L'auteur : Arclusaz
La course : Marathon du Mont-Blanc
Date : 26/6/2011
Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)
Affichage : 4445 vues
Distance : 42.195km
Objectif : Terminer
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J’en ai rêvé, je vais le faire, …..
C’est dans cet état d’esprit que je me dirige vers la ligne de départ de ce Marathon du Mont-Blanc qui m’a bien occupé l’esprit ces dernières semaines. Aujourd’hui, ce sont les jambes qui vont devoir prendre le relais…
Tous les voyants sont au vert : nous avons passé un excellent début de WE à Chamonix en famille, je suis avec un de mes meilleurs amis (que nous appellerons F pour préserver son anonymat dans la suite de ce récit), pas de soucis physiques particuliers. J’ai fait ma dernière sortie il y a 15 jours : ça fait une sacrée coupure mais il me semblait que j’étais un peu fatigué et que la fraîcheur sur ce genre de course est indispensable.
Sur le papier, les chiffres me font un peu peur : 42 km, 2500 m de D+.Je n’ai jamais dépassé les 4 heures en sortie longue et fait une seule course de plus de 3 H (la Saintexpress en 2010 en 6h, 44 km mais peu de D+).
Heureusement, il me semble avoir néanmoins des atouts :
1) mon plus bel hiver de CAP grâce à la rencontre de kikoureurs lyonnais. Comme ils font en majorité de l’Ultra, j’ai, à leur contact, allongé les distances, mangé du D+, tenté de progresser en D- et écouté leurs précieux conseils.
2) mon passé de montagnard. Je suis originaire d’un coin de montagne (les Bauges, en Savoie, au passage, un peu de pub, allez-y, c’est bô !!!!!!) et j’ai l’habitude des longues randonnées, des montées de plusieurs heures. Bon, tout ça date un peu, mais il faut bien trouver des points auxquels se raccrocher.
3) mon envie vraiment très importante.
Il faut que je vous parle de ma "stratégie". Mon seul objectif est de finir : si je pouvais signer pour finir dernier, je le ferai immédiatement. Le problème, ce sont les barrières horaires qui ne me semblent pas simples. J’ai lu plusieurs récits des années précédentes de concurrents n’ayant pas pu les franchir. Il faut donc les gérer pour les passer. Je me suis fait un plan de marche raisonnable qui me laisse un quart d’heure de marge (je sais, ce n’est pas beaucoup, mais si je pars plus vite, j’ai peur d’exploser). Je me suis bricolé un road-book précis sur excel en m’aidant de Soft Run mais en l’adaptant à mes capacités : j’ai prévu d’être en mouvement pendant 8 heures plus 20 minutes de pause aux ravitos (c’est court mais il faut bien que je sois efficace quelque part) soit au total 8h20.
Juste avant le départ, j’ai le plaisir de saluer Jean-Michel Touron dont j’ai fait la connaissance en début de mois au Pilat’trail (dernière course de prépa qui s’est passée de manière moyenne).
Allez, faut y aller ! Avec F on est assez bien placé sans l’avoir cherché (environ la moitié du peloton). Départ intense comme je l’imaginais mais ça va, je gère l’émotion !
Je pars donc doucement comme prévu mais finalement mon rythme est assez proche de celui de mes voisins : je me laisse donc emporté par la foule, qui nous traîne, nous entraîne, …..
Au bout d’un quart d’heure, F me prend quelques mètres qui se transforment en hectomètres puis certainement plus après un arrêt technique juste avant le Lavancher (faut dire que j’en ai bu du St Yorre avant le départ !). Pas grave qu’on se soit perdu, c’était prévu, il est meilleur coureur que moi.
Traversée du Lavancher vraiment sympa sous les applaudissements de la foule en délire. Ce sera une constante le long du parcours. C’est la première fois que je goûte au plaisir d’être encouragé par des inconnus qui m’appellent par mon prénom lu sur mon dossard. Ce principe me faisait sourire, finalement c’est fort agréable !
Passage à Argentière (premier chrono officiel) en 1H20 (1459eme). 15 minutes d’avance sur les prévisions.
La montée au Col des Montets se passe bien, tout le monde marche dès que c’est un peu pentu, alors je fais pareil.
C’est peut être le seul endroit du parcours que j’imaginais plus beau. Sur la fin, on longe un peu la route mais ce n’est pas long. Puis, c’est la descente vers Vallorcine, descente que je décide de neutraliser. Je suis un piètre descendeur même quand c’est roulant comme ici. Je préfère perdre du temps mais garder mes jambes. Je me fais donc doubler par des wagons de coureurs.
Passage à Vallorcine en 2h25 (1494eme). 33 minutes d’avance sur les prévisions.
Il est donc l’heure de se restaurer : ceux qui me connaissent savent que je suis un véritable ogre et que je digère fort bien le saucisson. Là, bizarrement, je le dédaigne et me jette sur une excellente tome et surtout un pain aux céréales parfait (4 tranches !). Je suis parti avec pas mal de ravito perso pour être le plus en autonomie possible mais là, c’est trop tentant. Je pense néanmoins ne pas avoir dépassé les 5 minutes que j’avais prévu de passer à ce ravito.
A la sortie du ravito, il est là !!!!!
Mon ange gardien, mon tuteur, mon maître d’apprentissage es trail, bref Tophenbave que je connais depuis 6 mois grâce à Kikourou mais que j’ai l’impression d’avoir toujours connu.
Moment très sympa, on discute en marchant, il me complimente sur mon teint frais, me défait mes bâtons, m’aide à les régler et nous attaquons ensemble le début de la montée des Posettes pratiquement « dré dans le pentu ». Toph m’accompagne jusqu’à l’orée de la forêt puis il me laisse car je crois qu’il a peur dans les bois ou bien c’est qu’il n’arrive pas à suivre mon rythme endiablé
Nous avons donc abordé la deuxième séquence de la course, la montagne. Là, il s’agit de marcher d’un bon pas, en s’aidant des bâtons que j’ai testé sur quelques sorties longues. C’est vraiment une aide efficace. Ça bouchonne pas mal dans la mono-trace mais tant mieux, ça m’évite de m’emballer. Les « purs coureurs » en bavent, les « montagnards » sortent du bois. Je double pas mal de monde. On débouche sur une piste « jeepable » moins agréable et surtout plus exposée. Mais, la chaleur reste supportable (on est presque à 2000 m d’altitude). C’est d’ailleurs une des bonnes surprises de la journée : alors que beaucoup de coureurs se plaindront de la chaleur, elle ne gênera absolument pas. Mon côté « ultra-transpireur » doit finalement être un atout me permettant de m’adapter à la chaleur à condition de ne pas oublier de boire.
Boire, justement ! un début de crampes derrière la cuisse me rappelle que je n’ai peut être pas assez bu. Je m’y emploie, quelques granules d’homéopathie, une pastille de S…… et la crampe disparaît.
A ce moment, apparaît ma 3eme star kikourou de la journée. Après Jean-Mi et Toph, voilà THE Bicshow. Il marche d’un bon pas après un départ prudent et je lui annonce qu’il va me prendre une demi-heure dans la descente (ce qui sera la cas). Seul regret : j’ai manqué Jay qui était aussi dans le secteur au même horaire. En même temps, faut bien que je garde des stars kikourous à rencontrer lors de prochains trails ….
Passage au Col des Posettes en 3h39 (1497ème) soit 34 minutes d’avance sur les prévisions.
Bon, là, vous allez peut être rire mais ….. les larmes me viennent aux yeux. Cet endroit est magique, la vue sur le massif du Mont-Blanc est incroyable. Cerise sur le gâteau, un musicien installé sur un pick-up entonne un « j’veux du soleil » du plus bel effet. Mince, qu’est-ce que je suis heureux !!!!!
Photo : JMK
Montée en file indienne à l’aiguillette. Bicshow me prend tout de suite pas mal de temps et rapidement je ne le vois plus.
Arrivée au sommet de l’aiguillette des Posettes : que dire ! c’est magique !
Voici maintenant la partie du parcours que je crains le plus. La longue descente (1000 m de D-). Je gère comme je peux et ça ne se passe pas trop mal. De temps en temps, je m’écarte pour laisser passer du monde. Les bâtons m’aident bien : ils me donnent de l’assurance et on préservé mon coccyx d’une chute qui aurait pu être lourde de conséquences.
Photo : JMK
Passage au Tour en 4h52 (1501eme) soit 23 minutes d’avance sur les prévisions.
J’ai donc franchi la première barrière horaire avec une marge de 38 minutes.
A postériori, je suis surpris par mon classement. Je n’aurais perdu que 4 places depuis les Posettes alors que des grappes de coureurs m’ont déposé dans la descente. Peut être un petit loupé dans les détections des puces…
Je n’étais jamais passé au Tour, c’est magnifique avec le glacier qui surplombe.
Dans le village, un bassin fait le bonheur des coureurs. J’y trempe ma casquette qui sera rapidement sèche.
Petite descente (nous franchissons à nouveau le pont qui longe la voie de chemin de Fer) remontons comme il y a quelques heures en direction du Col des Montets mais bifurquons à gauche pour arriver au Ravito de Tré-le Champ .
Passage à Tré le Champ en 5h16 (1454eme) soit 29 minutes d’avance par rapport aux prévisions.
J’ai donc franchi la deuxième barrière horaire avec une marge de 44 minutes.
Il faut que je fasse le plein de ma poche à eau. Je la sors du sac et constate qu’elle est pleine au trois quarts ! je n’ai pas assez bu entre les ravitos. Mais, je ne me sens pas déshydraté : j’ai bu pas mal de coca et de boisson énergétique aux différents ravitos et est systématiquement rempli un bidon que je porte à la ceinture. J’ai donc charrié beaucoup de liquide pour rien mais tant pis. Quand je pense qu’on s’est un peu « étripé » sur kikourou pour savoir s’il fallait mettre dans le sac un collant de 100 g comme le conseillait l’organisation (ce que je n’ai finalement pas fait !) et que j’ai charrié un litre d’eau pour rien jusqu’à Tré-le Champ. Enfin bon, je préfère avoir trop que pas assez…
Voilà que se dresse devant nous l’énigme du parcours : la montée à la Flégère. En préparant la course, je ne comprenais pas pourquoi il fallait tant de temps pour la grimper. SoftRun me prévoyait 1h20, Torchure dont j’avais recueilli grâce à Kikourou les avis éclairés dans la semaine m’avait dit avoir mis 1h40. Il n’y a que 530 m de D+ sans descente. En montagne, on arrive à faire du 800 m/h sans être un champion. J’avais néanmoins écouté Softrun et prévu 1h15. J’ai mis … 1h39 (dont environ 5 minutes au ravito de Tré le Champ). Je ne sais toujours pas pourquoi il faut autant de temps, j’ai eu l’impression de bien marcher, de ne pas trop souffrir. Seule la fin au sortir de la forêt a été un peu pénible (début de crampes nécessitant des étirements).
Passage à la Flégère en 6h55 (1501eme) soit 12 minutes d’avance sur les prévisions.
C’est fait !!!!!! La dernière barrière horaire est passée avec 45 minutes d’avance et je sais que, sauf accident, je vais finir.
Alors, je décide que je ne cours plus jusqu’à la fin, je profite, je savoure le paysage et ma réussite. Bon, je ne suis pas sur que j’étais en mesure de courir beaucoup. Ce relâchement de ma part est-il un signe de fatigue ? Peut-être mais en même temps, ça me ressemble : le chrono pour moi est très très accessoire, ce que j’aime c’est profiter de l’instant présent.
Je vais donc me faire énormément doubler sur les 5 derniers kilomètres où je perds 93 places : cela doit constituer une sorte de record, et ben tant pis !
Merci aux clowns croisés en haut de l’avant-dernière bosse : ils improvisent des chansons en y incluant le prénom ces coureurs. Je suis tellement content que leurs rimes foireuses me semblent être des œuvres d’art !
Je continue de marcher dans la dernière descente (là, quand même, j’ai un peu exagéré !). M'enfin, quand on a ça sous les yeux, ça donne envie de prendre son temps ...
J’arrive au bas de la dernière bosse, vraiment impressionnante. Finalement, en appuyant bien sur les bâtons, ça passe assez vite (environ 10 minutes) grâce aussi à l’ambiance Alpesdhuezienne.
Ma femme et mes enfants m’attendent à l’arrivée, c’est très fort.
Je franchis la ligne en un peu moins de 8h15 soit 5 minutes d’avance sur mes prévisions et à la 1594eme place.
Je suis radieux, fatigué mais heureux. Tout s’est formidablement passé comme dans un rêve.
Je déguste la bière de l’arrivée, retrouve F qui est arrivé en 7h51 ainsi que des amis qui sont venus nous encourager.
Merci à tous ceux qui m'ont permis de passer cette superbe journée : ma famille, F. et mes amis kikoureurs qui m'ont beaucoup aidé dans la préparation et la réussite de ce petit défi.
Ben, ouais, c’était bien !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
13 commentaires
Commentaire de Jay posté le 01-07-2011 à 00:57:00
on s'est effectivement pas mal croisé tout au long de ce parcours.. ;-)
au plaisir donc de papoter avant un prochain départ et vues nos allures proches on fera surement un bout de chemin ensemble sur la Saintélyon en décembre prochain !!
Bonne fin de récupération,
Jay
Commentaire de tophenbave posté le 01-07-2011 à 08:07:00
quelle belle journèe!quelle belle reussite!le plaisir en prioritè,l'"exploit sportif" et l'amour de la montagne!que du bonheur!si en plus tu croises des stars....
Commentaire de BOUK honte-du-sport posté le 01-07-2011 à 11:36:00
Merci Arclusaz pour ce récit, on a effectivement fait les mêmes préparatifs (softrun !), la même stratégie de course, et finisher tous les deux.
Un grand bravo !
Commentaire de totoro posté le 01-07-2011 à 12:17:00
un grand Bravo à toi ! Ton récit et ta superbe sont superbes et donnent très très très envie pour l'année prochaine ! Continues de bien profiter :-)
Commentaire de chanthy posté le 02-07-2011 à 09:27:02
merci pour ce récit et bravo pour ta gestion de course.
bonne récup à toi
Commentaire de fildar posté le 02-07-2011 à 10:06:47
Bravo et merci pour ce beau CR
que du bonheur
@+ sur un off
Commentaire de tidgi posté le 04-07-2011 à 21:25:15
Apparemment tu étais en avance sur toutes tes prévisions.
Va falloir resserrer les objectifs ;-)
Bravo pour avoir relevé le défi.
Et bonne récup.
Commentaire de franck de Brignais posté le 12-07-2011 à 21:40:09
BRAVO !! Que peut on dire d'autre ? Tu as tout mis en oeuvre pour réaliser un de tes rêves. Tu as bossé dur, tu t'es préparé ... et ça a marché. Une régularité exemplaire, pas de bobos ... et un pied d'enfer dans des conditions idéales... c'est ça la course à pied !! Uniquement ça ... Merci de nous l'avoir fait partager !!
Commentaire de Jean-Phi posté le 07-09-2011 à 16:43:11
Curieux, j'avais lu ton CR et pas laissé de message. Je devais être dans un jour sans post-TOE, bref...
Bon, que dire sinon que tu as admirablement bien géré ton truc. Juste, fais attention dans la gestion : Si ton but est de perdre des places, fais-le tout de suite et pars plus lentement, ce sera plus simple que de perdre 93 places sur la fin. Je dis ça, je dis rien, hein ?! ^^
Commentaire de sabzaina posté le 04-05-2012 à 17:07:44
Impressionnante ta gestion de course, bravo.
Ton CR est très agréable à lire.
Je me rends compte que le marathon du Mont Blanc, en fait c'est un trail (il était temps depuis que j'en entends parler) et je me dis qu'avant de parler de CCC ou autre UTMB, il faut en passer par là.
Commentaire de bubulle posté le 26-06-2013 à 21:43:05
C'est rigolo de lire ce CR juste avant de le faire, moi, le MMB. Et de le faire avec la dame qui poste juste au dessus de ce commentaire..:-). Merci, Laurent, pour tes conseils et......on se donne rendez-vous lundi prochain pour la conclusion des aventures de Sabubulle, guidés par l'Esprit de l'Arclu et du Sauciflard réunis
Commentaire de sabzaina posté le 27-06-2013 à 06:42:38
:D
Commentaire de polosh posté le 17-05-2016 à 19:17:09
Il m'a fallu attendre 2016 pour le lire celui-là... J'espère pouvoir écrire des mots similaires.... Bravo ça donne vraiment envie en tout cas!
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