L'auteur : dg2
La course : Marathon Seine-Eure
Date : 20/10/2013
Lieu : Val De Reuil (Eure)
Affichage : 1096 vues
Distance : 42.195km
Matos : Chaussures à bas prix achetées dans un rayon de grande surface.
Objectif : Terminer
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5h10. "Dring", sonne joyeusement le réveil. "Grmpf", répond mon organisme endormi. Une petite caresse à une chérie ensommeillée, et me voilà parti pour la première grande aventure athlétique de ma vie de coureur du dimanche.
Je ne sais plus pourquoi ça m'a pris. La peur de la quarantaine, peut-être. En tout cas, un matin de mars, je suis allé m'acheter des baskets pour courir peut-être six kilomètres en 45 minutes, et constater qu'il y avait du boulot avant que tout ça ne ressemble à quelque chose. Quelques samedi plus tard, je croisais l'Eco Trail du côté de la forêt de Meudon, et apprenais en discutant avec un bénévole que non seulement il y avait des malades qui courraient des marathons, mais que d'autres étaient motivés pour s'enfiler des courses de 80 kilomètres dans la boue. De retour à la maison, un petit coup d'œil sur le site de cette course dont je n'avais jamais entendu parler, et puis la découverte d'un slogan qui en un instant sonne comme une évidence "Pourquoi pas moi ?".
Une première sortie à 13 km (en mai), puis 18 km (deux semaines plus tard), et enfin 21 (début juin). Viennent les vacances, avec plus de temps pour les sorties et des sorties plus longues. Une tentative sur 30 km fin août et c'est décidé, l'Eco Trail de 30 km, je sais déjà faire, tant qu'à s'inscrire à un truc, autant que ce soit un peu nouveau. Je m'inscris donc sur l'Eco Trail de 50 km à la rentrée, ce qui me laisse six moi pour me préparer. Six mois sans repères, c'est long (je cours toujours seul), et ça laisse le temps de gamberger, donc dans l'intervalle, je décide de tenter un marathon, qui doit être : près de Paris, pas cher, pas trop dur, pas trop froid, et avec pas trop de monde (pas assez content de moi pour avoir envie qu'on me voie courir). Après consultations de divers calendriers, ce sera donc Val-de-Reuil, "Le marathon de votre record", me promet-on. De record, je ne vais pas en battre (je n'en ai pas), mais au moins essayer d'en établir. L'objectif est de finir et de voir si tout ceci me plaît vraiment au point de continuer à m'entraîner.
À l'inscription, les organisateurs demandent de préciser le temps envisagé. Que mettre ? Je repense à un vieux sketch des Inconnus qui grimés en journalistes sportifs commentaient un 10 000 m auquel participait un français dont le record était de... 8 500 m. Je peux mettre 35 km, moi ? Non, il faut mettre un temps. Bon, on faisant une bête règle de trois à partir de ma première (et unique) sortie à 30 km, en diminuant l'allure car 42 km c'est quand même plus long et en augmentant un peu car pas d'eau à transporter et température d'octobre a priori plus propice que le mois d'août à la performance, je mets la barre à 4h40, sans avoir la moindre idée du réalisme de la chose. Il faut bien se jeter à l'eau. Je découvre alors qu'il existe des tas de conseils pour les débutants désireux de se frotter au marathon et que ma préparation est, comment dire, un peu expérimentale, pour ne pas dire complètement foireuse : pas assez de volume d'entraînement, pas assez de sorties longues, pas de fractionné. L'euphorie de l'inscription retombe assez vite, et la perspective de s'être lancé (comme souvent) dans un projet irréaliste devient tangible.
Retour à ce dimanche matin. Cela fait sept mois que je cours épisodiquement, pour un total de plus de 500 km. Pour moi, c'est énorme, mais pour un vrai coureur, ce doit être un peu ridicule. Dehors, le temps est pluvieux. Fichue météo qui ne prévoyait pas de pluie avant 9h00 ! Je décide qu'il n'est pas utile de partir trop tôt et d'attendre là-bas sous la pluie. Je décale donc mon départ de 20 minutes, à 6h30, fier de ma stratégie... qui se heurte vite au mur de la réalité, matérialisé par un bouchon sur l'A13 à cause d'une voiture en feu. Les minutes et les camions de pompiers passent, et la perspective de rater la dernière navette à Val-de-Reuil pour le départ du marathon se précise peu à peu. La circulation est finalement rétablie, et après une conduite nerveuse (mais règlementaire), arrivée à Val-de-Reuil à huit heure pile sous une pluie assez violente. Je me perds dans la ville en raison des restrictions de circulation et trouve finalement une place sous des trombes d'eau au milieu de coureurs aussi perplexes que moi quant à l'opportunité de sortir par un temps pareil. J'avise une coureuse avec un poncho : "Le retrait des dossards, c'est où ?". "Ouhla, dépêchez vous, c'est pas à côté, et le dernier départ de navettes est dans moins de 15 minutes". Moi qui n'étais pas sûr de vouloir m'échauffer longtemps pour ne pas trop laisser de forces (syndrome du gars qui n'est pas sûr de pouvoir finir...), je me lance tête baissée dans un sprint au milieu des flaques d'eau, en me disant que si par miracle je ne rate pas la dernière navette, j'aurai au moins été avisé de garder mes baskets dans mon sac afin de ne pas trop les mouiller avant le départ. Je dois être un des trois derniers à retirer mon dossard auprès d'organisateurs qui ont la bonté de ne pas me reprocher d'être aussi en retard. Retour au pas de course au départ des navettes qui sont encore là : j'ai passé avec 90 secondes d'avance la première barrière horaire de ma vie de coureur (ouf). À côté de tous ces gens qui attendent déjà prêts à en découdre, je ne me sens pas à ma place. Dans le bus, je demande bêtement à mon voisin "C'est comment qu'on accroche le dossard ?" Manifestement, j'ai encore pas mal de choses à apprendre. Par bonheur, il avait des épingles de rechange, moi-même n'ayant pas vu qu'il y en avait au retrait des dossards.
25 minutes plus tard, le bus nous dépose au départ de la course, et miracle de la météo (et de l'organisation, à n'en pas douter), il ne pleut plus et on voit même du ciel bleu. Je remarque que je ne suis pas le seul à être surpris de ce dénouement assez peu imaginable une demi heure plus tôt. Je me prépare rapidement, sous le regard limite bienveillant d'un habitué qui repère mon côté novice et me donne quelques conseils (merci), je dépose mon sac, et l'on annonce l'imminence du départ.
Je me force à marcher encore plus lentement que les autres vers la ligne afin d'être déjà en queue de peloton, et deux minutes après, nous voilà partis. Je sais qu'il ne faut pas se laisser emporter par l'enthousiasme des premiers kilomètres, et me laisse tranquillement doubler par les différents meneurs d'allure. Sur ce marathon, le plus lent est celui des 4h00, horaire qui me semble largement hors de portée. Je m'étais promis cependant de voir si je pourrai le garder en ligne de mire au moins 10 kilomètres, ce qui sera le cas. Dès le quatrième kilomètre, je suis cependant suffisamment loin dans le peloton pour avoir droit à quelques encouragements nominatifs, alors que je me cale sans trop de difficulté sur le meneur d'allure des 4h00 qui est 100 ou 200 m devant moi. Arrive le premier passage de relais des Ekiden, et une (modeste !) victoire : aucun des relayeurs Ekiden, partis un quart d'heure après nous, n'a réussi à me rattraper en 5 km. Victoire cependant de courte durée : j'ai à peine le temps d'y penser que je suis limite décoiffé par le deuxième relayeur de l'équipe de tête qui n'a manifestement pas l'intention de chômer (le premier relayeur lui a transmis le relais au bout de 15m23, soit probablement une minute 30 après que je sois passé aux 5km ; en moins de 500m, il était déjà sur moi...). Les kilomètres suivants ne sont d'ailleurs pas très confortables : l'itinéraire à cet endroit est assez étroit, et les Ekiden, à peu près deux fois plus rapides que des gens comme moi, doivent s'employer à slalomer. J'imagine d'ailleurs que le deuxième relayeur est choisi entre autres pour sa dextérité dans cet exercice.
Mon allure depuis le départ n'a jamais dépassé les 5'40" au kilomètre. C'est largement mieux que ce que j'avais prévu, mais je me sens bien. Je suis par contre perplexe car à ce rythme, je devrais avoir le meneur d'allure des 4h00 vraiment à portée, mais ça n'est pas le cas. Ce sera finalement chose faite peu après le 10e kilomètre. Je suis tenté de faire la jonction avec son groupe, 30 mètres plus loin, mais cela ne me semble pas raisonnable.
Vers le treizième kilomètre, nous arrivons, par une facétie probable de l'organisation, au quartier de la Fringale. Ca va très bien pour moi, merci, mais j'en profite pour m'alimenter. Pendant ce temps, le meneur d'allure des 4h00 s'éloigne de moi, sans que je comprenne pourquoi puisque mon allure à moi n'a pas changé, et a priori, un meneur d'allure, ça doit avoir une allure constante, non ? Je passe pas mal de temps à me demander pourquoi le meneur d'allure est si loin devant, si je m'alimente bien, si je ne vais pas avoir de crampes, bref, des pensées pas forcément positives, fort heureusement compensées par les encouragements du public régulièrement présent sur les bords de la route en cet endroit assez urbain. Nous avons même droit à des klaxons d'encouragement de la part de routiers quand vers le 18e km, nous empruntons un chemin qui longe une voie de grande circulation.
Un marathon, c'est long, alors on s'occupe l'esprit comme on peut. Je jauge le style de course de mes voisins, et trouve qu'ils ne sont pas tous très élégants à voir courir, surtout ceux qui (comme moi) gagneraient à perdre quelques kilos. Je m'imagine un dialogue surréaliste : "Excusez-moi, M'sieur, vous pouvez me dire si vous pesez plus de 75 kg ? C'est juste pour savoir si j'ai l'air aussi pataud que vous."
Peu avant le 20e kilomètre, arrive la grande difficulté de la course (on ne rit pas) : la montée sur les ponts qui enjambent l'Eure et un canal adjacent, avec un dénivelé d'au moins 15 mètres (pour ceux qui ne le savent pas, le marathon de Val-de-Reuil se vante d'avoir un dénivelé cumulé extrêmement faible de 37m en tout ; difficile de faire plus plat). C'est évidemment totalement ridicule, et je suis surpris de voir mes compagnons du moment ralentir, voire, pour certains, marcher. Conscient que l'occasion de doubler cinq personnes d'un coup ne se représentera guère, j'en profite pour placer une accélération modérément fulgurante qui les cloue sur place (du moins, je me narcissise en me disant que c'est le cas) et j'en remets une couche lors du pont suivant (qui passe par dessus la voie rapide susmentionnée). Nous approchons de la mi-course, et aux 20 kilomètres, je suis toujours en moins de 6 minutes au kilomètres. Incroyable. Le passage au semi me permet de m'assurer que l'allure indiquée par ma montre est correcte : je passe en 2h01 ou 2h02. Mais je suis toujours perplexe : je m'imagine que le meneur d'allure devrait, lui, être passé en 2h00 pile, or il me semble largement plus de 200m d'avance sur moi. En réalité, c'est surtout moi qui ai du mal à évaluer les distances, mais surtout le fait est que ladite distance va bientôt augmenter très vite : le passage au semi avec ce qui est un très bon temps pour moi signe aussi le moment où mon allure baisse. Elle dépasse rapidement les 6 minutes au kilomètre, puis les 6'20" peu après : je sais que j'ai mangé mon pain blanc. Je continue à m'alimenter régulièrement mais il y a clairement moins d'essence dans le moteur. En prime, ce moment correspond au passage le moins agréable du parcours qui traverse alors une vague zone industrielle sans âme, sur un revêtement avec pas mal de petits cailloux. L'un d'eux prend un malin plaisir à se glisser derrière mon talon, et je m'agace à l'idée de devoir m'arrêter pour l'enlever.
C'est aussi le moment où je rattrape plusieurs coureurs en difficulté, dont un gars apparemment expérimenté qui se désespère à l'idée de devoir abandonner son premier marathon en 10 ans de pratique. Je bredouille deux trois trucs pour le remonter le moral (sans grand succès), et il doit à nouveau se mettre à marcher. De mon côté, mon allure se dégrade toujours lentement mais sûrement. La dernière personne que j'avais doublée sur le pont me dépasse au 26e kilomètre. J'en déduis qu'au niveau qui est le mien, il est inutile de poser une mine à plus de 6 km de l'arrivée, cela ne sert à rien. Les kilomètres défilent lentement, combinaison de la cruelle réalité chronométrique et du paysage pas très folichon à ce moment, que les organisateurs ont toutefois égayé par diverses pancartes d'encouragement. Mais cela ne change guère mon quotidien. D'ailleurs, je peste même contre l'une d'elle qui je trouve à côté de la plaque : "Vis ce moment intensément", tu parles, j'aimerais bien, moi, mais je le vis surtout lentement, c'est ça n'est pas très intense au final ! Vient enfin le 30e kilomètre, où ma montre indique 3 heures de course. Petit moment de joie intérieure : je sais que je vais finir et que même si j'alterne marche et course lente, je finirai en moins de 5 heures. Reste que je n'ai pas envie de marcher et que je suis inquiet à l'idée que mon allure soit encore plus lente que les 7' au kilomètre que je fais désormais, certes sans forcer, mais sans pouvoir faire mieux. De mon expérience, à chaque sortie longue où j'ai augmenté ma distance, je finissais dans des eaux comparables, 7' à 7'10" au kilomètre. Il va falloir faire ça, et le faire pendant 12 kilomètres : c'est pas gagné. Au ravitaillement du 30e kilomètre, de plus en plus de gens s'arrêtent pour s'alimenter tranquillement. Je les double, mais il me dépassent quand il repartent.
À défaut d'être plus rapide qu'eux, je serai au moins plus régulier. Je vais ainsi faire le yoyo avec quelques dizaines de coureurs jusqu'à la fin de la course. Peu après, arrive le lieu du quatrième relais Ekiden. Le précédent relais était au 20e kilomètre, et j'avais l'impression qu'il y avait plus de relayeurs qui attendaient leur équipiers que d'équipiers qui avaient fini. Ici, c'est clairement le contraire. C'est évidemment logique, mais le nombre très élevé d'Ekiden qui ont dû me rattraper quand je ralentissais inexorablement me déprime un peu. Je me mets à espérer que le dernier Ekiden ne m'aura pas rattrapé avant le dernier relais, mais concrètement, je ne maîtrise plus vraiment grand chose. En étant un peu plus lucide, j'aurai plutôt dû conclure que mon impression d'être plus souvient doublé que doubleur était biaisée par les Ekiden. En réalité, mon classement parmi les finishers entre le semi et l'arrivée va avoir tendance à s'améliorer.
Dans le même temps, je vois sur ma gauche une étendue d'eau qui me paraît très grande, ce qui n'aide pas au moral : je sais que le parcours boucle autour de cette immensité (au nom fort joli au demeurant : le lac des Deux Amants) avant de rejoindre l'arrivée. Même si la logique arithmétique me dit que j'aurai quoi qu'il arrive fini dans moins de deux heures voire une heure et demi, cela paraît sur l'instant vraiment très loin. Je me console comme je peux en voyant l'allure de plus en plus chaotique de mes proches voisins. Un vieil allemand emprunte les bas côté car apparemment il ne peut plus courir sur une surface dure (il finira, mais en plus de cinq heures). Peu après, un jeune gît par terre foudroyé par une crampe. Ça devient la cours des miracles. Peu après la borne indiquant que nous franchissons le 33e km, je rattrape un marcheur qui marmonne en se remettant à courir à mes côtés. "J'ai les deux mollets et un genou en vrac, c'est galère", me dit-il. "Vous pouvez essayer de marcher sur les mains quelques temps, au pire". Silence. Manifestement ma tentative de trait d'humour tombe complètement à plat. J'essaie donc de rationaliser "Bon, il reste 9 km et on est à 7' au kilomètre. Donc dans 1h03 on y est." Re-silence. "Non, 1h02", me dit-il. Je réponds : "Mmm, il me semble que c'est 1h03". Re-re-silence, de trente secondes cette fois. "Non, 1h13", dit-il finalement, un peu hésitant. J'essaie de le rassurer "Non, 1h03. Enfin, plus que 1h02 même, maintenant". "Ouais, en tout cas, ça se joue au mental", dit-il en se remettant à marcher. Je conclus de cet épisode qu'il n'est pas besoin de faire un trail de cent quarante douze kilomètres de long et 25 Tour Eiffel de dénivelé pour croiser des gens pas clairs sur la fin. Mais je ne m'inquiète pas outre mesure pour ce monsieur, que je crois déjà avoir rattrapé plusieurs fois quand il marchait et qui a donc dû me dépasser tout autant de fois.
Et puis conformément aux dires des organisateurs, cette section qui borde la Seine est très jolie. "Une traversée de canards n'est pas exclure", précisent-ils d'ailleurs, mais j'avoue que j'ai surtout peur de subir l'humiliation me faire doubler par un gallinacé véloce si j'en rencontre un, tellement j'ai l'impression de me traîner. Me sentant malgré tout un peu mieux et sachant que l'arrivée est pour dans moins d'une heure, je trouve la course plus agréable (ou moins désagréable, je ne sais pas) au ravitaillement du 35e kilomètre qui arrive point nommé. Je compatis en voyant une coureuse contrainte de faire appel au kiné. Son compagnon, qui court avec elle, n'a pas l'air très rassuré à la perspective de devoir abandonner si près du but. Je me souviens aussi avoir trouvé ce kilomètre étonnamment court, sans doute parce que j'ai imaginé à tort que le ravitaillement était exactement au 35e alors qu'il devait être deux ou trois centaines de mètres après. Les encouragements se font plus rares (il est tard, les gens sont partis manger), mais j'ai, à ma grande surprise, droit à un "Allez, c'est bien, il y a encore de l'allure !" quand je double deux marcheurs en passant devant un bénévole encore motivé dont j'ignore s'il a été franc mais qui m'aura au moins redonné un peu le moral.
Au 39e, je rattrape la coureuse que j'avais doublé sur le pont au 20e et qui m'avait rattrapé au 26e. Elle est désormais en mode marche. Je lui lance un petit encouragement, mais manifestement je ne suis pas le premier et ça l'agace assez d'être contrainte de marcher. Je regarde ma montre : mon allure n'a quasiment pas varié depuis que j'ai atteint les 7'05"-7'10" au kilomètre. Je sais à la minute près quand je vais arriver. Au 40e, on commence à entendre le son du haut parleur à l'arrivée. Enfin ! Je sais qu'il y a un pont à droite, puis qu'on voit l'arrivée, mais qu'il faut faire le tour d'un pâté de maison avant de franchir la ligne. Je ne me déconcentre donc pas au moment où je franchis ce fichu pont (dont je soupçonne cependant les organisateurs de l'avoir déplacé de 500m pendant la nuit juste pour nous rallonger le parcours) et j'aborde le dernier kilomètre. De nombreux primo marathoniens dont j'avais lu le récit parlaient de grande émotion à ce moment là. À titre personnel, cela ne me fait ni chaud ni froid. Je suis un peu las de la dernière heure de course un poil monotone et trouve qu'il est grand temps que tout cela s'arrête. Avant le départ, je me demandais dans quel état j'arriverai (si j'arrivais au bout). Réponse : suffisamment correct pour ne pas avoir marché, mais suffisamment fatigué pour être incapable d'accélérer un temps soit peu sur les 500 derniers mètres.
Je rattrape une ou deux personnes et me fais doubler coup sur coup par la marcheuse du 39e et l'éphémère compagnon du 33e qui n'aimait pas le calcul mental : il a dû forcer l'allure pour essayer de finir en 1h02 et pas 1h03, j'en suis sûr. Jusqu'au dernier tournant, le public est assez peu nombreux : il est 13h30 passée, et manifestement ceux qui étaient là pour accueillir les meilleurs sont partis manger. Je les comprends, et je me dis qu'il faudrait faire une autre suggestion de pancarte pour les organisateurs : "Si tu veux des encouragements à l'arrivée, finis en moins de 4h00". Un dernier tournant, où enfin il y a du monde (merci de m'avoir attendu !), et voilà l'arrivée, au bout de 4h25 ou 4h26. C'est près d'un quart d'heure de mieux que ce que j'avais indiqué à l'inscription, mais cela correspond aussi à ma progression dans l'intervalle : le fractionné a du bon, même sur trois semaines à peine. Les sentiments à l'arrivée sont mitigés. J'ai réalisé sans doute un peu trop tôt dans la course que j'allais sûrement finir, ce qui a, en un sens, un peu fait tomber l'intensité du franchissement de la ligne.
Je prends le temps de regarder l'état de mes compagnons d'infortune déjà arrivés et de voir si ceux que j'ai doublés sont finalement arrivés. Le couple arrêté au 35e franchit finalement la ligne (main dans la main, ça a dû leur faire une belle photo), tout comme d'autres éclopés. Certains sont trop fatigués pour exprimer quoi que ce soit, d'autres, sans doute aussi fatigués sont radieux. Curieusement, je suis plus content pour eux que pour moi. Peut-être l'effet de la fatigue, mais ce sentiment un peu mitigé perdurera dans les jours qui suivent.
Je devrais sans doute garder à l'esprit d'avoir réussi à terminer plus vite que je ne pensais, et ce sans jamais avoir marché ou excessivement souffert. Je devrais aussi me dire que la journée a été fort bien gérée par une organisation irréprochable (à l'exception insignifiante de la pénurie d'éponges au 17e km). Je devrais me répéter que j'ai réussi quelque chose qui une grande partie de ma vie durant m'apparaissait comme, sinon inaccessible, extrêmement difficile. Mais en même temps, j'ai aussi concrètement touché du doigt le fait que le travail que j'ai fait pour devenir finisher reste insignifiant par rapport à celui à produire pour, par exemple, finir en 3h30. Disons que je ne suis plus un coureur du dimanche, mais un marathonien du dimanche. Ce n'est pas aussi extraordinaire que ça, mais c'est toujours mieux que rien.
10 commentaires
Commentaire de Benman posté le 30-10-2013 à 04:39:11
Ouh que c'est bon de lire cela. On a tous eu une première fois dans tout.
Celle là est magnifiquement racontée avec beaucoup d'humour. sans besoin de faire un calcul mental délirant, il est probable que tes temps n'en restent pas là pour passer de modeste (c'est toi qui le dit) marathonien du dimanche à un habitué des progressions régulières.
Ce sport nous apporte beaucoup de joie, et tu racontes très bien comment la joie peut aussi être de voir les autres heureux. J'ai souvent eu des frissons à l'arrivée de coureurs qui visiblement avaient tout donné et vivaient un moment de plénitude.
Longue vie dans ce sport! Bon écotrail. Et braaaaaavoooo.
Commentaire de Berty09 posté le 30-10-2013 à 09:52:21
Ca fait plaisir de voir quelqu'un faire les mêmes erreurs qu'on a tous fait. L'accélération sur les ponts du 20ème par exemple... Tu as l'air déçu à la fin de ne pas connaitre l'immense joie d'avoir accompli ton marathon. Je crois surtout que tu es conscient de ne pas être allé tutoyer tes limites. Cela viendra j'espère si tu continues sur ce chemin. En attendant tu viens déjà de faire un sacré bon en avant en vivant cette première...qui en appelle d'autres. Vive la course à pied et bonne continuation.
Commentaire de bubulle posté le 30-10-2013 à 11:40:14
Sympa de voir un récit de premier marathon sur ce marathon Seine-Eure qui me tient à coeur (j'y serai probablement à nouveau l'an prochain). Je suis content que tu l'aies bien apprécié (enfin, on dirait) et que la pluie du début vous ait laissé tranquilles.
Mon premier marathon était en 4h12. 4 ans et demi après, je viens de passer ces 3h30 dont tu parles à la fin de ton CR. Donc, ce qui paraît être la lune est.....en fait à ta portée.
Intéressant prochaine challenge que l'Ecotrail 50 (qui fut mon premier ultra). Le challenge est, là, nettement différent puisque, comme (et encore plus que) sur un marathon,il faut y apprendre à ne pas partir trop vite : "si je me sens bien, c'est que je vais trop vite" sera ton mantra..:-)
Commentaire de dg2 posté le 30-10-2013 à 12:15:02
Pour être franc, votre CR de l'an dernier a contribué à me faire choisir ce marathon-ci plutôt que celui du Mans, que j'avais coché sur ma liste, et la mention des 3h30 est elle aussi tiré de vos récits forts agréables à lire.
Commentaire de francois 91410 posté le 30-10-2013 à 22:29:57
Le principal dans l'histoire c'est de toujours faire ça pour le plaisir, dans l'action (?) ou en différé. Le plaisir et la fierté - légitime - à terminer ce genre de course mythique et porteuse de tant de symboles à titre strictement personnel mais aussi pour son entourage. Pour se donner le maximum de chances de réussir, le fractionné est en effet indispensable, le travail du mental l'est également car quand les jambes sont moyennes la tête peut compenser ...
Bravo donc d'avoir réussi cette première, qui en appelle d'autres forcément !
Commentaire de scrouss posté le 10-05-2014 à 11:50:10
Merci pour ce CR très amusant à lire. Je crois que je vais choisir cette épreuve pour mon deuxième marathon. J'ai maintenant un record à battre et 10 ans de plus...bon courage pour la suite.
Commentaire de scrouss posté le 10-05-2014 à 11:54:07
Merci pour ce CR très amusant à lire. Je crois que je vais choisir cette épreuve pour mon deuxième marathon. J'ai maintenant un record à battre et 10 ans de plus...bon courage pour la suite.
Commentaire de dg2 posté le 10-05-2014 à 13:59:57
Mon conseil personnel au sujet de ce marathon : rester sagement avec un groupe ou un meneur d'allure pendant les km 25 à 30. On se trouve alors sur une portion certes plate, mais un peu déserte et très exposée au vent, et cela peut être usant quand on est seul. (Du reste, les organisateurs agrémentent cette portion de panneaux d'encouragements, ce n'est pas un hasard.) Au-delà du km 30, lors du tour autour du lac des deux amants, on se retrouve dans un endroit à la fois joli et plus protégé.
Sinon, ce marathon est plus plat que celui de Sénart, et effectivement plus propice à une bonne performance. Le seul bémol que je vois est que les gens qui le font en Ekiden partent un quart d'heure après nous, et que l'on finit toujours par se faire rattraper par des relayeurs plus frais que nous. Cela peut peut-être un peu déstabilisant.
Commentaire de scrouss posté le 22-05-2014 à 18:25:20
Merci pour le conseil tactique. C'est bon à savoir et ça me donner bien envie.
Commentaire de scrouss posté le 19-09-2014 à 23:11:23
C'est confirmé, j'y vais. 3h30 à Sénart. On verra pour celui-là !
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