Récit de la course : L'Endurance Ultra Trail des Templier 2009, par Le Petit Prince

L'auteur : Le Petit Prince

La course : L'Endurance Ultra Trail des Templier

Date : 23/10/2009

Lieu : Nant (Aveyron)

Affichage : 4411 vues

Distance : 120km

Objectif : Pas d'objectif

4 commentaires

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Récit de la course « Endurance Trail des Templiers » du Vendredi 23/10/2009

C’est en décembre 2008 que je décide de m’inscrire à cette course ayant lieu tous les 5 ans seulement, à l’occasion de la fête du trail dite « festival des Templiers » de Nant, capitale nationale de course nature et petite bourgade aveyronnaise nichée au milieu des montagnes méridionales du Massif Central à environ 35 km au Sud Est de Millau. Cette course me permettra d’obtenir les 4 points nécessaires pour pouvoir participer à l’UTMB 2010 (Ultra Trail du Mont Blanc : 166km autour du Mont Blanc, avec un dénivelé positif de +10 000 m). Un point, obtenu suite à la SaintéLyon 2008 (course nocturne de 69 km de sentiers/routes entre St Etienne et Lyon avec un dénivelé cumulé positif de +1300 m) et trois points, engrangés grâce à l’Endurance Trail des Templiers du 23/10/2009 (116 km en sentiers de moyenne montagne avec un dénivelé cumulé positif de +4360 m), seront donc nécessaires et suffisants.           

Après une période de 3 semaines de récupération du triathlon d’Embrun du 15/08/2009, je reprends sérieusement les entraînements de course « nature » afin d’aborder cet ultratrail sur des bases minimales acceptables, avec une moyenne hebdomadaire de course à pied d’environ 42 km sur 7 semaines, en pyramide de 16km, 32, 45, 60, 80, 40 et 20 km, dont 4 sorties longues de 3 à 5h00.           

Deux jours avant la course, c’est avec une grande déception que j’apprends que mon ami Luc ne pourra y participer, à cause d’une douleur dorsale n’ayant pu se calmer. Sa déception est certainement encore plus importante que la mienne, mais il est certainement plus sage d’abandonner une épreuve, plutôt que s’obstiner et être ensuite obligé de quitter la course en cours de route au détriment de la santé. C’est donc seul que je prends la route pour Nant le jeudi, veille du jour J.

Après une nuit sans sommeil malgré une grande fatigue et un coucher à 21h00, ça y est, c’est le départ depuis Nant à 4 heures du matin pétantes, sous la lumière rouge des flambeaux et au son d’une musique grégorienne très émouvante du groupe « Era ». La nuit est claire et la météo favorable, malgré la fraîcheur et l’humidité ambiante que l’on devine au travers de nos lampes frontales. 

Dès la sortie du village, nous quittons la route pour rejoindre un sentier grimpant dans les collines environnantes. Les 8 premiers kilomètres sont montants, en partant de 600 m pour arriver à 900 m d’altitude, puis les 7 kilomètres suivants plutôt « roulants ». Cette première partie jusqu’au village de Sauclières (Km 15, altitude 800 m), lieu de ravitaillement en eau, me fait penser à la SaintéLyon, avec cette longue guirlande de lampes frontales ondulant au gré des chemins et des collines, tel un cortège de chenilles processionnaires fluorescent. Mais contrairement à l’an dernier, le sol n’est pas gorgé d’eau, et les appuis sont donc plus sûrs. Il est juste 6h00 lorsque je pars de Sauclières après avoir rempli mes bidons d’eau. Tout va bien, je respecte le temps prévu sur ma feuille de route à 10 minutes près.

J’entame alors la montée du Mont St Guiral, ascension légèrement prononcée, allant de 800 m à 1350 m d’altitude sur 17 km, au cours de laquelle j’entends le vent hurler au loin dans la nuit noire, ajoutant une note lugubre à l’ambiance, et comme beaucoup de participants, je m’arrête pour enfiler mon coupe-vent à capuche et déplier mes bâtons de rando/course afin d’aborder et de terminer cette ascension dans de bonnes conditions. Lorsque le jour se lève enfin, j’apprends avec satisfaction par un organisateur que le St Guiral (Km 31, altitude 1350 m) est déjà derrière moi, alors que je ne m’en suis même pas aperçu. Tant mieux, c’est toujours une partie en moins à monter ! Je range ma lampe frontale, et après plusieurs creux et bosses alternant bruyères, arbustes et buissons sur les coteaux exposés plein Sud, puis bois de sapins, fougères et feuillus sur les flancs exposés au Nord,  j’aborde une grande descente assez pentue en terrain découvert jusqu’au village de Dourbies (Km 39, altitude 900 m) où je m’arrête prendre le petit déjeuner. Il est 9h10 (j’avais prévu une arrivée à 9h25 sur ma feuille de route et un arrêt de 10 minutes, alors ça roule).

Un quart d’heure plus tard, après avoir rempli ma poche à liquide de boisson énergétique et mon sac à dos d’amuse-gueules en tous genres (pâtes de fruits, fruits secs, pain d’épices, etc..), alors que j’ai déjà pratiquement couru un marathon, ou plutôt un « maratrail », je repars pour un « semi-maratrail » en grimpette : c’est la longue ascension  du Mont Aigoual culminant à 1700 m d’altitude au Km 60. Au cours de cette portion, la marche rapide prend progressivement le pas sur le footing lent ; les bâtons sont très utiles pour ménager les membres inférieurs. Cette « promenade » matinale est propice au maintien de l’état l’éveil, surtout que plus je monte, plus l’air est frais. J’arrive au ravitaillement de Pras-Peyrot au Km 57 à 12h05, seule station de ski de piste en France dont l’accès est situé en haut des pistes. Il est tant de déjeuner car l’estomac commence à réclamer sérieusement. Le buffet est bien fourni, particulièrement en délicieux petits pains accompagné de fromage du pays. Je ressens maintenant la fatigue inévitable au niveau des jambes. J’en profite pour m’asseoir quelques instants, tout en buvant un café brûlant. Avant de me refroidir, je me décide à continuer ma route à 12h25 (j’avais prévu 12h40 sur ma feuille de route) pour rejoindre ce fameux Mont Aigoual connu comme étant l’un des endroits de France les plus exposés au vent. Ce qui se confirme une demi-heure plus tard lorsque, arrivé au sommet sur la petite route goudronnée d’accès aux deux immenses antennes implantées solidement dans le sol de la montagne, je suis obligé de courir penché pour garder l’équilibre contre un vent violent de côté, comme jamais je n’ai connu. J’apprendrai le lendemain que ce vent soufflait à 120 km/h et qu’il faisait 0°C à ce point culminant du parcours. Mais je ne ressens pas du tout le froid, grâce à mon harnachement (bandana, gants, manchettes, coupe-vent) et mon Gore Tex à capuche à l’intérieur duquel mon corps subit l’effet « bouilloire ».

A 12h50, je quitte ce sommet hostile et je redescends pour le prochain ravitaillement à Camprieu (Km 70, altitude 900 m), mais dès les premières foulées, je ressens une légère douleur articulaire au genou droit, côté extérieur. Je suis obligé de ralentir ou de marcher dans les parties trop pentues pour gérer cet incident fâcheux. J’aurai dû me ménager beaucoup plus dans la descente de Dourbies mais il est trop tard maintenant. Il faudra travailler mentalement pour faire abstraction de cette gêne. Sur certaines portions moins pentues, la douleur disparaît mais je dois rester vigilant dans l’effort car je sens qu’elle peut réapparaître à la moindre erreur d’appui, alors qu’il me reste encore un « maratrail » et demi à parcourir ! Je me force à penser à autre chose pour ne pas tomber dans le pessimisme. Je contemple ce magnifique paysage qui s’offre à moi, puis je prends de grandes inspirations d’air frais pour me requinquer, je fredonne quelques chansons, franchis quelques ruisseaux, et j’arrive le cœur léger à Camprieu où je ne m’attarde peu, si ce n’est que pour ranger mon coupe vent et refaire le plein de provisions.

Il est 14h25 lorsque je reprends mon petit bonhomme de chemin dans la joie et la bonne humeur, avec une bonne demi-heure d’avance sur ma feuille de route. Le temps est idéal, avec quelques éclaircies de ci de là. J’en profite pour donner un petit coup de fil à ma chère et tendre pour lui dire que tout va bien, ou plutôt que tout ne va pas trop mal et que « ça devrait le faire ». Je me sens beaucoup plus à l’aise dans les montées, et c’est d’ailleurs à ces moments là que je double les concurrents qui m’ont doublé dans les descentes. A chacun sa spécialité. D’ailleurs, avec certains, j’aurai fait le yoyo de Prat-Peyros jusqu’à Nant, lieu d’arrivée. Après avoir longuement serpenté à flanc de coteaux, la formidable descente en sous-bois vers Trèves (Km 87, altitude 600 m) se présente et je me fais doubler par toute une palanqué de trailers, car mon genou me rappelle à l’ordre. Là, ça ne va plus du tout. Je suis obligé d’avancer  tout doucement en prenant le maximum d’appui sur mes bâtons pour ménager l’articulation plaignante, tel un grand père s’appuyant sur sa canne. Le doute s’installe en moi devant cette pente qui n’en fini pas de plonger vers le village que je n’aperçois pas encore. J’essaie différentes techniques de déplacement pour trouver celle qui me conviendra le mieux : penché en arrière à pas de fourmis, de profil à pas chassés. Tout ça ne donne pas un style très élégant mais l’essentiel est d’avancer sans perdre courage et motivation. Enfin j’arrive au village et je m’essaie à trottiner jusqu’à la salle de ravitaillement. Pas facile. Je me souviendrai de la descente de Trèves…

A 17h50 (alors que j’avais prévu 17h40, on se rapproche…), je continue ma promenade de santé pour un dernier « maratrail ». Je réalise que j’ai passé plus de 3h pour 17 km avec un dénivelé pourtant négatif ! Décidément, ce ne sont pas des montées dont j’aurai dû me méfier ! Mais ces satanées descentes ne paraissaient pas si pentues sur le profil en long relativement sommaire de la course. Et la suite me dira que certaines n’apparaissaient même pas du tout ! Ou si peu  car trop raides pour figurer à l’échelle du dessin. Pour l’heure, ça monte fortement et finalement, c’est tant mieux ! Dommage pour ce malheureux concurrent qui fait demi-tour sur Trèves pour rendre son dossard. Il me reste encore 13 km à parcourir jusqu’au prochain ravitaillement. La montée n’en finit pas, zigzaguant à droite, à gauche, avec quelquefois des marches d’escalier franchissables soit en un pas de géant pour les plus forts, soit en plusieurs pas de fourmis pour les autres ( je vous laisse deviner la technique que j’ai pratiquée). Au bout d’un temps interminable, j’accède à un long plateau sur lequel je repars en trottinant. Malgré un terrain adapté à la course, la mienne ne sera que de courte durée. En effet, mon vilain genou me joue des tours et après avoir effectué un rapide calcul, je devrais arriver au prochain ravitaillement une bonne heure avant l’horaire éliminatoire, même en marchant en permanence. Je ne suis pas entièrement soulagé car je ne sais si la suite du parcours ne nous réserve pas encore une bonne petite surprise, comme la descente de Trèves par exemple. La nuit commence à tomber. C’est le moment d’enfiler mon Gore Tex et de reprendre ma lampe frontale. J’alterne marche avec bâtons sur les faux plats montants et marche rapide sans bâtons en faux plats descendants. Je n’ai plus mal au genou, ouf ! Et je ne rencontre pas de descente vertigineuse ! Par contre, seul dans la nuit, que c’est long, long, long. Les repères rétro réfléchissants, visibles à plusieurs dizaines de mètres, se succèdent avec une lenteur terrible. C’est bizarre comme la notion d’espace temps change radicalement entre le jour et la nuit. Lorsque j’estime avoir marcher une heure et demi, ma montre me ramène à la réalité : vingt minutes en réel ! C’est fou ! Vivement Revens, vivement Revens, vivement Revens (Km 100, altitude 800 m), dernier lieu de ravitaillement avant la ligne d’arrivée. Au bout d’un siècle seulement, j’arrive et me ravitaille copieusement (soupe, pain, fromage, fruits secs, thé).

Je me décide à repartir à 21h05, avec 50 minutes de retard sur mes prévisions, dans lesquelles je n’avais évidemment pas pris en compte un genou bancal en cours de parcours. Il me reste encore 16 km à parcourir en marche de nuit. Au bout de quelques minutes, je rejoins un groupe que je ne quitterai plus jusqu’à Nant. C’est quand même plus rassurant d’avancer en peloton dans l’obscurité. Mais cela n’enlèvera pas les terribles difficultés rencontrées au cours de la descente vers Cantobres (Km 110, altitude 600 m). On peut dire que là , c’est le bouquet final ! Deux à trois chutes, sans gravité heureusement, me feront dire des noms d’oiseaux que je ne connaissais pas jusqu’alors. (C’est marrant car derrière moi, j’ai entendu quelquefois les mêmes noms d’oiseaux). Les bâtons sont plus que gênants mais je ne peux m’en séparer car je dois absolument préserver ce (…) de genou. Le sol est devenu glissant à cause de l’humidité ambiante et des multiples piétinements. On doit quelquefois s’accrocher à des cordes qui nous servent de rampes pour descendre certaines parties très raides. Mais pas une plainte car on est tous dans le même bateau et personne ne tient à le faire couler si près du but. On se sers les coudes en avançant coûte que coûte. Il faut aussi souvent s’asseoir pour descendre sur les fesses les marches qu’on ne peut plus descendre à pas de géant ou en bondissant. Un vrai parcours du combattant effectué la peur au ventre ! Quel soulagement je ressens lorsque cette pente s’achève ! Comparativement à celle-ci, celle de Trèves aurait été facile sans ma jambe de bois. Décidément, cet ultratrail réserve des surprises jusqu’au bout. D’autant plus que la dernière montée est INTERMINABLE. Je pense sans cesse à « combien qu’il reste de bornes, à quelle heure on arrive », comme dans la chanson. Tout à coup, je suis pris d’une énorme envie de manger. Heureusement, j’ai toujours une réserve de nourriture conséquente, et je la dilapide en un clin d’œil. Et après cette collation, il faut encore et encore grimper. Mais la récompense est de taille lorsqu’on aperçoit au loin les lumières du village de Nant. Cela redonne de l’énergie, même si la ligne d’arrivée est encore à une bonne demi-heure en contrebas. Me voici maintenant sur le macadam, c’est bon signe. Un dernier  pont, une dernière côte, et un dernier footing jusqu’à l’arrivée à 1h14 du matin (j’avais calculé 23h45). On me remet la médaille et le maillot de finisher. C’était vraiment très, mais alors très très dur ! Vais-je vraiment m’inscrire à l’UTMB ? Comme j’ai déjà fait des plans et analysé au fur et à mesure de la course, tous les points faibles à travailler, je sais que l’envie est profondément enfouie en moi, même si un certain rejet m’envahit jusqu’au coucher. C’est seulement après une bonne nuit de sommeil que je savoure avec bonheur cette grande épreuve. Et je la savoure encore plus maintenant, trois jours après, car je marche sans courbatures, ni douleurs. YOUPI pour la suite!!  

NB : les altitudes indiquées sont approximatives car issues du profil en long sommaire de la course     

4 commentaires

Commentaire de fulgurex posté le 30-10-2009 à 10:39:00

Bravo! A aucun moment tu n'as douté de ne pouvoir finir, peut être grâce à ta technique fourmi-diable pour monter les marches ;o)
Une semaine après ton exploit, je peux vendre la mèche: ton interrogation n'est plus "UTMB ou non?" mais "UTMB ou GRR?"...

Commentaire de intuitiv posté le 30-10-2009 à 10:49:00

Bravo, cette zen attitude tout le long.....
ca fait rever.
Bonjour a Luc de la part de Manu

Commentaire de La marmotte dormeuse posté le 30-10-2009 à 21:00:00

Très beaux commentaires qui retracent parfaitement la course. Nous avons dû nous croiser car je suis arrivée à 9h13 à Dourbies. Je suis d'accord avec toi pour le profil de la course qui paraissait relativement plate après Camprieu alors que c'est là que les hostilités commencent. Mais c'est aussi la partie la plus belle de la course pour ceux qui en ont encore sous le pied !
Quant à la descente de Cantobre, c'est aussi la peur au ventre et sur les fesses que je l'ai descendue ! Ya encore du boulot !
Mais pour l'UTMB, à priori, tu ne rencontreras pas ce genre de difficultés : pas de chemins aussi pierreux et de descentes glissantes dans lesquels tu ne peux pas gérer tes appuis.
Si tu as le mental tu y arriveras, c'est sûr !

Commentaire de millénium posté le 03-11-2009 à 22:12:00

Bravo pour ta course et ton récit.

Tu as vaincu une belle épreuve avec un genou douloureux, tu as le mental pour être finisher à l'UTMB c'est certain.

Bonne récup

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