Récit de la course : Challenge Val de Drôme - Semi-Marathon Nature 2016, par samontetro

L'auteur : samontetro

La course : Challenge Val de Drôme - Semi-Marathon Nature

Date : 8/5/2016

Lieu : Crest (Drôme)

Affichage : 4602 vues

Distance : 21.195km

Objectif : Se dépenser

14 commentaires

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En mai cours comme il te plait (chez Maître Jack)

Dimanche matin, je me réveille, j'ai mal partout. Vendredi, ma grande fille Maÿliss m'a demandé de l'accompagner sur ce semi-marathon et je lui ai dit oui. Dans 2h nous serons sous les ordres du stater sur le pont de Crest. Première surprise ce matin, il fait beau ! La météo annonçait pourtant mauvais et je m'étais préparé mentalement à faire cela sous la pluie. Le ciel est bleu, limpide et il va faire… chaud ! Je pars avec un déficit hydrique évident et il va falloir gérer ce paramètre.

 

La voiture est garée devant la salle coloriage où sera jugée l'arrivée et nous partons vers l'arche de départ, à 800m de là, en trotinant. Et là, seconde surprise, ça grince un peu mais j'ai quand même les jambes. Ça va le faire, je redoute tellement de jouer les boulets de service et de lui flinguer sa course… et j'ai tellement envie de partager ces 21Km avec elle.

 

On s'est placé dans le dernier tier du sas de départ, devant ça part très fort  dans cette grande avenue qui longe les quais de Drôme. Ça applaudit, ça encourage, ça y est on est dans la course et plus rien n'existe à part partager ces instants! C'est chouette.

 

C'est parti pour 21Km à travers les collines drômoise!

Première côte, sur la route ! La dernière fois que je l'ai faite celle là j'étais… lycéen ici ! Et j'avais vraiment pas aimé la faire. Pour tout dire j'étais totalement alergique au sport ! Maÿliss à peu courru cette année mais c'est une skieuse de fond ! Le pied qui va chercher devant, la cheville bien ouverte, le buste redressé, la jambe qui tracte l'athlète… "dit, t'as mis quoi sous tes cascadias ? Du bleu poussette ?" Elle est à l'aise dans cette pente et on se faufile entre les coureurs. Puis on attaque la belle piste roulante, a peine valonnée, en direction du premier ravito. La vitesse de pointe n'est pas là alors on profite du paysage matinal. J'insiste pour qu'elle boive et je prends régulièrement un gel maison bien dosé en sirop de glucose, mes réserves de glycogène sont au plus bas, je le sais.

 

Vaunavey, un bout de banane, un peu de pain d'épice qu'on mange en marchant. On va rentrer dans le vif du sujet maintenant avec des sentiers et chemins plus techniques pour monter jusqu'à la Croix du Bésot au dessus de Cobonne. C'est là qu'autrefois les jeunes se séparaient en rentrant du bal pour regagner à pied leurs villages respectifs ! Devant ça commence à marcher dans la côte mais Maÿliss reste en mode course. « je passe à droite ! », « pardon !», « merci »… On remonte les places perdues sur le plat une par une sur cet étroit sentier. La pente se redresse encore avant le second ravitaillement mais j'ai vu qu'elle a dans sa ligne de mire une concurente en tee-shirt blanc dont les sections marchées sont de plus en plus longues. Je sais qu'elle ne lachera rien ma skieuse et on va déposer cette pauvre concurente tout en souplesse, en petites foulées dynamiques, de pierre en racine, en profitant de la fraicheur relative de ce versant à l'ombre!

 

Au second ravitaillement, la course bascule : on est au point haut de l'itinéraire et le parcours reste souvent en crête sur des monotraces de plus en plus techniques avec un profil descendant. Ça, c'est notre truc ! En ski de fond ils appellent cette phase le « chasse patate » en trail c'est plutôt « faire le pacman » ! Elle attaque le sentier tête baissée dans la caillasse, on doit être à 15 ou 16 km/h dans la descente et on dépose litéralement les coureurs qu'on rattrappe. Je garde un peu de distance derrière elle pour anticiper pierres, racines, marches à sauter, mais ça envoit du lourd ! Un régal ! Au bruit des cailloux qui volent sous nos chaussures certains coureurs peu à l'aise dans ce terrain nous laissent spontanément le passage. Un moment digne de ces descentes en ski de fond ou au moment de s'élancer on se dit les yeux dans les yeux « si tu freines t'es un lâche ! »

 

Elle est pas cool la vie en running?

Au pied de ce long single on fait la jonction avec un sympathique couple du club d'Allan. Mais maintenant le parcours remonte sur une piste au soleil. Je lui propose de prendre un premier gel coup de fouet. De mon côté je sens que je viens de finir ma recharge en pâtes bolognaises de la veille, une étrange sensation de vide après ces 1h30 de course et je prends une grosse gorgée de mon gel énergétique. Va falloir que ça tienne ! Nos deux compagnons de course adoptent une progression type « marche sportive » bien redressés en balançant les bras. Nous deux, sommes courbés en avant, les mains sur les cuisses pour repousser les jambes dans la côte ! Devinnez qui sont les montagnards ? Pourtant les deux techniques se valent sur ce profil et ça nous fait sourire. Puis nous retrouvons un nouveau single bien descendant, plein de pierres et de racines… Hé ! Hé ! Chaud devant !

 

Dernier ravitaillement aux Sétérés. Ça repart en côte sur une large piste terreuse qui monte au terrain de moto-cross, en plein soleil et il commence à faire très chaud. Il y a visiblement une compétition de moto-cross et on est au milieu des voitures/remorques qui remontent cette piste soulevant une épaisse poussière terreuse. Chacun son sport, chacun sa passion, ce ne sont que quelques centaines de mètres pas très agréables à parcourir en marche rapide tout en discutant avec le couple de traileurs qui nous a rejoint au ravitaillement et en sirotant un dernier gel énergétique.

 

Quelques mètres de descente et Michel, un des piliers de l'organisation, fait l'aiguilleur pour nous envoyer sur le chemin de crête final. Ça monte raide sous les buis, très raide. J'entend Maÿliss souffler fort, je l'encourage, « ne lâche rien, c'est infernal mais c'est court ». Et elle ne lâche rien. Moi aussi j'ai les cuisses qui chauffent, et alors ? Et puis c'est le long single, sur une crête éfilée bien rocheuse et technique par endroit, qu'on avale à toute vitesse en « pacmanisant » tout ce qui se présente devant nous. Chaque coureur déposé c'est comme un bonus d'énergie et je vois Maÿliss relancer ! Ça serpente à droite à gauche, un régal. Tout au bout un coureur visiblement crampé se fait aider pour descendre le tallus rocheux. Nous, on saute sur le chemin en contrebas. Puis ce sont les escaliers de la Tour de Crest, dévalés deux par deux à grandes enjambées, la vieille ville, le pont Frédéric Mistral d'où nous sommes partis ce matin.

 

« Tu me fais pas le coup de lancer le sprint » me dit elle mais à la vue des banderoles, de la famille qui nous attend elle met toute l'énergie qui lui reste dans une dernière grosse accélération et on fini main dans la main sous l'arche d'arrivée !

Wahaaa, c'était rop génial !

 

Et en plus elle monte sur le podium!


Samedi matin, la nuit a été courte. Un petit soucis de santé d'un proche et on a quitté les Urgences hier soir à minuit. Le temps de faire les sacs, avec un départ à 2h30 pour les Aventuriers du bout de Drôme, la nuit se comptera en minutes, pas en heures. J'ai décidé de partir totalement sur la réserve pour ce 127Km, hier j'ai fait la promesse à ma fille de l'accompagner demain matin sur le 21Km du dimanche. Pas question de « péter un câble » ou de se blesser aujourd'hui. Ce n'est pas non plus la grosse forme ces dernières semaines alors ce sera balade même si je compte bien essayer de résister à l'offensive de Frankproto qui veut sa revanche après Mirmande. Je connais assez bien l'itinéraire et je gère. J'apperçois Franck qui me précède à chaque ravitaillement, mais de moins en moins longtemps. Il la veut sa revanche, ça va pas être simple de lui résister !

Le Canyon sous la croix du Vélan: passage magique!

A Montclar c'est Tomtrailrunner qui tient ce quatrième ravitaillement. Il y a quelques heures on a pris le départ ensemble pourtant… il soulève la jambe de son pantalon et elle laisse dépasser un gros strap au niveau de la cheville. Et meerrrrdde !

J'arrive à Saillans en un peu plus de 9h, je tablais sur 10h c'est cool ! La bosse des Essarts qui précède, cette année je l'ai exécutée ! Il y a deux ans elle avait mis un terme à ma course, cette année elle a vu qui était le chef ! Et vlan !

Au contrôle médical l'accueil est chaleureux. Depuis toutes ces partcipations, les mêmes coureurs avec les mêmes bénévoles infirmières, on fini par se connaître et j'ai droit à la bise ! Du coup la tension est un peu haute… on dira que c'est l'anthésite de la gourde et ses extraits de réglisse!

Saillans, mi-course et tous les voyants sont au vert!

Il y a beaucoup de nouveaux passages dans les deux sections suivantes et il fait déjà bien chaud je part donc avec beaucoup d'eau les découvrir. Et j'ai bien fait car ça va être beaucoup plus long que je ne l'imaginais. La petite chapelle perdue dans la forêt, la ferme Gauze perdue au milieu de nulle part et son eau fraiche, la crête de Couspeau face aux Trois Becs (quel paysage fabuleux) puis l'interminable retour sur cette piste de 4x4 en forme de montagnes russes avant de remonter dans les marnes blanches vers le village de La Chaudière !

Devant moi il ne reste que l'ultime difficulté, la Forêt de Saou avec le passage de Picourère et une trentaine de Kilomètres que je connais par coeur. Pas loin de 6h de progression sans doute et il est déjà tard. Demain j'ai promis d'accompagner ma fille sur le semi-marathon et ça va être court pour récupérer, surtout avec la nuit blanche d'avant course, surtout quand on est V2. Mais devant il y a Frankproto et cette possible revanche qu'il tient quasiment !


Il y a des moments où il faut savoir choisir. Un papa, ça doit tenir ses promesses alors je ne serai pas finisher de cette édition. Je décroche mon dossard, le rends au pointage et profite de la voiture d'un bénévole qui rentre sur Crest. Je n'ai aucune déception, je sais que demain sera bien ! Et puis Franck, t'étais de toute façon trop fort aujourd'hui.

 

Lorsque j'arrive à Crest seuls 4 coureurs ont franchit la ligne d'arrivée du 127Km. Une grosse trentaine sont encore en course dans la nuit. La difficulté du parcours et les barrières horaires ont eu raison des autres. La douche est chaude, les pates bolognaises à point, la bière fraiche, les kinés et podologues s'ennuient. Quand je leur demande s'il peuvent me refaire des jambes pour le lendemain je suis accueilli comme un roi, ou comme un habitué de l'évennement. Et si vous avez lu ce qu'il s'est passé dimanche, ils m'ont vraiment refait des jambes et des pieds à neufs et c'est aussi un peu grace à eux que j'ai vécu le plus beau semi-marathon de ma carrière !

Picourère, je t'ai zappé cette année mais je reviendrai en 2017 fouler ton sentier fabuleux


Toutes les photos sont de "Photogone" sauf celle de Saillans (Tom Trailrunner) et celle de Picourère (Samontetro)

14 commentaires

Commentaire de BOUK honte-du-sport posté le 05-06-2016 à 15:56:10

GENIAL !!!

Commentaire de samontetro posté le 06-06-2016 à 14:28:05

...manquait juste un saucisson accroché à la croix du Bésot ;-)

Commentaire de TomTrailRunner posté le 05-06-2016 à 17:44:21

Tu faisais plaisir à voir : toujours le sourires sur tes terres de jeu...si en plus c'est en famille, c'est encore mieux non ?

Commentaire de samontetro posté le 06-06-2016 à 14:30:19

Le + fort dans cette histoire c'était bien toi, basculer en bénévole sur les ravitos pour conjurer la blessure... et avec le sourire SVP!

Commentaire de cyss posté le 05-06-2016 à 19:16:27

Ca valait le coup de ne pas finir le samedi; il fallait être capable de lâcher pour profiter du dimanche!

Bravo!!! :-P

Commentaire de samontetro posté le 06-06-2016 à 14:35:34

Si j'avais insisté le samedi, il est fort probable que j'aurai joué le mégaboulet de service le dimanche! Tour le monde ne peut pas s'appeler Luca!

Commentaire de Arclusaz posté le 05-06-2016 à 23:39:35

un récit bien dans ton esprit : la compet, certes, mais avant tous les autres. Et les promesses à ses enfants, effectivement, c'est sacré. Un double bravo, double mètre (presque).

Commentaire de samontetro posté le 06-06-2016 à 14:39:21

Merci Arclu! Ces ultra-trail c'est bien souvent aller au bout de soi-même, dans l'effort, certes, mais aussi dans ses convictions. Il y a des instants de vie qu'il faut savoir ne pas louper.

Commentaire de Françoise 84 posté le 06-06-2016 à 15:38:51

Bien sympa, ton récit, merci de l'avoir écrit! Un grand bravo à Mayliss... et à son champion de papa-coach!L'année prochaine, c'est elle qui t'accompagne?! Bisous!

Commentaire de samontetro posté le 11-06-2016 à 15:12:53

Merci Super Françoise ! On te voit à la MH ? Ça me démange (très) fort d'y retourner!

Commentaire de Davitw posté le 06-06-2016 à 16:10:33

Bravo Samontetro :) Bel esprit ! et que plaisir de partager ;)

Commentaire de samontetro posté le 11-06-2016 à 15:16:40

On partage souvent plein de petits instants entre participants sur les ultras, mais là c'était vraiment chouette, a donner envie d'essayer ces formats "duo" qui existent sur certaines épreuves.

Commentaire de Japhy posté le 08-06-2016 à 19:46:44

Mais qu'est-ce qu'elle est belle ta fille !

Commentaire de samontetro posté le 11-06-2016 à 15:19:29

C'est "tout son père" ! :-)

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