Récit de la course : Andorra Ultra Trail Vallnord 2009, par Sandrine74

L'auteur : Sandrine74

La course : Andorra Ultra Trail Vallnord

Date : 4/7/2009

Lieu : Ordino (Andorre)

Affichage : 3853 vues

Distance : 105km

Objectif : Pas d'objectif

3 commentaires

Partager :

Le récit

 

Andorra Ultra Trail Vallnord

Départ Samedi 04 Juillet à 00h

Ballet d'ombre et de lumière

 

Photo : Village d'Ordino

 

Photo : Mise en place de la banderole UFO

 

Je regarde le soleil rougeoyant se lever et au loin le son de la corne muse réveille mes sens. J'entends des « Venga, venga »... J'ai encore un peu froid au pied droit. J'ai toujours un peu de mal à respirer plein poumon. Mais à ce moment là je me sens revivre.

Photo : au lever du jour.

 

 

J'entends des grognements que j'ai du mal à définir, mais à mon avis ce sont des isards qui doivent être tout prêt, mais dans ce nouveau jour il est dur de voir ce qui nous entoure. La fatigue d'une nuit éprouvante aidant.

 

Je me concentre à mettre prudemment un pied devant l'autre sans faire glisser des cailloux ou des rochers dans ce dédale de roches toutes identiques les unes aux autres.

Je me concentre à ne pas glisser sur ces névés rendus glissant par une nuit agitée.

 

Photo Jordi : Sandrine

 

Photo Jordi : Emmanuel et Sandrine dans la montée du Col.

 

De temps à autre je lève la tête pour admirer ces montagnes, ce spectacle que nous offre mère nature.

Je souffle : oui c'est dur ! Mais pour la première fois depuis le début de la course je me sens bien, je me sens à l'aise dans chacun de mes pas. Me rappelant mes courses d'alpinisme où nous rencontrions ce genre de terrain, ces pierriers... Me rappelant aussi le danger qu'ils peuvent représenter.

Photo Jordi

 

La musique résonne de plus en plus, la cheminée se referme, les lumières du balisage ne sont plus aussi distincte.

Emmanuel s'arrête pour m'attendre. Il n'est plus question de dormir maintenant.

Comme pour le soleil un nouveau jour commence !

 

D'un coup une tranchée laisse passer la lumière et nous apercevons les pointeurs, le joueur de corne muse, et surtout les coureurs heureux d'arriver au bout de cette montée qui se termine au Collada del Forat dels Malhiverns 2823m juste 150m en-dessous du Pic de Coma Pedrosa, il est 6h10.

 

Cette porte grande ouverte sur la vallée suivante laisse passer un vent vif. Nous découvrons de nombreux névés, nous découvrons toutes ces montagnes cachées.

 

 

La soirée qui précède le départ nous nous rendons dans un restaurant d'Ordino pour dîner.

Photo : Hum ! Un petit cocktail de fruit ?

Michel l'organisateur du GRP nous a rejoint à notre table. Les pâtes sont à la fête et nous en auront bien besoin plus tard dans la soirée.

Comme à mon habitude j'aime à être de bonne heure sur le départ, histoire d'être sûr de ne pas le louper.

Photo Marie : Juste avant de prendre le bus.

Les premiers bus qui vont d'Ordino à Arcalis sont à 22h, avec Emmanuel (qui est beaucoup plus serein que moi) nous ne manquerons pas le premier départ.

Photo : Dans le bus qui nous emmène à Arcalis.

 

Il y a beaucoup de travaux sur la route car dans une semaine c'est le tour de France qui passera par là !

 

Arrivée à la station qui se situe à 1945m d'altitude, il faut attendre : attendre de savoir si le départ sera bien donné à minuit, ou si celui-ci sera reporter d'une heure.

Photo : Doucement les coureurs arrivent.

Photo Jordi : Dans l'attente du départ.

 

Effectivement la météo n'est pas très joyeuse, et les prévisions ne sont pas des meilleures.

Nous avons été averti qu'il serait possible d'avoir des neutralisations de la course pour quelques heures et aussi que l'organisation serait peut-être amené à nous faire empreinter des parcours de replis.

 

Qu'à cela ne tienne, un feu d'artifice donne le départ à minuit de cette première édition de l'Andorra UltraTrail.

Nous sommes gourmand car nous nous imaginons dévorer une jolie part de gâteau, ce n'est que le tour de la Principauté d'Andorre et ces 107km : 7700m+ et 8300m-.

 

Tout cela commence par une descente, quelle idée une descente ! Et bien oui, pour notre échauffement ça sera 7,2km et 500m-. Au début c'est du bitume, c'est normal c'est la route... Après c'est plus du chemin carrossable qui tel un entonnoir se resserre pour ne laisser qu'à certains endroits une monotrace.

Je me sens poursuivi par des coureurs aux frontales surpuissante qui projettent des lumières qui me font devenir qu'une ombre. Et là, je cours après mon ombre, j'essaye de la rattrapé mais je n'y arrive pas... 

Au bout de 30 min premier avertissement... Je me tors la cheville heureusement sans gravité.

 

J'avance et parfois c'est difficile d'avancer. Quand je veux passer quelqu'un il m'est bien difficile avec mes « pardons, excusez-moi » les autres coureurs ne me comprennent pas. Ici c'est plutôt espagnol et catalan.

 

Nous ne voyons que très peu de chose du village de Llorts à part les voitures arrêtées pour nous laisser passer et les nombreux supporters qui sont venu nous encourager.

Photo Carlos : Au passage du village de Llorts

Nous continuons un peu sur un chemin avant d'atteindre la première montée du parcours.

 

Il est 1h du matin, ce n'est pas la grande forme. Je prendrais bien l'option « bon petit lit douillet », mais non ! A la place je fais ce que j'aime, même si ce soir c'est dur.

 

Je marche doucement pour habituer mes muscles à changer de rythme, nous retraversons la route et brutalement le chemin devient un mur !

 

Les autres coureurs montent vite, trop vite... Je me suis calée pour cette première montée sur un 720 à 780m/h, je sais que c'est déjà le sur-régime pour ma personne, mais bon je ne souhaite pas être complètement derrière. De toute façon le terrain ne se prête pas à aller plus doucement.

 

Un balai de lumière grimpe les pentes de cette montagne, rapidement nous sommes amené à faire attention pour ne pas trop nous mouiller. Les derniers orages et dernières pluies font encore ruisseler l'eau dans les rigoles de terre. Les ruisseaux sont un peu plus gonflé qu'à l'habitude. Il fait bon et je baisse mes manchettes que j'avais mise pour le départ.

 

Nous ne le voyons pas mais le ciel se couvre dangereusement. Les étoiles ne sont plus visible, déjà des coureurs abandonnent.

Nous entendons « Venga ! Venga ! » nous approchons du premier pointage. C'est certainement des mots gentils qui me sont dit, mais je ne comprends pas. Tout ce que je sais dire c'est « Ola » ou encore « Gracias ».

Ah oui...La montée depuis le village jusqu'au sommet des crêtes c'est 1150m+ sur 4,9 km.

 

Le peloton s'est étiré, je suis régulièrement seule, avec des coureurs un peu devant et un peu derrière. Des gouttes commencent à tomber, je m'arrête pour vite enfiler ma veste.

Doucement les gouttes deviennent des petits flocons, un grondement se fait entendre... Le brouillard s'installe. Des tranchées blanches et lumineuses déchirent la pénombre.

Alors que je suis à 2590m l'orage se rapproche. Je ne cours plus, je fais bien attention à ne pas me perdre. Je compte le temps entre l'impact et le bruit. D'un coup un impact et même pas 2 secondes plus tard ça éclate telle une explosion. De peur certains coureurs crient.

 

Il nous faut redescendre, j'ai l'impression qu'il manque une balise pour partir sur la gauche dans la descente de la crête. Il pleut, et cette pluie glaciale s'intensifie.

Le sentier mono-trace de la descente devient une patinoire où il est impossible d'y faire un pas sans glisser.

Rapidement nous nous retrouvons avec un peu plus de végétation tout autour de nous, les coureurs sont devenus silencieux.

Il nous faut rejoindre maintenant le Refuge Joan Canut au Pla de l'Estany. Ces 6,2km me paraissent long, tout autant que la montée précédente.

 

Quand j'aperçois le Refuge, je vois que ça grouille, il y a beaucoup de monde. Les frontales s'agitent et beaucoup sont sur le départ.

 

Ma première préoccupation c'est de me ravitailler en eau, pour cela il y a le tuyau de la fontaine. Ne sortant pas la poche à eau du sac, je sors mon éco-tasse pour m'en servir. Pendant ce temps d'autres coureurs s'attèlent à la même tâche.

Toutefois le tuyau n'est pas la meilleure idée, un premier coureur m'arrose le sac en manipulant le tuyau, et un autre reste bien 2 secondes à m'arroser le pied droit.

 

Je rejoins le refuge où l'on prend mon numéro de dossard, je grignote vite fait quelques trucs... Mais je ne suis pas au mieux.

Photo : au refuge du Pla de l'Estany

Beaucoup parle d'abandonner alors que nous ne sommes qu'au 18ème km. Un grand feu a été fait pour réchauffer les coureurs.

Je ne comprends pas ce qui se passe...

Et d'un coup alors que je vais pour repartir, je vois une veste UFO... Je l'appelle c'est Emmanuel... Il a le regard hagard, il m'explique qu'ils ont été neutralisé et qu'il ne sait pas s'il peut repartir, qu'il ne trouve personne qui puisse lui expliquer.

J'avais remarqué ce bénévole qui parlait français, dans ce brouhaha je lui demande si nous pouvons repartir.

 

Emmanuel et moi repartons dans cette terrible montée qui s'annonce 882m+ sur 2km pour le Pic, au final à cause des conditions météo nous passerons au Collada del Forat dels Malhiverns...

Il pleut encore, cette montée est longue, j'ai des nausées comme si j'étais en hypoglycémie.

Photo Jordi : La montée du col.

Et pourtant j'avance. Le fait d'avoir retrouvé Emmanuel me motive, pourtant je pense à arrêter, mais pas maintenant, je veux attendre, je peux encore offrir ces gouttes de sueurs à la montagne et à ces sentiers escarpés. Je veux voir le jour se lever.

Le col, le lever du jour : tout va beaucoup mieux...

Photo : Le joueur de corne muse et Emmanuel, arrivé au col.

 

De la descente, enfin ! Un peu en-dessous du Col les bénévoles de la Croix-rouge nous attendent, ils ont l'air d'avoir froid. Nous les passons sourire aux lèvres.

La suite est roche et neige, tout en faisant attention à ne pas glisser et par la même piquer une tête dans ce beau lac d'Estany Negre encore bien recouvert.

 

Photo : Emmanuel.

Photo Jordi : Nous atteignons le lac.

 

D'un coup nous basculons de la neige à la verdure, les rhododendrons renvoient leurs odeurs et leurs couleurs. Le vert est éclatant, les rivières sont vives. Bientôt nous apercevons déjà le Refuge du Coma Pedrosa, charmant refuge de pierre qui se confond parfaitement au paysage.

Photo : Basculement de la neige au pâturage, descente sur le refuge Coma Pedrosa.

 

L'arrivée à ce refuge rime avec ravitaillement : ça tombe bien j'ai faim... Très faim !

Oups ! Une petite erreur dans le choix de la soupe (la soupe aux poissons à 7h15 du matin ce n'est pas ma tasse de thé !).

Toutefois pain de mie, fromage, fruit, thé, coca, gâteau... Tout est bon !

L'hélicoptère fait un rapide arrêt au refuge, nous ne serons pas pourquoi.

 

Nous sommes quelques français à cet endroit, l'un d'eux essayent de viser la poubelle mais après cette nuit... Il l'a loupe... Ca tombe bien car ça fait 2min qu'Emmanuel me dit qu'il a l'impression de connaître ce gars !

Ca tombe bien, car ce gars c'est Eric (Guevoura), sur ce... Nous voilà reparti tous les trois.

 

La pente est douce au début et nous remontons sur le Pla de la Bassa de les Granotes, de là la pente s'accentue sur 230m pour arrivée à la Portetta de Sanfonts.

Photo : Passage des coureurs sur la crête avant le basculement dans l'autre vallée.

Nous profitons une nouvelle fois du paysage en entendant un lointain grondement, résidu de l'orage de la nuit.

Photo : Vue sur le refuge Coma Pedrosa.

 

La descente est un peu moins technique et permet de courir un peu. Nous passons par Port Negre et nous continuons sur un long chemin en balcon qui nous permet maintenant de trottiner. Ca fait du bien d'avancer un peu plus vite !

 

Surprise nous débouchons sur une route goudronné qui nous mène au Coll de la Botella, nous entendons de la musique et nous réagissons : c'est le départ du trail de 30km.

Nous louperons le départ de quelques secondes et oui il est 9h.

 

La seconde surprise c'est qu'il y a le ravitaillement à cet endroit.

On nous annonce que le Bony de la Pica a été annulé pour cause d'orage (c'est à cet endroit qu'il y avait une forte mobilisation de bénévoles, pompiers et croix-rouge, et aussi une main courante de posé), à ce moment là nous sommes content d'apprendre qu'il y aura une côte en moins.

 

Nous repartons après avoir bien pris soin de recharger en eau, malgré le prochain ravitaillement annoncé à 13km.

Photo Karine : Coll de la Botella Emmanuel, Eric et Sandrine.

 

Photo Karine : Il faut repartir !

Il fait chaud, très chaud, le soleil ne nous épargnera pas aujourd'hui, je sors casquettes, lunettes de soleil et crème solaire !

La montée est raide, ça doit être au moins une piste noire ! Et 300m plus haut nous sommes au Pic del Cubil, une fois de plus nous profitons.

Une fois de plus il faut redescendre vers le Collada de Montaner. Les bénévoles au pointage nous annoncent 10km pour le ravitaillement. C'est chouette, c'est le Super ravitaillement qui nous attend en bas.

 

Eric est parti devant. Nous zigzaguons en sous-bois, il fait vraiment chaud.

Photo : En sous-bois.

Rapidement nous ne sommes plus aussi joyeux qu'une heure plus tôt. Nous nous octroyons des pauses. Je me sens pas très bien.

A notre droite règne d'immense pierrier (j'imagine Yoyo là dedans), nous rejoignons une piste carrossable, puis le bitume... Nous voyons un panneau « Sispony », mais pour nous ce n'est pas possible que ce soit le même Sispony que là où nous avons l'hôtel... Normalement nous devons arriver au pont de la Margineda au Sud d'Andorra la Vella.

 

Oui le bitume, et encore du bitume et tiens ça change la police arrête la circulation pour nous, nous devons traverser, nous cherchons le balisage croyant prendre un mauvais chemin.

Mais nul doute c'est bien par là, nous passons dans un tunnel où une voie nous est réservée.

Tout juste sortie du tunnel, nous tournons à gauche pour descendre vers un chemin piétonnier fait d'ardoise et de ciment.

Nous passons un pont romain que je crois être le Pont de la Margineda.

Photo : Non ce n'est pas le bon pont Romain !

 

Nous marchons, le cœur n'est plus à la course, il fait chaud et nous ne voyons toujours pas de ravitaillement.

Emmanuel n'a plus d'eau et nous partageons ce qu'il me reste au rythme de 2 gorgées chacun toutes les 10min.

 

Nous croisons enfin un pointage avec des jeunes bénévoles, elles nous proposent des tucs et du pain de mie, mais elles n'ont pas d'eau à nous offrir. Aussi elles nous annoncent 40 min pour le ravito.

 

Nous alternons course et marche en plein midi, il fait vraiment très chaud, le soleil ne nous épargne point, nous longeons maintenant un cours d'eau canalisé, même si l'eau ne parait pas potable elle nous fait envies. Pour finir les casquettes y seront trempé, ce qui permettra de faire tomber la température 10min...

 

D'un coup plus ce ciment, plus ce cours d'eau à la place un dédale de roche en plein soleil. Cette roche qui renvoie  toute la chaleur déjà accumulé nous étouffe un peu plus.

Nous ne nous disons plus rien depuis déjà quelques km, comme une évidence nous acquiessons ces montées et descentes qui font mal aux jambes.

Nous espérons en voir la fin, nous retournons sur le bitume...

 

Des bénévoles avec une bouteille d'eau fraîche tendue vers nous. Des coureurs arrêtés qui attendent le bus pour les récupérer.

On se fait expliquer : il reste 4 km à faire pour arriver au ravitaillement du pont de la Margineda, après personne ne sais pour le moment. Nous sommes au 54ème km 2900m+ et 3500m-.

Nous rendons notre puce sans regret. Je pars chercher à la station service juste en-dessous des bouteilles d'eau pour nous réhydrater.

Nous nous assoupissons par moment adossé au muret.

 

Je repense déjà à tous ces bons moments là-haut à essayer de toucher le ciel ! Vivement que je retrouve mes sentiers, mes montagnes...

 

Ce que j'ai le plus aimé... Même si j'en ai bavé la deuxième montée !

Ce que j'ai le moins aimé... Ne pas pouvoir communiquer, j'ai bien essayé, mais je n'y suis pas arrivée.

Et si c'était à refaire... Dans le même format, pas plus de monde car déjà ça bouchonnait dans la descente.

 

Je voulais spécialement remercier Valérie et Gérard : pour leur accueil, leur professionnalisme dans l'organisation et la gestion de tous les aléas rencontrés lors de cette première édition. Le parcours en entier doit être magnifique.

Photo : L'organisation avec au centre Gérard et Valérie.

Merci à tous les bénévoles qui ont su nous encourager.

Merci Emmanuel de m'avoir « accompagné ». Et merci à tous ceux que j'ai croisé.

Photo : Le joueur de Corne muse.

 

 

 

 

Sandrine...74 UFO !

3 commentaires

Commentaire de taz28 posté le 08-07-2009 à 22:41:00

Tes récits sont toujours un bonheur à lire Sandrine, merci pour ces mots, ces lignes qui traduisent ton plaisir en course...

Je n'aurais pas aimé subir cet orage en montagne...Tu es bien une Savoyarde courageuse!!

Taz

Commentaire de millénium posté le 09-07-2009 à 17:00:00

superbe !
bravo miss

Commentaire de Théophile posté le 09-07-2009 à 18:10:00

Bravo quand même d'avoir fait tout ce chemin sous le déluge !!

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Accueil - Haut de page - Version grand écran