Récit de la course : Trail des Forts du Grand Besançon 2009, par seapen

L'auteur : seapen

La course : Trail des Forts du Grand Besançon

Date : 10/5/2009

Lieu : Besancon (Doubs)

Affichage : 2764 vues

Distance : 35km

Objectif : Pas d'objectif

6 commentaires

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Trail des Forts (fortiches)

En perspective, dans une semaine un trail, celui de Forts du Grand Besançon. Il est là posé. Je ne sais pas si c'est moi qui l'observe ou l'inverse l'air de me dire : Alors tu vas y aller ?! sur mon circuit, gravir mes cinq côtes successives pour un total de 1600 + et un peu moins en négatif sur une distance de près de 35 kms avec mes sentiers par endroits très techniques. 

 

Il me nargue, me provoque. J'ai tout de même un compte à règler avec lui. Il m'a eu les deux dernières fois.

 

Il m'avait séduit les deux premières en me confiant le plus confortable et en me masquant le reste. Autrement dit sur une plus courte distance et un moindre dénivellé je m'étais donné par deux fois généreusement et un peu inconsciemment ce qui a le don de vous transcender dans l'effort. C'était il y a quelques années et les conditions qui m'avaient amené à courir étaient très favorables. J'étais bien entraîné les mois qui précédaient par une série de courses nature dans le haut Rhin qui avaient suivi un entraînement hivernal maintenant l'état de forme. Celles ci avait amené cet état au top niveau, celui où l'on "performe" le plus, graduellement.

J'avais fait vraiment fort.

Déjà la distance et le dénivelé avait changé lors de la deuxième expérience mais je ne l'avais pas intégré mentalement et en avais fait fi. Mais ça avait fontionné tout de même.

 

Les deux essais suivants espacés d'une année ont vu sérieusement la dénivelé augmenté mais par manque de rigueur concernant l'étude sur papier d'avant course je n'en avais pas tenu compte.

Cette différence n'est pas significative en soi mais elle l'est pour moi car elle se situe au delà de la limite de mes possibilités.

Jusquà un certain point, la course peut se faire normalement mais dépassé celui-ci toute longueur suplémentaire ou augmentation de dénivelé rend celle-ci différente et d'une autre dimension même si celà ne semble pas grand chose. 

 

De plus restant dans une logique de "je reste sur mes acquis" ou "je l'ai fait 2 fois, je la ferai 3 fois" et ne me repositionnant pas sur le vécu du moment "entraînement-forme-compétitions effectuées" je fais l'erreur de partir gagnant sur une course non réévaluée et de ce fait mal préparée sinon pas préparée du tout ; en somme j'y vais en touriste, je pars à fond et je tiens jusqu'au bout.

 

Ce qui amène inévitablement à se "planter" ou à "se prendre le mur" et c'est ce qui s'est passé pour le troisième et quatrième essai où respectivement j'abandonne au premier tiers de la course et au deuxième tiers. Cependant je ne les ai jamais considéré comme des échecs car rapidement réestimés et réévalués par rapport au contexte réel. Autrement dit des courses rendues un peu inaccessibles et qui font réflechir. Si j'avais voulu arriver au bout et j'aurais pu, j'aurais dû courir plus sagement et certainement pas avec les ambitions des deux premières gagnantes mais en tenant compte des vraies conditions d'environnement qui m'y préparaient.

 

Je suis donc très méfiant ces jours qui me rapprochent du départ. Et pour celà je remet mon inscription éventuelle au tout dernier moment. Je n'ai pas envie de me planter une troisième fois.

Le but serait vraiment d'arriver au bout en gérant la course au mieux et d'avoir la sensation tout du long d'avancer sans vivre  des moments "galère" ou des incidents voire accidents.  Pas d'autre alternative pour réussir ma course. 

Curieusement je ne suis pas spécialement ravi de l'effectuer cette grande course. ça ne m'emballe pas spécialement de la faire. Autant j'ai eu un plaisir "fou" à courir les deux dernières petites courses du Creux de l'enfer et du Pont du diable autant celle-ci, d'avance je sais qu'elle ne m'apportera pas ces satifactions.

Parce qu'une course, on ne l'a pas fait seulement pour elle-même. Toutes une série de motivations interviennent, telle que passer un bon moment à la campagne, une sortie en quelque sorte ou alors se baigner dans un environnment de "foule" ou encore participer en étant acteur mais aussi spectateur de l' événement.

 

Cette fois-ci seule ma motivation est de relever le défi que je me suis fixé. Parvenir comme je l'ai dit à la réussir comme les 2 premières éditions même si je n'atteins pas leur niveau de performance. Celà effacerait parce qu'ils sont toujours présents des échecs qui n'en sont pas et déobscuriserait l'avenir. C'est finalement aussi simple que celà.

A vrai dire je resterais bien "chez moi" à profiter du temps libre d'une toute autre manière mais cette unique motivation l'emporte sur tout.

Mais je reste dans l'interrogation jusqu'au dernier moment bien que je sente déjà quelle décision je prendrai, elle est encore trop "au fond" pour que je puisse me l'avouer ou je n'ai pas envie de la dénicher car celà me ferait prendre un risque à trop m'engager. 

Je serai de la partie.

La veille le dossard est pris. J'ai la ferme intention de mettre les atouts de mon côté question de courir sagement et en premier lieu effectuer la 1ère partie relax. Pas question de m'emballer pour me "payer" ce qui serait un véritable mur dès passé le 1er ravitaillement.

 

Je pèche certainement par la prise d'un alimentation trop conséquente les deux veilles qui précédent mais ça va je ne commet pas l'irréparable. Bonnes nuits de repos et peu de déplacements physiques m'assurent quant à me préserver d'une dépense éventuelle d'énergie.

J'ai aussi l'intention de ne pas trop m'auto-alimenter sur mes réserves personnelles de boisson et d'aliments énergétiques durant la course pour éviter une saturation. Je profiterai des ravitaillements pour faire vraiment une pause et me nourrir de produits divers en petite quantité sans oublier les aliments salés. On peut donc voir que j'ai pris de bonnes résolutions mais qu'en sera t'il pendant la course ?

J'ai tellement ressassé celles-ci que je ne me vois pas y déroger.

 

Le temps reste inchangé. Couvert et souvent des percées au travers desquelles le soleil apparaît. Celà reste spécial cependant car à l'ombre le fond de l'air très frais prend vite le dessus, il en résulte même des sensations de froid ; à l'inverse lorsque le soleil est présent il fait chaud et lourd. Il ne reste qu'à espérer que le ciel ne se videra pas de ses nuages gage d'une atmospère acceptable pour courir.

 

L'environnement restera exceptionnel, les alentours de la ville tout de bois et de prés, seulement entachés des villages limitrophes débordent de verdure jusqu'à ses limites. Après le départ du site sportif naturellement accueillant on naviguera entre les monts afin d'établir leur liaison que l'on aura gravi et sur les crêtes toutes dégagées et aussi dans les sous bois en admirant dans un premier temps les méandres de la rivière ; le but étant de relier des Forts ou ce qu'il en reste jusqu'à l'arrivée en hauteur par un début d'ascension sous couvert pour un finish que l'on soupçonne qu'il se fera à la peine sur les dernières pentes herbeuses et enfin se laisser aller sur 2 kms en pente douce descendante. Les points de vues superbes nous feront survoler tous les environs avec une vue splendide sur des parties de la grande ville. 

 

Ben, voilà certainement une deuxième motivation de faire la course ?  Ben non ! tout simplement parce que je baigne en permanence dans ce décor. C'est chez moi que se déroule le trail. Ah! je ne vous l'avais pas dit. Le départ à quelques centaines de mètres. Génial non ! Pour une fois celà changera des conditions extrèmes à celle-ci qui m'amènent quelquefois à quelques 150 - 200 kms avec une météo pas folichonne (lire récit trail de welche 2008).

Curieusement lors des versions précédentes je procédais exactement de la même manière que pour une course à l'extérieur. J'arrivais sur les lieux un heure avant avec tout mon fatras habituel et je me confondais avec les coureurs venus de toute part.

Cette fois c'est décidé je pars au dernier moment juste une petite demi-heure avant le départ en trottinant par le sentier qui me verra déboucher du petit bois juste au-dessus du grand domaine réservé au départ. Pas de raison de ne pas profiter de ce privilège là. Et c'est ainsi que je me mêle à la masse des coureurs qui depuis longtemps ont envahi la zone.

 

A cet instant j'y suis vraiment et ai seulement la sensation que je vais effectivement faire la course. une minute avant ? ce n'était pas le cas. C'est dire que je réservais ma décision. Je constate que je me sens bien, confiant. Je revis les moments vécus lors des dernières expériences sur ce circuit et pense éviter les écueils qui pourraient tout gâcher. Je sais en tous cas ce qu'il ne faut pas faire et espère qu'une gestion raisonnable suffira à gagner la partie.

Une chose cependant que j'ai bien pesée, celle de courir une semaine seulement après un 11 kms et 22 kms nature. La récupération s'est passée normalement et je ne pense pas avoir cumulé de la fatigue. Si c'est le cas j'opte pour penser que celà débute seulement à ce moment de la saison donc pas suffisamment pour empêcher que les choses se passent normalement.

 

Et c'est le départ de cette course que j'ai vraiment l'intention de démythifier. A nous deux ma belle !

Une longue enfilade de coureurs parcourt les pelouses du site avec des tours et des détours ce qui permet  dans un 1er temps l'étirement nécessaire du peloton. Excellente poursuite de l'échauffement. puis nous sortons de l'endroit sur un long faux plat longeant le boulevard toujours sur herbe. 15 minutes ont été nécessaire pour parcourir ces premiers kms. l'approche du petit bois se fera par un sentier dont la pente augmentera progressivement. Ainsi nous atteignons le chemin régulier jusqu'au sommet de la première difficulté coupé par deux fois de pentes plus raides directes assez courtes. Le ralentissement est inévitable quand le sentier devient monotrace. Tout le monde est très concentré, bien concient de la difficulté à venir.

Au sommet c'est le bouchon dont chacun se satisfait. Il permet de récupérer en progressant lentement. Personne n'a l'air de s'en plaindre même ceux qui font la course en équipe et font nettement la différence en vous doublant rapidement. Ils sont peu nombreux car tous les coureurs ont su rapidement trouver leur place.

La descente se fait sur chemins et sentiers plus tortueux. La traversée d'un pré-clairière annonce le chemin de la deuxième partie de la descente que l'on parcours plus rapidement parce que moins pentu. Puis les espaces dégagés entre les deux monts. Déjà l'on se prépare à grimper le deuxième lors du cheminement sur la petite route de liaison. Récupération en gardant le rythme bien mesuré. Ne pas trop en faire.

Ascension régulière par sentiers avec des portions raides qui permettent de gagner en dénivelé. Sous couvert et jusqu'au bout la régulation de l'effort m'installe dans une routine. J'ai le sentiment d'avancer sans désagréables sensations. Tout va bien. Arrivée au sommet, traversée de l'espace dégagé et amorce des sentiers qui préparent à une descente précédée de faux plats. Plus je progresse plus la pente est raide. Attention à ne pas confondre vitesse et précipitation. On a vite fait de s'emballer si l'on ne prend pas conscience de l'évolution de la pente qui se renforce.

Bientôt les premières maisons nous font aborder le village sous un angle séduisant. Il est agréable de traverser ce quartier qu'on ne peut deviner depuis la route qui traverse le village.

Les premières sensations de l'effort fourni se sont fait sentir sur cette descente et l'organisme a réagi en contre coup de ceux founis précédemment notamment lors des montées. déjà 450 positif tout de même.

Dans la tête c'est passé rapidement. Et c'est bientôt l'arrêt au 1er ravito. je suis dans mes temps et donc ça se passe comme je le voulais. L'arrêt dure 3 minutes et j'ai pris soin de faire ce qu'il faut. Pas d'emballement.

Je repars pour affronter presque de suite un bon dénivelé en deux fois car entrecoupé par une courte descente. Le point de vue s'offre mais je le dédaigne. J'en ai pris conscience une seconde trop tard. De toute façon je ne suis pas là pour ça. J'apprécie cependant l'endroit.

A ce moment de la course je ne me plains pas. Je continue et après avoir dévalé prudemment la descente remonte pour terminer cette 2ième partie de 3ième grimpette.

Sans arrêt dans un chemin qui s'élève sans interruption avec des raidillons et des faux plats montants il faut adopter son rythme. Je prends conscience que celà peut finir pas user. Mais pas question de trop ralentir, alors on "bouffe son énergie". Le passage d'un hameau coupera ce rythme infernal dans une pente qui semblera plus douce et même en empruntant un bout de route qui soulagerait presque mais ce sera pour mieux repartir dans les sous-bois où les sentiers deviennent plus techniques. Pas de régularité du tempo perceptible dans ces sentes sinueuses dont on apprécie mal le vallonnement brutal.

Je suis sorti depuis un moment des premiers instants qui voyaient la course facile. Maintenant je suis en plein dedans et sens la difficulté à travers tout l'organisme. J'ai la sensation des muscles qui travaillent, des articulations qui sont vaillament sollicitées, des pieds qui encaissent sous le chos des foulées.

J'ai la sensation aussi de mes chaussures jusqu'à leur amortissement. A cet instant je le ressens bien et suis presque étonné de sa douceur.

Cependant je pense déjà au passage de la cascade qui coupe en deux pratiquement en son milieu la partie entre les deux ravitaillements principaux. Normalement elle devrait s'annoncer mais c'est l'approche vers un deuxième petit village qui s'amorce avec un passage sur chemin caillouteux qui change totalement le rythme de course. Pour la première fois on prend un rythme régulier et je m'installe dessus. La sensation d'avancement est plus perceptible mais ça ne dure pas, tout de suite la balade infernale reprend. Les sentiers cabossés et recouvert de pierres et de racines doivent être bien négociés sinon c'est la chute par déséquilibre ou accroche de la semelle.

On en dépense de l'énergie, mine de rien.

Et là je me souviens de l'avant dernière fois. A ce niveau je m'étais tellement peu économisé jusque là que je m'étais mis à transpisrer abondemment ce qui était très mauvais signe. Mon rythme d'alors était trop soutenu depuis longtemps et j'en payais les frais. J'ai pensé de fait que celà me serait difficile d'aller très loin et les idées d'abandon me venaient à l'esprit.

Ce qui fut fait peu après.

 

Je constate donc mon état et l'évalue nettement différent. J'envisage l'avenir avec confiance. La descente dans le pré un peu glissant qui nous permet de traverser le ruisseau se fait prudemment et j'envisage alors de faire une pause de quelques secondes vu qu'un ravito-eau est installé. Bonne surprise. La préparation mentale de la rude ascension qui m'attend est en cours. Je souffle, je soulage mes jambes et le rythme cardiaque tombe. Pas de très haut. Nous en sommes exactement à 18 kms et il en reste 17. Je note mon temps 02h 14 de course. Je repars à 02h16. J'ai décidé d'utiliser tous les repères possibles même chronométriques, je veux savoir à chaque instant où j'en suis, ce que j'ai fait et ce qu'il me reste à faire en estimant au plus juste mes possibilités, mes sensations. Je suis vraiment concentré sur ce point et finalement cette volonté est tout simplement reliée à ma principale motivation de course puisqu'elle en est la conséquence.

 

La grimpette est là devant, un chemin de montagne alpine. Le coin est superbe. Un décor encaissé avec des ouvertures. Vite je suis réduit à marcher. On forme une file indienne, le rythme d'ascension est un, tel celui des chenilles processionnaires. Inutile de forcer à essayer de courir celà ferait tache, pas question de me faire remarquer, je me moule à l'environnement, je fais corps.

Et l'on arrive sur une petite route que l'on emprunte sur la gauche en descente sur quelques dizaines de mètres pour reprendre le sentier ascentionnel qui nous amène sur les sommets de la falaise que nous allons longer un bon moment et ensuite s'enfoncer un peu à l'écart, d'abord à travers les arbuste et dans les couverts, toujours par chemins et sentiers exigeants quant à l'effort à fournir pour les parcourir.

 

J'ai à ce moment rempli la première partie du contrat; dépasser la limite du premier abandon dans un bon état.

Pas un instant de répit. Il faut continuer, aller de l'avant. Tous ceux qui m'accompagnent ne sont pas différents de moi. Je remarque les marques de l'effort sur leurs visages, dans la manière heurtée de courir, de souffler, de relancer, de ralentir jusqu'à marcher. Celà devient bien dur pour tout le monde. je me dis cependant que je suis dans la course et c'est le principal.

 

Jusqu'au prochain ravitaillement dans quelques kms le profil est semblable. Il reste difficile bien qu'il n'offre pas de dénivelés conséquents ou de difficultés quelconques comme des accidents de terrain. Impossible de s'installer dans un rythme vraiment régulier car tout changement de nature du sol amplifie l'encaissement par l'organisme des efforts qui sont maintenus au maximun afin de soutenir l'allure pas si élévée que celà.

On rame on rame tel les rameurs des temps antiques dans leur galère. Heureusement sans le fouet. Pas à se plaindre, on a signé. 

Passage au monument de la libération. Du public, les touristes qui visitent le site voit nos têtes et quelles têtes ! nous offrons à leur vue lors de la montée de 400 m qui précède. Dans cette passe on accuse de nouveau le coup et on marche d'une façon presque lamentablement miséreuse. De pauvres hères sans but. Le constraste d'avec les touristes est saisissant. La maîtrise du terrain est difficile et réserve toujours des surprises. A ce moment c'est le cas.

Passé le cap, reste 2-3 kms pour atteindre le ravito n°2. Un peu de baume au coeur à cette idée. Le chemin redevient normal, peut-être plus roulant et reste agréable surtout lors de l'approche du bourg où se masse un nombreux public bien avant l'arrêt salutaire. C'est là que je fais le point.

C'est certain, dans la montée qui le précède je sais que je continuerai. Donc deuxième partie du contrat rempli. Bravo. J'encourage même une relayeuse qui file dans le plat mais bloque dans les montées. Je la renseigne sur l'arrivée pentue et lui conseille de se préserver sur le plat pour bien l'aborder au mieux. (de quoi je me mêle ? mais j'ai cette prétention de lui être utile. Lui filer un bon tuyau quoi !. Elle a l'air de bien m'entendre et recevoir de manière sympatique mes propos).

 

Arrêt au stand. Il y a foule. Il faut trouver son chemin. La meilleure façon d'oeuvrer : se laisser conduire. Pas de problème, tu ne réfléchis pas et tu vas là où il faut. Bien organisé, il n'y a pas à dire. Je procède comme au premier ravito très méthodiquement, effectue même quelques mouvements de jambes.

03 h 16. Repart. (le repart désigne un départ après le premier départ)

Cette deuxième partie a été très éprouvante mais j'ai encaissé. A un moment je me suis fais une grosse frayeur. Ma cheville est partie en vrille. La gauche, sur l'extérieur. Pliure dépassant 45°. Les tendons tellement chaud et en pleine forme ont réagi comme des élastiques. C'est revenu en place en ayant instinctivement pris appui sur l'autre jambe ce qui m'a permit de ne pas tomber d'abord et de soulager la cheville. Un vétéran que j'accompagnais vêtu d'un maillot blanc sur le dos duquel on pouvait lire une inscription sur un championnat de France de semi-marathon me suivait à une encolure. Il n'a pas eu le temps de "moufter" tellement les choses se sont passées vite. L'air de rien quoi ! Près de l'arrivée au ravito tout en courant je ne me suis pas retenu de lui en parler. J'avais quand même la sensation d'être passer à côté de quelque chose de "dur", l'accident bête et méchant qui gâche tout. Il a souri d'un air entendu.

 

J'envisage sereinement le restant de la course. Pourtant 11 kms restent à parcourir. J'ai une petite pensée pour la partie dans le bois en dévers qui tortille entre les arbres. L'idée que le terrain est praticable renforce ma confiance.

J'avance donc inexorablement. Je suis tellement dans ma bulle que rien ne vient me perturber. Les kms se passent. Je ne ressens pas de difficultés particulières sinon celle de l'effort soutenu. En fait celà se passe plutôt mieux qu'au milieu du parcours. J'ai dépassé un certain stade et atteint le palier où je suis plus capable d'endurer. Les chemins et sentiers suivent pratiquement la courbe de niveau et je me prépare à affronter la partie en dévers. Je constate alors que je pourrais bien l'avoir atteint déjà et m'en félicite mais j'attend de voir la suite.

En effet c'est alors la jonction avec le chemin, celui qui part des rives du Doubs direction le fort via le château médiéval. Bonne surprise. C'était l'objectif à atteindre pour appréhender enfin le final que je connais bien.

La pente s'annonce et rapidement je suis contraint de marcher. Dommage. Effectuer une première partie en courant m'aurait rapproché plus rapidement de l'arrivée. C'est terrible. Je n'ai plus les jambes pour ces presques quelques deux cent positifs restants. Ceux qui m'accompagnent non plus d'ailleurs, si ça peut me consoler. Ce n'est pas tant ça, nous faisons corps, nous soutenons mutuellement. C'en est bénéfique. On est tellement positif que l'un d'entre nous fait remarquer que ce serait pire si le ciel était dégagé et laissait le soleil nous étouffer. On a de la chance finalement.

L'approche du château médiéval par la pente qui se durcit s'effectue. Le passage près de celui-ci permet d'espèrer souffler, bien peu malheureusement.

 

Tiens ! des médiévaux réssuscités, sortis des ruines, essaient de nous faire sourire. En vain. Peut-être leur manque-t'il le talent ?... (humour). Si encore ils avaient mis des clochettes autour du coup, ça nous aurait fait un peu de musique ! (re-humour). En tous cas ils ont l'air de bien s'amuser entre eux.

(un lecteur avisé : autant essayer d'amuser les traileurs avec des clopinettes). (2ième lecteur avisé : difficile dans ces conditions de s'ouvrir à l'environnement festif) . (3ième lecteur avisé : à ce moment de la course je vois bien un orchestre classique joué La Marche Funèbre de Chopin plus adaptée au rythme des coureurs). (4ième lecteur avisé : sûr. ça leur mettrait du baume au coeur).

 

Puis c'est la traversée de la cuvette où nous tenons un rythme de course. Nous entamons enfin la dernière montée, en marchant. Plus on s'élève plus la pente s'accentue. Il faut même à la fin sur la partie herbeuse fournir de gros efforts pour progresser et constater que l'on marche. 

Enfin le sommet des sommets.

Le restant, près de deux kms ne font plus peur. Je sais que je les passerai. Comment ? je ne sais pas mais je les passerai.

Le problème sur le plat maintenant est de repasser en style course pied. Je suis tellement engoncé dans celui de la marche que ma volonté si elle n'est pas forcée est impuissante. Alors je passe en vitesse supérieure mais il me faut tout de même 200 mètres pour faire la transition et enclencher la vitesse qui me voit courir.

"ça y est". C'est reparti. Irrésistiblement c'est l'envolée pour le final. La sensation de bien-être est totalement recouverte par la dureté de l'effort mais c'est bon quand même. Le chemin est faux plat descendant et rend la course moins difficile. Tous les coureurs devant, derrière ont suivi exactement le même shéma. Tous unis dans un même élan qui nous emmènent vers l'arrivée.

Le chemin devient route et passent entre les premières maisons du village d'accueil. La pente s'accentue encore et donne l'illusion que nous fonçons ainsi l'image des coureurs arrivants est sauve. Nous pouvons alors comme poser comme il faut d'une manière décente pour une improbable photographie. 

Qu'est-ce que c'est bon de passer la ligne. Top : 04h 26mn. J'ai rempli la troisième partie du contrat et ainsi gagné mon pari. Cette course vraiment difficile, je l'ai faite. J'ai atteint le but que je m'étais fixé. J'ai bouclé la boucle des victoires faciles et celle des désillusions. l'accord maintenant est parfait.

 

Les retrouvailles avec mon accompagnatrice qui m'a supporté sur deux points de parcours et la dégustation ensemble d'un bonne bière pour savourer l'événement et le sentir pleinement.

C'était le trail des fortiches. Parce qu'il fallait être fort. Celà se sentait bien dans les commentaires des coureurs d'après course.

Merci aux organisateurs et bénévoles.

Une petite lecture du premier récit sur le Trail des Forts de Besançon s'impose et offrira certainement une autre dimension de cette épreuve tant que celle-ci n'en soit pas simplement une répétition. A vous de juger.

 

6 commentaires

Commentaire de Lucien posté le 13-05-2009 à 20:30:00

Le problème est que je t' ai apperçu à Morre mais comme j' etait bloqué avec la voiture je n' ai pas pu t' encourager ( fait chier ). A Montfaucon je n' ai pas pu rester alors je n' ai pu te féliciter. J' ai passé un super dimanche en tant que spectateur ert je voit que toi aussi par ta réussite. Ton cr est super et je me demandait si je n' allait pas la refa

Commentaire de Lucien posté le 13-05-2009 à 20:37:00

J' ai été intérrompu, je disait que j' aimerait la refaire un de ces 4. Bravo seapen pour autant de bravoure. Salut.

Commentaire de Petchou01 posté le 14-05-2009 à 16:21:00

Bravo Seapen pour avoir conjuré le mauvais sort.
Toujours aussi réaliste tes crs, je me suis revu une année en arrière sur ce trail costaud...
Bonne récup et au plaisir de te relire.

Commentaire de bluesboy posté le 14-05-2009 à 23:08:00

Bravo Seapen ,les années se suivent mais ne se ressemblent pas .Ton récit correspond au profil de la course (vu sur le site),il semble qu'il n'y ait que peu de moments pour souffler ,mais çà ne me décourage pas de tenter ce trail l'an prochain

Bonne récup

Commentaire de Gibus posté le 21-05-2009 à 00:21:00

Bravo d'avoir terminé ce trail éprouvant par son relief.
Une belle balade que nous avons fait là.

Commentaire de djadjej posté le 27-05-2009 à 11:18:00

pas mal le compte rendu le mien est sur mon blog
http://www.djadjej.skyblog.com

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