j’ai eu le temps de profiter du paysage. Je passe sur les bouchons lors de la montée que j’effectue très largement en voyant Illigrad moins de 10 places derrière sur une bonne partie. Au bout de quelques dizaines de minutes, un trou se forme dans la file continue, qui ne l’est plus quelques coureurs devant moi, et tout le monde reste sagement derrière le coureur qui ne suit pas le rythme. On finit par être plusieurs à commencer à dépasser. Cela se reproduira un peu plus tard et, cette fois-ci, je reste sur ma lancée et continue quelques dépassements car la deuxième moitié de la montée le permet plus facilement. Mais cela s’arrête lorsque la poignée de mon bâton 3 brins finit dans ma main. Je m’arrête, je fais une réparation de fortune avec de la bande de strapping que j’ai emmenée. Je préfère avoir à m’en servir pour le bâton plutôt que moi. Je repars et après quelques mètres, le bâton se décompose en 3 brins… En réalité, la corde interne de fixation avait cédé. Je m’arrête, fixe tout cela à mon sac, les bâtons tombent, je recommence. Tous mes efforts pour dépasser ont été anéantis. J’ai peu dormi, je perds du temps, je n’ai plus de bâtons. Tout va bien. Enfin en haut, la descente peut commencer.
A partir de cette descente, que je fais tranquillement, je vais vivre 8 heures de bonnes sensations du haut du Brévent jusqu’au Chatelard, passant de la place 906 à la 474 dont un bon petit nombre dépassés pour de vrai et pas aux ravitaillements. C’est meilleur pour le moral. Je profite de chaque point d’eau pour bien me rafraichir en me mouillant. Le parcours est comme je les aime tout au long de ces 85 km. Le type de chemin est bien varié avec ce qu’il faut de technicité pour que ce soit ludique mais sans rendre la progression trop difficile et des moments roulants pour récupérer. Je croise Bubulle un peu avant la Tête aux vents à qui je demande si ça va compte tenu de sa balade de la veille, puis Benman un peu avant le Buet. Au Buet, je propose à Yo cam de repartir ensemble mais il vient d’arriver. Je fais une bonne pause à Emosson avec quasiment un vrai repas, mérité après cette ascension qui est sans doute la plus difficile du parcours. Je progresse souvent comme un quadrupède. Au barrage, je mange trois petits sandwichs au saucisson, un au fromage, deux bols de soupe, un morceau de banane. La remontée au point de contrôle des sacs se fera dans la douleur… Je ferai la descente avec un Alsacien qui s’est fixé comme objectif de me faire venir faire un trail dans sa région. Par moment, j’ai du mal à gérer la conversation et la concentration sur la descente.
Après Chatelard, c’est la montée à la tête de l’Arolette. J’avais renoncé à rafistoler mon bâton jusque-là car je savais que je préfèrerais faire la montée à Emosson et les descentes sans bâtons dans les mains. C’est pour ça que j’en ai des pliables. Mais à partir de là, la fatigue me rend les bâtons utiles en descente et il n’y a, à ma connaissance, plus de montée où je préfère mettre les mains sur les cailloux pour m’aider. Je prends mon bâton 3 brins, full carbon, etc dans une main et un bâton en bois du bord du chemin dans l’autre… Le plus efficace est… Au ravitaillement de mi-montée, je demande du gros scotch et me lance dans une réparation de fortune du bâton avec l’aide d’un bénévole. Ça prend un peu de temps mais ça tiendra toute la course. J’ai donc trois bons morceaux de scotch qui personnalisent le bâton et me rendent identifiables même de dos dans la nuit. Maintenant que je vais faire les descentes avec, ça ne me gêne plus de les avoir tout le temps dans les mains. Je repars sur la piste carrossable, quelques SMS pour dire que tout va bien, puis le chemin décroche pour attaquer vraiment la tête de l’Arolette. Et là, d’un seul coup, je n’ai plus de jambes, rien de rien, alors que je n’ai aucune douleur et que j’ai été prudent dans la gestion. J’ai envie de vomir dès que j’essaye d’accélérer. Je me fais doubler, doubler. Ca me casse le moral. Je finis par m’arrêter un peu après le pointage de Catogne et je profiterai longtemps du paysage à la tête de l’Arolette.
J’ai pris un gros coup de chaleur. Je me suis bien hydraté mais je ne me suis plus arrosé d’eau fraîche depuis Chatelard alors que l’on est sans doute au plus chaud de la journée. Je vais me faire dépasser par Rem, Bubulle et Patfinisher sans même les voir pas plus que je n’ai vu le bénévole qui m’a apporté de l’eau fraiche venir vers moi et il m’a surpris en m’interpellant alors que j’étais assis sur le bord du chemin. Il va me falloir plus de 4 h 30 pour faire les 14 km qui séparent Chatelard du Tour. Je commence à envoyer quelques SMS sur un probable abandon au Tour car il me sera impossible de faire la dernière montée si cela ne va pas mieux. Et je reçois dans la descente du col des Posettes une réponse qui m’informe des 10 km en « faux plat » descendant entre le Tour et les Bois. Donc, je décide de poursuivre au moins jusqu’aux Bois. Et puis, j’ai lu assez de récits de Kikous pour savoir que ces mauvais moments peuvent passer. Arrivé au ravitaillement du Tour, Rem, Bubulle et Patfinisher sont là. Je m’installe un peu avec eux, prend le temps de boire, de me faire quelques sandwichs saucisson/tuc et de me reposer. La température baisse. C’est reparti et je sens l’énergie revenir. Les petites remontées dans la descentes vers les bois passent sans difficultés. En écrivant le CR en regardant le suivi Live trail, je souris car je suis passé de la place 544 à la 454 entre ces deux points de ravitaillement mais je n’ai doublé personne… Je pense que beaucoup ne sont pas reparti ou ont pris leur temps au Tour. A Montenvers, je suis 520, pourtant j’ai doublé du monde et je me suis fait peu dépasser… mais je suis resté longtemps aux Bois où je me suis fais masser. La masseuse a fait ce qu’elle pouvait pour me remettre les jambes d’aplomb pendant que j’achevais de me convaincre de repartir pour plus de 5 heures alors que j’étais si près de Chamonix.
J’ai bien apprécié la montée de Montenvers sur une partie de laquelle j’ai emmené un petit train de coureurs formé au fil de ma progression et dépassé quelques un d’entre-eux ce qui fut bon pour le moral. Live trail indique 2 h 03 entre les deux pointages sachant qu’il y a ma pause massage et ravitaillement de comprise. Le terrain évolue bien au fil de la montée, cela rompt la monotonie (Sentier large, dalles rocheuses, marches plus ou moins naturelles, blocs rocheux). Au ravitaillement de Montenvers, je croise de nouveau Patfinisher et Bubulle.
Après une courte pause, je repars sur le chemin du plan de l’Aiguille. Livetrail ment, il n’y a pas 3,2 km entre les deux, mais bien plus je pense. Et puis, ça monte et ça descend sans arrêt, parfois en bord de ravin. Ce n’est pas grand-chose, c’est même plutôt sympa comme chemin mais à une heure du matin, ça semble interminable. Heureusement, une traileuse italienne m’a attendu pour prendre mon pas. C’est assez marrant, je lui parle en français, elle me répond en italien. Je ne comprends rien mais bon on se comprend quand même car les conversations sont circonstanciées (Vue sur Chamonix éclairée, énième montée et descente ou trébuchage contre une pierre). Sauf qu’à un moment, elle demande en italien à un gendarme placé sur une zone de redescente pour ceux qui arriveraient après la BH, dans combien de temps on atteint le plan de l’aiguille. Il répond 20 minutes. Je prends un coup au moral et mets un gros coup de frein. Je me plains à Patfinisher qui arrive et il me dit qu’il y en a sûrement pour plus du double. D’un coup, une fusée passe. C’est Benman. Presque 1 h 45 pour avaler ce qui semblait devoir être formalité de 268 D+ selon Livetrail avec peut-être 10 minutes maxi au ravitaillement de comprises soit autant que la montée de Montenvers une fois parti du ravitaillement qui fait, elle, un peu plus de 800 D+ pour 5,5 km.
Au plan de l’Aiguille, je pars quelques secondes avant Bubulle et Patfinisher qui finalement reprend un dernier thé, je crois. Je commence tranquille et je les entends revenir gentiment. Cool, on va franchir la ligne ensemble pour ma première course Kikous. Mais finalement, ça ne se fera pas. Je commence à apercevoir quelques frontales devant qui se rapprochent et je vais en chercher une, puis deux puis trois et je commence à accélérer. Et voilà que je me mets en tête de finir en moins de 23 heures, objectif sans intérêt, mais qui me sert aussi pour abréger mes souffrances. J’irai deux fois au tapis sur des glissades et mes bâtons m’auront sauvé la mise quelques autres fois.
J’en termine en 22 h 52 minutes, plus que le temps espéré quand je suis passé au Chatelard. Je reste discuter un peu avec Benman, Bubulle, Matt38 et Patfinisher. Aujourd’hui, j’ai une tendinopathie de la patte d’oie du genou gauche mais je demande quand sera la prochaine sortie de ce type.
8 commentaires
Commentaire de Runphil60 posté le 25-06-2017 à 21:59:48
bravo cedric pour ta perf! ta souffrance ne transpire pas trop dans ton récit !
bon premier essai, tu pourras peut-être ajouter des photos après !
Bonne récup et à bientôt!
Commentaire de cedtrail95 posté le 25-06-2017 à 22:29:43
Merci Runphil pour tes sms d'encouragement pendant la course et tes indications sur les BH. Le fait de savoir que j'évoluais dans des zones proches de kikous expérimentés m'a bien aidé et d'échanger quelques mots de temps à autre avec eux aussi. J'espère que tu auras de la chance au tirage à ton tour. C'est sûr que si j'avais écrit le récit à mon arrivée, il n'aurait pas eu la même tournure car j'ai vraiment eu une partie pénible sur la fin de la tête de l'Arolette jusqu'au Tour. Entre Catogne et le col des Posettes, il y a 310 D+ et 360 D- pour 3,7 km et je mets 1 h 23.
Commentaire de Benman posté le 26-06-2017 à 01:14:39
Quelle aventure. J'ai eu plaisir à te croiser, à se croiser sur la course, en mode limace puis avion... bravo pour ta course réussie et ce récit très réaliste. A bientôt
Commentaire de bubulle posté le 26-06-2017 à 11:17:40
Et voilà, tu as trouvé la bonne façon de te faire reconnaître sur un trail : les bâtons avec du scotch...:-)...ça a quand même super bien marché, non ?
On était effectivement très proches une bonne partie de la course (de même avec Rem, d'ailleurs), c'est amusant de voir les hauts et les bas des uns et des autres. J'aime bien l'alsacien qui s'était fixé comme objectif de t'amener dans sa région : cela ne serait pas Boutts67, d'ailleurs, qui était aussi dans nos eaux..... ?
Commentaire de cedtrail95 posté le 26-06-2017 à 15:35:28
Oui, je suis content de ma course car malgré tes conseils pendant la préparation sur le forum, je n'étais pas sûr de terminer. C'est une première réussie qui me donne envie de recommencer sur des formats de ce type. Ton road-book en 20 h était trop ambitieux pour moi. Pour les bâtons, même si le scotch me donne un style et semble tenir, je vais quand voir avec le SAV.
Commentaire de Rem posté le 29-06-2017 à 21:34:33
Chouette CR et belle course quand même . Tu as su aller au delà du coup de vraiment pas bien a bcp mieux et finir presque fort :) il faudra y revenir et esperer la faire avec tous tes moyens, et prendre une biere plutôt que le jus de fruit :)
Commentaire de ilgigrad posté le 30-06-2017 à 11:57:07
" je vais vivre 8 heures de bonnes sensations du haut du Brévent jusqu’au Chatelard...", Ca c'est sans doute le secret d'une course réussie; parvenir à rester parfaitement frais jusqu'à la moitié de la course, c'est ce qui a manqué à la plupart des coureurs de ce 80, votre serviteur y compris. Bravo pour ce récit qui m'a fait vivre les sensations inconnues d'une course réussie. Un finish de toute beauté; c'est l'essence du trail !
Commentaire de millealheure posté le 18-06-2024 à 08:48:18
Commentaire tardif mais lecture tardive !
un grand bravo meme quelques années plus tard, c'est toujours interessant les récits de course :-)
je serai au départ dans 10 jours du 90, je crois que le parcours a légérement changé,
Ce que je retiens au final, bien se placer au départ pour éviter les bouchons sur la première montée ... sans se mettre dans rouge car le route est longue, puis essayer de se ménager pour la seconde partie de course pour finir ce magnifique trail !
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