L'auteur : PaL94
La course : Andorra Ultra Trail Vallnord - Ultra Mitic
Date : 6/7/2012
Lieu : Ordino (Andorre)
Affichage : 3344 vues
Distance : 112km
Objectif : Terminer
Partager : Tweet
Je ne voulais pas revenir en Andorre. Région pourtant magnifique mais bloqué à la Margineda en 2010 et contraint à l’Initiatic en 2011 pour cause de contracture musculaire, je m’étais résolu à admettre que le niveau exigé dépassait mes capacités et mes entrainements en Ile de France ne pouvaient me préparer à cette épreuve taillée pour les montagnards. Ajouté à cela un début d’année catastrophique du point de vue professionnel et physique, le mental n’était plus là et j’avais tiré un trait sur cette course trop souvent rêvée mais qui me semblait hors de portée.
La vie nous réserve parfois des embellies inespérées. L’ultradraille menée pour accompagner Jef et finie sans lui pour cause de blessure au pied m’avait insufflé une nouvelle confiance illogique. Le sms de Pam me provoquant en me disant que j’avais fait une bonne prépa pour le Mytic m’avait reboosté et je me sentais en dehors de toute logique sûr de finir cette épreuve . Pour autant et malgré les Bievres faites chaque semaine, ma préparation manquait de côtes. Un circuit des 25 bosses et une sortie Verriere plus tard, je partais en rando montagne avec ma blonde afin de m’acclimater à l’altitude si éprouvante pour moi. Une panne de voiture me bloquant 4 jours et des coups de fatigue dus à l’Ultradraille, j’arrivais cependant une semaine avant la course pour m’habituer un peu plus à l’altitude. Curieusement et à rebours de tous ces soucis, ma croyance injustifiée de succès ne m’avait pas abandonné.
C’est donc confiant mais prudent que je prends donc le départ à 23h avec Pam, Jean-Pierre et Patrick, les autres copains de l’asva n’étant pas trouvés dans le troupeau.
Après l’arche de départ le peloton part très vite et je me retrouve en queue et laisse mes 3 compères partir à leur allure. J’avais espéré me caler sur les temps de Pam en 2010 mais cela va trop vite pour moi. Mon tableau de marche compagnon indispensable de mes trails étant calé sur mes temps de 2010, sachant que la première partie, terrible n’en n’est pas moins qu’une formalité incontournable pour prétendre à la suite. Il faut gérer et même si j’avais espéré faire la route avec mon copain je ne pouvais me permettre de griller mes cartouches.
Le passage à Llort avec 9mn d’avance me rassure en me montrant que je suis mieux qu’en 2010 et que cela va quand même très vite car je suis dans les derniers. La montée au train mais prudente vers l’Angonella verra fondre un peu cette avance mais je suis en pleine forme. Montée maintenant vers le col et je commence à doubler quelques retardataires. Le col avalé sans pause sauf pour marquer le temps de passage et je bascule vers le Clos dels cavalls.
Le brouillard s’est levé et en suivant une troupe d’espagnols nous nous trouvons perdus sans balisage. Chacun jardine de son côté et croyant reconnaitre l’endroit, je pars du mien en assurant mes poursuivants que je connais l’endroit. Pauvre blaireau ! Personne évidemment ne m’a suivi et je me trouve en pleine purée de pois en train de vouloir descendre un petit éboulis de pierrier qui ne correspond pas à ma route. La vérité se fait enfin jour : je suis perdu et seul. Je vois déjà le spectre de la barrière horaire se refermant sur moi et essaye de me retrouver mais sans y parvenir. J’essaye à gauche, à droite, en bas mais rien y fait, je désespère. J’invoque le dieu du trail de ne pas m’abandonner ici, si loin de mes espérances. Il faut croire qu’il m’a entendu et rendu de ma lucidité car je repars droit dans la pente vers le haut. Comme s’il n’y avait pas assez de dénivelé ! Mais le salut est là, j’aperçois enfin des lucioles descendant au-dessus de moi sur la gauche. Ca y est je retrouve le tracé pour, peu de temps après, pointer au Pic. J’avais 5mn d’avance, j’en ai maintenant 10 de retard. Un quart d’heure de perdu ! Moins qu’à l’ultradraille mais maintenant il faut que j’arrête les couillonnades et que je ne suive personne aveuglément.
La descente maintenant bien raide qui m’avait fusillé la cuisse l’an dernier. Je trottine prudemment redoutant la descente dans le bois. La voilà ! Je l’absorbe sans trop soucis et pointe aux Bordes del Prat Nous. J’ai refait un peu d’avance, sus au Plat de l’Estany ! Pas le temps de chercher les cèpes aujourd’hui et je trace sans fatigue. C’est bon et la confiance revient. Je me dis que j’ai perdu toute chance de rattraper mes potes avant la Margineda mais je m’admoneste en me disant que je n’ai que deux ennemis : les barrières et moi-même.
Au ravito je recroise Sandrine74 qui trace et avec qui j’échange quelques mots.
5mn de pose et repars suivi par elle pour affronter le terrible Comapedrosa. La pente est rude et rapidement pierreuse. Les pierriers succèdent aux névés. Sandrine me double et je sens qu’elle a fait une super préparation pour sa 4ème tentative. Parfois le balisage dans la brume est plus clairsemé et il faut toute notre vigilance pour le suivre. Je ne suis pas fatigué et j’en vois pourtant certains qui commencent à caler et comprendre ce qu’est le Mytic. J’en aperçois un au-dessus de moi qui s’assoit et repart lentement. Je le double sans l’éblouir, tout à ma recherche de balisage. Je m’entends m’appeler, je me retourne et découvre Pam. Je ne pensais pas le trouver là. Il m’explique qu’il a un gros coup de mou mais je le rassure en lui expliquant qu’il est parti trop vite mais comme dans tous les trails longs cela se récupère. Suis-moi ! Et il me file le train. Nous récupérons Sandrine qui avec un autre est un peu perdue dans un pierrier. C’est vrai qu’avec ce brouillard le balisage est un peu léger. Nous le trouvons néanmoins un peu plus haut car ici, il ne faut faire que monter. Le pierrier plat et nous apercevons le col.
2010
Montée du col, bien rude et des pierres dévalent la pente sous nos pas pesants. Le col et nous apercevons nos prédécesseurs dévalant la pente après le Pic. Pour nous c’est encore presque 200m de D+ à escalader sur des lames de pierres rendues glissantes que nos semelles humides peinent à accrocher. Je mène le train d’un groupeto et nous devons parfois nous aider les uns les autres pour passer quelques passages limites. Pointage au pic et j’ai 20mn d’avance. Ca ne sera pas de trop pour la suite !
2010
Nous devalons la suite en embarquant des tonnes de poudre de pierrier malgré les guètres. Sandrine nous lâche et trace comme un cabri et bientôt nous ne la verrons plus. Pam et moi prudents et peu avides de renouveler les gamelles déjà expérimentées, traçons à notre rythme. Le refuge est ainsi rapidement atteint après avoir aidé un traileur qui s’est ouvert le front avec sa frontale suite à une belle gamelle.
Ravito où nous retrouvons Sandrine. Soupe et quelques bananes je ne peux qu’avaler cela. Pam retrouve le breton qui l’avait escorté au début et qui avait tétanisé dans la dernière montée du Pic et que le joueur de cornemuse avait secouru. Je repars rapidement, précédé par Pam. Le col n’est pas si raide mais je marque un peu le pas malgré que je ne ressente aucune fatigue. Sandrine partie après nous me rattrape rapidement et me passe avec aisance. Pas de doute elle tient la forme. Une trouée dans les nuages éclaire à la Hamilton le lac tout en bas.
Bon maintenant descente jusqu’à la Botella. Toujours avec Pam, nous traçons notre chemin sur cette portion moins technique. Nous retrouvons le breton de Pam toujours aussi prolixe. Nous arrivons au col en petite foulées, applaudis par les concurrents du trail s’échauffant avant le départ.
Ravito et re-Sandrine. Saucisson délicieux que j’arrive à absorber et quelques bananes une soupe et puis un thé délavé. Je m’insurge auprès d’une bénévole pourtant sympathique car elle annonce à qui veut l’entendre qu’il, faut 2 heures pour atteindre la Margineda. Pas avec les cordes et la descente technique du début du Bony de la Pica et après déjà 30km dans les pieds. C’est un coup à décourager le traileur ! J’indique qu’il faut plutôt compter 4 heures ce qui ne sera pas loin de ce que nous mettrons.
Nous repartons, bien après Sandrine et le breton, vers le col de Montaner. Le jour est bien levé et le soleil perce de plus en plus les nuages. Nous avons quitté nos gore-tex et malgré le vent frais nous traçons sur cette portion roulante. J’indique à Pam qui n’y croit pas trop que nous pourrons arriver dans ses temps de 2010.
Col de Montaner et 45mn d’avance pour moi sur la feuille de route. Montée rude au Pic d’Enclar et direction sur la crête au Bony de la Pica. Enfin nous abordons cette deuxième partie technique et lamineuse de moyenne qu’est le passage des cordes et des chaînes. Le breton qui nous suit maintenant a perdu de sa superbe et annonce déjà son abandon à la Margineda. Il souffrira dans ces passages vertigineux et nous ne le verrons plus.
Nous abordons maintenant la descente en dévers au milieu d’un troupeau d’asphodèles qui se balancent au rythme de nos pas irrespectueux. Le vent est de plus en plus frais et nous remettons nos gore-tex. Pam a perdu son plus chaud, en route. Nous sommes que tous les deux après avoir été doublés par Alain de Toulouse, bien meilleur descendeur que grimpeur. Des effluves de cèpes réveillent mes narines et mon appétit et je me verrais bien attablé devant un belle omelette aux champignons. Mais l’heure est à la course et je rassure mon copain en lui indiquant que nous sommes sur un bon rythme pour nos prévisions.
Aixas où nous retrouvons la chaleur et le Col Jovell court mais rude et c’est la dernière descente un peu technique mais rapide vers la base vie. Ravito que nous atteindrons seulement 7 mn après le temps de Pam en 2010 mais avec 55 mn d’avance pour moi.
Re-ravito et re-Sandrine donc, qui pète la forme et repartira rapidement. Pose longue où je change de chaussures et de tee-shirt. Soupe et pastèque, je ne prends rien de mon sac d’alimentation, j’ai peu attaqué ce que je porte déjà et seul les pastilles de glucose ont trouvé grâce auprès de mon estomac.
Je repars après une demi-heure et enjoins à Pam de ne pas trainer pour l’Illa mais il a besoin de pose plus longue. Patrick retrouvé au ravito me suit avec un coréen et je les photographierai sur le pont romain.
Je redoute cette section où je sais que je vais écrouler ma moyenne et je ne veux pas perdre de temps, je leur indique qu’il faut me suivre mais il ne pourrons pas se caler sur mon rythme que je trouve pourtant lent. Dieu merci il ne fait pas trop chaud mais à ces basses altitudes (les plus basses de la course) nous ruisselons. Je double quelques concurrents et un ou deux me doublent bien plus frais.
Cortal de Manya, dur et je constate que j’ai perdu encore plus de temps que ce que j’avais estimé. Une demi-heure d’avance a fondu, j’ai bien fait de partir rapidement. Je ne ferai pas de pause dans toute cette montée jusqu’au petit col. J’attaque seul la suite en yoyo vers Prat Primer où j’espère refaire de mon retard.
Le refuge et j’aperçois Sandrine et son copain de la ronda qui font une pose. Nos tracés se superposent et nous croisons maintenant de nombreux concurrents de cette course qui me semblent en pleine forme ce dont je les félicite car ils sont à plus de 100km du départ. Le mytic est très dur mais que dire de la ronda; cela me semble hors catégorie et je suis admiratif de leur forme et de leur performance.
Montée vers le col de Bou Mor courte mais raide. L’altitude me fait chercher l’air et si les jambes tiennent le coup les poumons ne suivent plus. C’est dans cette montée que Pam va me rattraper alors qu’il est parti un quart d’heure d’en bas après moi. Il a tracé, facile ! Comme il dit, il va mieux après un bon ravito. Je me suis toujours demandé lui, si fluet, comment il pouvait assimiler les plats pantagruéliques qu’il s’octroie dans les ravitos. Tant mieux nous allons pouvoir faire route ensemble mais j’imaginais qu’il me rattraperait plus loin. Il a peut être forcé un peu.
Le col et dessous Sandrine qui trace dans la descente. Allons à Claror et son joli refuge entouré de chevaux deux jours plus tôt. Descente rapide et sans soucis. Partout la montagne nous accompagne avec des sifflements de marmottes effrayées. Paysage magnifique sur lesquels nous ne nous appesantissons pas, pressés que nous sommes par le couperet de l’Illa.
Refuge et courte conversation avec deux de la ronda que nous félicitons et qui nous doublerons plus loin dans une foulée légère et rapide. Direction Perafita et prochain ravito. Je fais mes calculs et précise à Pam que nous sommes bons pour l’Illa et que nous passerons un bout de Pessons de jour. Il traine un peu et me semble subir le contrecoup de sa remontée depuis la Margineda.
Nous croisons Sandrine assise au bord d’un ruisseau, elle semble rincée. On lui dit que ce n’est rien et qu’elle va se refaire au ravito. Mauvaise nouvelle pour elle, elle croyait que Claror était Pérafita. J’aurais mieux fait de me taire, ça lui a cassé le morale. Dommage car elle semblait en pleine forme mais peut-être a-t-elle été trop vite et accuse le coup maintenant. Toujours est-il que je ne la reverrai pas. Je suis triste pour elle car je pensais bien que cette année, elle allait triompher.
Estany de la Nou et des plaisantins ont dû piquer les fanions car plus de balisage. Mais je connais la route et je descends dans la forêt pour passer le cours d’eau.
Pérafita et ravito express et toujours de la pétillante pour ma poche à eau.
Le col de la Maina après une petite montée sèche. Un col si doux à monter qu’on en redemanderait.
La descente vers le Madriu sans difficulté majeure et nous atteignons le torrent dans la moyenne prévue mais sans plus. Pas de contrôle ici car l’initiatic a disparu et plus n’est besoin de nous orienter dans le bon sens.
Montée douce et parfois pierreuse dans cette vallée splendide vers l’Illa. Pam me suit mais ne semble pas dans un bon mental. Je fais mes prévisions pour les Bordes maintenant et lui indique nous seront bons pour arriver avant la barrière mais je sens bien qu’il n’y croit pas trop malgré qu’il n’exprime rien.
Apres de nombreux détours en fond de vallée nous atteignons les lacs et le refuge enfin. Malgré tout, à deux, nous avons bien tracé et gratté une demi-heure sur mon tableau ce qui est toujours appréciable.
Ravito où je goûte pour la première fois l’aquarius citronné et qui passe même très bien à ma grande surprise. Je repars 7 mn après. Pam traine encore un peu mais je sais qu’il me rattrapera car le col dels Pessons est trop haut pour mes pauvres poumons.
Le vent glacial et violent est terrible dans ce fond de vallée et je dois parfois tenir ma casquette pour ne pas me la faire arracher. Pam m’a rejoint comme prévu et nous abordons la crête que nous avions reconnue ensemble. Pointage rapide et bascule vertigineuse dans la descente. La première partie n’est pas très technique mais très pentue et le sol fuit sous nos pieds. L’équilibre assuré par mes bâtons n’empêchera pas deux belles gamelles dans cette portion.
Il fait encore jour et nous attaquons la section magnifique de Pessons et de sa myriade de lacs. Je refais mes calculs et me projette maintenant sur Incles, dernier couperet. Je suis sûr maintenant d’y parvenir avant mais Pam commence à ne plus y croire. Il me semble ronchon. J’y crois toujours, rien n’entame ma détermination, je lui dis de me suivre et on y arrivera ensemble.
La section est technique mais nous l’avons déjà arpentée et nous traçons tant bien que mal là-dedans. Peu avant le dernier lac, la nuit nous rattrape et les frontales se rallument. Nous atteignons le restaurant et le pointage. Le temps prévu est conforme mais comme la distance est plus grande que prévue cela n’est pas si mal.
Maintenant c’est pistes et sentiers jusqu’aux Bordes. Pas de problème on va pouvoir avancer. Il reste 5,5 km mais la fatigue est là qui se fait bien présente à mesure que la nuit avance. Toujours à mes calculs je mène le train et j’entends parfois mon pote dire qu’il en a marre des descentes. Mon ampoule au talon droit est toujours lancinante mais il faudra faire avec. Les lueurs bientôt du ravito et nous aborderons le pont de la Valira d’orient. On se perd un peu pour remonter mais nous abordons bien vite les Bordes et le pointage. J’indique à Pam que nous avons 25mn de pause avant de repartir mais il râle un peu, il a besoin de plus.
Coca rapide et je récupère mon sac. Pas de changement je n’ai pas le temps. Je rajoute une paire de chaussettes par-dessus les miennes car mes pieds me font souffrir et je crains le syndrome des pieds blancs qui m’affecte à chaque ultra. Je récupère dans mon sac mes coussinets de vieux et je suis prêt à repartir. Le plein d’eau pétillante et je repars. Pam veut attendre encore, il a besoin de souffler mais j’ai trop peur de ma vitesse d’escargot pour trainer avant Incles. Nous nous mettons d’accord pour se joindre par téléphone dès qu’il sera en route avec d’autres de façon que je l’attende au prochain ravito.
Je pars donc avec deux mn d’avance sur la barrière horaire et c’est là que je ferais la connaissance du seul bénévole désagréable de la course. Ce monsieur ne veut pas que je parte seul. Je lui explique que je suis dans les temps, ce que confirme une personne présente mais il ne veut rien savoir. Il faut que je reparte avec deux autres coureurs sinon il me prendra mon dossard. Je râle un peu et demande pourquoi ce changement et me dit que c’est pour cause de sécurité car le brouillard s’est levé dans les hauts. J’ai des doutes mais pour la sécurité je ferme ma grande gueule de blaireau. En fait je m’aperçois que je dois partir avec deux filles dont une est manifestement la copine de ce lamentable personnage. Pire je m’apercevrai plus loin que s’il voulait que je parte avec elle c’est parce que une des deux avait une frontale qui ne fonctionnait plus. Honte à lui qui assombrit l’impression que donne tous les bénévoles chaleureux par leur serviabilité et leur bon état d’esprit sur cette course.
Cela en plus ne servira à rien car les deux andorranes bien meilleures que moi me largueront rapidement. Peu me chaut ! Je connais l’endroit et taille mon chemin.
Au trois quarts de la pente, le coup de fil attendu. Pam a commencé a monter avec un autre traileur qui l’a bien vite devancé et est en train de renoncer. Il a du mal à voir les balises se traine presque à quatre pattes et redoute plus que tout la descente. J’essaye de l’encourager lui disant que je ne vais pas plus vite mais sa décision est prise, il préfère s’arrêter là. Je ne peux plus rien y faire sa décision est irrévocable. Fin de l’épisode et mes espoirs de finir avec lui, s’envolent.
Moi qui n’avais pas douté jusqu’à présent, avec la fatigue de la nuit et cet abandon, je me sens perdu et je n’y crois plus. Je grimpe néanmoins et à la peine jusqu’au plats de las Vaques mais sur ce plat je n’y suis plus. L’énergie m’a quitté et seul le désir de dormir m’étreint. Un coureur me double en me réconfortant car je marche même plus droit. J’aperçois des éclairs au loin et me prends à espérer que la course soit neutralisée à Incles. Je sens que tout est perdu.
La descente vers Siscaro va me permettre cependant de reprendre un peu le dessus. Je bute un peu trop souvent les pieds et je suis obligé de me réveiller si je ne veux pas m’étaler. Je suis seul maintenant dans la montagne. Pas de frontale devant ni derrière.
Siscaro et maintenant la descente près du torrent plus technique achève de me réveiller. Le coup de pompe est passé ! Je continue comme je peux sans consulter ma montre. On verra bien. Les bancs apparaissent bientôt et la piste vers le ravito que j’aborderai calmement.
Peu de monde ici et le peu de traileurs restants partent peu après mon arrivée. Je marque mon temps et constate que je suis une demi-heure avant la barrière. Du coup je me pose et compte m’octroyer un quart d’heure d’arrêt. Seul reste un coureur rincé, courbé sur une chaise, une couverture sur les épaules et dormant comme il peut. Une bénévole s’approche et le réveille doucement en lui demandant si cela va mieux. Elle lui indique qu’il va repartir avec un autre en me désignant. Je me voyais repartir seul et je me sens un peu forcer la main car je comptais souffler un peu dans la montée de la cabana Sorda. Laurent, puisqu’il s’agit de lui, s’approche et me demande si cela ne me gêne pas. Je lui dis que je vais à mon rythme et il me dit qu’il va lentement mais je lui rétorque que je vais encore plus lentement. Bon c’est dit, on part ensemble.
12 mn après mon arrivée nous repartons à l’attaque des 2 derniers cols. Laurent a une frontale top niveau qui éclaire comme un phare. La mienne me semble bien faible à côté. Comme je connais parfaitement cette dernière portion j’explique à mon binôme les différentes pentes qu’il faudra absorder. Pour un gars qui va lentement, il monte bien mais comme il ne veut pas tracer seul comme je lui propose, il m’attend régulièrement. Mais dès que je le rejoins, il repart. Moi qui voulait souffler dans cette montée, c’est raté !
Tant pis ! Nous avançons et atteignons le refuge de la cabana sorda. Mes envies de dormir me reprennent et j’ai quelques difficultés à rester éveillé. La rampe de 150m maintenant après le petit barrage qu’il faut grimper pour pouvoir prétendre à la crête. Laurent constate que je ne lui raconte pas de bobards et que les rampes annoncées ne sont pas décevantes.
Le jour commence à se lever mais il fait toujours aussi froid. J’ai un tee shirt chaud, une polaire et un gore-tex mais je ne sue pas. La grande rampe sèche pour la crête nous fait maintenant face. Nous avançons lentement et Laurent me suis tranquillement. Cette portion est raide et éprouvante mais malgré ma maigre préparation je constate que je l’aborde mieux que l’an dernier. Mais il faut dire qu’à deux on se sent plus fort.
Pointage et nous abordons la descente maintenant au jour. La fatigue est toujours là mais je trottine tranquillement et sans difficulté et c’est sans encombre que nous atteindrons le refuge de Coms de Juan.
Pause et je préviens Laurent que je vais me faire une sieste d’un quart d’heure car je me sens vidé. Il m’indique qu’il m’attendra malgré que je lui enjoigne de faire sa course. Je sombre donc pendant 15mn et le téléphone me réveille je n’ai pas l’impression d’avoir dormi mais je me sens mieux. Le réveil est néanmoins rude car je suis frigorifié.
Nous repartons maintenant après avoir un plein d’aquarius pour changer. Cette section faite de nuit l’an dernier ne m’effraie plus. Tout au plus la rampe terminale de la Collada dels Meners me soucie mais je sais que c’est gagné.
Comme partout il faudra descendre avant de remonter mais notre binôme progresse sans s’en soucier. La dernière rampe. Bien raide et fatiguante. En plein vent glacial mais c’est la dernière. Les bénévoles et au-dessus le col. Ca y est ! Les grimpettes c’est fini. Il ne reste plus qu’à se laisser couler gentiment jusqu’en bas.
Descente roulante jusqu’à la cabane de la Serrera et la petite fenêtre pour rebasculer vers Sorteny. Des randonneurs nous encouragent. Ça commence à sentir bon. Il fait même trop chaud et nous nous arrêtons pour nous ôter nos surcouches.
Sorteny pause technique, plein d’aquarius et orgie de saucisson et de melon. Nous repartons vers le final.
Que dire de ce final ? Long, très long. Nous marchons d’un bon pas nous alternons avec de la course mais pas trop car mes pieds rendent l’âme. Mais plus on descend plus mes poumons rajeunissent, et c’est à bonne allure que nous aborderons El serrat puis La Cortinada pour apercevoir enfin le clocher d’Ordino fin de notre périple.
Nous décidons avec Laurent de courir cette dernière portion. Et comme nous courrons les passants nous applaudissent et nous encouragent. Comme l’ambiance était un peu retombée, les spectateurs de l’arrivée nous voyant nous encouragent de plus belle. Et c’est malgré ce finish en montant que nous aborderons cote à cote mais à fond le virage pour revoir l’arche d’arrivée tant espérée.
Ouf ! Voilà une bonne chose de faite. Heureux nous nous serrons la main sous les applaudissements nourris. Nous sommes sur petit nuage si bien que je ne prendrais pas de photos de nous. Ma blonde n’est pas en Andorre pour immortaliser l’instant. Nous allons chercher nos polaires finisher durement gagnées et savourons la bière du ravito final. Nous nous quittons et je remercie Laurent de m’avoir boosté depuis Incles. Sûr que seul, j’aurais mis plus de temps.
Fin de l’histoire, je regagne mon hôtel pour une douche pas superflue. Je constate que mes boosters et mon collant de contention me laissent sans courbature, ce qui est à renouveler.
Je pense à Pam, je suis triste pour lui, il avait la capacité de finir et il avait une bien meilleure préparation. D’autant que Patrick loin derrière a fini, en dernier mais dans les temps. Mais quand on n’est pas dans un bon jour…
J’ai du mal à réaliser que je l’ai enfin fait. C’est une course splendide mais rude, une course pour montagnard et moi pauvre blaireau, je l’ai finie.
Ce n’est rien qu'une course mais c'est beaucoup pour moi car enfin j’aurai réussi quelque chose en 2012 !
3 commentaires
Commentaire de akunamatata posté le 16-07-2012 à 07:13:37
beau recit et joliment conte
tu nous a emmené sur le porte bagage tout au long du periple
bravo
Commentaire de Mustang posté le 16-07-2012 à 11:54:39
Bravo!! Quel trail difficile!! Quelle volonté pour arriver au bout! Un récit haletant!
Commentaire de laulau posté le 20-07-2012 à 22:02:00
Quelle volonté, quelle ténacité, vraiment bravo d'être allé au bout de ce mitic !
Tu nous a fais un bien beau récit.
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.