L'auteur : BigPiou
La course : 80 km du Mont-Blanc
Date : 28/6/2013
Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)
Affichage : 3841 vues
Distance : 85km
Matos : Mizuno Wave Carbrakan
Leki Traveller
Active Shell Gore Tex Salomon
Garmin 310 XT (il m'en a fallu 2...)
Objectif : Terminer
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Ceci est mon premier récit, sorry si c'est un peu long !
Ça a commencé par la promesse d’un gros week-end en famille à Chamonix. « Venez donc pour le week-end du Marathon, on s’inscrit tous a une course quelconque, ça sera une belle fête ». c’est comme ça que je me suis retrouvé inscrit sur un 80km bien dur, en début de saison, avec mon quintal et ma préparation hivernale de marmotte. Prometteur.
Toujours est-il que j’arrive a Chamonix jeudi soir, 21h30, avec Olive, grand maitre du minimalisme et maire du défunt Feelgood Village pour les connaisseurs, qui sans trop connaitre le parcours adhère à fond a l’idée du 80km, mais à condition de le faire en Five Fingers... Une pizza et la fin de nos gourdes de Malto et hop, au lit pour 4h de sommeil.
Vendredi 2h40 – ceremonial Gatosport café jus d’orange Nok habillage. Nous descendons a Chamonix, retirons mon dossard a l’ENSA a 3h30 (fermeture du retrait a 20h la veille, pas top…) et sommes pile poil au depart. Il fait frais, pas froid, et surtout sec. C’est bien nuageux mais il fait nuit jusqu’au Brévent, alors la vue, hein…
Ce 80km (version parcours de repli), c’est 5 « boucles », avec les deux plus dures aux deux extremités. Le plan de course c’est de partir dernier et de jouer les Pacman (la boule qui mange les fantomes...) si la forme le permet. Comme dirait gj4807, « La course commence à Vallorcine (retour) ».
Boucle 1 : Chamonix-Brévent-Vallorcine – 28km, 2100 D+, 1900 D-
Montee jusqu’à Bellachat tout doux, c’est un peu bouché mais ca oblige a rester calme. Cardio calé sous les 145, ca se gère gentiment. Une fois passe Bellachat je m’impatiente un peu : les 2/3 de ce qui reste à faire jusqu’au Brévent sont en neige, et visiblement les gens ne sont pas a l’aise du tout (ca se confirmera). Nous finissons par accélérer et doubler un peu, et passons au Brevent en 2h49. 556eme. Le passage de la brèche puis la descente sur Planpraz sont une vraie gourmandise : face au mont blanc dégagé, intégralement sur la piste de 4x4 couverte de neige bien dure, c’est une séance de ski en chaussures bien ludique.
2 bols de soupe (a 7h du mat’…) a Planpraz et nous repartons pour la Flegere. Olivier change de chaussures tres rapidement : les VFF sur les pistes 4x4 caillouteuses, a la descente ca le fait pas. Il aura vaincu le Brevent enneigé en VFF, quand-même (et sera fier jusqu’à ce qu’on voit un trailer finir le Marathon en VFF le dimanche…).
Le Balcon entre Planpraz et la Flegere...
Apres un ravito leger a la Flegere, nous montons a la Tete aux Vents. Il n’y a que peu de neige a la montée, par contre beaucoup apres, et la descente sur les Cheserys m’éclate. De dalles glissantes en névés transformés en toboggans, c’est technique, c’est fun, et ca fait des écarts. Dans l’excitation je lâche Olivier et finis en trombe la descente sur le col des Montets. Olive me retrouve quasiment au ravito de Vallorcine (il court tres vite sur le roulant…).
Ravito Vallorcine aller – 511eme – 6h30 de course
Boucle 2 : Vallorcine / Vallorcine par le col du Passet et la Loriaz – 16km, D+ 1050, D- 1050m
J’appréhende un peu cette boucle « Barberine ». L’ayant faite en reco la semaine d’avant, je la sais raide, cassante et technique. Apparemment beaucoup s’y casseront les dents, d’autant que, une fois en haut, on est droit en face des Posettes, qui viennent ensuite au menu. Effet sur le moral garanti.
Pour decrire cette boucle « de repli », je dirais : montée courte mais très raide et pas roulante du tout (et encore le névé sommital a fondu depuis la semaine dernière), pas le temps de profiter du lac, traversée très techniques entre petites arêtes rocheuses et champs de neige résiduels (a 300m de large c’est plus un névé, hein) et descente super rapide et roulante depuis la Loriaz.
Avec Olivier au col du Passet.
Pendant la montée j’ai un gros coup de moins bien. Je me dis que c’est encore loin, Chamonix, et qu’après tout ma préparation de dilettante et mon gabarit de descendeur alpin en méforme pourraient bien avoir le dernier mot cette fois-ci. Mais de toute façon, il faut rentrer jusqu’à Argentière, donc je ré-éteins le cerveau et me concentre sur le fait d’arriver à Vallorcine retour avec dans les jambes de quoi faire les Posettes. Je sais aussi que le plus dur moralement, c’est souvent entre le tiers et la mi-course, et qu’il suffit de s’accrocher. Je lis quelques sms de soutien qui font du bien mais résiste à griller mes cartouches « coup de fil ». Et puis j’ai Olivier, qui monte mieux que moi mais que je garde en ligne de mire, que je rejoins au col avant de le distancer dans le technique. Je recevrai un sms a la Loriaz me disant de ne plus l’attendre. Trop d’ambiance montagne pour mon coéquipier. Seul au 35eme km c’était pas dans le plan de course, ca…
Au Passet, 8h de course, 492eme.
La traversée Emosson Loriaz (prise le 22 juin, mais ca a peu changé en 6 jours...)
Apres avoir pris quelques places dans le plat (les gens n’aiment vraiment pas…), je m’eclate dans la descente roulante. Une fois arrivé a Vallorcine, on nous fait faire un petit tour le long de la riviere qui m’intrigue d’autant plus que mon GPS me dit déjà 43km alors que Vallorcine retour est censé être au 40eme… Je m’alimente, vérifie l’état de la machine (il reste 40km et 2800m quand-même…), et avise une podo Akileine qui m’offre ses services. Et me voilà a me faire « noker » les pieds par une charmante jeune fille d’une douceur infinie, après 40km de course. Merci (et désolé…) !
Départ du ravito Vallorcine retour – 10h20 de course – la borne me « rate », donc pas de classement
Boucle 3 : Posettes - Argentiere – 14km, D+ 1000m, D- 1000m
Et me voilà reparti dans les Posettes, maintenant seul. La course commence. J’emboite la foulée de Yannick, mon premier finisher UTMB de la journée, avec qui nous grimpons au train, en passant un peu de monde, jusqu’au col. Il me dit ne pas pouvoir attaquer dans les descentes a cause d’un problème de bassin, donc quand il s’arrête sous le col pour mettre son gore-tex, je decolle et ne le reverrai pas. Je passe au col en 1h20 pour 740m de D+. Merci Yannick ! L’arete des Posettes, a chaque fois elle me semble plus longue que prevu. Par contre la vue et la descente tiennent toujours toutes leurs promesses. Je grignote quelques places, d’autant que je sais maintenant que la famille m’attend à Argentiere. J’y arrive encore frais, avec un moral au beau fixe. Mon père, qui s’était fait un sang d’encre car le suivi de passage n’avait fonctionné ni à Vallorcine ni aux Posettes, est bien content de me voir en chair et en os. Je me laisse porter et aider par la famille au ravito, et je repars en pilote automatique.
Argentière – 380eme – 13h40 de course
Boucle 4 – Argentiere - Trapette Plan Joran Lavancher Les Bois – 11km, D+ 700m, D- 850m
C’est la boucle rajoutée pour compenser l’écrêtage des boucles 2 et 5. Rapide, roulante mais raide, pas trop longue.
Ca fait 13h40 que je suis parti, j’ai rattrapé le retard sur mon tableau de marche. J’évite de m’emballer, il reste quand-meme plus de 20km et quasiment 2000m de D+, mais ça commence a sentir bon. Je passe 2 coups de fil pendant les 10 minutes de liaison, dont un a maitre gj4807 qui me dit dans sa grande sagesse « maintenant ca va rentrer, alors fais toi plaiz ». Je note et j’arrive au pied de la Trapette.
La Trapette, je connais un peu, mais plutôt en hiver. 1h10 de montée pour 700m, je reste sur le même rythme en suivant Christelle, que je ne rattraperai pas avant le sommet (chapeau), et je sors a plan Joran a 19h pile (15h de course), pour avoir la satisfaction d’y trouver les premières balises de nuit. J’ai donc plus de 2h d’avance sur les derniers qui passeront la, c’est cool.
La descente est roulante mais malheureusement je n’ai plus trop la force d’y courir, même dans les alpages de la Pendant qui s’y prêtent tant. L’arrivée aux Bois est interminable mais connue, et je me fais doubler par Nicole, qui finira première V3… Petite leçon d’humilité.
Les Bois – 364eme - 16h15 de course
2h30 pour l’avant dernière boucle, ça me met le moral au beau fixe. En plus j’ai eu le temps de briefer la famille sur mes besoins au ravito, et ils sont tous là, avec tout ce qu’il me faut pour finir : T-shirt et polaire secs, grosse frontale, GPS de secours (le mien arrive en limite d’autonomie). Je mets les gants et le bonnet, enlève le cardio. Je suis prêt a affronter la derniere boucle, qui est loin d’etre une formalité, surtout de nuit et dans le froid…
Boucle 5 – Les Bois Montenvers Blaitiere Chamonix – 15km, D+ 1200m, D- 1250m
Avant la course j’appréhendais un peu la « derniere difficulté ». et comme j’avais raison… Reparti a 20h30 (16h30 de course), je me fixe derriere Sebastien, mon deuxieme pacer UTMBiste de la journée, qui m’emmene au train jusqu’au Montenvers. Je n’ai jamais fait de nuit en course, et j’appréhende un peu de faire seul une partie technique et exposée, que je ne connais pas. Je n’ai donc pas envie envie de le lacher avant la derniere partie de la montée, qu’il qualifie de « taquine »... En effet, c’est taquin ! Mais ca passe bien en fait. Nous repassons Nicole, allumons les frontales juste avant le Montenvers, et sortons en 18h10, 355eme. 1h40 pour 900m, ca va encore, mais la fin a été dure, et je vais le payer… Les gens du ravito me regardent bizarrement, et je sais que je dois manger pour tenir jusqu’au bout. Alors j’essaie, et le regrette tres vite… Mon estomac a baissé le rideau, fini, en greve, NPAI, n’en jetez plus. Sans donner de détails, c’est violent, et surtout ca ne s’arrete pas. Je commence a craindre que l’organisation ne m’arrete, donc sans prendre le temps de recuperer (ni meme de respirer), je remets le sac et me jette sur le sentier.
La traversee vers Blaitiere, la derniere fois que je l’ai faite j’avais ma grande Juliette a la main, me petite Eloise dans le sac a dos, et Margaux encore dans le ventre de maman, donc j’etais bien concentré… Je la connais donc assez bien, mais pas de nuit, malade et avec 19h de course dans les pattes. Dieu que c’est long. C’est technique aussi, mais ça ça m’amuse plutôt. Surtout, l’estomac se calme et après 20’ j’arrive a m’alimenter (prudemment…). C’était donc juste un peu de surchauffe pour suivre Sebastien dans le dernier raidillon. Donc maintenant c’est sûr, ça va rentrer. Les gens que je double avant Blaitiere ne sont vraiment pas happy. Plein les bottes. Et les 300m de D+ que cumule cette portion vallonnée et technique sont un peu percus comme un cadeau pas prévu qui teste le moral de tout le monde.
A Blaitiere je fais un coucou a Sylvain, qui est la pour la securité et me previent « attention, la descente est longue ». c’est rien de le dire. Je vais mettre 1h40 pour descendre 1100m... Mais a ce stade de la course, il suffit de serrer les dents, mettre un pied devant l’autre, et attendre que ca passe. Voir les lumieres de Chamonix se rapprocher n’est qu’une maigre consolation a la monotonie de cette descente lente, interminable. Je gagne encore des places mais certains me doublent aussi. Sans qu’on se reconnaisse Sebastien m’a doublé et finira donc devant moi, comme il le mérite.
Enfin, c’est Chamonix. Heureusement que je connais car le balisage en ville est inexistant. Finalement, je trouve la force de recommencer a courir. Les gens crient et applaudissent, je me prends pour Killian (enfin, pour 2 Killian). L’horloge verte de la pharmacie dit 00h56. Mon frere finit avec moi en courant pour m’assurer le « moins de 21h », et je passe la ligne… 20h57, 341eme.
Pour résumer…
Les + :
Le parcours est de toute beauté. Le parcours original a une difficulté de moins, mais aussi moins d’oxygene et encore plus de technique du coté des Corbeaux. Au final c’est raide et plutôt technique par endroit, surtout enneigé… et c’est un vrai enchainement de plusieurs grosses difficultés, donc déjà un vrai test.
La gestion des conditions : coup de chapeau a l’organisation, qui avait prevu tous les scenarios, et a quand-meme pris l’option la plus courageuse en maintenant le Brevent et la Tete aux Vents. L’esprit a été préservé, sans prendre de risque sur la securité. Bravo et merci !
Les ravitos : bien fournis, j’y ai toujours trouvé ce que j’y cherchais, pas de cohue (petite course de 700 inscrits), dimensionnés pour la plupart pour les 2000 participants du marathon… Ca aide.
Les benevoles : un grand merci a tous (surtout aux podologues…)
La neige qui a rendu le parcours tres technique. j’ai fait cette course au plaisir, en plus c’etait beau. Le pied.
L’apprentissage de la nuit : pour quelqu’un qui n’ose pas se frotter a une CCC directement, c’est un super apprentissage. On fait un peu de nuit le matin en file indienne, et une vraie attaque de nuit le soir, c’est donc une bonne façon de confirmer qu’on est prêt a faire une nuit complète après avoir passé la journée dehors. J’ai « coché la case » et ça fera une appréhension de moins le moment venu.
Les - :
les balises « ruban Salomon » unies sont peu visibles en lumiere faible et pour les daltoniens… elles étaient parfois un peu rares aussi, et quand on se retrouve seul c’est bof. Par contre la partie nuit était impeccable.
La boucle dans Vallorcine qui n’apporte rien, surtout qu’en moyenne les GPS disent qu’on a fait plus de 84km.
Les sensations :
Je me suis tenu strictement a ma strategie de course, et ca a payé. Parti dernier, j’ai gagné des places toute la journée. J’ai mis 1h de plus que mon tableau de marche (re-perdue sur la fin), mais avec la préparation que j’ai eue, il était difficile de rêver mieux. Enfin, grosse satisfaction sur le matériel, surtout mes Mizuno Wave Cabrakan qui m’auront fait toute la course sans une ampoule ni une douleur.
Un grand merci a Olivier pour m’avoir accompagné sur la première moitié, a Jérôme, papa, Anne et Clotilde pour les petits soins aux ravitos, a Yannick (Posettes), Christelle (Trapette) et Sébastien (Montenvers) pour m’avoir tiré, a gj4807, Eric, Pia, Adrien, Magali, Sylvain pour leurs sms d’encouragements, a tous les bénévoles, merci à la météo qui s’est débrouillée pour qu’il ne pleuve que sur le 10km... Et bien-sur merci a ma petite femme et mes trois princesses, qui auront été ma « happy place inside » tout le long… Le vendredi 28 c’était nos 10 ans de mariage. Happy anniversary !
8 commentaires
Commentaire de Caro74 posté le 03-07-2013 à 18:25:39
Joli récit. Bravo! Cela ne devait pas être facile de faire la partie entre les Bois et l'Arrivée de nuit, vu la technicité du parcours!
Commentaire de Chris91 posté le 03-07-2013 à 18:44:01
Bravo pour ta fin de course, de mon côté la dernière descente a été très dure et interminable....plus de quadriceps.
Et merci pour le ptit "compliment" pour la montée (j'avoue que je préfère les montées et que j'ai de gros progrès à faire en descente)
Christelle
Commentaire de bubulle posté le 03-07-2013 à 19:20:31
Tu fais partie des petites frontales que je voyais ponctuellement descendre entre Blaitière et Chamonix, depuis notre balcon....et que j'admirais intérieurement car se retrouver totalement tout seul si haut, dans le noir, avec une descente pas facile.....faut le moral pour finir..:-)
Bravo pour cette gestion de course au petit poil....et ce compte-rendu bien précis comme je les aime! :-). Tout ça, ça donne envie de s'y lancer sur ce 80.
Commentaire de bubulle posté le 03-07-2013 à 20:13:38
Tu fais partie des petites frontales que je voyais ponctuellement descendre entre Blaitière et Chamonix, depuis notre balcon....et que j'admirais intérieurement car se retrouver totalement tout seul si haut, dans le noir, avec une descente pas facile.....faut le moral pour finir..:-)
Bravo pour cette gestion de course au petit poil....et ce compte-rendu bien précis comme je les aime! :-). Tout ça, ça donne envie de s'y lancer sur ce 80.
Commentaire de sapi74 posté le 03-07-2013 à 21:43:31
on à vécu un peut la même course en partant prudemment pour ensuite grignoter des places. bravo a toi belle course.
un ancien membre du club du quintal ;-).
Commentaire de st ar posté le 04-07-2013 à 06:02:59
Un grand bravo!
Je t'ai vu plusieurs fois à partir d'Argentiere...la dernière fois c'était à la sortie du ravito des bois, la ou je t'ai demande combien il fallai pour faire la dernière "bosse"...lorsque nous avions 16h30 de course...je t'ai dit que je voulais faire -de 20h00, je ferai 21h21...chaque fois que je t'ai vu , tu avais l'air "facile", tu me donnais l'impression de dérouler tranquillement...moi,aussi les gars du dernier ravito, après Montenvers m'ont regardé d'une manière un peu bizarre, je me suis dit que je ne devait pas être beau à voir...;-)
À+
Soffian
Commentaire de sarajevo posté le 04-07-2013 à 12:06:51
Bravo pour le récit et la course !!!
Commentaire de ThomasL posté le 07-07-2013 à 01:23:08
Bravo pour avoir tenu malgré les désordres gastriques! Quand je lis ce récit je me dis que j'étais bien naif d'avoir fantasmé finir en 20h... (23h30)!
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