L'auteur : vincevador
La course : Marathon de Paris
Date : 7/4/2013
Lieu : Paris 16 (Paris)
Affichage : 1815 vues
Distance : 42.195km
Matos : tête... et au moins une jambe !
Objectif : Terminer
Partager : Tweet
Pari tenu, Paris gagné... Une longue année d’attente après l’échec de l’année dernière. Vers le KM30, les crampes et une douleur foudroyante dans le dos avaient annihilé tout espoir de boucler mon troisième marathon. La crainte aussi de finir en très mauvais état me donnèrent cependant raison et avait un temps maquillé mon amertume en sagesse de grand crocodile... Foutaise !... J’avais les boules !
A peine le lancement des inscriptions annoncé, j’étais déjà fiché dans les listings de l’édition 2013. Pour continuer à avancer dans mon propre “cheminement”, il me semblait nécessaire de finir ce que j’avais commencé un an auparavant dans ma ville natale. La perspective d’y faire des rencontres passionnantes attisait mon envie insatiable de come-back.
Si ma Mimi avait choisi Rome comme théatre de sa prochaine épopée, c’est avec Laurent, alias “Captain America” que j’allait embrasser à nouveau le sol francilien. Rien que ça ! Bien sûr, qui dit marathon, dit prépa-marathon... Et à ce petit jeu là, “Ayrton” Micha et “Lili torturing” (“Lili running” pardon !), les deux dernières trouvailles en matière de coaching chez ESP consulting allaient mettre au supplice la “machine” pour arriver au top le jour J.
Comme chaque année cependant, ladite machine eût quelques ratées. Un octobre rouge écarlate, où même une belle perf sur Marseille-Cassis (2h12) ne suffît pas à atténuer cette foutue mélancolie automnale. L’effet yo-yo après plus de deux années d’effort fût court mais incroyablement “pesant”. J’y avais seulement songé mais c’étais déjà trop tard : j’étais redevenu le Bibendum Chamallow !
Tant pis. Pas d’apitoyement, bordel ! Mon baptême en trail, puis en snowtrail me rassurèrent sur mes capacités à encaisser les chocs et garder une bonne cadence de course. L’enchaînement d’entraînements costauds composé de muscu / renfo / gainage et cardio (façon 12 travaux d’Hercule), puis les sorties longues (2h30 / 2h15 / 2h) compensèrent un peu mon sempiternel surpoids. Je sauvais les meubles...
Au fil des semaines, l’envie était toujours là et une bonne nouvelle acheva de me ravir. Nadia voulait courir avec moi. THE Nadia of Nandy voulait courir Paris à mes côtés ! J’étais super content et gêné à la fois... Comment allais-je lui annoncer le truc : “Heu, chère Nadia... je ne cours pas vraiment... je rampe en fait !!!”. Bref, je savais dès le début qu’après l’échec de 2012, je n’avais plus aucune certitude sur l’issue de cette revanche, ni sur les moyens d’arriver à la finish-line. L’intéressée, comme je le pensais, se fichait bien de mes considérations distinguées. On allait donc bien se marrer !
D’autre part, si la perspective de donner enfin l’accolade à nombre de potes adorables rencontrés sur la toile me mettait aussi du baume au cœur, un petit évènement allait parachever ma détermination de boucler ce maudit marathon. J’apprenais ainsi, comme d’autres coureurs, l’accident d’une jeune runneuse plongée depuis dans le coma. Son ami demandait à la runnosphere de se mobiliser pour accumuler des kilomètres en attendant son réveil. J’étais tout simplement ému. J’allais courir pour combattre mes propres démons mais aussi ceux d’une autre personne.
Le couac.
En grand maître du suspens que je suis devenu au fil des ans, je n’ai pas trouvé mieux que de faire mon avant-dernière sortie avec de vieilles pompes : supination maximum au 5ème kilomètre et... Crac le tendon ! Je rentrais au bercail en trottinant, m’auto-congratulant au retour d’une longue liste de noms d’oiseaux que je n’énumérerais pas aujourd’hui. Soléaire touché mais pas foutu... A seulement J-12, comme la météo dehors, le ciel s’assombrît sérieusement.
Quelques massages plus tard par maître Kewin, Captain Laurent et moi, rejoignîrent toutefois la capitale et sa grand messe de la course à pied : Runnexpo. En grande duchesse de la discipline, Cécile Bertin avait, une fois encore, bravé tous les dangers afin de nous éviter la longue file d’attente au retrait des dossards. J’étais surtout ravi de faire sa connaissance, elle qui m’avait tant fait rêver quelques mois plus tôt en nous faisant partager ses aventures.
Des retrouvailles avec Carole (...clairement sympa !), une rencontre avec le mythe rayé, alias le “Bagnard”, puis un cri très méditerranéen retentît dans les travées : je reconnu immédiatement Luc ! (partout dans le monde, dans une foule, on n’entend que les marseillais !). Aux côtés de mon Captain, je savourais ce moment de sourires et de rires avec Xénath et l’une de ses amies qui m’avait reconnu et me remercia respectueusement. Elle avait en effet repris le sport “à cause” de moi et de cette émission (mémorable) diffusée deux années plus tôt... Nous rejoignîmes enfin Nadia, Céline, Anny et ces chers Pascal autour d’une Super Leslie, copie de Super Jaimie, mais version run avec big smile intégral. Je ne sortais pas le Stradivarius, mais j’étais simplement heureux de les voir enfin.
Après une soirée pasta party à la table de la section athlé des pompiers, en compagnie du “Fouère” de Captain (autre version de Hulk, aussi puissante que sympathique). Le rendez-vous fatidique était donc fixé au lendemain matin sur les Champs, à l’entrée de la “boutique” Vuitton... Que voulez-vous... on a le sas qu’on mérite ! Quelques papotages avec Anny et Pascal, nos photographes attitrés, et nous voilà immergés tous les trois dans cette immense marée humaine, alors que les handisports, les kényans et autres cadors étaient déjà en vol vers les records, si cen’était pas déjà vers leur hôtel... Mes bavardages avec Nadia et un salut du sympathyque Julien n’interférèrent en rien dans ma concentration. J’étais déjà dans ma course et je devinais derrière le regard de Laurent la même détermination.
Comme à chaque départ, je n’avais plus peur, plus aucune crainte... juste de l’envie. Cette soif d’entamer la bataille, et d’aller en plus y chercher du plaisir. J’avais d’ailleurs troqué pour l’occasion un bon vieux strapping par mes “booster” qui maintiendraient un peu ce satané tendon tout en gardant mes petits mollets à l’abri de la fraîcheur ambiante. Seules deux runneuses, apparemment peu gênées par les 50 000 personnes autour d’elles, me firent sourciller en s’accroupissant à nos pieds pour uriner paisiblement... Tant que ce n’était pas sur mes New Balance quasi neuves, l’image m’amusa.
C’était parti. Le flot, s’engagea comme un long serpentin dans la douce pente des Champs Elysées. à peine un regard au Maire de Paris en franchissant le portique et nous voilâmes déjà sur la Concorde. Nadia, meneuse d’allure hors pair, ménageait ma monture et menaçait même de brandir la cravache si je partais trop vite. On arriva donc à se caler sur ces 8 km/h que je maîtrise et que je comptais tenir le plus longtemps possible. Un dernier cri d’encouragement d’Anny et Pascal à notre entrée sur Rivoli et nous étions lancés.
Une première alerte dans le soléaire dès le premier KM, me rappella à l’ordre. Je devais continuer à m’échauffer en gardant la foulée la plus calîne possible avec le pavé parisien. Nous avons déroulé ainsi paisiblement jusqu’au semi. Captain Laurent, resté gentillement à nos côtés, mais sur un faux rythme pour lui, avait pris son envol depuis un moment déjà. Le bois de Vincennes passé, avec au passage un soutien fort gentil de Valérie, et nous nous engageâmes sur les quais de la Seine.
C’est l’endroit que je redoutais le plus. Celui où l’accumulation de tunnels, avec sont lot de faux-plats casse pattes, avait eu raison de moi une année plus tôt. Je n’allais pas être déçu. La fatigue se faisait franchement sentir et seule ma petite libellule de Nandy, qui semblait virevolter autour de moi, camouflait mes inquiétudes. Et c’est évidemment à cet endroit que mon tendon me lança un message foudroyant, bloquant ma respiration, hérissant la totalité de mon faible système pileux et déclanchant une montée de liquide lacrymal sur le balcon de mes beaux yeux ! Je ne sais pas ce que j’ai marmonné à ma charmante binôme, mais j’ai souffert. P...nG de kilomètre 24 !!!
Il ne fallut que quelques secondes ensuite pour transférer toute l’énergie physique répartie dans l’ensemble de ma vaste enveloppe charnelle jusqu’au sommet de mon cerveau. Une autre course allait commencer et j’avais besoin de nouvelles cartouches pour l’entamer. Il ne semblait plus question alors de rentrer dans les 6h de la deadline impartie, mais juste de finir quel que soit le temps passé en course. C’est là que certaines images traversent l’insconscient et viennent se graver dans la caboche. Mes parents, mes enfants et ma Chère, les amis et la famille qui m’ont toujours soutenus, et ceux qui n’ont pas pu courir (Céline, Elisa et Gaël... pour ne citer qu’eux).
Puis il y avait Aurélie. Cette jeune fille plongée dans un sommeil à durée indéterminée, qui venait me rappellait symboliquement que les choses importantes ne sont pas forcément imprimées dans l’asphalte d’une épreuve sportive. Il y a des routes bien plus rudes dans la vie. Si ma passion ne pouvait m’éviter la souffrance physique, elle devait en revanche exclure la complainte ou la pitié. Je m’étais mis au défi de franchir la ligne et de lui dédicacer ces 42,195 bornes. Le pari était encore valable, qui plus est, avec l’aide indéfectible de ma Nandynette.
Je continuais ainsi mon périple sans rechigner ou presque, mais en claudiquant et en collant au maximum à la ligne bleue, la trajectoire idéale de course en marathon... Ironique, non ? Entre ça et mes mouvements d’oran outan pour tenter de décoincer mon dos courbatu, Nadia devait sûrement croire que je courais en dansant le Gangnam Style !
C’est alors vers l’endroit où j’avais lâchement capitulé sur l’édition 2012, que Virginie et Ella, deux superbes alphajets de la Patrouille de Fans jaillirent du bord de la route ! Je tendis les mains et chacune vînt escorter le lourd bombardier sur quelques hectomètres. Il ne m’en fallut pas plus pour arborer mon plus beau sourire. Nadia semblait radieuse aussi.
Aussitôt reparties, je revissais ma casquette comme les œillères d’un cheval, lançais un dernier clin d’œil à la grande dame, la majestueuse Tour Eiffel, puis un autre plus complice à ma majestueuse Nadia, et continuait de mouvoir lentement ma carcasse.
Le cortège balai passa aussi très lentement. Le bus de ramassage frôla mes larges épaules sur plusieurs mètres comme pour me chuchoter un “tu montes chéri ?”... - “Même pas en rêve !” pensai-je. Je n’eût même pas un regard pour ceux qui montaient à l’intérieur de cet espèce de corbillard éphémère. Au contraire. Ma détermination n’en fût que plus forte.
J’arrivais ainsi clopin-clopant jusqu’au KM34, avec ma papoteuse adorée qui avait vraisemblablement trouvé plus de répondant chez un autre runner... Et c’est dans un long faux-plat que je me mis finalement à marcher... inéxorablement. Il fallait que je garde des forces et ma pointe vitesse ne nécessitait plus de trottiner depuis belle lurette !
8 kilomètres de marche... ça s’annonçait lent ! Ma barrière des 6h envolée depuis le 24ème, je n’avais d’autre objectif que d’avancer et avancer encore. La stratégie de ma binôme de fractionner notre marathon en 4 courses de 10 km, se transformait pour moi en une fraction de 8 portions d’1 km et une dernière de 195 mètres !
Les fébriles mais précieux encouragements des badaux et bénévoles lors des restes de ravitos nous suffisaient. Seuls les supporters made in USA, me voyant arborer mon maillot “NYC” et lisant mon pseudo sur le dossard me lançaient des cris de joies accompagnés de fervents “Yeeaaah !”, “New York Cityyyy !”, “God bless you Vince !”. Yapa à dire : ils sont trop forts ces amerlocs ! Je n’osait à peine imaginer la scène quand ils ont dû voir débouler mon valeureux Captain America une heure plus tôt...
Les portiques s’enchaînèrent ainsi lentement, mais la tendinite de Nadia vînt soudainement enrayer mon optimisme retrouvé. Je l’aurais porté s’il l’eût fallu, mais on y serait allé quoi qu’il advienne. Ma Supergirl en avait vu d’autres et nous marchâmes ainsi au milieu du trafic parisien peu à peu retrouvé, nous offrant même le luxe d’une dernière chevauchée héroïque sur les deniers hectomètres nous rapprochant de la finish-line.
Un chrono débranché à l’arrivée, mais à ma montre 6 heures et 27 minutes d’efforts, de joie, d’espoir et de partage intense. Je mis poliment le pancho bleu pour éviter de me refroidir et demanda illico où étaient nos foutues breloques...
Captain nous attendait là patiemment. Cuit, blessé... mais radieux !
Je tenais ma revanche. J’avais promis à Aurélie et à pas mal autres de me battre jusqu’au bout.
Avec Nadia, rien ne nous aurait arrêté de toute façon aujourd’hui.
Pari tenu... Paris gagné !
Vince
PS1 : Mon unique regret dans cette épopée fantastique aura été de ne pas avoir pu croiser la route de certains amis. Une bise donc à Marie Pierre, Maëliz, Aïcha, Giao et Jp, le grand Marc et son fils et ceux que dois oublier évidemment...
PS2 : Merci, merci, merci... Nadia.
7 commentaires
Commentaire de caro.s91 posté le 09-04-2013 à 15:52:03
Super récit, on vit toutes tes souffrances et on se demande si tu vas finir ! Alors un grand bravo d'avoir surmonté toutes les difficultés !
Caro
Commentaire de KikourOtreize posté le 09-04-2013 à 20:38:12
Tu nous régales Vince !! MERCI Bizzzzzzz
Aurore&Gilou
Commentaire de lapinouack posté le 10-04-2013 à 07:21:29
bravo DarkVincent , bisous
Commentaire de Papifilou posté le 10-04-2013 à 10:34:36
Enore bravo pour ce super recit, on dirait un roman policier. Pari tenue...Paris gagné, je vous ai compris. Merci Vince
Commentaire de renaudm posté le 10-04-2013 à 11:28:52
Bravo pour la volonté : le moment ou tu te refuse de monter dans le bus de ramassage en est l'apogée .
Trop fort notre Vince !
Commentaire de francois 91410 posté le 10-04-2013 à 14:03:59
Bravo d'avoir tenu jusqu'au bout ! c'est dans ce genre de situation que l'on se sent grandir ! Bonne récup
Commentaire de toto50110 posté le 11-04-2013 à 13:02:58
Ne rien lâcher et encore un de boucler, bravo Vince!!!
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.