L'auteur : bubulle
La course : Roanne-Thiers
Date : 5/12/2015
Lieu : Roanne (Loire)
Affichage : 2995 vues
Distance : 57km
Objectif : Pas d'objectif
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Voilà, ce Roanne-Thiers devrait compléter, sur ma check-list des trucs (pas à la con) à faire, le tryptique des ville à ville entre la Loire et ses départements de banlieue. Après 5 Le-Puy-Firminy et une Saintélyon, il est logique de voir à quoi ça ressemble de courir sur 60 kilomètres environ, de nuit, en début d'hiver, en moyenne montagne. Genre comme si je ne l'avais jamais fait, quoi.
C'est vrai qu'elles se ressemblent, sur le papier, ces trois courses. Certes, Saintélyon est un poil plus longue, Roanne-Thiers un poil plus courte, Le Puy-Firminy un poil plus roots, il y a plus ou moins de bitume de l'une à l'autre et l'affluence varie de 400 coureurs et marcheurs sur LPF, à 1300 marcheurs avec une petite centaine de coureurs sur Roanne-Thiers, et plus de 2000 coureurs et presque plus aucun marcheur sur Saintélyon.
Mais, au départ, les trois existaient dans le même esprit et j'en ai entendu parler pendant toute ma jeunesse comme des trucs mythiques que seuls des marcheurs burinés aux solides croquenots en cuir usé jusqu'à la corde, effectuaient de nuit en snickers de velours, pull en laine et le bérêt sur la tête. Des clichés dans ma tête ? Pensez-donc (à prononcer avec l'accent de Sainté)....si peu....
Depuis, mon image de ces épreuves a légèrement changé, j'ai quand même compris qu'elles sont aussi des courses que le trailer buriné aux mollets poilus peut aussi utiliser pour meubler ses week-ends de fin d'année, surtout quand il n'y a pas d'Origole (ou alors juste l'Origole des Enfants).
Bref, Roanne-Thiers. Organisé par la Groupe Montagnard Roannais (je ne sais pas vous, mais moi, quand je vois ce nom, j'imagine justement de solides marcheurs burinés en snickers de velours et chaussures en cuir). 57 kilomètres de nuit à travers les Bois Noirs. Effectué alternativement dans un sens puis dans l'autre chaque année. Un sanctuaire de marcheurs où l'on s'inscrit encore par « sociétés ». Où, comme au Puy-Firminy, le dossard est un carton de pointage à tamponner aux « points de contrôle ». Carton rempli à la main, avec une écriture d'institutrice par Madame Fernande Losco, 85 ans, pilier du GMR.
Carton n°7 que je reçois en ce mois de septembre, envoyé sur une enveloppe écrite à la main par Madame Losco. Eh oui, je me suis inscrit le plus tôt possible, pas par peur de manque de place, mais parce que j'aime ça !
C'est aussi le défi de la fin d'année, ce Roanne-Thiers deux semaines après les 134km de l'aller-retour sur Le Puy-Firminy.
Comem je n'ai aucune idée de mes capacités de récupération, j'envisage toutefois de le faire en marchant. Mais, pour être honnête, je ne crois pas une seconde que je ne vais pas arriver à y courir.
Et, encore mieux, les deux semaines qui s'écoulent entre les deux courses me démontrent que je vais probablement pouvoir *bien* le courir. Et je prends donc le TGV en ce samedi soir de décembre avec en tête un « objectif » entre 6h15 et 7h30, donc sur une base analogue à mes 7h15 du Puy-Firminy 2013 et 2014. Ambitieux.
Ce sera un aller-retour éclair. Je prends le train le plus tard possible le samedi pour Roanne via Lyon et je rentre dès que je peux. Malheureusement pas aussi vite que je pense car faire Thiers-Paris en train un dimanche matin de décembre semble....impossible. Je devrai donc prendre les navettes de l'organisation dont la première est planifiée...à 9 heures du matin.
Me voici donc, autour de 23h au gymnase Fontalon de Roanne. Impressionnant, le nombre de marcheurs qui se préparent, on est sur une taille bien au delà de mon cher LPF. Ce raid est vraiment le rendez-vous incontournable de tous les amoureux de randonnée pédestre dans la région, d'autant qu'il propose aussi des distances alternatives de 40, 25 et 15 kilomètres à ceux qui ne veulent pas faire l'intégrale.
L'organisation est très « vintage ». Tout se fait un petit peu à l'ancienne, y compris les annonces au micro dans le hall de gare qu'est le gymnase de départ. Le « public » de participants est assez varié, mais le coureur reste rare : on est loin d'un défilé de mode Salomon ou Raidlight. C'est plutôt....hétéroclite.
J'évite quand même de me faire « coincer » dans la salle et me retrouver en queue de peloton car je me doute que remonter un tel nombre de marcheurs ne serait pas du tout simple. Donc, je vais me placer quasiment sur la première ligne. Il y a quand même bien là 2 ou 3 dizaines de coureurs....mêlés de marcheurs et de quelques marcheurs « nordiques » (du moins ont-ils les bâtons).
Le départ est donné un peu par surprise et....un poil en avance. Il est vrai que l'épreuve n'a pas de classement officiel et que, donc, le chrono n'est pas censé avoir une grande importance.
Le rythme de départ est assez rapide à mon goût, même si des coureurs de bien meilleur niveau le trouveraient certainement lent. Un petit peloton de 10 à 20 coureurs se détachent devant moi et, assez rapidement, je me retrouve à quelques dizaines de mètres de ce groupe de tête. Comme d'habitude, parce que je n'aime pas suivre, je fais plus ou moins l'allure d'un autre petit groupe. Mais ce n'est pas très régulier : certains me dépassent, prennent quelques mètres, je les repasse. D'autres vont rejoindre le groupe de tête. Qui plus est, nous dépassons ponctuellement des groupes de marcheurs qui semblent avoir pris le départ en avance (comme il n'y a pas de compétition, certains veulent probablement marcher dans un groupe initial moins compact).
Nous dépasserons ainsi des marcheurs jusqu'environ le 10ème kilomètre. Déroutant.
Les 8-9 premiers kilomètres sont en fait un long plat montant de Roanne à Lentigny, sur une petite route de compagne désertée par les voitures. Je les effectue très régulièrement quasiment exactement à 11km/h. J'ai souhaité partir « vite » pour tester un peu si j'arriverai vraiment à tenir un rythme élevé. Qui plus est, le groupe au loin, devant, me sert de repère, l'objectif étant de les garder plus ou moins en point de mire, sans me griller à essayer de les suivre.
La pente s'accentue de Lentigny vers Villemontais. J'en profite pour me faire de premiers passages en marche rapide afin de ménager les réserves. Je suis presque le seul à le faire, étonnant. Autour, même sur une pente à 5-6%, la course est de règle. Donc, évidemment, je vois quelques coureurs passer, mais, déjà, cela se raréfie.
Nous traversons Villemontais, toujours en côte, et le ravito est à la sortie. J'ai en fait prévu d'être plus ou moins en autonomie : j'ai 2,5l d'eau avec moi, je sais que cela peut tout à fait me suffire. J'ai mes barres type « nougat » et les compotes qui sont désormais ma base d'alimentation en course, complétées par ce que je grapille aux ravitos. Je passe donc en mode éclair, ramasse 2 ou 3 bouts de fromage, du chocolat, et je repars aussi sec.
Villemontais, 11km, 1h06 pour 1h04 prévues. Pas mal.
Dans l'affaire, j'ai récupéré mes obstinés des allures de course. Et, à la sortie de ravito, la solitude commence à s'installer : personne en vue devant....et un autre concurrent qui repart 100m derrière moi. Voilà, c'est parti pour « Alone in the dark » et cela va durer quasiment jusqu'à la fin.
Je me rappelle à peu près le profil (car, étrangement, je n'ai pas imprimé le roadbook que j'avais préparé : je travaille de mémoire....c'est à l'image en fait de toute cette course que j'ai préparée de façon assez détachée, voire je m'en foutiste....). Après Villemontais, cela va grimper assez sévère sur 2-3 km.
Le coureur qui me suit me rattrappe et me dépasse : il court, lui. Moi, je veux bien, mais bon....
Quand la pente s'accentue encore, la marche devient de rigueur pour tous. Et là, vous connaissez le bubulle : forcément, il faut envoyer quand même un peu. Et ça va donc être un par un que je vais redépasser les derniers membres du groupe « de tête » que je voyais au loin sur le plat....ainsi que mon coureur obstiné. C'est un peu un test, déjà : je sollicite les cuisses et ça répond en mode marche "Uruk-Haï", mains sur les cuisses (merci à Baboon du Mordor pour l'image, je m'en resservirai).
J'ai donc bien chaud en arrivant en haut ! Pourtant, je suis en mode minimaliste : un tee-shirt, des manchettes, et ma fidèle chasuble coupe-vent réfléchissante orange, qui a fait tous les LPF. Par 3 ou 4°C, c'est idéal.
La descente vers Moulins Chérier est l'occasion du deuxième test : foulée minimaliste « de Beaux », rasante, rythme de foulée élevée, minimiser les chocs, mais garder le corps vers l'avant (merci PhiPhi), ça descend à près de 13 à l'heure : vavavoum....
Le ravito de Moulins Chérier sera à peu près aussi zappé que le premier, si ce n'est pour le coup de tampon obligatoire. Résultat : me voilà encore un peu plus seul à repartir à l'assaut de l'assez longue montée de 3km vers les hauteurs de Fontpot (presque 900m d'altitude). Une fois passé le coureur reparti avant moi, la vue devant est déconcertante : personne de chez personne. Je commence à me demander combien de coureurs sont devant moi. Sûrement plus beaucoup !
Moulins-Chérier (km 15) a été passé en 1h37 pour 1h39 prévues. Un métronome...:-). Mais je ne le sais pas, vu que je n'ai pas de roadbook avec moi.
Incident pendant cette montée : plus d'eau n'arrive de la poche à eau. Je dois donc démonter celle-ci pour en ré-encliqueter le tuyau d'aspiration. Et, surprise....5 ou 6 coureurs me dépassent pendant ce temps puis juste après, tous trottinant obstinément dans cette côte avec une efficacité....plutôt douteuse pour moi. C'est tentant de « me défendre », le compétiteur en moi est toujours là, mais je me raisonne. C'est moi qui ai raison : ils vont forcément se cramer, surtout que ce ne sont clairement pas des coureurs d'un bien meilleur niveau que moi.
Donc, sagissime, le bubulle dans cette montée. Sagissime aussi, sur les petites routes de plateau qui suivent : nous sommes tous égrenés à quelques dizaines de mètres les uns des autres à peu près à la même vitesse.
Un grand feu dans une brouette, une maison sur le côté, voici le ravito « comme chez soi » de Fontpot : mis en place et tenu...par les habitants de la maison, visiblement. Charmants, prévenants....et toujours aussi surpris que les autres que je ne souhaite pas vraiment boire grand chose et que je picore juste 1 ou 2 bouts de trucs ça et là.
Encore quelque temps passé, cependant, pour encore remettre ce fichu tuyau de poche à eau. Heureusement, ce sera la dernière fois. Fontpot est donc passé en 2h20 pour 2h10 prévues. Mon roadbook est un peu optimiste sur les parties montantes, je le vois a posteriori.
Encore un peu de « plat » puis c'est la dégringolade vers St-Just en Chevalet : près de 300D- en 3km sur une route bitumée. 10% de pente négative, ça tape sévère. Et moi....j'envoie le steack. Et je réavale tout le groupe qui m'avait passé dans la côte. Quand je vous dis que ça ne sert à rien de courir....dans les montées !
Franchement, 13 à l'heure au 25ème kilomètre, est-ce vraiment raisonnable ? Mais, du coup, me voici à St-Just en Chevalet (km 25) en 2h48 poru 2h43 prévues. Certes, je quasi-zappe encore le ravito, mais je commence à me dire que ça tourne vraiment bien tout ça...et je repars plein de confiance.
Tout seul.
Mais alors, tout seul de chez tout seul. Le village est désert. La route (pourtant une départementale bien large) est déserte. Le silence est total, je n'entends que mes pas sur le bitume. Malgré l'expérience du Puy-Firminy, j'ai rarement eu cette sensation étonnante.
Le plus marrant, c'est de me dire qu'à 50 bornes de là, à tout casser à vol d'oiseau, au même moment, c'est la procession entre Sainte-Catherine et St-Genou, la foire d'empoigne aux ravitos pour attraper un bout de....ce qu'on trouve. Et moi, là, j'avais 10 bénévoles pour moi tout seul, pour me donner mon bout de fromage et mon carré de chocolat.
Bon, allez, ce sont 10 kilomètres de montée vers le Col Saint-Thomas qui m'attendent, avec juste un petit kilomètre de descente au milieu. Je sais que ce n'est pas le moment, encore, de trop forcer : on est à peine à la moitié de la course, et il sera bien temps d'envoyer plus loin, après le col, sur une section globalement plus descendante.
Donc, encore et toujours, sur cette pente à 4-5%, je vais marcher. Façon Uruk-Haï, bien sûr.
Au bout d'un kilomètre, en me retournant, j'aperçois deux frontales qui tressautent, environ 300-400m derrière. Je ne suis pas tout seul et, apparemment, ces coureurs....courent. Eh bien, cela va me faire un challenge que de me faire rattraper le plus tard possible, alors, voilà une motivation bien trouvée.
D'autant que la petite descente intermédiaire est l'occasion de remettre de la distance, visiblement, car je suis toujours aussi en jambes sur ce terrain. Et d'autant que le début de la remontée vers le Saint-Thomas est un peu moins raide, ce qui me permet de courir partiellement, en faisant des pauses de marche dès que la pente s'élève.
C'est le moment de mini-challenges : « allez, je cours jusqu'à la hauteur du panneau, là-bas », « hop, je marche, mais je recours au début de la maison qu'on va longer ». Et ainsi de suite....
Les coureurs derrière continuent à se rapprocher très très progressivement et c'est finalement à l'occasion d'un arrêt « technique » que le premier me dépasse. Les suivants (ils sont en fait deux) restent légèrement derrière et les positions ne bougent plus car la pente devient plus raide sur la fin et tout le monde marche. Je suis même presque revenu à hauteur du premier quand le ravito du col se présente, avec son feu de branches traditionnel.
Et donc, je peux saluer les bénévoles du Col Saint-Thomas, qui n'ont pas chaud. En effet, la température a bien baissé et, dans la montée, la chaussée était curieusement brillante....
Col Saint-Thomas, km 34, 4 heures pile. J'ai 13 minutes de retard sur le roadbook. Il se confirme que je monte quand même moins vite que prévu : le roadbook tablait sur un peu plus de course en côtes, mais ma décision de ne pas me griller sur la première moitié de course (qui concentre la majorité des grosses difficultés) a tempéré cela.
Une fois de plus, je grapille un ou deux bouts de fromage, un bout de chocolat, et je ne m'éternise pas. Juste, bien sûr, le grand merci aux bénévoles bien que je n'honore pas leur proposition de m'abreuver. Cela après le « Bonsoir » de rigueur, qui est en fait un peu décalé à 4h du matin, mais je ne sais pas vous....moi je dis toujours « Bonsoir » pendant la nuit, sur les trails de nuit. Genre « je ne me suis pas encore couché, donc c'est le soir ».
Bref. Je suis tout seul.
Eh oui, arrêt éclair veut dire « semer les poursuivants ». Je repars dans la descente tel le Loup Solitaire. A fond les manettes, mais tout seul de chez tout seul. Les Mafate résonnent dans la nuit étoilée, je trace en coupant les virages, je n'ai toujours croisé qu'une voiture depuis 10 kilomètres.
TOUTE la descente vers Chabreloche, je serai tout seul. Les autres sont tellement loin que je ne vois aucune frontale derrière. Et, devant ? Rien. Dans les deux lignes droites de 1km, le désert absolu devant. Pas de coureurs. Pas de voitures. Pas d'animaux. Un sentiment totalement impressionnant, à 4h du matin, qu'il n'y a pas âme qui vive. Pourtant, on n'est pas au fond d'une vallée alpine : on est à 700_800m d'altitude dans les Bois Noirs, il y a des villages partout, les routes sont parfois éclairées, mais il n'y a PER-SO-NNE.
Par contre, surpris au début de la descente : des plaques de verglas. Celle-là, je ne m'y attendais pas, mais à 2 ou 3 reprises, ouiiiiiissshhhhhhh, je pars en glissade. C'est que la température a fortement baissé, les voitures sont couvertes de givre. Visiblement, une nuit plus claire que prévu nous donne des températures bien plus basses que prévu (je les estime à -3°C ou -4°C).
Mais comme je fonce un peu, je ne me refroidis guère. Le tout est avalé à près de 12 à l'heure...et je suis à Chabreloche à 4h27 : toujours un peu moins de 1/4h de retard sur le roadbook. Décidément, il était optimiste, celui-là !
Au ravito.....bin, personne. Je croise juste un coureur qui en repart, et le salue. Un coup de tampon, une ou deux phrases échangées avec les bénévoles (qui s'enquiquinent profondément, on dirait)....les grandes tables et chaises alignées donnent un peu l'impression que rien n'est commencé, en fait. Je finis par me demander si qu'lqu'un ne va pas me dire « mais, tiens, vous êtes le premier qu'on voit, Monsieur ».
Non, hein quand même, puisque justement un autre coureur n'est pas très loin devant : celui que j'ai croisé en arrivant. Cela tombe bien, d'ailleurs car il est 200m devant moi et il va me servir de lièvre à distance sur les 3km le long de l'ex RN89. Ils ne me passionnent pas à l'avance, ceux-là, car je m'attends à un peu de trafic automobile, donc à devoir être vigilant sur la visibilité : j'allume d'ailleurs ma lampe rouge arrière pour l'occasion. On ne doit pas me louper car je vois des reflets de son clignotement dans mes verres de lunettes.
Ces 3 kilomètres de RN89 passent assez vite : c'est un faux plat descendant, donc on peut dérouler assez bien et je ne m'en prive pas, entre 10 et 11km/h, pas si mal au bout de 42km d'une course très roulante.
L'écart avec mon coureur devant a un tout petit peu grandi. A l'arrière, aucun signe de vie. A se demander où sont les 1499 autres coureurs/marcheurs...:-)
Quand on quitte la RN89, c'est ensuite pour une longue partie de petites montagnes russes sur de petites routes et chemins le long de l'autoroute A89.
Dit comme cela, ça ne fait pas très bucolique. Sauf que l'A89 dans la montagne à 4h30 du matin, c'est pas le périphérique Sud à l'heure de pointe. Il y a tellement peu de voitures qu'il faut savoir qu'il y a une autoroute à côté, ne seraient les panneaux indicateurs immenses qui, de temps en temps, se réfléchissent dans ma frontale. Marrant d'éclairer une autoroute avec sa frontale.
Dans ces montagnes russes, mon coureur devant se rapproche tout doucement. Forcément : comme il me sert de lièvre, à chaque côte je cours un tout petit peu plus longtemps que lui au pied....et je relance un tout petit peu plus tôt en haut. Vous n'avez jamais remarqué qu'on fait tous ça sur les courses quand on suit quelqu'un ?
Et du coup, je finis par le rattraper ce qui va nous donner l'occasion d'échanger quelques mots. Il n'est aussi pas mécontent d'avoir un « lièvre » et il me dira après la course que ça l'a quand même bien aidé de ne pas être tout seul sur ce secteur.
C'est quand même le secteur où tout devient dur. Les relances sont incessantes, le relief est très changeant et on a l'impression que ça n'en finit pas, cette partie de montagnes russes légèrement montantes. Bon, je me rappelle que le « col » de l'autoroute est vers 650m d'altitude donc tant qu'on n'a pas atteint cette altitude, ce n'est pas la dernière descente. Le problème c'est qu'à chaque fois qu'on s'en approche....paf on redescend !
Au milieu de tout cela, et à part quelques chemins de terre qui changent un peu du bitume, se trouve le ravito de Bel-Air, au sommet d'un ènième petit raidillon et surtout après une descente totalement verglacée sur une route, où je manque de me flanquer en l'air 2 ou 3 fois. C'est une vraie patinoire, et une route bombée, verglacée, et en descente, combinée avec des Hoka Mafate....eh bien, ça ne le fait pas trop.
Nous arrivons à peu près ensemble au ravito, mon compagnon et moi. Ce sera le ravito où je m'arrête le plus longtemps : à peu près 2 minutes...:-). Juste le temps en fait d'échanger quelques mots avec les 3 bénévoles un peu frigorifiés qui nous disent avoir vu passer vraiment très très peu de monde. En gros, nous serions dans les premiers, quoi.
En gros, il reste une petite dizaine de kilomètres, globalement descendants (du moins quand on atteindra enfin ces fichus 650m d'altitude) et ça tombe bien parce que je commence à avoir les cuisses et les jambes qui chauffent, à courir à ce rythme....
Il faudra encore 2 ou 3 petits coups de cul avant d'enfin apercevoir l'aire de repos de l'autoroute de l'autre côté de celui-ci, de tomber sur la départementale qui descend de St-Rémy à Thiers....et démarrer cette descente.
Et quelle descente, encore ! Elle fait 3,5km pour 150D-. 5%, c'est une pente idéale pour envoyer bien lourd car il se trouve que les jambes acceptent de continuer à suivre. Alors, l'envie d'en finir aidant, je prends la tête de notre duo et je donne le rythme. J'entends derrière moi le pas de mon compagnon, bien synchronisé avec le mien : bam bam bam bam bam bam. Je coupe les virages, je maintiens l'allure, il est toujours là : bam bam bam bam.
Étonnant comme nous sommes synchronisés, je lui fais la remarque. Sauf que.....bin il n'est pas là. Le "bam bam bam bam" c'est ma foulée à moi ! En me retournant, je vois sa frontale au virage au dessus. Le pauvre, je lui ai mis une grosse mine dans cette descente, oups...:-)
Du coup, je ne peux guère que continuer à bambamiser vu que....j'en ai quand même un peu marre de cette descente qui n'en finit pas : je guette un peu la route sur laquelle on doit arriver et qui marquera l'entrée de Thiers (laquelle est une ville tout en long, je suis prévenu).
Bien entendu, cela finit par arriver, me voilà sur la N89, toujours autant dans une solitude totale. On entre dans Thiers : je pourrais courir au milieu de la route que ce serait pareil. Toujours cette sensation étrange d'être seul au monde : on dirait que des extraterrestres, ils seraient venus sur la Terre, ils auraient zapouillé tout le monde, ils m'auraient laissé, moi et l'autre coureur.....et ils n'auraient même pas éteint la lumière en sortant.
Je ne peux même pas faire le coup de la boulangerie qui ouvre : c'est trop tôt ! Par contre, c'est long comme un jour sans pain (normal, y'a pas de boulangerie), ce bled. Et que je tourne, et que je retourne, et que je monte un petit coup, et que je redescends, et qu'il n'y a personne, et que j'en ai marre, et que tiens la gare, et que une grosse descente, et que ça pique quand même les cuisses, freiiiiiiine, et que......UN GYMNASE ÉCLAIRÉ. Ouéééééééé.
Une grande banderole "Arrivée", mais......personne. La banderole est à côté d'une piscine où....il n'y a personne. C'est où l'arrivée de pour de vrai où la foule en délire elle t'applaudit, monsieur ?
Ah, tiens, une vague porte sur l'arrière du gymnase d'à côté, qui est éclairé, allons nous renseigner....
« Clap, clap, clap » font......une petite dizaine de mains. Ah bin c'était là, tiens. La porte, en fait, c'est la ligne d'arrivée. Il y a effectivement 5 ou 6 secouristes, une table de bénévoles, de grandes tables alignées au milieu de la salle avec.....personne.
Ah si, en fait, un grand gaillard qui ressemble à un coureur, tiens et qui dit « bravo ». Ah bin c'était ça l'arrivée, en fait....:-).
Et si je regardais la montre, au fait ? 6h22, yahouuuuuuu, j'ai quasiment tenu mon objectif le plus optimiste. Trop content. Parce qu'il était quand même vraiment optimiste, cet objectif de 6h15, surtout deux semaines après la petite ballade en Haute-Loire....:-)
Surprise bis : le grand gaillard qui ressemble à un coureur...et qui en est un...et pas n'importe lequel vu que c'est le premier arrivé (dont je ne saurai jamais le nom), en 4h57....il m'annonce que je dois être le 8ème arrivé. Ah bin top 10 quand même, tabarnak. Bon, OK, c'est pas la Saintélyon et la densité de coureurs, devant, est tout à fait relative, mais quand même ça me fait mon deuxième top 10 en deux mois, là.
J'en oublierais presque d'aller me faire enregistrer à la table d'arrivée où je passe finalement juste quand arrive mon compagnon depuis Chabreloche qui m'explique la grosse belle mine que je lui ai mis dans la descente et me félicite gentiment...alors que je m'excuse platement de ne pas m'être rendu compte que je le larguais (ça aurait été sympa d'arriver ensemble).
Et, du coup, j'ai mon beau diplôme (où je me fais carroter deux minutes, mais bon, j'ai vraiment pas osé insister) :
Et je peux prouver que je n'ai pas triché :
Dans la famille « vintage », je trouve que ça vaut bien mon petit coureur en balsa du Puy-Firminy, non ?
Et l'autre avantage d'arriver dans les litres, c'est que les douches sont chaudes ! Quel bonheur, surtout en pensant aux amis kikoureurs qui doivent être du côté de Soucieu, là...:-)
Ce qui est un peu moins cool est la légère indigence du ravito d'arrivée : on a "droit" à un café et un croissant et je crois comprendre que le reste....eh bien, c'est payant. Bon, je ne suis pas sûr d'avoir totalement compris et, surtout, à ce moment là, je suis trop vanné pour vraiment chercher. Un bénévole m'a d'ailleurs parlé d'un « lot à retirer » mais je vais finalement oublier. Je ne sais pas si chaque arrivant avait droit à cela ou si c'était pour les premiers arrivants (malgré le côté officiellement non compétitif de l'épreuve) et...je ne le saurai jamais car je pique un somme sur les gradins du gymnase, me réveillant juste au moment où il est annoncé que les cars du retour sont là.
Il ne me reste plus qu'à les rejoindre....et attendre une bonne heure que le premier se remplisse pour enfin revenir sur Roanne (qui est à près de 90km par la route !). Le retour sera long, je m'en veux un peu d'avoir prévu de rentrer via Roanne au lieu de chercher à trouver un transport depuis Thiers. Tant pis.
Au final, que retiens-je de cette course ?
En premier lieu qu'elle n'est vraiment pas organisée comme une course. On le sait en en prenant le départ, mais il faut bien en être conscient. C'est d'abord une marche : il n'y a probablement que 100 ou 200 personnes qui vont courir, sur les 1582 participants (je ne sais pas si ce chiffre inclut ceux qui font seulement une partie du parcours). L'organisation est à l'avenant : c'est une grosse organisation.....très artisanale. Il me manque un peu la chaleur de la salle d'arrivée de LPF : l'arrivée est, je trouve, plus impersonnelle et finalement peu chaleureuse. Cela dit, c'est peut-être dû au fait d'arriver très tôt et de repartir au moment où peut-être pas plus de 100 ou 200 coureurs sont arrivés.
Les ravitaillements sont par contre très accueillants et les bénévoles y sont aux petits soins. Il est vrai qu'à chaque fois, il y avait plus de bénévoles que de coureurs. Très nombreux pour la distance (ils sont espacés pour des marcheurs), cela permet de faire le parcours en étant équipé léger. Attention toutefois à la section Chabreloche-Thiers qui peut paraître longue.
Le bitume.....eh bien, il faut y être prêt ! Roanne-Thiers, c'est un parcours sur route. Les chemins sont très rares et les seuls rencontrés sont des chemins très praticables. Les chaussures de route sont de rigueur.
Le relief n'est pas une sinécure. Les pentes sont plus fortes, je trouve, que sur LPF. Le dénivelé est d'ailleurs un peu plus important (près de 1500m au final), avec un passage au Col Saint-Thomas qui est souvent très « hivernal », plus que cette année. En terme de dénivelé, la première partie est bien plus difficile que la deuxième. Évidemment, dans le sens inverse, cela doit être différent avec, surtout, un plat descendant interminable de 10 kilomètres de Villemontais à Roanne.
Voilà, j'ai bien aimé cette course. Ce n'est pas et ne restera pas ma préférée, mais elle complète très bien le tryptique de ces courses/raids de la région. Difficile de dire si je reviendrai : peut-être pour le 100ème anniversaire ?
8 commentaires
Commentaire de Runphil60 posté le 12-12-2015 à 15:28:15
Beau CR de ..... Rando? Course off? Sans dossard, quoi.
Ta précision permet à tous de se préparer un road book pour les année impaires !
Commentaire de millénium posté le 12-12-2015 à 20:38:24
j'ai fait cette épreuve en 98 (marche) et en 99 (course). A l'époque , les quelques coureurs étaient bien critiqués....Mais cela reste un bon souvenir.
Bravo pour ce top ten , et merci pour ce récit , toujours aussi précis et agréable
Commentaire de snail69 posté le 12-12-2015 à 21:36:32
Bravo et merci Christian pour ce CR qui renforce mon avis d'y participer, mais pas l'année prochaine, car c'est bien une Roanne-Thiers que je veux faire.
Commentaire de coba posté le 12-12-2015 à 22:02:05
Merci pour ce récit. Après avoir fait Roanne Thiers, il ne reste plus qu'a faire Thiers Roanne l'année prochaine.
Commentaire de nicolopremo posté le 13-12-2015 à 13:53:59
Sympa ton CR! L'an prochain si tu viens pas sur la 180, tu fais une 168? ;-) :-)
Commentaire de bubulle posté le 13-12-2015 à 15:45:03
Pas possible l'an prochain : priorité à l'Origole ! C'est pour ça que la 180, l'idée c'est 2017.....et la 147, ce sera pour 2019. La 168, ça tombe toujours des années avec Origole, ça va être difficile.
Commentaire de franck de Brignais posté le 13-12-2015 à 18:22:35
Je la ferai cette.. marche... c'est le pays natal de mon père !... Mais il va falloir que je me prépare à tout ce bitume. Merci pour ton récit, je le ressortirai précieusement en temps et en heure !! Allez Bubulle, un peu de repos maintenant !!
Commentaire de Cyrille posté le 31-12-2015 à 14:12:00
J'étais devant avec un ami (5h59 à mon chrono), nous avions une stratégie différente de la tienne, une vitesse de course plus rapide mais nous trainions plus sur les ravitaillements (27' d'arrêts au total).
Tu as très bien retranscrit l'atmosphère de la course. Personnellement, j'ai beaucoup apprécié le fait d'être seuls ou en tout petit groupe dans la nuit. En revanche, j'ai été surpris et un poil déçu que certains prennent le départ en avance car nous sommes partis au top sous l'arche et juste avant Fompot, je pensais que nous étions 1ers après avoir remontés tout le monde et, du coup, les chronos recensés par l'organisation ne veulent pas dire grand-chose.
C'est malgré tout une "course" à conseiller pour faire un entrainement pas banal.
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