Récit de la course : Ultratour de Liège 2011, par Mustang

L'auteur : Mustang

La course : Ultratour de Liège

Date : 16/10/2011

Lieu : Liège (Belgique)

Affichage : 1740 vues

Distance : 67km

Objectif : Pas d'objectif

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Un ultra au goût de bière

avertissement: La  publication de ce récit sur Kikouroù a été différée de  plusieurs  mois dans  la  mesure où une version "allégée" devait  être  publiée dans  la  magazine Ultrafondus. C'est dans  le  numéro  85 de février 2012 que ce récit est paru. Un grand  merci  à la rédaction d'Ultrafondus de  m'avoir fait  l'honneur de  publier  mon périple autour de  la Cité ardente que  je dédie à Madness.

Vous trouverez ci-dessous la version  originale du récit.

Les  photos sont  de  moi, de ricounet, de  l'essuin, de Frenchie, de madness et de  l'organisation


Un ultra au goût de  bière

 

Le stade de Cointe est encore  plongé dans  l’ombre à cette  heure  matinale. L’air est vif. Une  arche  noire se dresse dans  le virage sud de  la  piste en cendrée, dominée  par  un grand  bâtiment en briques rouges où est accrochée  une enseigne cafétéria Jupiler.


Voilà quatre ans,  à cette  même  heure, elle brillait dans  la  nuit. Mon équipe de  Normands et  moi pénétrons dans  la salle où règne  une activité fébrile : la  plupart des coureurs est arrivée.  Les  uns s’occupent à leurs derniers  préparatifs, d’autres attendent assis sur  une chaise, calmement. Je  parcours  la salle  à  la recherche de têtes connues. Les ch’tis, reconnaissables  à  leur  maillot rouge et  noir sont venus en force.  Madness et le Crollé sont  à  la  manœuvre. J’avise Astro qui attend au fond de  la salle pour  passer  un examen  médical.


En effet,  une équipe scientifique  a fait appel  à des coureurs  volontaires afin de  leur passer des tests avant et après course pour  mesurer  l’impact des efforts  prolongés sur l’organisme. Runner14, revu  en septembre  à Ecouché,  me raconte ses  libations houblonnesques durant  la soirée d’hier avec ses amis. Pour  notre compte,  nous avons été  plus sages chez Madness. Je revois avec  un réel grand  plaisir  d’autres Célestes, Mike, la Casta et Gandhi.


     L'essuin, Ricounet, Ricounette et -loulou-

L’atmosphère est détendue avec  mes compagnons de route, Sylvie et Eric, Sylvain, Jérôme. Je  ne  lis aucune appréhension sur  leur visage pourtant cet UTL est  un gros  morceau. Seuls, Sylvain et moi sommes en terre connue pour avoir déjà participé à  l’édition de  2007. Cette année-là,  j’étais en  pleine forme et Sylvain qui relevait de  blessure avait eu  la gentillesse de  m’accompagner Outre-quiévrain. J’en avais  gardé des  images très fortes. Aussi, comme à mon  habitude,  j’en avais fait  la  promotion auprès des traileurs d’Ecouvie. Nous aurions  pu  être  plus  nombreux mais  un calendrier chargé,  des  baisses de forme ont eu raison des  motivations de certains. Tant  pis  pour eux,  ils devront attendre  la  prochaine édition qui aura  lieu en  2013 car,  une des  particularité de cette épreuve est d’avoir  une  périodicité biennalle. Etrangement, je suis serein également. Pourtant,  je  n’ai pas  préparé ce trail. Après  un été  un  peu chaotique au  niveau forme, je  me suis remis  à trottiner voilà seulement que quelques semaines. Aussi,  j’avais affirmé à  mon entourage que  je  me contenterai d’accompagner mes amis  à Liège.  Mais  l’envie était  là, c’était  acquis dans  ma  tête. Addiction comme disent  mes chers toubibs ! Ah, les endomorphines ! Les  petits  10 km de Bursard courus dimanche dernier  m’avaient  paradoxalement redonné confiance.

Il est  bientôt sept heures,  le  jour se  lève sur la cité ardente. Un à un,  les coureurs quittent  la salle  pour se rassembler derrière  l’arche. Certains  vont s’échauffer quelques instants sur la cendrée. Le Crollé et Madness rameutent  la troupe afin de donner  les dernières consignes concernant essentiellement  le  balisage et  le road-book de  4 pages qui contient le descriptif complet du parcours, rue  par rue. Pas d’appréhension, rien de ce genre ou tout au  moins  mon esprit refuse d’accéder à ce stress. Mais, à quelques  minutes du départ,  je sens sourdre en  moi  une certaine exaltation. Oui,  je suis content, vraiment content d’être  là, de tenter ce  pari déraisonnable d’accomplir  un trail de  65 km sans  préparation, certainement  par  bravade  mais surtout aussi pour  vivre encore  une fois  ces sentiments et ces émotions si  particuliers que  je ressens quand je  me retrouve face  à moi-même.


 Plus de  5 mn  ont  passé huit  heures quand Madness  nous  libère. Sur ces  premiers  kilomètres,  ça  papote, ça s’interpelle. C’est  grisant.  La température ne doit dépasser  le zéro que de quelques degrés mais c’est supportable. Le soleil levant incendie  la basilique de Cointe. Le  peloton s’étire doucement dans  les  premières rues puis  nous dégringolons  le coteau  vers  la  Meuse par  marches  irrégulières dans  une coulée verte. L’allure est tranquille. De toute  manière, elle le sera  pour  moi, mon seul objectif étant de terminer… dans  un temps raisonnable ! Nous franchissons  la Meuse  pour la  longer quelques  instants et obliquer  à droite sur  le quai  du canal de  l’Ourthe où sont amarrées des  péniches. Le soleil est  face  à  nous et donne  une allure fantasmagorique aux coureurs.


Sylvain a  pris  le  large. Il est  en  pleine forme, bien remis du GRP. Je suis à quelques  mètres  Sylvie et Eric mais je sais que tôt  ou tard  je vais décrocher,  leur allure étant  un  poil  plus élevée que celle que  j’ai  prévue. Des  bénévoles  nous font traverser en sécurité  les rues. Quel  luxe ! Il  y a  4 ans, ils étaient absents. Cependant, Madness a  précisé qu’ils seraient  présents que  pour les  20 premiers  km seulement !

Nous avons  à peine  parcouru  4 km que  nous allons quitter  la  partie urbaine pour crapahuter sur  les coteaux bordant  l’Ourthe et la  Meuse. Certes,  la ville  ne sera  jamais bien  loin,  ne serait-ce que  par sa  rumeur  mais  le  parcours  nous fera cheminer  le  plus souvent  à couvert des arbres ou le  long d’herbages. C’est cela  la  magie de ce  parcours. Notre  hôte nous avait  prévenus,  le  parcours  2011 sera très différent du parcours  2007 sauf  sur sa fin. Ainsi, nous allons  parcourir le  bois Saint-Laurent par des chemins  bien  pittoresques. La végétation semble  refuser de s’abandonner  à  l’automne. Seule  la  lumière matinale fait  flamboyer  les feuillages qui demeurent bien verts. Le chemin serpente dans  le sous-bois  vallonné, aussi les coureurs , tout au  moins ceux  avec qui  je chemine, n’ont  nullement l’intention de s’épuiser inutilement se  préservent en  marchant  sur  les  pentes  plus  ou  moins relevées. Un « cycliste » nous accompagne. Seulement, son vélo est du genre  mini,  mini, et c’est  un vrai exploit que de grimper  les  pentes dessus !


Eric s’inquiète  pour  moi,  il le serait  à  moins. C’est son côté ange-gardien. Cependant,  je  lui dis de ne  pas se ralentir  pour  moi, qu’il fasse sa course avec Sylvie. Mais  pour  l’instant,  on court ensemble et  on  prend  le temps de se tirer  mutuellement  le  portrait ! Jérôme fait  le chien fou !


Ce  parcours dans  le bois est vraiment agréable. Pour  l’instant, j’ai de bonnes sensations. Pourvu que  ça dourre !  Mais  pas de folie,  je vais vivre ce trail km  par  km ! Nous arrivons bientôt   en contrebas des bâtiments  universitaires où mon fils est venu travailler quelques  mois  pour compter  les atomes  en  2006.  Les allées s’élargissent et se  macadamisent. Je croise  des  joggeurs et des cyclistes mais pas de salut ! Je retrouve  une partie empruntée naguère, celle qui redescend après  le château de Colonster. Je débouche sur  une route où la circulation semble vive  mais  des signaleurs protègent  ma traversée. Je  ne vais  pas  loin car des feux rouges annoncent  le  passage d’un train sur  la voie ferrée qui  longe  la route. Eric a traversé avant que  les  barrières ne s’abaissent. Je  ne suis pas  à une  minute  près surtout que  je vois du coin de  l’œil  le train arriver. Il passe devant  moi dans  un souffle.


 Eric est reparti. Voilà,  maintenant,  je suis seul, enfin sans coureurs de connaissance. C’est aussi  bien. Pas de pression comme ça. Je suis  plus tranquille d’esprit pour gérer  ma course  à mon allure, surtout quand celle-ci est  bien  modeste ! Pourtant, Eric,  j’avais  bien apprécié de le retrouver en Drôme pour terminer  les  20 derniers des  100 km de Jack, quelle galère ! Pour  l’instant,  en compagnie de quelques coureurs,  je suis l’ancien chemin de  halage le  long de  l’Ourthe. Ah, ce  n’est  pas celui qui  longe la Mayenne que j’ai emprunté en VTT voilà  trois semaines ! Car ce chemin est coincé entre  la rivière à droite et  l’autoroute à   gauche ! Mais  il a sa  propre entité; ce qui file  à toute allure  à ma  gauche est  dans  un autre  monde, assurément,  à cet  instant.


Il  me  plaît de  penser cependant aux automobilistes qui  peuvent  nous apercevoir courir sur ce chemin. Que  peuvent-ils  penser ? Rien ? Lorsque je suis au volant d’une voiture,  j’ai toujours  un regard  pour  les  joggeurs que je  peux apercevoir, sur  un trottoir,  sur  un chemin, sur un  pont, pour  jauger  leur allure,  mais aussi simplement  pour  être  satisfait de voir ces gens courir, d’être de connivence avec eux. Je passe sous  l’autoroute et reviens en grimpant à couvert  le coteau. Les fougères aigles ont brûlé avec  les  premières gelées. De  place en  place, des vesses de  loup  jalonnent  le chemin.   Je quitte  les  pentes  boisées  de chênes et de  bouleaux pour déboucher dans  un quartier résidentiel d’Embourg. La  piste se glisse dans  une bande  boisée qui encercle la colline  où se situe Embourg si bien qu’on se trouve au cœur d’une ville tout en progressant en sous-bois ! Mais son agitation  n’est  guère  loin. Les  mugissements  à l’américaine des ambulances qui se font entendre sont  là  pour  le rappeler. Ce qui rend encore  plus étrange  la situation ! Je consulte régulièrement  mon Garmin afin de connaître  ma  progression : 20 km en  2h10, c’est  honorable. Le décompte est dans  ma tête, très  présent,  ma volonté est tellement  forte de terminer. Est-ce que  le corps suivra ? Je débouche  sur  une rue que  me fait traverser  un bénévole  puis  j’oblique  en épingle  à droite, ça  monte. Comme  les autres qui sont devant et derrière  moi,  je commence  à  marcher mais au bout de quelques  instants,  je  me sens  plus  à  l’aise de trottiner. Arrivé  presque en haut,  je  reprends  à gauche  un sentier pour retrouver  la bande  boisée de tout  à  l’heure. Ce chemin  étroit bordé de  bouleaux est  bien agréable  à parcourir. De  place en place, des ronds verts indiquent la trace  à suivre. Puis  je retrouve  le quartier résidentiel aux belles villas accrochées aux  pentes escarpées qui dominent  Liège. Le sentier se glisse entre deux grillages qui  limitent ces  belles  propriétés,  la ville proprement dite est  à nos  pieds.


Après avoir traversé une voie rapide, je  passe sous  la voie ferrée et rejoins  un  pont qui enjambe  la Vesdre, affluent de  l’Ourthe pour gagner  les faubourgs de Vaux-sous-Chèvremont. Je suis toujours en compagnie de quelques coureurs. Oups,  à gauche,  un escalier se  présente ! Direction  la  basilique de Chèvremont. Je suis en compagnie d’un  jeune équipé de  bâtons de  marche. Il est  vrai que  par moment,  les bâtons se révèlent comme  une aide  précieuse. Je  longe  un cimetière qui semble abandonné.


De nuit,  il ferait  un excellent décor pour  un film d’épouvante ! Ensuite, c’est  le calvaire qui commence ! Enfin au sens chrétien du terme ! Je n’en suis pas encore  là ! C’est  une large allée recouverte de feuilles  mortes, bordées de  magnifique chênes qui  monte doucement. De  place en  place, des édicules marquent les différentes stations du chemin de croix. A son terme, point de Golgotha  mais tout simplement  le  premier ravitaillement au km24. Ce  n’est pas  plus  mal !


Je retrouve  le Crollé comme agent d’ambiance et tout  un groupe de  bénévoles aux  petits soins des coureurs. Je tends  mon camel-back à un d’entre eux afin qu’il fasse  le  plein pendant que je retire  le t-shirt aux manches  longues que  m’avait  prêté Jérôme. Je suis suffisamment réchauffé ainsi que l’air ambiant  pour ne poursuivre qu’avec  un seul t-shirt  manches courtes. Je  préfère ainsi car celui-ci, rouge, indique  mon appartenance à  mon club de trail  ornais. Par ailleurs,  mon cuissard arbore  les couleurs de  mon autre club d’Athlé ! Je  prends  mon temps,  le ravito est fait  pour ! La Casta et Frenchie arrivent. L’ambiance est vraiment sympathique. J’adore voir des enfants encourager leur papa. La table est  bien garnie, je  me restaure consciencieusement. J’aperçois du coin de  l’œil  la caisse de  bière. Je  n’ose encore sacrifier  à Jupiler ! J’ai  pris  un  peu de temps  pour  moi. Je repars tranquillement sur  la route en  longeant  la basilique. Puis  la route  ondule dans  un paysage  bucolique. Des  vaches  ruminent dans  un  pré. Le ciel est  magnifiquement azuré, la si belle  lumière d’automne transcende  les couleurs du  paysage.  La  lune s’obstine à demeurer dans cette féérie.  Je  longe enfin  les vignobles dont  m’a parlé Madness  hier.


Je quitte  la route  pour continuer sur  un chemin qui grimpe tranquillement  parmi des  près et des  petit bois. J’arrive  à un carrefour  où une  inscription  peinte  sur  le sol m’indique  que j’en suis  au 29e  km et  à  un D+ de  800m. Presque  la  moitié,  je  le savais  bien sûr ! Mais cette  inscription  me trouble car elle  m’est  imposée. D’autres du  même genre suivront. C’est étrange comme  impression  mais j’aurais voulu qu’elles ne soient  pas, qu’elles ne soient pas, en quelque sorte, officielles. Même si  je consulte  régulièrement  mon Garmin, j’aurais voulu garder  ma  progression secrète, car je sais qu’elle  m’ait difficile désormais. Troublante  machine qu’est  l’être  humain  pris au  piège de ses contradictions. L’esprit veut,  le corps doute, vraiment troublante schizophrénie.  Je  gagne  maintenant  une sorte de  piste  cyclable en  faux plat descendant qui  permet  une allure confortable. Je croise  quelques  marcheurs et autres cyclistes. Ils semblent de  ne pas  me voir, suis-je  invisible ? Je  passe au-dessus d’une  voie  large. Un  haut grillage double  la rambarde du  pont.  Comme dans  un zoo.


Je retrouve cette  impression d’être  un  peu ailleurs,  d’être dans  une autre dimension où le  temps et  l’espace n’ont  plus les  mêmes valeurs. J’ai déjà  ressenti cela  lors de  mes grands trails comme l’UTMB,  les  100 km de  la Drôme ou au Morbihan. La  piste rejoint  une  large avenue. De  là,  je gagne  un parc  boisé. Tout  à coup,  une arche ruinée se  présente devant  moi. Voilà 4 ans,  je  la franchissais avec Sylvain ; Madness avait  photographié ce  moment. Là,  je suis seul. Sic transit gloria  mundi. Je  passe devant  le château de Fayembois et  je  poursuis par  une belle allée descendante dans  le  parc. J’avise  le ravitaillement qui se  présente  tenue par des  jeunes. J’en profite  pour refaire  le  plein de  ma  poche  à eau. Je fais remarquer aux  jeunes que  les bouteilles d’eau  proviennent de  ma région. C’est alors qu’ils  me font remarquer que ce ravitaillement  ne  nous est  pas destiné mais qu’il est établi  pour  un autre  jogging ! Je  ne serai pas  le seul  à faire  la  méprise !


Je débouche dans  un  merveilleux vallon. Le  paysage en  paraît  improbable,  l’herbe est tellement verte,  le ciel si  bleu. Un rude chemin me  hisse en haut du coteau. Le  lieu a  pour  nom,  la ferme Tambour, étonnant, non ? Je retrouve encore le Crollé. En fait,  il est  là  pour suivre  la  progression de sa tendre  qui est  à quelques  minutes de  moi. Je continue. Ma cheville gauche commence  couiner. Il va falloir composer avec.  Je traverse  plusieurs rues sous  l’œil  indifférent de signaleurs. Je réalise qu’ils sont  là  pour  l’autre  jogging ! Plus  loin,  je retrouve   le  jeune aux  bâtons. Je reste quelques  instants  à sa  hauteur  puis  je  le devance.  A  l’entrée de la rue du Bois sauvage - joli  nom  là encore – j’avise  une belle  maison de briques décorée pour Halloween. Le  jeune et  moi  poursuivons par  un sentier qui rentre dans  un bois. La  pente est douce, aussi  je  préfère trottiner  pour  la gravir, distançant ainsi  mon compagnon de circonstance qui  préfère  marcher. J’atteins  un pré  où  une vue  exceptionnelle sur  Liège s’offre  à  moi ! Le Crollé est encore  là.  Il  me  présente  le panorama et  les étapes  à venir du parcours :  là,  à droite, sur  la rive,  près du grand immeuble  blanc, ce sera  le  ravito du  km 42. Derrière, qui dominent,  les terrils, et quels terrils ! En remontant  plus au  nord,  la citadelle rouge au  km 52,  puis  plus loin encore  la basilique avec la tour  Mémorial du départ ! Je contemple les difficultés  à venir sans vouloir les analyser vraiment. Je ressens à cet instant  juste  un  peu d’appréhension. Cela semble si  loin, si haut. Je repars. Je veux aller  jusqu’au  bout. A ce  moment, je suis sûr d’y arriver. Maintenant,  j’aimerais  l’accomplir dans  un temps raisonnable. Toujours  l’orgueil !

le doigt du Crollé !

Je dégringole  la  pente vers la Meuse. Je  me retrouve dans  une zone  industrielle. Je contourne des tubes entreposés  le  long du chemin et rejoins  un  grand carrefour. J’oblique  à gauche  le  long d’un grand  boulevard. Je soigne  ma foulée pour  les automobilistes que  je croise. Je scrute les  passagers,  guettant  leur regard.  J’atteins ce qui  pour  moi demeure emblématique le site  industriel de Jupiler, en fait  les établissements Interbrew. Je  passe  le  long de  la grille fermée par  où  nous avions  pénétré  il y a  4 ans. Le ravito se tenait  là. Sylvain et  moi avions fait semblant de trinquer  à la  bière. Les  montagnes de caisses de  bière sont toujours  là. Leur vue  me fait sourire.


Allez,  bientôt  le  2e ravito. Sur  le  boulevard, le Crollé  passe en  me  klaxonnant ! Je franchis  un  pont  barrage pour atteindre  une  île. J’ai des coureurs devant et derrière  moi,  même s’ils sont très espacés, c’est  bon de  les savoir  là, en  limite de  ma solitude. Je traverse  un autre  pont  qui donne sur  une superbe esplanade à la  pointe de l’île Monsin.


Je rejoins  la rive  et continue  le  long du boulevard qu’il  me faut traverser. Bigre, c’est que  le trottoir est  bien haut à descendre et  à remonter de  l’autre côté. A  l’entrée du  petit  parc, des enfants  m’encouragent. Cela  me fait chaud au cœur ! Ce sont  les  premiers. Voilà,  j’arrive au  2e  ravitaillement du  km 40. La  table est  généreuse. Je  mange  des cacahuètes, des  bananes et  je bois du coca. J’effectue  à nouveau le  plein de  ma  poche  à eau. Afin de  prévenir tout désagrément,  je bois très, très souvent  par  petites gorgées.

avec Runner14 - un  peu entammé!!

Il  me faut repartir dans  les rues d’un  quartier anonyme. Des  flèches  vertes  m’indique d’emprunter  un passage dans  une sorte de cour. Je remonte ensuite dans  une ruelle  où des  odeurs de cuisine  m’assaillent. Je  passe sous  la voie de chemin de fer pour gagner  un  passage en escaliers. Je débouche sur  une rue  montante  où des enfants  jouent au ballon,  semblant  indifférents  à  mon  passage. Au terme de cette rue,  une inscription sur  le sol  me fait sourire : « Bienvenue au dist. marathon - courage ».  5h20 pour  un  marathon ! Là,  la  piste se dirige à droite dans  une épaisse végétation puis  le chemin se dégage en grimpant de  manière abrupte  les  pentes de ce  premier terril. Zut,  je  n’ai  plus  de  batterie  pour  mon appareil  photo ! Encore  une fois ; la  précipitation de ce  matin  m’a empêché  d’effectuer  un changement de  batterie. Je  ne réaliserai que  bien  plus  loin que  je  peux continuer  à  photographier  mon  parcours avec  mon téléphone ! Je retrouve  l’odeur acide de  l’anthracite. La  pente est  très forte et  j’ai  très mal sous  les  pieds. En fait, j’ai deux  poulettes  sur  les talons. Là encore, ce  matin,  l’onction   à  la Nok  a été  insuffisante ! Il va falloir composer avec, en espérant qu’elles  vont  percer d’elles-mêmes. Mais  pour  l’instant,  je  ne suis  pas  à  la  noce ! Sur  le sol, des  parcelles noires brillent au soleil. Enfin,  le chemin bascule dans  la  pente. Plus  loin, un  paysage reconnu apparaît. Il s’agit du golf  que  je traverse. Je contourne  le terrain  puis  le  practice jonché de  petites  balles  blanches ! Je connais la suite, une  rue  en forte déclivité est  à emprunter à sa sortie. Une vététiste  m’encourage. Hum !

Le chemin se  poursuit  par des chemins, des ruelles  pittoresques au profil  improbable.  A  l’arrivée,  j’entendrai  le  nom de San Francisco ! Dans ce quartier  pavillonnaire, les  maisons sont toujours aussi belles,  à  l’architecture  originale, adaptée au terrai en  pente. Des rues sont  pavées,  le  pavé du  nord. Le repas dominical est presque terminé. J’entends en provenance des  jardins des bruits de tondeuses et de  perceuses ! Au  loin, des sirènes hurlent leur désespoir. Dans  une ruelle,  du  jus de  pomme, à  0,80 €  la  bouteille, est proposé  à la vente ! Ce sera  pour  plus  tard !  Des  jardins sont à  l’abandon sur certaines  pentes. Quelques  maisons également. Des  oiseaux  aux cris étranges se font entendre. Mais comment font-ils  pour vivre ici ?  Question que  je  pose  à  une  passante, celle-ci  me répond de  la  manière  la  plus  naturelle « Mais en venant  par  le  haut ! » Effectivement, vu comme  ça !  Je  prends  le temps d’effectuer quelques étirements C’est dur  mais  les  km défilent ! Un  pied devant  l’autre, c’est tout. Je retrouve encore  le Crollé ! Plus  loin,  un autre paysage se révèle à  ma  mémoire. Il s’agit d’un terril qu’on va contourner. Il  y a  4 ans,  un coureur  y avait été victime d’une terrible chute qui  l’avait ensanglanté. La Casta  m’a rejoint dans  la  précédente  montée. Dans  mon souvenir,  le chemin était  plat  mais  non,  il se  laisse aller  sur  les  pentes relevées du terril noir. L’odeur est forte. Une végétation luxuriante ombrage le chemin. Ici rien n’a changé, rien  n’a changé, sauf  moi. Un soleil chaud, agréable,  printanier  me donne du cœur.  Enfin,  j’en finis. Quelques centaines de  mètres sur  le  plat.  Des  gens sur  le  pas de leur  porte  me  proposent  à boire.  Puis la  piste  me conduit dans  un bois  à flanc  de coteau que  je descends  bien  lentement  à cause des  douleurs aux talons. Un  peu de  goudron et  je remonte  par  un sentier en lacet vers  un oratoire. « Il  n’est  pas  plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » est  inscrit  à son fronton. J’aperçois Runner14 non  loin derrière  moi. Une  immense villa  m’impressionne.  Je traverse ensuite  un terrain vague où j’aperçois des tentes. Des campeurs, non, certainement des sans-logis, des clandestins. Le campement  a  l’air saccagé et  les  humbles effets personnels des  occupants ont été entassés  le  long de  la clôture. J’aperçois  la Casta qui chemine devant  moi. Le chemin continue : une forte  pente à gravir en sous-bois ! Mains sur les  hanches, je  progresse ! Je rejoins  un chemin qui borde  en surplomb  une voie de chemin de fer. Le  parcours est  familier même s‘il a  été emprunté une seule fois voilà  4 ans. Au  bout,  je descends  un  peu  par des escaliers qui dominent  une superbe esplanade où de  nombreux  badauds se  promènent. Un chapiteau coloré indique  la  présence d’un cirque Sur  ma  gauche, des  joueurs au football sur  un terrain synthétique clos. Quelques  marches  pour remonter et attraper  le chemin en lacet qui  grimper vers  la citadelle. Runner14 m’a rejoint et c’est ensemble que  nous avançons tranquillement. L’épouse du Crollé et une copine  nous  dépassent. Elles  ont  l’air très en forme ! Un escalier  métallique pour en terminer.


Le  3e ravitaillement est en vue. J’y suis accueilli  par  le Crollé qui  me tend  une bière. Enfin,  je  l’ai ! Sur  un barbecue, des saucisses grillent. Là encore,  l’ambiance est  bonne enfant.



La vue est splendide sur  Liège.  Je  ne  m’attarde guère. Juste  le temps de  bien boire et de  manger. Je suis  pressé d’en finir.  Je  me sens  bien, comme  un regain.  C’est  bien  moi, ça ! Les douleurs se sont estompées.  On  m’indique que je suis dans  les  cent  premiers… sur  150, ce n’est  pas si mal que  ça. Le  premier en a terminé en  5h44 me dit-on également. Il  ya  4 ans,  j’étais déjà  arrivé  à cet instant. Runner14 s’est assis  pour reposer ses  genoux !  Je repars en bonnes foulées. J’arrive à  un  monument, quelques  marches à descendre,  puis  une rue.  Je  me laisse aller dans  la descente. Tiens,  plus de  point vert ! Je suis allé trop  loin. Je remonte. Effectivement, des flèches vertes sont  là, le  passage était caché par des voitures garées. Oh ! Bonheur ! Les escaliers de Bueren. Enfin. Il  y a  4 ans,  une compétition de VTT  nous en avait  privés. Je descends ces escaliers avec  un réel plaisir. Les deux féminines sont devant  moi. Je descends toujours, sans  me tenir  à la rampe centrale. 


La  prochaine fois, Madness va-t-il inverser  le  parcours ??? !!! Au  pied de  l’escalier,  un couple de  jeunes  mariés se fait tirer le  portrait par  un  photographe. Je leur souhaite  plein de  bonheur. A  peine  un sourire esquissé en guise de remerciement. Désormais,  le  parcours  va  être,  me semble-t-il essentiellement  urbain.  J’emprunte  une rue pavée montante. Sur  un  mur aveugle d’un immeuble,  une  immense  fresque  représente  un coureur en  pleine course. Magnifique. Je continue, ébloui. J’ai vraiment retrouvé  un rythme. Les douleurs se sont estompées. Côté  urbain, je me suis trompé. Le  parcours  nous réserve des  passages dans un  jardin. Puis  des vergers  où paissent des  bœufs  blancs.


Puis encore des rues. Des escaliers. J’ai vraiment repris du rythme car  je reviens sur des coureurs qui  me précédaient. Et  je  les double !  Les rues succèdent aux rues. Non, encore  le Crollé ! Dans  un  parc en friche,  je  longe  un bassin de décantation, me semble-t-il. Devant  moi, deux coureurs sont en  train de grimper  péniblement  un escarpement herbeux. Je  l’atteins à  mon tour. Boudiou, c’est pentu de chez pentu et  glissant ! Je  mets  les  mains  pour  me  hisser  en haut !  Plus que quelques km, c’est  gagné ! C'est  gagné! Je traverse des quartiers  populaires. L’air se rafraichit avec  la venue du soir. Ce qui  importe, c’est  l’horizon. L’atteindre. Je viens de dépasser  les  60 km !  Je sens  l’émotion  me gagner.  J’ai rejoint  deux coureurs, Pascal et Bernard.  Je reste  un bon  moment avec eux. Mais étant  plus frais qu’eux,  je  préfère continuer  à  mon rythme. Je surveille mon Garmin.


62 km,  63 km… ça ne serait tarder. J’aperçois  le toit  lumineux de  la  gare TGV. Puis  le dôme de  la basilique de Cointe et  le Mémorial. Pareil à ce  matin,  ils flamboient dans  les feux du couchant. C’est  un signe.  Maintenant, je cours en compagnie de  la Casta qui salue  mon retour.  La grille du stade se  présente  à  moi.  Quelques  marches  pour descendre sur  la cendrée.


Madness au  micro  m’annonce.  Sylvain est  là également, Astro. Ces derniers  mètres des  65 km du  parcours… toujours ce sentiment d’exaltation où  l’esprit s’allège… et  où  le corps revient !! Non,  pas  pour  l’instant. Bonheur total, je franchis  la  ligne d’arrivée… les embrassades et je me retrouve avec  une bière  à la  main,  la  bière des Célestes.


4 commentaires

Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 10-03-2012 à 18:20:35

Depuis le temps qu'on l'attendait ce récit ! Bon, il faudra bien que je fasse un tour en Belgique un jour...

Commentaire de Pegase posté le 10-03-2012 à 18:54:08

Haaa les week-end en Celestie, que du bonheur !!!
Avec la bière, il ya aussi le fromage des Celestes. Nickel pour l'apéro.

Commentaire de robin posté le 14-03-2012 à 11:20:44

" Une végétation luxuriante ombrage le chemin. Ici rien n’a changé, rien n’a changé, sauf moi."

Mais non Mustang tu ne changes pas . Tu nous fait de super compte-rendu. Merci de nous faire découvrir le Made in Belgique !

A +

Commentaire de francois 91410 posté le 24-03-2012 à 16:39:27

des quartiers anonymes aux prés verdoyants en passant par ce beau cimetière, ce fut apparemment un parcours qui ne laisse pas indifférent. La bière doit être une sacrée récompense à l'arrivée !! merci pour ce récit qui, une nouvelle fois, donne envie !

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