L'auteur : raspoutine 05
La course : La 6000 D
Date : 25/7/2009
Lieu : La Plagne (Savoie)
Affichage : 2800 vues
Distance : 60km
Objectif : Terminer
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La 6000 d
Au fil des années, il semblerait qu'une tendance à l'inflation des distances s'installe dans les trail. Pas de distances officielles comme pour les marathons, pas de limites fixées. Pour les organisateurs, le souci de renouveler les parcours afin d'en préserver l'intérêt auprès d'un public exigeant mais qui privilégie d'abord le plaisir. Et quel plaisir ! Tout de même. L'an passé, la 6000 d se déroulait sur 55 km et montait sur 3 km pour redescendre d'autant (d'où le nom de la course, "6000 m. de dénivelée"). Cette année, les organisateurs auront voulu fêter dignement la vingtième édition en annonçant un parcours nouveau long de 60 km qui passait par tous les villages de la communauté de la Plagne et dont le point d'orgue restait le glacier de Bellecôte CHIC ! (enfin ce qu'il en reste à cause du réchauffement...) Parallèlement, se déroulait pour la première fois une "ultra 6000 d" longue de 110 km tournant autour du glacier mais sans pour autant l'atteindre (plus de sommets, mais en moins âpres). Chez les trailers, on fête ça comme on peut les anniversaires et, à la Plagne, plus que de mettre des grands plats dans des petits, ils nous avaient sortis l'argenterie, foi de Raspoutine.
L'air de rien, lors du retrait des dossards, on nous avait avertis qu'on aurait un ou deux kilomètres supplémentaires à parcourir au regard de ceux annoncés. En définitive, le parcours semblait plutôt mesurer 65 km (on n'est plus à ça près) pour 3245 m de montée (vivent les GPS !). Pour la dénivelée, la « gentille escroquerie » pouvait cependant se flairer en observant les cartes IGN et votre serviteur a cette manie de tenter d'apprendre par coeur les trajets d'une course de longs mois avant à défaut de reconnaître le terrain sur place (les murs de sa chambre portent des stigmates de punaisages intensifs...). Quant à la distance...
Au petit matin du 26 juillet, c'est près d'un millier de trailers (957, me semble-t-il) qui partent depuis la commune d'Aime pour se diriger dans un premier temps vers le glacier de Bellecôte (et la côte, elle sera belle, c'est sûr...). Beaucoup de concentration dans les rangs du départ et certainement un peu d'interrogation, L'heure est venue de vérifier si tous les efforts entrepris cet hiver se seront avérés payants. Pas si curieusement que ça, Raspoutine avait décidé de moins courir pour se consacrer à la qualité plutôt que la quantité. En fait, je me disais simplement que les deux autres sports (portés, ceux-là) que je pratiquais aussi me permettraient de travailler quand même un peu la VMA, mais sans me faire mal ( j'avais surtout peur de me blesser ...).
A l'aube du départ, j'avais cependant pu vérifier que ma « démarche » allait payer car, fin juin, pour la première fois, je sentais que j'avais progressé sur un marathon trail (Mont Blanc 2400 d) où je parvenais à m'extraire des profondeurs puisque mon ratio était 63% ; pour moi la fête, tout en ayant bien conscience que le concept de profondeur n'est pas le même pour tous. Deux semaines plus tard, sur la petite Merell (28 km et 900 d), je me classais dans les 30%, 15 jours avant la Plagne (pas croyable !). Je consacrais ensuite les deux semaines ultimes à buller à partir de 2000 m d'altitude (marches et trails légers) dans le parc des Ecrins; vive l'EPO naturelle... Soit dit en passant, on n'insiste jamais assez sur la marche et on a tendance à privilégier la course à pied quand on fait des trails. Cette année, je ne me serai pas laissé piéger comme l'an passé.
Mais retour à la « course des géants ». Franchement, elle porte bien son nom. Courir autour des villages de la Plagne laisse une curieuse impression de gigantisme. On observe les chemins empruntés qui s’étendent à perte de vue.
La première montée vers le petit village de Montalbert puis vers la station fait passer de 600 à 2100 m en un peu plus de 15 km. Pas de quoi fouetter un chat mais une montée où l’on sent de la retenue parmi les concurrents ; enfin pas les premiers qui sont déjà bien loin. J’ai eu le bonheur de courir aux côtés de Dawa Sherpa et Corinne Fabre deux très grand, grands champions et les vainqueurs de l'édition 2009.
Une légère descente vers la Plagne Centre donnera le véritable coup d’envoi de la montée.
Une montée en deux étapes : d’abord la Roche de Mio (30e km) qui nous propulse à 2700 m et nous permet de découvrir la dernière montée vers le glacier de Bellecôte à 3055m (35e km). On contourne le lac du Blanchet en approchant du sommet
Le passage du sommet offre une descente assez roulante, et surtout un panorama hors du commun sur la région.
Et quelle montée finale vers le glacier ! Si les trente premiers km s’étaient avérés « roulants » à quelques exceptions près les cinq derniers nous mettaient sur des pentes dépassant souvent les 40% et, bien sûr, on n’avait pas droit aux bâtons... Au moins nous restait-il le cardio pour éviter la carbonisation (c’est quand même bien de préparer aussi la marche...). Il était clair que, sur de telles courses, ma seule ambition, si je devais en avoir une était de la finir en bonne santé ; objectif presque atteint, soit dit en passant. Fait amusant, une partie de la montée est commune avec ceux qui descendent du glacier. Ainsi avons-nous eu le bonheur d’admirer des descendeurs plus véloces que nous avant de le devenir nous-même pour ceux que nous allions croiser à notre tour en descendant.
Je passais au sommet de la course (3055m) après 4h58 d’efforts et 426e sur 957 partants. J’ai su mes temps et ordres de passages après (lors de la récupération des dossards, on nous a « vendu » des sms 7 € ce que les sponsors du marathon de Paris t’offrent... COUAC ! mais je ne l’ai pas regretté). Après coup, j’étais donc satisfait de ma montée, très propre et qui me laissait encore en bon état après 35 km d’efforts.
Toutefois, j’avais doublement conscience qu’il restait encore presque la moitié du parcours à terminer et que la descente est bien plus traumatisante que la montée. Aussi l’attaquais-je avec beaucoup de retenue et de souplesse après m’être un peu attardé sur les paysages (vue imprenable...).
Incroyable le nombre de trailers se lâchant dans la descente ! Je n’y arrive pas trop, et puis il reste la montée de l’Arpette (400m) au bout de 10km... J’ai vu pas mal de fusées me dépasser, je restais cependant très flegmatiquement sur mon rythme prévu. Petite exception, je me suis lâché moi aussi dans un névé ; trop cool ! Chute à l’arrivée et reprise du petit rythme souple lorsqu’on revenait sur les pierriers.
Après la partie commune, je me posais un petit moment pour ravitailler enfin. J’avais un camel back double de capacité de 3 litres en tout je ne m’étais pas encore arrêté une seule fois à ma bonne habitude. J’en profitais pour refaire les pleins et commencer à me décontracter tout en constatant toujours cette frénésie chez les autres dans la descente.
Vient la montée de l’Arpette où je poursuis mon effort modéré et passe en mode marche. C’était encore trop pour environ une trentaine de trailers qui m’avaient rattrapés dans leur descente de forcené et que je repassais à mon tour dans l’ascension. Je franchissais le col de l’Arpette (45e km de course) à 14h56 en 561e position (mon GPS indiquait déjà +3200m de montée ; no comment...). En analysant les ordres de passages, je me dis que lors de ces 7-8 km de descente, près de 180 coureurs me seront passés devant dans la descente. Bon.
Vient le moment où la pente s’adoucit, le chemin s’élargit et je me risque à allonger la foulée, me sentant vraiment bien. Aux points de contrôle des Frasses, puis des Tuiles (55e km et 8h20 d’efforts) je constate quantité de gens arrêtés aux ravitaillements et aux soins. Toujours est-il que j’ai passé le point de contrôle des Tuiles en 474e position ; j’avais presque retrouvé mon classement du sommet du glacier en tenant un rythme toujours très régulier.
Il me restait donc 10 km d’efforts à parcourir dont la moitié sur une piste cyclable ; la fin était proche. Le fait est que depuis quelques temps j’avais un point de côté qui commençait à se faire sentir. Dans un premier temps, je prenais la rituelle pierre dans ma main pour la jeter presque aussitôt. Ça ne collait pas. Le cardio indiquait 135 dans la descente. Très vite, le « point de côté » s’est transformé en grosse douleur dans l’estomac qui refusait depuis quelques temps de laisser passer quelque nourriture que ce soit, solide ou liquide. Ceci dit, étant toujours très ponctuel sur mes ravitaillements, voire mécanique, je n’avais pas soupçonné à quel point mon pauvre estomac allait crier « au secours ! Je me noie ! » Juste avant Monchavin (5 km de l’arrivée) je me rapprochais des étoiles hypoglycémiques, ne parvenant enfin à me libérer qu’en vomissant tout mon « 4 heures ». Et là, sans rentrer dans les détails, force a été de constater que ça faisait un moment que ça durait. Sûrement depuis le sommet où j’avais encore pris froid dans l’ascension finale où l’on sentait un vent venu du glacier. J’ai naturellement été obligé de m’arrêter sur place le temps que ça rentre dans l’ordre et je parvenais à Monchavin en ayant perdu 240 places en 34 minutes (Monchavin passé à 16h54 en 715e position).
De cette difficulté du 60e km, je garderai un souvenir de solidarité ; De nombreux trailers sont venus me voir, pour me réconforter, me donner à manger ... Erreur grave. Je ne pouvais plus rien avaler, pas même un coca, et je revomissais à nouveau un peu plus loin. Soit dit en passant, un estomac encombré, ça dévore de l’énergie... Un secouriste motard est venu me voir, il voulait que je stoppe ma course, je veux bien le comprendre, je devais faire une drôle de tête. Après un peu de négociation, il a accepté de me suivre le temps de constater que je me relançais en marchant sur les derniers km.
Il m’aura fallu presque 3 heures pour boucler les 5 derniers km et je passais la ligne d’arrivée à 19h 43 en 762e position, soit 11h 43 après le départ du matin. Je pense que je n’ai plus trop reculé dans le classement car j’ai vu sur la fin pas mal de gens dans le même état que moi. Je n’ai recommencé à boire qu’au milieu de la nuit, et encore, tout doucement... Boire en quantité avant, pendant et après ; on ne le dira jamais assez, mais ce sont bien mes réserves qui m’ont sauvé du désastre.
Je reste néanmoins en dessous des barrières successives, ceci dit, seule l’ultime limitant la course à 12 heures m’aura inquiété. Mais, ce jour-là, qu’est-ce que je n’aurais pas fait pour avoir la fiole de génépi du finisher de la 20e édition de la 6000d !
En conclusion, Raspoutine n’a aucun regret à avoir de la mauvaise tournure qu’auront pris pour lui les évènements finaux au regard de sa gestion de course. Il aurait peut-être pu finir deux heures avant et dans la première moitié du classement au lieu du dernier quart. L’important reste d’avoir terminé. Au bout de deux jours son travail de récup réalisé, il n’avait plus aucun bobo (pas de courbatures, pas d’ampoules). Plus que jamais, il avait atteint son objectif de l’année et s’en ouvrait d’autres tout aussi ambitieux.
Merci aux amis du S.O. Houilles qui m’ont soutenu, sans eux pas de succès et pour eux quelques belles vues ramenées de là-haut. Merci aux trailers attentionnés, au motard secouriste.
Enfin, chapeau et 6000 mercis à l'Organisation de cette belle course.
Raspoutine
4 commentaires
Commentaire de CROCS-MAN posté le 24-08-2009 à 08:09:00
Bravo pour ta course, il fallait le faire tout de même et merci pour ton récit
Commentaire de hagendaz posté le 24-08-2009 à 09:00:00
contrairement à la fiole, à consommer sans modération ce récit!
Commentaire de le_kéké posté le 26-08-2009 à 16:33:00
A la tienne, tu l'as bien mérité.
Très chouette récit, bien écrit et bien illustré, j'adore !!!!
Commentaire de Grenouille73 posté le 08-09-2009 à 19:55:00
Bravo, une belle course que tu as eu bien du courage de finir! Sur ta photo entre le 2eme ravito et le glacier y'a l'ami que j'étais venue encourager (T-shirt orange), c'est marrant!!!
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